Médecins de la Grande Guerre

Dr Paul De Backer

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Le Docteur Paul De Backer

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Paul De Backer, 1914

Paul De Backer, 1918

De gauche à droite : Père Kenis, vétérinaire Casters, Dr Herberg, Major Tournay, Dr De Backer


Cher Confrère, N'étant pas relié à Internet, je charge mon fils Marc, de vous dire combien j'ai été touché par le texte que vous avez rédigé concernant le "Journal de la guerre 14-18" de mon père et l'éloge que vous avez fait de lui. Merci ! Sentiments amicaux !
Dr. Jean DEBACKER



Paul De Backer, 1914

Source: 
Paul De Backer, journal 1914-1918. ( Le lecteur intéressé peut trouver cet ouvrage au Musée de la Radiologie, Hôpital militaire Reine Astrid, rue Bruynstraat, 2, 1120 Bruxelles, 0032/2/264.40.97) 

Le journal de Paul De Backer est intéressant à plus d'un titre. L'auteur, se livrant sans crainte de la censure dans son journal de campagne et écrivant sans emphase, nous permet d'appréhender les  sentiments  éprouvés par un jeune universitaire engagé malgré lui dans l' aventure tragique de la Grande Guerre.. Le lecteur fera ainsi connaissance avec cette interminable succession des phases de résignation aux phases de révolte qui caractérisa l'humeur des hommes au front dont le Paul De Backer fut un des courageux représentants. Le récit de ce médecin  possède aussi une grande valeur historique car il contient des témoignages non censurés sur ce que furent  les conditions de vie dramatiques  imposées aux soldats belges qui se trouvaient punis dans les compagnies de discipline et de réhabilitation.     


Paul De Backer, 1918

Paul De Backer, 1918

La guerre de mouvement

Le 1er août, Paul De Backer reçoit sa feuille de route. Il rejoint l'hôpital militaire de Gand où il  est attaché au 22ème régiment.  L'anecdote est d'emblée au rendez-vous: Paul avant de quitter la ville pour le front, achète lui-même... une arme, un browning. Il fait connaissance de son chef de bataillon le major Duvivier et, le 3 août, il embarque avec son unité dans un train en direction de Tienen. Le bataillon va connaître dans les  semaines qui suivent  marches et contre-marches incessantes parsemées de quelques journées de combat qui se concluront  par l'abandon de la place forte d'Anvers et la retraite de l'armée belge vers la côte. Le jeudi 8 octobre, Paul est embarqué pour Ostende puis est dirigé sur le petit village de Houttave où il cantonne jusqu'au 11octobre date à laquelle le bataillon se dirige vers Middelkerke. Le 12, Paul peut se transformer en touriste puisqu'il visite  le célèbre  puit penché  qu'il décrit comme une " vraie curiosité de Midedelkerke en béton armé qui s'est complètement penché par une poussée souterraine d'eau. Il est impossible de se tenir debout dans ce puit asséché. On aperçoit les personnes qui vous entourent complètement penchées à 30°, 40°; on se croit en réalité debout". Les vacances sont de courte durée puisque la bataillon reprend rapidement la marche en passant par  la station d'Ictegem. Dans cette gare, le commandant Mertens, blessé, fait ses adieux à ses compagnons d'arme avant d' être conduit dans le train qui le mènera à Dunkerke. La cohue sur les quais est impressionnante, les trains sont surchargés au point que  Paul  décrit dans ses notes " des civils et des militaires, entre autres un soldat nègre sur les toits des voitures.

La bataille de l'Yser

Le 15 octobre, la bataillon atteint Pervyse derrière l'Yser. Les troupes arrivent épuisées dans leurs ultimes positions. La bataille de l' Yser va faire rage pendant quinze jours. Les soldats croisent sur les routes les civils.  "Des centaines de fuyards, écrit-il, arrivent en pleurant. Rien n'est plus pénible que de voir ces gens partir en pleurant." Le bataillon s'installe pour résister à l'ennemi. Le 20 octobre, les Allemands frappent l'Yser de toute leurs forces et  Paul manque de peu d'être tué par une pluie de schrapnels.
Trois soldats sont grièvement blessés, deux ont des balles dans le ventre, un 3ème dans la fesse. La journée est tragique; Paul apprend  que ses confrères, les Drs Adam et Van der Schelde, un aumônier et un brancardier ont été tués. Le Lieutenant Ossel fait quant à lui appel à ses services. Le docteur accourt en vélo au milieu des obus et schrapnels. "Pendant une heure, se souvient-il , les brisants tombèrent à quelques pieds de nous. Ce moment a été un des plus terribles pour moi. Pendant une accalmie, j'ai pu constater que le brancardier couché dans sa tranchée avait été tué par un éclat d'obus. J'ai fait enterrer le brave garçon. Le soir je retourne près de la meule. Je m'endors pendant une couple d'heures. Je me réveille transi de froid. Nous sommes relevés et partons cantonner dans une grande ferme au delà de Perviyse ("De Groene Poort") ." 

Le 22 octobre, le bataillon est violemment attaqué sur ses positions du Schoorebak. Derrière les tranchées, le poste de secours est situé dans une ferme. Paul voit un blessé courir vers lui, le menton pulvérisé. Son témoignage est poignant: "Il saigne terriblement. Je cours vers lui avec un pansement mais le blessé le rejette en crachant tout le sang qu' il avait dans la bouche sur mes habits et ma figure. Il ne sait parler et écrit sur un morceau de papier qu'il est étouffé. Horrible! On fait un pansement sommaire et on l'évacue." A un moment de la bataille, les médecins pensent être faits prisonniers mais le front résiste. Le 23, la ruée de l'ennemi reprend et  les blessés affluent à nouveau au poste de secours. Le 24, le 22ème bataillon épuisé se reconstitue derrière l'église du village de Pervyse. Chacun, avec joie, constate que 750 soldats Français sont arrivés  pour renforcer le front. Les médecins logent dans une petite maison du village. Le 26 octobre, le 22ème avec le major Lereux bat en retraite. Paul observe la scène et aperçoit  les tirailleurs allemands à genoux  tirant à 400 mètres les soldats en retraite de son bataillon.
Les débris du 22ème et du 2ème sont finalement rassemblés le long du chemin de fer  et reçoivent l'ordre de partir réoccuper les positions abandonnées. La situation est très critique. Les militaires belges  sont épuisés mais  les soldats français viennent d'arriver au front . Cette situation  entraîne une  situation tendue entre alliés. "Un simple soldat français à cheval, raconte Paul, s'avance vers nos troupes révolver au poing les adjoignant de retourner au feu et les traitant de lâches."  Malgré tout, Français et Belges vont résister et tenir ensemble la ligne de chemin de fer. La nuit du 27 au 28, les Allemands s'avancent avec un drapeau  croix rouge et blanc pour enlever leurs blessés et enterrer leurs nombreux morts.

Le 29, ce qui reste du 22ème est relevé et se regroupe derrière Boitshoek (Papegaaii, hameau de Furnes). Le bataillon est ensuite dissous et les survivants sont versés dans le 2ème qui est autorisé à rejoindre La Panne pour se reposer. Paul occupe dans cette ville une maison qu'il partage avec de braves Anversois. Il peut parler d'autre chose que de la guerre, notamment des perspectives d'avenir  qui s'ouvrent à un jeune médecin . "Le mari, signale t-il dans son cahier, est pilote depuis de nombreuses années à bord de la Red Star où il s'est acquis une fortune honorable. Il raconte que les médecins ont une belle situation à bord des navires." 

Paul en se promenant sur la digue de la station estivale de La Panne se souvient avec nostalgie de sa femme  et de son père."Cet endroit, écrit-il, a énormément été amélioré, embelli depuis que j'y suis venu avec feu mon brave père. Il me fait penser à ma brave Denise à laquelle, il faut l'avouer, je n'ose pas trop souvent penser, pour ne pas être lâche devant le danger. Je la revois en ce cher endroit revenir, étant petite, tous les ans avec ses chers parents." 

Les officiers sont souvent  exigeants et peu reconnaissants envers médecins et brancardiers

Le 3 novembre, les médecins et aumôniers quittent La Panne pour le village de Wulpen où ils occupent la maison d'un cantonnier. Le 10 novembre, le bataillon repart en ligne à Pervyse. Le détachement médical occupe 5 maisons, route de Boitshoeck. Le 11, le Commandant G envoie à Paul un billet réclamant la visite du médecin dans la tranchée. Paul impose que ce soit les malades qui se déplacent et non le médecin car il vient d'apprendre peu de temps auparavant que ses confrères,  "les Drs Adam et Overschelde ont été tués en faisant à 7h. du matin la visite (coliques, rhumatismes, carottes etc. )!!!"

Le 15 novembre, Paul est en repos à Wulpen. Le 17, il occupe une ferme le" Zuidhof" à 300 mètres des tranchées. Certains officiers, comme l'officier "B" apparaissent au jeune médecin comme étant  très exigeants envers le corps médical médecins. "Il apparaît de plus en plus, signale Paul, qu'en général la valeur de l'officier B. se distingue surtout par le fait qu'avant de se rendre au combat ou même aux tranchées, il se préoccupe surtout de savoir si les médecins et les brancardiers l'entourent. Pour satisfaire les officiers, il faudrait dans ces conditions qu'il y ait au moins  un médecin par peloton surtout quand les troupes avancent ou que des sections vont aux avant-postes. Le courage des brancardiers n'est jamais admiré. Je ne sache pas qu'à ce moment, un seul ait été promu pour un avancement ou une distinction." Paul mentionnera souvent dans ses cahiers l'injustice dans lequel furent  maintenus les brancardiers pendant les premières années de guerre.. Beaucoup d'autres membres du service de santé (comme le brancardier Glatigny sur lequel  le lecteur dispose d'un article sur ce site)  confirmeront cette iniquité dans leurs écrits.

Le 18 novembre 14, Paul constate à la visite médicale que " les hommes sont très sales ; le linge est généralement très malpropre ; de la vermine est constatée ; poux d'habits, gale, pediculi pubis. Beaucoup de volontaires semblent être démoralisés".

Le 19, amer, Paul de son poste de secours situé à l' Oosthof, constate la position difficile des médecins rappelés et " le peu de souci, écrit-il, qu' ont les médecins militaires pour les médecins ff. de bataillon, qui sont laissés à la merci des chefs de corps et de bataillon. Toujours des réclamations contre le corps médical, mais les officiers s'occupent très peu de leur donner quelque facilité, même pour l'exercice de ses fonctions. La mentalité de l'homme reste la même en temps de guerre qu'en temps de paix. Il ne s'occupe du médecin que lorsqu'il en a besoin." Comme pour confirmer ses dires, le soir, un sergent vient de lui  communiquer l'ordre que  lui-même, son porte-sac Hersens et l' abbé Mathys devront désormais  se contenter comme matériel de couchage d'un seul lit à ressort pour laisser de la place au 2ème ordonnance de Commandant.

Le 24 novembre, le bataillon quitte le front pour le grand repos à La Panne. " Nous entrons, musique en tête, dans la Panne, au pas cadencé, écrit  Paul. Pour la première fois, continue t-il, la musique nous accompagne, cela relève le courage de tous.(...). Arrivés près de la digue, le régiment s'arrête, on fait le salut au drapeau; les clairons sonnent, les officiers mettent sabre au clair; les soldats présentent les armes. Cette scène est si touchante que les larmes me montent aux yeux".  

Le premier décembre, toujours en repos, le Dr De Backer lit un article du " Petit Parisien" sur le Service médical français qui défend de ramasser les blessés de jour. Paul pense alors à " l'étrange contraste avec le service médical belge où les médecins et brancardiers doivent soigner sous le feu de l'ennemi et en plein jour les blessés et les transporter, se faisant tuer de la sorte, pour être récompensés par les plus vives critiques des officiers belges."

Un peu plus tard, Paul retrouvera un autre motif d'être irrité. Cela se passe à  l'auberge "In de klok" où il rencontre autour d'une table  d'autres officiers. "Comme toujours la conversation, écrit-il, roule sur le corps médical; un officier, qui probablement ne m'a pas remarqué, parle encore d'un endroit où il s'est trouvé où il n'y avait pas de médecin ni de brancardier. Encore une fois ces Messieurs voudraient qu'un médecin et 4 brancardiers soient partout alors que dans un bataillon de 700 hommes placés sur une étendue de plusieurs hectares, il y a parfois une centaine de blessés. Comme toujours, chaque officier voudrait avoir un petit corps médical autour de lui, et la plupart oublie qu'ils sont en guerre et ne doivent songer qu'à verser leur sang pour la patrie si c'est nécessaire; ils voudraient au contraire être bien plus vite soignés qu'on ne pourrait l'être en temps de paix."

France et Angleterre sont aux petits soins pour nos blessés

A La Panne revinrent à  cette époque les premiers soldats belges blessés qui avaient été évacués et soignés en Angleterre ou en France. Paul en rencontra deux qui lui vantèrent la qualité de l'accueil qu'ils avaient reçu. " Le blessé au doigt, raconte-t-il, a été soigné en Angleterre où il dit avoir reçu les meilleurs soins ainsi que ses compagnons. Les Anglais se disputaient leur présence; tous les jours ils étaient emportés dans des automobiles de maître et devaient dîner et manger en ville; ils ne savaient manger assez. Un soldat belge est mort dans l'hôpital; avant sa mort toutes ses volontés étaient satisfaites; le fiévreux (il crachait du sang) désirant un jour entendre de la musique, un piano était rapidement amené. Les boutons des capotes étaient tous coupés, les Anglaises donnant 20 fr. pour un bouton aux soldats pauvres. L'autre soldat blessé avait été soigné en France et aussi admirablement traité."

D'autres rencontres se font pendant le repos à La Panne. Hersens, le porte-sac du docteur mentionna à son chef avoir rencontré un ami, le fils du juge de Termonde qui s'était engagé mais se plaignait amèrement de sa décision."Il est vrai, raconte Paul, que les chefs ne font rien pour adoucir la vie du soldat. Les commandants sont rares qui, comme le commandant Busine, fraternisent avec leurs hommes, les encouragent, s'occupent de leur couchette (que de difficultés j'ai pour faire changer la paille), de leur nourriture, de leurs vêtements. Les exercices qu'on fait sont à conseiller, mais jusqu'à une certaine limite. Pourquoi ne pas donner plus de temps aux hommes pour se laver et laver leur linge. Les cabinets wc sont répugnants.

Un mitrailleur allemand âgé de 15 ans pleurait à chaudes larmes quand on le fit prisonnier

Le 8 décembre le bataillon repart au front mais cette fois dans un autre secteur, celui de Ramskapelle. Trois compagnies sont placées dans les tranchées allant de l'extérieur de Nieuport à la gare de Ramskapelle sur une longueur de 2km400. Le médecin dort dans une maison du village appartenant à un brave ouvrier charretier. Celui-ci lui "raconte avoir assisté à enterrer les nombreux soldats allemands morts aux environs de Schoorbakke;il y en avait plus de 700 qu'on a mis 2 sur 2 dans de longues tranchées. Il raconte que dans le moulin de Ramskapelle, on a trouvé un jeune soldat allemand de 15 ans avec une mitrailleuse, qu'on a fait prisonnier; il pleurait à chaudes larmes."

Ramskapelle avait été prise par les Allemands et reprise, rue par rue, maison après maison par les Belges et les Français  dans des combats terribles. Du village et de son cimetière, il ne restait quasi rien. "Dans le fond, décrit Paul, on aperçoit le Christ descendu de la croix gisant aux pieds et la poitrine labourée de balles de schranells. Devant les tombes renversées, une voûte de caveau a été effondrée, on aperçoit 2 cercueils. (...). Beaucoup d'ossements gisent près de la tombe d'un capitaine mort au champ d'honneur; on compte une quinzaine de tombes de braves morts pour la patrie. Je me promène encore une fois dans les ruines de l'église et ramasse un morceau de dentelle à moitié consumée près de l'endroit où se trouvait le maître-autel."

Le 14 décembre le bataillon est transféré brutalement à Furnes puis le 15 repart tout aussi vite à la grande briqueterie de Ramskapelle où il sera de piquet. Paul fait le bilan des premiers mois de la guerre: "nous avons eu en quatre mois et demi que 15 à 20 jours de repos et j'ai été pour ma part au moins 60 à 70 jours dans le feu".

Le docteur De Backer rend hommage à ses brancardiers.

Le 16 décembre, les brancardiers du 2ème et du 4ème doivent aller rechercher des blessés. A 3h00 du matin ils parviennent à retrouver l'un d'entre eux atteint au ventre et un deuxième blessé à la main et ayant beaucoup de fièvre. Paul, après avoir  mentionner ce fait,  rend hommage aux brancardiers. " Ici, écrit-il, je me permettrai de signaler le courage de la plupart des brancardiers, qui, malheureusement sont critiqués continuellement par tous; il n'en n'est pas moins vrai qu'on les envoie, combien souvent, devant les lignes dans l'obsurité, à la recherche des blessés. Combien de fois l'ennemi les prenant pour des patrouilles a tiré sur eux. Ce poste de brancardier est parfois terriblement dangereux; il n'en est pas moins vrai que je ne pense pas que dans  notre division un seul soit décoré de l'ordre de Léopold. 

Le docteur vante ses brancardiers mais lui même a parfois de terribles discussions avec des hommes qui ne comprennent pas que leur chef ne les accompagne pas partout. Ainsi, le jeudi 17 décembre Paul mentionne: J'ai eu une vive discussion avec De Buck et Hersens qui prétendent que j'abandonne mon poste de secours à cause du danger.

Comment on vaccinait contre le typhus

Le 19 décembre, Paul vaccine à Furnes une cinquantaine de soldats contre le typhus avec du sérum antityphique de Wright à 1000 millions de microbes par cm3. Nous injectons, explique le docteur De Backer, la dose massive soit 3/4 de cm3 à la fois. La meilleure façon d'injecter est d'employer d'abord 1/2 cm3 puis 1 cm3 huit jour après.

Les soldats belges sont en triste condition à la veille de l'année 1915

Le 24 décembre, Paul  fête le réveillon à La Panne. Le bataillon après un repos de quelques jours à Adinkerke repart en Piquet à la Briqueterie. Le 27, le médecin et ses aides dorment dans la maison Mesman. L'aumônier et lui-même dorment  sur le ressort alors que Hersens et De Buck couchent sur le matelas. Les hommes un peu plus loin cantonnés le long du canal sont bien moins lotis et se rendent le 28 en masse à la consultation du docteur. "La visite est très longue, explique Paul. 100 soldats au moins se présentent à la visite; à la compagnie I/2 beaucoup souffrent de douleurs intestinales; quarante au moins dans cette compagnie marchent vraiment nu-pieds; une quinzaine sont à sabots, et encore usés. Quel dommage que le soldat belge est si peu soigné! C'est très beau de lui donner quelques douceurs le jour de Noël, mais pourquoi ses chefs ne s'occupent-ils pas de lui donner un peu plus de confort. Je vais réclamer auprès du major qui constate le mauvais état des chaussures et qui permet à une quinzaine d'hommes de rester à Adinkerke".

Les brancardiers encore accusés injustement par un officier...

L'année se termine tragique pour la compagnie 2/I. On sent que le Dr De Backer bouillonne de colère quand il écrit ce texte: "Plusieurs schrapnells et obus tombent. Un soldat  a la tête emportée, une quinzaine sont blessés; l'un est amené mourant au poste de secours où il meurt bientôt; il était atteint de balles de schrapnells à la tête et au ventre; un autre est atteint au cervelet par balles; la cervelle sort; un autre a le ventre ouvert. Un autre a le dos criblé de balles, ainsi que le bras. Hersens l'amène au poste en lui serrant le bras qui saigne atrocement. Un autre a des schrapnells à l'épaule et à la cuisse. 6 à 7 sont plus légèrement atteints .4 sont évacués sur l'hôpital des Anglais pour y subir les opérations d'urgence nécessaires. Tous sont évacués rapidement. Le service de santé fait l'admiration des français et nous nous figurions que nos officiers auraient été extrêmement satisfaits. Malgré cela le major vient bientôt  crier que les brancardiers s'étaient conduits comme des lâches et avaient fui leur poste. Après enquête, il en résulte que les 4 présents à la briqueterie avaient amené rapidement les blessés. Des soldats avaient conduit des blessés comme toujours. C'est la chose la plus naturelle du monde que des soldats amènent rapidement leurs camarades blessés au poste de secours; c'est un moyen aussi d'être hors du danger. Cela n'est pas toléré par les chefs qui inévitablement rejettent la faute sur le service médical; et qui trouvent le moment opportun de réclamer de ce qu'ils n'ont pas autour d'eux suffisament de brancardiers et de médecins. Un officier réclamait dernièrement parce qu'un médecin et des brancardiers n'accompagnaient pas sa compagnie qui allait aux avant-postes. (...) Tous ces faits dénotent qu'il existe de sérieuses incompatibilités entre les officiers et les médecins. 

On demande au médecin des choses impossibles

La manière d'exercer un  travail médical en toute indépendance tout en ne se mettant pas à dos les officiers est un réel problème pour  un médecin militaire. Paul en fait mention le 31 décembre dans son carnet. "Le commandant Bus, écrit-il, me demande de réquisitionner des lunettes pour un soldat. Le major me demande de déclarer inapte au service un soldat. Ces deux choses sortent de mon domaine; il me semble que je suis moralement forcé de la faire pour avoir le moins de difficultés possible avec les officiers avec qui les médecins de bataillon font bien d'être d'accord car ils peuvent leur procurer bien des ennuis à certains moments, surtout que le service médical est si souvent critiqué et que les médecins de bataillon sont si peu soutenus et récompensés par les médecins supérieurs. Ceux-ci envoient beaucoup d'officiers sur le front, qui voudraient bien ne plus y aller et ceux-ci donnent souvent bien des ennuis aux médecins de bataillon. Les officiers nous déclarent qu'au commencement de la guerre et surtout lors de la fatigue  colossale de l'armée belge à Anvers et sur l'Yser, les médecins évacuaient facilement à l'arrière et que maintenant ils sont devenus fort sévères. C'est une raison pour nous être reconnaissants de ce que nous avons fait et de nous récompenser au moyen de distinctions, ce qui ne nous est qu'exceptionnellement accordé. Le principe: soyez loup et on vous craindra; soyez mouton et on vous tondra reste bien debout pour les médecins."

La guerre n'est pas une raison suffisante pour ne pas se déchausser lorsque l'on est hébergé dans une chambre du brasseur d' Adinkerke ...

Décidément la vie d'un médecin militaire n'est pas une sinécure : les rapports avec les officiers sont  difficiles et ceux  entretenus avec les civils peuvent être tout aussi problématiques comme ce 2 janvier 15 quand Paul et ses deux brancardiers rejoignent la maison du brasseur d' Adinkerke pour y passer la nuit. "Je loge, raconte-t-il, chez le brasseur chez qui j'arrive vers 11hoo. Après avoir sonné pendant un quart d'heure, je suis très mal reçu; on refuse de loger De Buck et Hersens qui sont forcés de dormir ailleurs sur une chaise. On me recommande d'enlever mes souliers avant de monter et de ne pas verser de bougie sur l'escalier. Qu'il est heureux pour ces gens de ne pas voir la guerre avec ses destructions et ses horreurs de près! Triste et égoïste bête humaine!"

L'ambulancière anglaise (Friends'Unit) était admirable!

Le 5 janvier 15, à la briqueterie il y a beaucoup d'agitation. 300 volontaires vont partir à l' assaut de  la "ferme violette". Le lendemain on apprend que l'assaut à échouer et que les Allemands ont autorisé le relever des blessés. Une automobile de la Croix-rouge anglaise vient au poste de secours pour évacuer les blessés. Juste à ce moment une vingtaine d'obus éclatent dans les parages. Paul voit la chauffeur-ambulancière anglaise se comporter avec sang-froid,  puis le danger passé, partir  avec leur soldat à évacuer! Il écrit dans son cahier que " la conduite héroïque de la Demoiselle anglaise était admirable".

Le major est encore fâché sur les brancardiers et leur chef médecin

Le 7 janvier, les canons tonnent. Dans dans la maison de Ramskapelle qui sert de logement au docteur, le major rentre en criant. "Nous nous endormons , raconte Paul, vers 1h00 du matin après avoir reçu la visite du major qui est allé voir les brancardiers et qui, comme c'est l'habitude de tous les officiers, les critique vivement et dit qu'il les fera aller dans les tranchées. Il est vrai que beaucoup de brancardiers méritent d'être sermonnés (...). Le mal vient évidemment de ce que ces brancardiers n'ont pas dû servir l'armée et ignorent complètement sa discipline pourtant si nécessaire.."

 Le 8 janvier, les officiers rouspètent une nouvelle fois sur Paul. "On réclame des secours aux tranchées. J'envoie deux brancardiers; un deux revient bientôt dire qu'il est impossible de transporter le blessé à cause de l'eau qui se trouve derrière les tranchées. Je lui dis de le transporter vers la route de Nieuport à Wulpen et d'aller si nécessaire avec le blessé le soir sur la route du chemin de fer. Le soir en rentrant, le major et le commandant B. me font des observations sous prétexte que mes brancardiers ne sont pas venus. (...). Je réponds énergiquement à mes deux chefs que les braves étaient bien à leur poste. (...) Tous ces petits faits prouvent de plus en plus que les médecins et brancardiers doivent être présents, à la place où un obus blesserait, alors que nous, médecins de bataillon, n'avons à notre disposition que 4 brancardiers avec deux brancards pour une ligne de soldats de 2 km 400."

Janvier 15: la situation des soldats s'améliore.

Au cours du mois de janvier, la situation des soldats s'améliore. ils reçoivent des souliers, des effets d'habillement, de la bonne nourriture. La vie de Paul et de ses brancardiers continue à la fois routinière et tragique, partagée entre le cantonnement d'Adinkerke et le poste de secours de la briqueterie où  arrivent les appels au secours des tranchées. Le 13 janvier, un obus tombe dans la tranchée du 1/I tuant deux soldats, enlevant un bras à un autre et les deux jambes à un quatrième. On demande des brancardiers  mais quand ceux-ci arrivent à la tranchée, les blessés ne s'y trouvent plus car ils ont déjà été évacués par les soldats. Paul  craint alors de recevoir de nouvelles observations de la part des officiers...

Cette tension permanente agit sur les nerfs de Paul. Le 14, il écrit " Je suis vivement énervé et découragé. L'après-midi la nostalgie momentanée est guérie. Des ambulances anglaises excessivement dévouées viennent voir s'il y a des blessés". 

Deux soldats belges fusillés pour pillage

Le 26 janvier, Paul signale que deux soldats belges qui avaient fracturé pour voler dans une bijouterie (Furnes) ont été fusillés.

Un congé en Angleterre et une pièce de théâtre mémorable... 

Le 27 janvier, c'est enfin un vrai congé qui attend Paul: il part en Angleterre cia Calais. Dans cette ville qui est la Base Arrière de l'Armée belge, il écrit amèrement: "Calais ressemble plutôt à une ville belge que française; on y voit énormément d'officiers et de soldats belges, très peu d'estropiés. Beaucoup sont fort jeunes .Que font-ils donc tous là?  Il est pénible de constater que ce sont toujours les mêmes qui doivent rester au front!"

Arrivé à Londres le 28, des jeunes soldats belges blessés et en convalescence lui font le change de son argent et lui recommandent le Salisbury Hotel (Greenstreet Busch 11). Le lendemain il trouve sans peine le 14, Fellows road, où se sont réfugiés les parents de son brancardier et porte-sac Hersens qui sont heureux d'apprendre des nouvelles récentes de leur cher fils. Le soir, accompagné des parents reconnaissants, Paul se rend au théâtre et assiste à la représentation de la pièce française "La Commandantur".Une scène se passe  à Bruxelles envahie par les Allemands: un employé du ministère est soupçonné d'espionnage et enfermé. Finalement, libre au bout de trois mois, il assiste à un drame. Sa fille, à l'annonce qu'elle vient de perdre à la guerre son fiancé,  un soldat engagé volontaire, tue un prétendant allemand qui lui demande sa main!

Le congé de Paul à Londres ne dure hélas  que quelques jours. Le lundi 1 février, il se rend à Finsburg au bureau militaire belge puis au bureau habillement où il reçoit de nouveaux souliers et d'autres pièces d'équipement.

Deux soldats affreusement blessés

 Deux jours plus tard, Paul est déjà auprès de son bataillon à Adinkerke. La vie aux tranchées reprend alors, ponctuée de ses évènements dramatiques comme celui survenu le 8 février 1915, quand à Ramskapelle, sous une pluie d'obus, on amène au devant du  docteur deux blessés. "Les deux blessés étaient horriblement mutilés, un surtout était horrible à voir; tout son corps ne formait plus qu'une hideuse plaie recouverte d'une boue sordide. Le pauvre malheureux se roulait lourdement dans la boue dans d'horribles souffrances, voulait s'asseoir puis retombait lourdement sur le sol; sa pauvre tête frappait lugubrement contre les pierres. Le brave Hersens retourne au milieu des obus chercher de la morphine, puis je fis à ce pauvre blessé 2 piqûres de morphine pendant que le prêtre l'administra. Il s'endormit bientôt dans un dernier sommeil. L'autre blessé avait une plaie hideuse du ventre dans laquelle on aurait pu mettre deux poings; il avait perdu énormément de sang. un officier venu avec un camion automobile chargé de munitions me présenta de conduire le blessé à l'hôpital Depage à La Panne où il mourut dans la nuit. Ces deux blessés avaient été tués à 100 m de nous."

Le major enfin content parce que le docteur sait user de sa voix pour... chanter!

Le 22 février Paul note avec amusement qu'il vient de faire une consultation, avec son confrère le Dr De Moor, pour un officier qui les ennuie pour être évacué sous prétexte qu'il est malade, alors qu'en réalité il a assez de la guerre! Le lendemain, les derniers civils de Ramskappelle doivent évacuer le village: "Comment ces braves gens, écrit Paul, peuvent-ils rester dans un bombardement pareil pour sauver souvent une vieille bicoque de maison et quelques meubles sans grande valeur." Les rapports avec le major commandant le bataillon semblent eux plus détendus  puisque ,le 24, Paul note avec satisfaction: "Le soir nous partons pour Ramskapelle. Nous chantons et dansons jusque 1 heure du matin; le major en faisant sa ronde avec Busine et Jacques nous entendant vient nous visiter; nous chantions "le rêve qui passe" aussi est-il émerveillé de notre moral; il nous félicite vivement et est étonné de ce que nous nous occupons si peu du canon qui gronde à tout casser à ce moment; aussi en fait-il part à ses officiers qui le lendemain nous félicitent à leur tour."

Des bombardements incessants sur Ramskapelle

Les bombardements  sur la briqueterie et sur Ramskapelle sont incessants. Le 21 à Ramskapelle, Paul nous décrit un d'entre eux. "Vers midi,  un gros 21 tombe près de la maison. Nous descendons à la cave. Pendant un quart d'heure, 20 minutes, les gros 21 tombent toutes les deux minutes autour de nous. Un obus démolit la moitié de la brasserie; aussi les hommes du génie qui s'y trouvent se réfugient chez nous. Nous entendons les lourds obus arriver sur nous; j'ai la sensation que doit éprouver le condamné à mort quand il entend le couperet se déclencher: nous éprouvons une douzaine de fois cette sensation peu agréable, que notre dernière seconde est arrivée. Plusieurs de ceux qui sont dans la cave veulent fuir vers les tranchées; je leur conseille de rester; qui sait les massacres qu'on aurait eu à déplorer s'ils n'étaient pas restés."

De piquet à la briqueterie, le bataillon  bénéficie d'un repos illusoire

A la briqueterie les hommes disposent de tranchées qui constituent véritable village nègre construit sous terre. Les inscriptions sur les chimpbeks témoignent du bon état moral des troupes: "Villa des Alliés, Villa Albert, Restaurant, Biftecks à toute heure etc. Quand le bataillon est de piquet à la Briqueterie, le repos est cependant  illusoire. A la tombée de la nuit les hommes doivent fournir une longue marche pour rejoindre le lieu dit "Jokveld" pour y creuser jusqu'à minuit des tranchées! Il y a beaucoup d'angines que Paul attribue au surmenage.

Le Dr De Backer aimerait travailler au service  des bains pour soldats à La Panne

Le 3 avril est un jour mémorable: le bataillon dispose semble-il pour la première fois des installations de bains de La Panne. Les hommes reçoivent du linge propre après un bain de 15 minutes, et leurs effets sont soigneusement désinfectés au moyen d'un appareil à vapeur "Geneste, Herscher et Cie" . Cette installation donne sans aucun doute une idée à Paul qui envisagerait avec plaisir d'exercer  le job d'adjoint au service de désinfection. Le major Duvivier essaie d'intervenir en faveur de Paul auprès du médecin Rulot, chef de ce service. " C'est à espérer, relate Paul dans son journal, que plus tard nous pourrons remercier le major Duvivier". Après neuf mois de front, Paul, en même temps qu'une mutation, espère aussi  une décoration . "Le major Reding doit avoir fait un rapport pour me faire décorer de l'ordre de Léopold". 

La bière est servie en abondance dans les cafés de La Panne

Dans La Panne le printemps fait oublier aux soldats l'hiver terrible qu'ils ont connu. Les après-midi vers 5-6 heures, les cafés, entre autres "l'Horloge" où il y a concert et "la Cloche" sont bondés de monde. On peut y déguster de la bonne bière de St Dizier, imitation "Pilsen".

Les catastrophes de l'arrière:l'explosion dramatique d'une mine flottante, une mort par noyade...

En repos à l'arrière, il peut aussi survenir des drames comme en témoigne le 25 avril Paul. En face de la villa "Les flots" où il loge, explose une mine flottante amenée par la mer sur la plage. Des hommes du génie, explique Paul, qui avaient reçu la mission de la faire sauter ont commis l'imprudence de vouloir l'ouvrir; l'explosion s'est faite en pulvérisant 6 hommes et une femme qui regardait manipuler. L'officier présent n'a pu être retrouvé. On suppose qu'il aura été lancé dans la mer (...). J'arrive sur les lieux de l'accident 2 heures après; pas de trace de la mine, elle a été pulvérisée; je vois des centaines de morceaux d'habits brûlés tout autour du trou produit dans le sable par l'explosion ainsi que des morceaux de lettres; sur l'une d'elles je lisais "quand donc pourrai-je Chérie te revoir". Hélas sa pauvre femme ne reverra plus que sa tombe au milieu des dunes.  Je ramasse plusieurs ossements."

D'autre drames peuvent survenir à la côte: beaucoup de soldats qui y séjournent voient la mer pour la première fois de leur vie et ne savent pas nager!  Dans la semaine du 3 au 10 mai, Paul assiste impuissant à la mort par noyade d'un homme de son bataillon. "Un soldat de la 2° compagnie se noie dans la mer en prenant un bain; la marée est descendante; je le vois lutter un moment contre les flots, disparaître puis reparaître plusieurs fois à la surface pour être emporté quelques minutes après. Le soir son cadavre est rejeté".

Le soldat Simon Carbonelle a été tué par une balle perdue 

Le 10 mai le bataillon est chargé d'un autre secteur que celui de Ramscapelle. Il s'agit maintenant d'occuper les tranchées le long de l'Yperlée et à Steenstraat. Si le secteur est changé, les relations entre le médecin, ses brancardiers  et les officiers restent toujours ambiguës. "Le jeudi 20 mai, le major Vlaerts annonce que le soldat Simon Carbonelle vient d'être tué par une balle perdue . Son corps est couché le long d'une haie sur une légère crête de terrain;le major me demande d'aller constater le décès; au moment de partir il me retient en disant qu'il y avait beaucoup de danger de me faire tuer également; nous décidons finalement de constater le décès le soir. (...). Des officiers sont heureux de pouvoir critiquer les brancardiers sous prétexte qu'ils ne se sont pas présentés pour relever le cadavre". Comme  si les critiques de ses brancardiers ne suffisaient pas, le même jour, le commandant G. annonce à Paul que sa proposition pour distinction a été retournée avec la mention: "faits trop anciens".

La mort du capitaine Jacques

La relève aux tranchées de Steenstraat est très malaisée, il faut ramper ou courir car à certains endroits les soldats ne sont pas protégés contre les balles. C'est exténués que les hommes parviennent en première ligne. Par endroit, le parapet est peu élevé et les balles sifflent  avec parfois des conséquences tragiques comme durant la journée du 27 mai durant  laquelle est mortellement atteint au crâne la capitaine Lucien Jacques. Le lendemain, le bataillon perdra un autre homme de la même façon.

En septembre 1916, Paul n'a toujours pas reçu un service à l'arrière

Les mois passent, entre juin 1915 et la fin du mois d'août 1916, nous ne pouvons suivre les aventures de Paul. Il est probable que le carnet concernant cette époque ait été perdu. Nous retrouvons donc Paul dans un carnet commencé début septembre 1916. a cette date, une chose est certaine, Paul épuisé, est toujours médecin de bataillon comme l'indiquent les premiers mots qu'il écrit en septembre: "J'attends toujours ma nomination à un service de l'arrière. Je me sens incapable de tout travail intellectuel; écrire une lettre me fatigue". Le manque de courrier n'est pas fait pour encourager Paul qui n'a plus reçu depuis deux mois de nouvelles de son épouse Denise.

L'hôpital mobile de Sint Jans-Molen

Le 26 septembre, il visite l'hôpital mobile du Dr Newman à St Jans-Molen. Cet hôpital est révolutionnaire dans sa conception: il se compose de quatre camions entre lesquelles une grande tente est tendue. Chaque camion est aménagé pour un usage bien particuliers ( salle de stérilisation, logement etc.). Il faut seulement 12 heures pour rendre fonctionnel cet hôpital, ce qui permet son installation à très grande proximité du front. Les médecins espèrent ainsi diminuer le taux effroyable de mortalité des blessés à l'abdomen dont la seule chance de survivre est d'être opérés  très rapidement.  Paul , toujours désireux de quitter le métier de médecin de bataillon montre de l'intérêt, pour le travail en hôpital. Il ne se fait cependant pas d'illusions puisqu'il écrira  :"Le Dr Newman me donne l'espoir que je pourrai un jour venir à sa clinique, mais je doute de mon étoile".

Enfin décoré!

Le 29 septembre, il part en congé pour Paris. Il apprend sa nomination comme médecin de réserve et mentionne dans son carnet qu'il a reçu le 5-6-15 la décoration de l'Ordre de la couronne et le 12-2-16 la Croix de guerre. Les discriminations envers les médecins semblent donc s'atténuer... Paul ne tiens plus son cahier au jour le jour. Il mentionne cependant avec détails un nouveau congé à Paris le 28 novembre 1916.

Les plaisirs de Paris scandalise le médecin militaire

"Avec Mademoiselle d'Arondeau, écrit Paul , je vais au théâtre des Capucines, charmant petit théâtre à côté de Paris ou on joue une revue très intéressante et spirituelle. Une danseuse presque nue danse  "le scarabée d'or". C'est honteux de voir que pendant la guerre il n'y ait pas plus de pudeur au théâtre. Le lendemain je vais au gymnase voir "Afgar" ou "les plaisirs du harem", pièce immonde que je me refuse d'écrire. Encore une fois, c'est qu'on représente des pièces pareilles pendant que des milliers d'hommes s'entretuent dans les ténèbres et dans la boue! 

Le 5 décembre, Paul quitte Paris en mentionnant  : Mon congé avait eu surtout comme but d'essayer de rentrer dans un hôpital, mais encore une fois échec!     

Au camp de Mailly avec les soldats Russes!

Quand il rejoint son unité, c'est pour apprendre que toute la division part pour un entraînement au camp de Mailly. Le voilà donc de retour en France. De Dunkerke, son unité mettra 31 heures pour atteindre sa destination. Les hommes couchent près des chevaux où ils ont chaud; les officiers occupent des compartiments de deuxième classe. Arrivés au camp, les exercices  à cheval sur la plaine sont organisés. Les cavaliers belges ont le loisir d'examiner les soldats russes envoyés par le Tsar pour soutenir les Alliés sur le front occidental. Les Belges lient avec leurs homologues russes. Paul racontera un  réveillon mémorable: " La veille de Noël, une quinzaine d'officiers Russes sont invités à notre mess. Il y a un beau dîner avec la musique du 2ème. On danse et on boit force vins et champagnes. L'enthousiasme des Russes pour les Belges est très grand; ils nous aiment beaucoup, plus que les Français."

Toujours pas d'espoir d'être muté à l'arrière

" Malgré mon espoir d'être envoyé à l'arrière, rien ne paraît aux ordres; quel tort immense la guerre aura fait à mes connaissances médicales. Pendant que d'autres se perfectionnent dans leurs connaissances. A quoi bon avoir usé trop de courage pendant cette horrible guerre; comme presque toujours le travail ne m'a servi à rien! L'intrigue des carrotiers seule a servi!"

Paul croit sa dernière heure venue dans un bombardement de quatre heures

Après cette interruption, c'est le retour aux tranchées. Le 21 janvier, Paul à Steenstraat croit sa dernière heure venue: "Pendant 4 heures, raconte-t-il, le tir continue; nous nous mettons dans l'abri dans lequel malheureusement nous ne nous sentons guère fort en sécurité contre les lourds obus qui tombent autour de nous (...). Pendant quatre heures la mort tourne autour de nous; je répète plusieurs fois mon acte de contrition; un officier des 155 est tué à 125 mètres de nous dans une petite ferme."

Il fait terriblement froid, le thermomètre marque certains matins 14° sous zéro, la glace est épaisse de 40 cm. Un matin, trois fantassins ont été retrouvés morts de froid aux avant-postes.

Le premier jour de février, Paul se rend chez le Médecin Principal pour solliciter un service à l'arrière. Malheureusement, ce dernier est malade et Paul doit se contenter comme interlocuteur de son adjoint. 

Paul découvre le drame des soldats de la Compagnie de Réhabilitation

Le 17 février, il assure le service médical de la Compagnie de Réhabilitation. Dans cette compagnie, explique-t-il, sont tous les condamnés par le conseil de Guerre. Il y en a plusieurs qui ont été condamnés à mort, mais dont la peine a été commuée en travaux à perpétuité. Beaucoup de ces hommes sont faibles ayant été fortement affaiblis en prison.(...). Plusieurs déjà ne voulant pas faire leur service, se déclarant malades sans l'être, ont été renvoyés en prison, ce que d'ailleurs plusieurs préfèrent à la tranchée. Car beaucoup de ces hommes ont refusé d'aller à la tranchée et ont déserté à cause de la peur maladive des obus.

Paul se rend à nouveau le 10 mars chez le médecin principal qui lui promet de le désigner pour la section d'hospitalisation de Westvleteren. En attendant la vie au front doit se poursuivre. Paul mentionne dans son carnet le cas émouvant d'un soldat âgé de la Compagnie de Réhabilitation: J'exempte fréquemment un brave mineur de Liège qui s'est engagé à l'âge de 42 ans ainsi que ses deux fils qui ont été tués à la guerre; il a été condamné pour une peccadille, aussi est-on très indulgent pour lui à la compagnie.

Paul mentionne un cas encore plus dramatique. "J'évacue le 26 mars un soldat devenu fou agité, avec des yeux égarés et injectés; c'est un homme qui a été condamné plusieurs fois pour refus à la tranchée.  C'est la peur terrible de l'obus qui le fait refuser; il y a chez lui le sentiment maladif de la peur. Quoique certain d'être fusillé, il ne saurait rester dans un bombardement. Plusieurs d'ailleurs de cette Cie ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité à cause de cette peur instinctive et maladive à laquelle rien ne fait. Je dois fournir un rapport à l'hôpital de Calais sur lequel il a été envoyé. (...). Ce militaire au moment où je l'ai examiné au cachot de la Cie tenait des propos incohérents, était très agité, avait la face rouge, les yeux injectés; il menaçait les soldats de garde. L'ayant interrogé, il a commencé par répondre à mes questions. Lui ayant demandé s'il avait été malade antérieurement, il me dit avoir été atteint d'une inflammation d'intestins puis m'a parlé de sa "Marianne" et, entendant le bruit du canon, est resté immobile, ne répondant plus à mes questions. D'après les dires de plusieurs témoins, le 25 au soir et le 26 au matin, il aurait fait ses besoins dans son caleçon; le 25 au soir, il riait continuellement sans motif aux éclats. Plusieurs hommes qui ont été avec lui à la Compagnie de Discipline (c'est la compagnie où on envoie ceux punis en prison) disent les mauvais traitements qu'on lui y a fait subir; il paraît qu'il recevait beaucoup de coups de matraque, qu'on l'attachait en plein hiver à un poteau à la cour avec chaînes aux pieds et aux mains; il y restait immobile alors qu' il gelait plusieurs degrés sous zéro; parfois les sous-officiers versaient de l'eau glacée sur son dos nu sans qu'il bougeait. C'est incroyable qu'au XX° siècle on emploie encore pour des hommes, quoique forçats des moyens pareils!"

Enfin nommé à l'arrière!

Le 28 mars 17, la vie du Dr De Backer prend enfin un nouveau départ. Il est nommé à l'arrière comme médecin à la deuxième section hospitalisation. 
Paul est heureux car il va ainsi pouvoir exercer une médecine plus élaborée que les diagnostics qu'il pose et les  soins qu'il donne en première ligne. Son intérêt pour la science médicale avec laquelle il est à nouveau en contact, transparaît dans son carnet  dans lequel, outre son emploi du temps, de nombreuses notes professionnelles concernant traitements et diagnostics apparaissent.

Combats aériens à l'arrière

A Westvleteren, où se trouve la section d'hospitalisation, la vie n'est cependant pas sans danger comme en témoigne l'incident vécu le 9 mai 17. "On tire contre un aéro ennemi; une boîte à balles tombe à 30 mètres de la section, traversant le toit d'une grange dans laquelle étaient logés quelques minutes avant plusieurs soldats; heureusement que ceux-ci venaient de quitter pour l'appel!" Le 13 mai, c'est encore du ciel que vient le danger et le spectacle: "Pendant le dîner au mess, relate Paul, on crie de sortir pour voir un combat d'avion contre un drachen; je vois deux parachutes autour du drachen; ils contiennent les deux observateurs qui, se voyant attaqués, ont sauté hors de la nacelle; je vois l'avion boche très bas; il a attaqué une première fois sans succès le ballon et s'est enfui, puis on le voit piquer droit sur le ballon comme l'épervier sur sa proie; pendant quelques secondes, rien d'anormal ne se passe, puis on voit tout en haut du ballon une petite flamme; il est donc bien condamné; il l'aura mitraillé ou jeté de la mousse de platine sur des fléchettes qui, au contact de l'hydrogène, devient incandescent; la flamme augmente bientôt puis devient formidable; elle est entraînée vers le sol par la nacelle et on voit finalement une longue traînée de feu et de fumée noire et épaisse. Le ballon a vécu et l'avion s'enfuit vers ses lignes, poursuivi sans succès par les scrapnells".

Décidément, le ciel aérien n'est pas tranquille au dessus de la Section Hospitalisation. Le 16 mai, Westvletern revit un incident identique à celui survenu le 9 mai. "Un avion allemand, écrit Paul, survole la section; les canons anti-avions anglais le poursuivent; une boîte à balles tombe à 50 m de la section traversant le toit et tombant à la tête de lit d'un fantassinn du 3ème qui venait de quitter pour assister à l'appel.(...). Les avions boches viennent fréquemment au-dessus de nous; viennent-ils photographier les dépôts de munitions qui sont tout près d'ici? C'est fort probable". 

Que sont devenus les officiers de la première heure après trois ans de guerre?

Le 17 juin 17, la division quitte le secteur pour  Steenstraat. Paul loge à Adinkerke, chez le douanier De Wever chez qui il a logé trois ans auparavant avec le major Reding. Avec émotion, il se souvient de cette époque."Que de bons et tristes souvenirs! La plupart des officiers avec qui j'ai été à table sont tués. Le brave Jacques, les deux frères Carbonnelle, Van den Eynde, Remy! Le major Reding à l'arrière. Seuls le major Busine et moi de ce groupe restent encore en vie ou au front!  

Paul retourne en première ligne pour quelques jours

La section hospitalisation est maintenant installée à la borne 14 sur la route de Furnes à Pervyse. L'installation est rudimentaire. Paul et le Dr Somers s'en vont rouspéter et obtiennent finalement des lits pour leurs hospitalisés. Paul se croyait définitivement en deuxième ligne depuis qu'il s'occupait de la section hospitalisation de sa division. Il est  donc très déçu d'apprendre le 10 septembre 17, qu'il est désigné pour reprendre du service comme médecin  au troisième bataillon du 2° régiment de ligne. Paul réclame mais heureusement apprend qu'il s'agit en fait d'un court remplacement qui ne devrait durer que quelques jours. 

Une ville belge en Angleterre

Effectivement, le 17 septembre, Paul peut quitter le front. Il reçoit son congé de 12 jours pour l' Angleterre et se rend à Birthey, ville anglaise dans laquelle s'est formée une grande communauté de belges regroupés au sein d'un véritable village baptisé "Elisabethville". 

"Elisabethville est un grand village de maisons de bois dans lesquelles logent avec leur famille 6.000 Belges travaillant dans les usines de munitions. Ces ouvriers gagnent de gros salaires, la plupart du temps 20 francs par jour. Aussi plusieurs articles méchants paraissent dans les journaux locaux et le major Hilloné Noterman a beaucoup de difficultés à maintenir le calme chez les Belges".

La mort du Dr Renneboog 

Le 18 octobre 17, Paul mentionne la mort de son confrère Renneboog décédé lors du terrible bombardement aérien de Calais et de Dunkerke qui fit, en quelques nuits, une centaine de morts. En octobre, Paul exerce au service d'ophtalmologie de la colonne d'Ambulance. 

Une explosion accidentelle tue des jeunes recrues. Deux frères sont dans les victimes!

Le 8 novembre, il intervient dans une catastrophe : "Le soir un accident terrible au 3° de ligne: une explosion d'un dépôt de grenades sur la route d'Ypres à Furnes; 24 cadavres terriblement déchiquetés sont amenés le soir à la morgue. C'est la vision la plus terrible que j'ai eue pendant la guerre; plusieurs n'ont pu être identifiés. De plusieurs, il ne reste qu'un  paquet informe de chairs. Une trentaine de grand blessés sont évacués sur Hoogstade; quatre de ceux-là déjà morts sont évacués sur la morgue le lendemain. Le médecin Lowé qui faisait la visite tout près du baraquement où il y a eu l'explosion est blessé au cou gravement dit-on. Toutes les victimes sont des recrues qui venaient d'arriver depuis quelques heures au front. Un soldat du 14° de ligne qui était venu voir son frère est tué en même temps que lui."  

Réveillon dans les tranchées

Le 29 décembre, Paul refait son apparition tranchées (Borne 22). Il  passera le réveillon dans la tranchée: "A 11 heures, je vois des centaines de fusées multicolores partir des tranchées allemandes. C'est un vrai feu d'artifice. Que préparent-ils ou que veulent-ils? Comme il est minuit chez eux, c'est probablement une façon de manifester leur désir de paix cette année.  De notre côté, pas ou quelques fusées blanches ordinaires sont lancées.  Vers minuit tout est redevenu calme. Nos mitrailleuses après avoir marché très fort se sont tues. Nos sentinelles continuent à marcher tout le long du parapet dans le plus grand calme ou battent le sol de leurs pieds à cause du grand froid. On entend le cri sinistre des oiseaux aquatiques".

En janvier 18, il fait extrêmement froid. Les soldats pataugent dans la pluie ou la neige dans leurs cantonnements ou dans leurs tranchées. Paul écrit une nouvelle fois amer: "Je suis découragé et écœuré de la façon de faire de nos chefs. Seuls, donc, ceux qui sont protégés, ont le droit de se reposer et de s'instruire dans les hôpitaux. Les autres peuvent être tués, vivre d'une vie misérable et s'abrutir! Une parole d'un officier prononcée hier: "Tous les médecins seront devenus forts à la guerre, ou fort savants ou fort bêtes!". Le mot n'est que trop juste."

Son carnet de campagne de janvier à mars 18 ne comporte que quelques pages dans lesquelles il mentionnera une nouvelle fois son désappointement d'être toujours au front. Le 9 mars on lui offre de revenir à la section hospitalisation. Le 13, Paul écrit que le colonel des Lanciers veut avant son départ lui donner  un avis défavorable (...). " Le major et le colonel des Lanciers, mentionne avec amertume le docteur De Backer, Paul, sont les premiers officiers supérieurs avec qui j'ai eu des ennuis pendant la guerre."


De gauche à droite : Père Kenis, vétérinaire Casters, Dr Herberg, Major Tournay, Dr De Backer

La fin du carnet de campagne du Dr De Backer

Le 14 mars 18, le journal de Paul s'arrête brusquement après une dernière phrase:"Je reçois mon ordre de marche pour la section (d'hospitalisation) alors qu'aux ordres ma mutation a paru le 13 mars..."  

Paul De Backer devint un éminent spécialiste en radiothérapie

Outre sa condition de combattant, sa soif d'apprendre  inassouvie au front et son caractère indépendant refusant d'être un pantin sur le "théâtre" de la guerre furent à l'origine de nombreuses souffrances. Paul râla bien souvent mais supporta sans faiblir le fardeau qui lui avait imposé. Il terminera la grande guerre vivant et eut le bonheur de réaliser la carrière scientifique qu' il avait souvent  désespéré de réaliser alors qu'il se trouvait immobilisé pendant quatre années interminables dans les boues de Flandres. Le docteur  De Backer  deviendra un éminent professeur de radiologie et de radiothérapie à l'université de Gand.

Paul De Backer est décédé le 2 octobre 1956.





Dokter De Backer Paul bijna 4 jaar bataljonsdokter in 1914-18.

Vertaling : Delannoo Etienne

            Dokter De Backer Paul werd geboren te Gent op 7 februari 1883.

            Volgens zijn persoonlijk dossier werd hij beroepsvrijwilliger bij de hulpdiensten van het leger ( medische dienst) vanaf 1 oktober 1903 tot hij op 28 december 1906 vertrekt in onbepaald verlof. Toen hij opgeroepen werd in augustus 1914 stond hij aan het hoofd van een kliniek, was hij getrouwd en vader.           

Hij werd tot Ridder van de Kroonorde met palm benoemd door het K.B. van 3 juni 1915 en het Oorlogskruis toegekend voor de moed en zelfopoffering die hij verschillende malen had betoond bij het redden van gewonden. Verder de Overwinningsmedaille – de Herinneringsmedaille 1914-1918 en de IJzermedaille 1914-1918.

                       


Paul De Backer, 1914

Het dagboek van dokter De Backer is interessant. De auteur, zonder schrik voor de censuur en schrijvend in een voor iedereen verstaanbare taal laat toe de gevoelens te begrijpen van een universitair die betrokken is in het drama van de Grote Oorlog. De lezer zal zo kennis maken met deze eindeloze opvolging van zinnen vol berusting en met opstandige zinnen waaruit de stemming blijkt van mannen zoals Dr De Backer die aan het front één van de vele moedige verdedigers was.

Het verhaal van de dokter bezit ook een grote historische waarde daar hij niet gecensureerde getuigenissen bevat over de condities van het dramatisch leven dat opgelegd werd aan Belgische militairen in de tuchtcompagnies en eerherstelcompagnies.


Paul De Backer, 1918

De 1e augustus 1914 ontvangt Paul De Backer zijn oproepingsbevel. Hij vervoegt het militair hospitaal te Gent waar hij bij het 22e Linie, 1e Bataljon ingedeeld wordt. Hij maakt er kennis met zijn bataljonschef, majoor Duvivier en neemt met zijn eenheid de trein naar Tienen. De volgende weken zal zijn bataljon voortdurend marcheren en tegenmarcheren. Dr De Backer verzorgt de gewonden tijdens de gevechten met het 22e linie te St Margriet Houtem, Weerde, Hofstade en St Kathelijne Waver. Dan wordt de vesting Antwerpen opgegeven en trekt het Belgisch leger terug naar de kust.

            Paul komt aan te Oostende op 8 oktober 1914 en wordt naar Houtave gestuurd tot op 11 oktober het bataljon naar Middelkerke wordt gestuurd.

Slag aan de IJzer.

            De 15e oktober 1914 komt het bataljon aan te Pervijze achter de IJzer. De troepen komen uitgeput aan bij hun stellingen. De Slag aan de IJzer zal gedurende twee weken duren. De soldaten kruisen onderweg de burgers.

            “ Honderden vluchtelingen, zo schrijft hij,” komen aan al wenend. Niets is zo pijnlijk als deze mensen wenend te zien vertrekken.”

            Het bataljon stelt zich op om weerstand te bieden aan de vijand. Op 20 oktober vallen de Duitsers aan met al hun macht. Paul ontsnapt aan de dood als een regen van shrapnels neerkomt. Drie soldaten zijn ernstig gewond; twee hebben kogels gekregen in de buik en de derde in de dij. Paul verneemt dat zijn collegas, Dr Adam en Dr Van der Schelde, ook nog een aalmoezenier en een brancardier werden gedood. Lt Ossel doet beroep op zijn diensten. De dokter haast er zich naar toe per fiets tussen de granaten en shrapnels door.

            “ Gedurende een uur herinnert hij zich,” vallen brisants neer enkele meter van ons. Het was voor mij één van de verschrikkelijkste momenten. Tijdens de kalmere periode, kon ik vaststellen dat de brancardier die in een loopgracht lag getroffen werd door een granaatscherf. Ik heb de jongen doen begraven. ’s Avonds keerde ik terug bij de molen. Ik val enkele uren in slaap. Verkleumd van de koude word ik wakker. We worden afgelost en vertrekken naar een grote hoeve achter Pervijze ( De Groene Poort).

            De 22e oktober wordt het bataljon hevig aangevallen in zijn stellingen bij Schoorbakke. De eerste hulppost is in een hoeve achter de loopgraven. Paul ziet een gewonde naar zich toe lopen met verbrijzelde kin.

            “ Het is verschrikkelijk hoe hij bloedt. Ik loop naar hem met een verband maar de gewonde werpt het weg, spuwt het bloed dat hij in zijn mond had uit in mijn gezicht en op mijn kleren. Hij kan niet spreken en schrijft op een stuk papier dat hij verstikt. Vreselijk! Men kan een voorlopig verband plaatsen en leidt hem weg.”

            Op zeker ogenblik tijdens het gevecht, denken de dokters dat ze zullen gevangen genomen worden maar het front houdt stand.

            De 23e oktober herneemt de vijand zijn stormloop opnieuw en stromen de gewonden opnieuw toe bij de hulppost.

            De 24e oktober reorganiseert het 22e bataljon zich achter de kerk van Pervijze. Allen stellen met vreugde vast dat 750 Franse soldaten zijn aangekomen om het front te versterken. De dokters vinden nu onderdak in een klein huis in het dorp.

            De 26e oktober trekt het 22e  met majoor Lereux achteruit. Paul observeert het gebeuren en bemerkt dat Duitsers, 400 meter van hem verwijderd, op hun knie gezeten de terugtrekkende soldaten van zijn bataljon neerschieten. De overblijvenden van het 22e en 2e Linie worden uiteindelijk langs de spoorweg verzameld en krijgen bevel te vertrekken om de verlaten stellingen opnieuw te bezetten. De toestand is zeer kritiek. De Belgische militairen zijn uitgeput maar de Franse soldaten komen juist aan bij het front. Deze toestand brengt een gespannen sfeer tussen de geallieerden.

            “ Een simpel soldaat te paard”, vertelt Paul,”komt vooruit naar onze troepen, revolver in de hand, hen dwingend terug te keren terwijl hij hen verwijt voor lafaards.”

            Maar Fransen en Belgen zullen weerstand bieden en samen standhouden langs de spoorweg. In de nacht van 27 op 28 oktober komen Duitsers met een Rode Kruis vlag om hun gewonden te verzamelen en hun talrijke doden te begraven.

            De 29e oktober wordt het 22e linie afgelost en hergroepeert het achter Booitshoeke ( Papegaai). Daarop wordt het bataljon ontbonden en de overlevenden worden bij het 2e linie gevoegd dat mag gaan rusten in De Panne. Hier verblijft Paul in een huis dat hij deelt met Antwerpenaren. Hij kan hier spreken over andere zaken dan de oorlog. De man was sedert jaren loods op schepen.

            Wandelend op de dijk van het vacantieverblijf De Panne denkt hij met nostalgie terug aan zijn vrouw en aan zijn vader.

            “ Op deze plaats, schrijft hij “ werd veel bijgebouwd sedert ik hier lang geleden naartoe kwam met mijn vader. Hij doet me denken aan mijn Denise aan wie, ik geef het toe, niet veel durf te denken om niet laf te worden voor het gevaar. Ik zag haar op deze plaats elk jaar terugkomen met haar ouders toen ze nog klein was.”

Officieren zijn dikwijls veeleisend en weinig dankbaar tegenover dokter en brancardiers.

          De 3e november 1914 verlaten dokters en aalmoezeniers De Panne voor Wulpen waar ze het huis van de kantonnier bezetten. De 10e november 1914 trekt het bataljon naar de eerste lijn te Pervijze. Het medisch detachement bezet 5 huizen langs de baan naar Booitshoeke. De 11e stuurt Cdt G. een briefje naar Paul waarbij hij het bezoek van de dokter vraagt aan de loopgraven. Paul laat weten dat het de zieken zijn die zich verplaatsen en niet de dokter. Daarbij is hij juist te weten gekomen dat kort voordien zijn collega’s Adam en Vanoverschelde gedood werden om 7 uur ’s morgens bij hun bezoek aan de loopgraven. Dit om er kolieken, reumatisme, plantrekkers, enz. op te sporen.

            De 15e november is Paul in rust te Wulpen. De 17e bezet hij een hoeve, het “Zuidhof”op 300 meter achter de loopgraven. Enkele officieren schijnen bij de jonge dokter nogal veeleisend te zijn.

            “ Meer en meer schijnt het in het algemeen dat officier B. zich onderscheidt door het feit dat alvorens hij naar het gevecht gaat of zelfs naar de loopgraven, hij er zich vooral om bekommerd dat dokters en brancardiers hem begeleiden. Om de officieren te geloven zou er voor ieder peloton minstens een dokter moeten zijn om het te vergezellen en ook als een sectie naar de voorposten gaat. De moed van de brancardiers wordt door hen nooit naar waarde geschat. Ik geloof niet dat men één van hen een promotie of onderscheiding beloofd heeft”.

            Tijdens een medisch onderzoek op 19 november stelt Paul vast dat “ de mannen zeer vuil zijn, het ondergoed, meestal zeer smerig, ongedierte wordt vastgesteld, luizen in de kledij, schurft. En veel oorlogsvrijwilligers zijn gedemoraliseerd.”

            Diezelfde dag is Paul verbitterd in zijn hulppost in het Oosthof als hij de moeilijke positie vaststelt van de opgeroepen dokters  en “de weinige zorgen die de militaire dokters besteden aan de dienstdoende dokters van de bataljons en hun overlaten aan de commandanten van het bataljon of van het korps. Die altijd maar klagen over het medisch korps. De geestesgesteldheid van de mens blijft tijdens tijd van oorlog als in tijd van vrede. Hij bekommert zich om de dokter als hij hem nodig heeft.”

            Als om dat gezegde te bevestigen komt ’s avonds een sergeant het bevel brengen dat hij, zijn helper Hersens en aalmoezenier Mathijs zich tevreden zullen moeten stellen met een bed om plaats te maken voor de tweede ordonnans van de commandant.

            Op 24 november verlaat het bataljon het front om op grote rust te gaan in De Panne.

            We komen aan. Het muziek vooraan. Voor de eerste maal vergezeld het muziek ons en verbetert de moed bij iedereen. (…)Aangekomen aan de dijk houdt het regiment halt, men groet de vlag, de klaroenen schallen, de officieren trekken hun sabel, de soldaten presenteren hun wapen. Deze scene pakt me zodanig dat ik tranen in het oog krijg.”

            De eerste december leest Dr De Backer een artikel in de “Petit Parisien” oer de Franse medische dienst die verbiedt gewonden op klare dag op te halen. Paul denkt aan het vreemde contrast met de Belgische medische dienst waar dokters en brancardiers de gewonden wel tijdens klare dag moeten verzorgen onder het vuur van de vijand en hen transporteren, en ter plaatse gedood worden om dan nog met kritiek beloond te worden door de meeste Belgische officieren.

            Wat later zal Paul een motief hebben om kregelig te worden. Dit in de herberg “ In de klok” waar hij andere officieren rond een tafel gezeten ontmoet. “ Zoals altijd, schrijft hij, “ gaat het gesprek over het medisch korps. Een officier , die me waarschijnlijk niet bemerkt heeft,spreekt over een plaats waar hij geweest is en waar geen dokter of brancardier te zien was..Nog een keer zouden deze Heren willen dat er een dokter en 4 brancardiers overal aanwezig zijn en dit wanneer ons bataljon van 700 man opgesteld staat over een oppervlakte van verschillende hectaren. Soms zijn er een honderdtal gewonden. Steeds wil iedere officier over een klein medisch korps beschikken rond hem, en de meesten vergeten dat we in oorlog zijn, en moeten denken om als het nodig is hun bloed te vergieten voor het vaderland. Ze willen echter beter verzorgd worden dan in vredestijd! “

Frankijk en Engeland bezorgd over onze gewonden.

            Tijdens de rustperiode in de Panne komen de eerste Belgische gewonde soldaten die geëvacueerd werden  en verzorgt in Engeland en Frankrijk terug. Paul ontmoet er twee die heel tevreden zijn met het onthaal dat ze er ontvingen.

            “ De gewonde aan de vinger, vertelt hij, werd verzorgd in Engeland waar hij met zijn metgezellen de beste zorgen kreeg toegediend. De Engelsen nodigden hen uit en ze moesten met hen mee op restaurant. Alle knopen van hun jassen waren afgesneden, de Engelse vrouwen gaven 20 frank voor een knoop aan de arme soldaten. De andere soldaat was verzorgd geweest in Frankrijk en was ook heel goed verzorgd geweest.”

            Tijdens zijn rustperiode in De Panne heeft Paul nog andere ontmoetingen. Hersens, zijn helper, vertelt zijn chef dat hij een vriend ontmoet heeft, de zoon van de rechter van Dendermonde, die zich als vrijwilliger gemeld had maar nu spijt heeft over die beslissing.

            “ Het is waar, vertelt Paul, dat de oversten niets doen om het leven van hun soldaten draaglijker te maken. Men vindt zelden commandanten die verbroederen met hun mannen, hen aanmoedigen, zich bemoeien in welke toestand ze moeten slapen ( welke moeilijkheden heb ik soms niet omdat hun stro zou veranderd worden), over hun eten, over hun kleren. De oefeningen die ze doen zijn aan te raden maar tot een zekere graad. Waarom hun niet meer tijd geven om zichzelf en hun ondergoed  te wassen. Meestal zijn de WC’s weerzinwekkend.”

Een Duitse mitrailleur van 15 jaar weent Bittere tranen als hij gevangen genomen wordt.

          Op 8 december 1914 vertrekt het bataljon naar het front naar een andere sector, dezze van Ramskapelle. Drie compagnies worden opgesteld in de loopgraven vanaf de rand van Nieuwpoort tot aan het station van Ramskapelle. Dit over een afstand van 2km400. De dokter slaapt in een huis van het dorp dat toebehoort an een moedige arbeider voerman.

“ Deze vertelt dat hij het begraven van talrijke Duitse soldaten bijgewoond heeft. Ze waren gesneuveld rond Schoorbakke; er waren er meer dan 700 die men 2 per 2 in lange loopgraven gelegd heeft. Hij vertelt dat men in de molen van Ramskapelle een jonge Duitse soldaat van 15 jaar gevonden heeft met een mitrailleuse die men gevangen nam; hij weende bittere tranen.”

            Ramskapelle dat door de Duitsers ingenomen werd, werd straat per straat, huis per huis heroverd door de Belgen en de Fransen na verschrikkelijke gevechten. Van het dorp en zijn kerkhof bleef er haast niets meer over.

            Achteraan , beschrijft Paul, bemerkt men de Christus die van het kruis gevallen is, de borst doorboort door shrapnelkogels. Van de omgekeerde graven is er een grafkelder waarvan het bovenste ingestort is en ziet men twee kisten. (…) Verschillende beenderen liggen naast het graf van een kapitein gesneuveld op het veld van eer. Men telt een vijftiental graven van helden gestorven voor het vaderland. Ik wandel nog eens in de ruines van de kerk en raap een stukje kant op daar waar vroeger het hoofdaltaar stond.”

            De 14e december wordt het bataljon ( 1e van het 2e Linie) plots naar Veurne verplaatst om even vlug de 15e te vertrekken naar de steenbakkerij van Ramskapelle waar het van wacht is. Paul maakt de balans op van de eerste oorlogsmaanden.

            “ In vier maand en half hebben we slechts 15 tot 24 dagen rust gehad en ikzelf ben minstens 60 tot 70 dagen in de vuurlijn geweest”.

Dr De Backer brengt hulde aan zijn brancardiers.

De 16e december 1914 moeten brancardiers van het 2e en het 4e Linie gewonden gaan ophalen. Om 3 uur ’s morgens slagen ze erin één terug te vinden die in de buik getroffen werd en een tweede die gewond is aan de hand en veel bloed verliest. Paul brengt na dit feit hulde aan zijn brancardiers.

            “ Hierbij, zo schrijft hij, merk ik op dat de meeste brancardiers veel moed hebben. Zij die voortdurend bekritiseerd worden stuurt men  zeer dikwijls in het duister voor onze lijnen om gewonden op te zoeken. Dikwijls vuurt de vijand op hen daar hij ze voor patrouilles neemt. De post van brancardier is soms verschrikkelijk gevaarlijk. Ik denk echter dat tot nu in onze ganse divisie geen enkele brancardier de Leopoldsorde gekregen heeft.”

De dokter zwaait met lof maar heeft zelf soms verschrikkelijke redetwisten met zijn mannen die niet verstaan waarom hij hen niet overal vergezeld.  “ Ik heb een hevige discussie gehad met De Buck en Hersens die oordelen dat ik mijn hulppost niet verlaat als er gevaar dreigt.”

Inenting tegen tyfus.

          De 14e december 1914 ent Paul een 50tal soldaten te Veurne in tegen tyfus met het antityfus serum Wright van 1000 miljoen microben per cm3.  “ We spuiten, legt Dr De Backer uit,een massieve dosis van ¾ cm3 in één keer in. De beste methode om in te spuiten zou 1/3cm3 zijn en 1 cm3 acht dagen later”.

De Belgische soldaten in trieste conditie met 1915 in zicht.

          De 24e december 1914 viert Paul Kerstdag te De Panne. Na enkele dagen rust te Adinkerke vertrekt het bataljon opnieuw naar de steenbakkerij te Ramskapelle. De 27e december slapen de dokter en zijn helper in het huis Mesman. De aalmoezenier en hijzelf slapen op de ressortbak terwijl Hersens en De Buck op de matrassen slapen. De mannen die een beetje verder langs het kanaal gelegerd zijn hebben minder geluk en begeven zich de 28e december in massa naar de dokter voor onderzoek.

            “ Het onderzoek duurt heel lang, legt Paul uit, “ minstens 100 soldaten melden zich aan; bij de 2e Cie van het eerste bataljon lijdt de helft aan darmkrampen; minstens veertig mannen van deze compagnie lopen echt op blote voeten; een vijftiental op klompen. Hoe jammer dat men zo weinig voor onze Belgische soldaten zorgt ! Het is heel mooi hem wat snoep te geven op Kerstdag, maar waarom bekommeren zijn chefs zich niet om hem wat meer comfort te bezorgen. Ik ga klagen bij de majoor die de slechte staat van de schoenen vaststelt en toelaat dat een 15tal man naar Adinkerke wordt gestuurd .

De brancardiers nogmaals onjuist beschuldigt door een officier.

            Het jaar 1914 eindigt tragisch voor het eerste bataljon van het 2e Linie. Men voelt aan dat Dr De Backer kookt van woede als hij volgende tekst schrijft : Shrapnels en granaten komen neer. Een soldaat wordt zijn hoofd afgerukt; een vijftiental anderen zijn gewond. Eén ervan wordt stervend naar de hulppost gebracht waar hij wat later sterft, hij was geraakt in het hoofd en de buik door shrapnelloodjes. Van een andere liggen de hersenen bloot. Van iemand is de buik opengereten. Nog een andere heeft kogels in de rug en in de arm. Hersens brengt hem naar de post en probeert het vreselijke bloeden te stelpen. Een andere heeft granaatscherven in de schouder en de dij. Zes of zeven man zijn licht gewond. Vier worden geëvacueerd naar het Engels hospitaal om de dringend nodige operaties te ondergaan. Allen worden snel weggebracht. De gezondheidsdienst krijgt bewondering van de fransen naast ons en we dachten dat onze officieren ook heel tevreden zouden zijn. Maar weldra staat de majoor daar te roepen dat de brancardiers zich als lafaards gedragen hebben en hun post verlaten hadden. Na onderzoek blijkt dat vier van hen die in de hulppost aanwezig waren vlug deze gewonden aangebracht hadden. Soldaten hadden ook, zoals altijd, gewonden weggebracht. Het is de normaalste zaak dat soldaten vlug hun gewonde kameraad naar de hulppost brengen; het is ook een reden om buiten het gevaar te zijn. Dit wordt niet gedoogd door oversten die natuurlijk de fout toeschrijven aan de medische dienst en die dit het gepaste moment vinden om te klagen dat ze niet genoeg brancardiers en dokters rond hen hebben. Onlangs diende een officier klacht in omdat zijn compagnie die naar de voorposten trok niet vergezeld was door een dokter en brancardiers. Al deze feiten tonen aan dat er  ernstige meningsverschillen bestaan tussen de officieren en de dokters.”

Aan dokters wordt het onmogelijke gevraagd.

          De wijze waarop men zijn geneeskunde onafhankelijk uitoefent zonder dat de officieren klagen is een echt probleem voor een militaire dokter.

            Dr De Backer maakt op 21 december 1914 melding : Cdt Bus vraagt om een bril voor te schrijven voor een soldaat. De majoor vraagt me om een soldaat  ongeschikt te verklaren voor de dienst. Deze twee zaken behoren niet tot mijn domein; ik schijn moreel verplicht te zijn om het te doen en dan zo weinig mogelijk moeilijkheden te hebben met de officieren. Dokters van het bataljon gaan best akkoord om zo weinig problemen te hebben op zekere momenten vooral als de medische dienst bekritiseerd wordt en de bataljonsdokters zo weinig gesteund of beloond worden door de doktersoversten. Deze sturen veel officieren terug naar het front die er liever niet meer naartoe gingen en deze bezorgen dan dikwijls moeilijkheden bij de bataljonsdokter. Officieren vertellen dat bij het begin van de oorlog en vooral na de kolossale vermoeidheid van het Belgisch leger na de terugtocht uit Antwerpen en de tocht naar de IJzer, de dokters gemakkelijk iemand naar achter lieten evacueren maar dat men nu heel streng geworden was. Het is een reden om ons dankbaar te zijn en ons te belonen met een onderscheiding die slechts uitzonderlijk toegekend wordt.

            Het principe : zij wolf en men zal U vrezen; zij schaap en men zal U scheren geldt wel voor de dokters”.

Oorlog is geen reden om Uw schoenen niet uit te doen als men in een kamer verblijft bij de brouwer te Adinkerke !

          Het leven van militair dokter De Backer is geen lachspel : de verstandhouding met de officieren is moeilijk en deze die men onderhoudt met de burgers kan even problematiek zijn. Zoals op 2 januari 1915 wanneer Paul en zijn twee brancardiers naar het huis van de brouwer in Adinkerke verwezen worden om er te logeren.

            “ Ik logeer, vertelt hij, bij de brouwer waar ik rond 11 uur aankom. Na een kwartier gebeld te hebben wordt eindelijk opengedaan en word ik zeer slecht ontvangen. Men weigert ( ???) De Buck en Hersens die verplicht worden elders op een stoel de nacht door te brengen. Men dringt er op aan dat ik mijn schoenen uitdoe voor ik de trap opga en geen kaars aan te steken op de trap. Wat een geluk voor deze mensen dat ze de verwoesting en de wreedheden van de oorlog niet zien ! Trieste egoïstische mensen !

Engelse ambulancierster (Friends Unit) bewonderenswaardig !

          De 5e januari  1915 is het heel druk rond de steenbakkerij te Ramskapelle : 300 vrijwilligers zullen de hoeve “Terstille” aanvallen. ’s Anderendaags verneemt men dat de aanval mislukt is en de Duitsers toelating gegeven hebben om gewonden op te halen. Een auto van het Engelse Rode kruis komt naar de hulppost om de gewonden weg te brengen. Op dat ogenblik komen een twintigtal granaten neer in de omgeving. Paul ziet hoe de Engelse ambulancierster koelbloedig blijft, als het gevaar voorbij is, verdwijnt ze met gewonde soldaten ! Hij schrijft “ de heroïsche houding van de Engelse ambulancierster was bewonderenswaardig”.

De majoor nog eens kwaad op de brancardiers en de doktersoverste.

7 januari 1915. Kanonnen bulderen. In het huis te Ramskapelle waar de dokter logeert gaat de majoor roepend binnen. “ We gaan om 1 uur slapen, vertelt Paul, nadat we het bezoek kregen van de majoor die bij de brancardiers is gaan zien en die, zoals het de gewoonte is van de officieren, hen hevig bekritiseert en zegt dat hij hen naar de loopgraven zal sturen. Het is waar dat veel brancardiers verdienen de les gelezen te worden. ( …) Het is echter een feit dat de brancardiers nooit een militaire opleiding genoten hebben en dus absoluut de tucht niet kennen die nodig is”.

De 8e januari 1915 komen officieren opnieuw klagen bij Paul. “ Men vraagt hulp in de loopgraven. Ik stuur twee brancardiers; één van hen komt terug om te zeggen dat het onmogelijk is de gewonde te vervoeren doorheen het water dat zich achter de loopgraven bevindt. Ik zeg hem de gewonde naar de weg van Nieuwpoort naar Wulpen te brengen en als het nodig is ’s avonds via de spoorweg. Als ik ’s avonds binnenga geven de majoor en Cdt B. me opmerkingen en beweren dat mijn brancardiers niet gekomen zijn. (…).Ik antwoord hen dat mijn twee mannen wel op hun post waren. (…). Al deze kleine feiten bewijzen meer en meer dat de brancardiers moeten aanwezig zijn op de plaats waar een granaat valt en iemand gewond raakt. Dit wanneer wij, bataljonsdokters slechts 4 brancardiers ter beschikking hebben met twee draagberries voor een lijn soldaten opgesteld over een lengte van 2km 400.

Januari 1915 : toestand van de soldaten beter.

          Tijdens de maand januari 1915 verbetert de toestand van de soldaten. Ze ontvangen schoenen, kledij en goed eten. Het leven van Paul en zijn brancardiers gaat op gewone en soms tragische wijze verder, verdeeld tussen het kantonnement in Adinkerke en de hulppost nabij de steenbakkerij waar hulp in de loopgraven gebracht wordt.

            De 13e januari valt een granaat in de loopgracht van de 1e Cie van het 1e Bataljon/2e Linie. Twee man worden gedood; bij iemand wordt een arm afgerukt en bij nog een andere zijn twee benen. Men vraagt de brancardiers maar als deze aankomen zijn de gewonden er niet meer want ze werden weggebracht door de soldaten. Dus vreest Paul nieuwe opmerkingen te krijgen van de officieren.

            Deze voortdurende spanning werkt op Paul’s zenuwen. De 14e januari schrijft hij “ Ik ben geweldig zenuwachtig en ontmoedigt. In de namiddag is de tijdelijke nostalgie over. Engelse ambulances komen zien als er gewonden zijn.”

De 26e januari 1915 vermeldt Paul dat twee Belgische soldaten gefusilleerd werden nadat ze te De Panne in een juwelenwinkel gestolen hadden. ( Nota vertaler : dat waren enkel “geruchten”).

Op verlof in Engeland en een onvergetelijk theaterstuk.

          De 27e januari 1915 krijgt Paul eindelijk echt verlof en vertrekt hij naar Engeland via Calais. In deze stad, die men de basis achter het front van het Belgisch leger kan noemen, schrijft hij verbitterd : “ Calais lijkt meer op een Belgische dan op een Franse stad; men ziet er geweldig veel Belgische officieren en soldaten; heel weinig verminkten. Velen zijn zeer jong. Wat doen ze dan hier ? Het doet pijn vast te stellen dat het altijd dezelfde zijn die aan het front moeten blijven !

            De 28e januari komt hij aan te Londen waar jonge Belgische gewonde soldaten in herstellingsverlof zijn geld wisselen en hem het Salisbury Hotel Greenstreet Busch 11 aanraden. ’s Anderendaags vindt hij zonder moeite Fellows Road 14 waar de gevluchte ouders van zijn brancardier Hersens verblijven. Ze zijn blij nieuws te horen over hun zoon. ’s Avonds vergezeld hij hen naar het theater en woont het Franse stuk “ Le Comandantur” bij. Een scene speelt zich af in Brussel bezet door de Duitsers wanneer een bediende van een ministerie spioneert en in het gevang wordt gegooid. Uiteindelijk wordt hij na drie maanden vrijgelaten en beleeft hij een drama. Zijn dochter , die vernam dat haar verloofde als oorlogsvrijwilliger gesneuveld was, had een Duits soldaat die haar wilde verleiden gedood.

            Het verlof van Paul duurt helaas maar enkele dagen. Op maandag 1 februari begeeft hij zich naar het Belgisch militair bureau en dan naar het kledingbureau waar hij nieuwe schoenen en andere stukken uitrusting ontvangt.

Twee soldaten afgrijselijk gewond.

            Twee dagen later is Paul reeds terug bij zijn bataljon te Adinkerke. Het leven in de loopgraven herneemt, onderbroken door dramatische gebeurtenissen, zoals deze op 8 februari 1915, als men onder een regen van granaten twee gewonden bij de dokter brengt.

“ De twee gewonden waren vreselijk verminkt, vooral één van hen was verschrikkelijk om aan te zien; zijn ganse lichaam was één wonde bedekt met vuile modder. De arme ongelukkige kromp ineen van de vreselijke pijn. Hij wilde zich rechtzetten maar viel terug neer en sloeg zijn hoofd uit wanhoop tegen de vloer. De dappere Hersens ging doorheen de granaten morfine halen, dan gaf ik de ongelukkige 2 injecties met morfine terwijl de aalmoezenier hem het sacrament toediende. Weldra viel hij in zijn laatste slaap. De andere had een gruwelijke wonde in de buik waarin men wel twee vuisten kon in plaatsen. Hij had enorm veel bloed verloren. Een officier die een vrachtwagen munitie had gebracht stelde voor de gewonde naar het hospitaal Depage in De Panne te brengen. Daar zou de man de volgende nacht sterven .Deze twee mannen werden gewond op amper 400 meter van ons verwijderd.”

Majoor eindelijk tevreden omdat hij dokter  hoort…zingen !

            De 22e februari 1915 noteert Paul tevreden dat hij een onderzoek deed samen met Dr Demoor van een officier die hen kwam lastig vallen om geëvacueerd te worden onder voorwendsel dat hij ziek is wanneer hij in werkelijkheid deze oorlog beu is !

De volgende dag moeten de laatste burgers van Ramskapelle het dorp verlaten.

“ Hoe kunnen deze moedige mensen, schrijft Paul,  in zulke bombardementen blijven; dikwijls om een krotwoning of enkele meubels zonder grote waarde te redden”.

De verhoudingen met de majoor, Cdt van het bataljon, schijnen verbeterd want Paul schrijft de 24e : “ ’s Avonds vertrekken we naar Ramskapelle. We zingen en dansen tot één uur ’s morgens; de majoor deed zijn ronde met Busine en Jacques en had ons gehoord en kwam ons bezoeken; wij zongen “ le rêve qui passe” en hij is opgetogen over ons moreel. Hij feliciteerde ons en is verwonderd dat we ons niet bekommeren over het kanonvuur dat op dat ogenblik rommelt zonder ophouden. Hij deelt dit mede aan zijn officieren die ons ’s anderendaags op hun beurt feliciteren”.

Ramskapelle wordt onophoudend gebombardeerd.

            De bombardementen op de steenbakkerij en op het dorp Ramskapelle  houden niet meer op. “ De 21e februari valt rond de middag een grote 210er dicht bij het huis. We dalen af in de kelder. Gedurende een kwartier, 20 minuten valt elke twee minuten een 210er rond ons. Een granaat vernielt de helft van de brouwerij, dan komen de mannen van de genie die er schuilden, bij ons. We horen de zware granaten op ons afkomen. Ik heb het gevoel dat een terdoodveroordeelde moet hebben wanneer het oordeel aankomt. Dit onaangenaam gevoel hebben we wel een dozijn keren gekend en we denken dat onze laatste seconde is gekomen. Verschillende mannen die zich in de kelder bevinden willen vluchten naar de loopgraven; ik raad hen aan te blijven; wie weet welke slachting men had gekregen als ze niet gebleven waren.”

Van wacht bij de steenbakkerij geniet het bataljon van een bedrieglijke rust.

            Vlak bij de steenbakkerij beschikken de mannen over loopgraven die een echt negerdorp vormen maar onder de grond gebouwd. De inschrijvingen op de schuilplaatsen getuigen van het goede moreel van de troepen: “ Villa des Alliès” “ Villa Albert “ “ restaurant Beefsteak à toute heure” enz. Als het bataljon van wacht is bij de steenbakkerij is die rust nochtans bedrieglijk. Bij het invallen van de duisternis leggen de mannen een lange mars af naar een plaats “ Jokveld” genoemd om er tot middernacht loopgraven te delven. Er zijn veel keelontstekingen die Paul toeschrijft aan oververmoeidheid.

Dr De Backer kandidaat voor de badinstelling voor de soldaten in De Panne.

            De 3e april 1915 is een dag om niet te vergeten: het 1e bataljon/2e Linie schijnt voor de eerste maal de baden te gebruiken in de Panne. De mannen krijgen proper ondergoed na een bad van 15 minuten en hun kleren zijn zorgvuldig ontsmet door een stoomtoestel “ Geneste, Herscher et Cie”. Deze installatie geeft zonder twijfel een idee aan Paul die met plezier de job als adjunct in de dienst ontsmetting zou uitoefenen. Majoor Duvivier probeert tussen te komen voor Paul bij Dr Rulot, chef van deze dienst. “ Het is te hopen, schrijft Paul, dat ik later majoor Duvivier kan bedanken”. Na negen maanden aan het front hoopt Paul tegelijkertijd een overplaatsing en een onderscheiding te bekomen.  

“ Majoor Reding moet een verslag gemaakt hebben om me met de Leopoldsorde te laten onderscheiden”.

In De Panne vloeit het bier in stromen.

          In De Panne doet de lente de soldaten de verschrikkelijke winter die ze doorgebracht hebben, vergeten. ’s Namiddags rond 5-6 uur zijn de herbergen o.a. “ De Horloge” waar er muziek is en “ La Clochestampvol. Men kan er een goed glas bier drinken van St Dizier dat op “ Pils” lijkt.

Drama achter het front : mijn ontploft en man verdrinkt.

Ook in rust achter het front beleeft men drama”s. Paul getuigt hoe rechtover de villa “ Les flots” waar hij logeerde  op 25 april een vlottende mijn ontplofte die op het strand aangespoeld was.  “ Mannen van de genie die opdracht gekregen hadden ze te doen ontploffen maar zo onvoorzichtig waren ze te openen. Ze is ontploft en verpulverde letterlijk zes mannen en een vrouw die toekeek. Van de aanwezige officier werd niets meer teruggevonden, men veronderstelt dat hij in zee geworpen werd. (…) Ik kom twee uur later aan op de plaats van het ongeluk.; geen spoor van een mijn : ze was verpulverd. Ik zie honderden kleine stukjes verbrande uniform rond het gat in het zand veroorzaakt door de ontploffing. In het rond liggen ook snippers van brieven; op één ervan kan ik lezen “ quand donc pourrai-je, cheri te revoir”. Helaas, zijn arme vrouw zou zelfs nooit zijn graf in de duinen zien.

            Nog andere drama’s doen zich voor aan de kust. Veel soldaten die er verblijven zien voor de eerste maal in hun leven de zee en durven niet zwemmen ! In de week tussen 3 en 10 mei ziet Paul een soldaat van zijn bataljon verdrinken.

            “ Een soldaat van de 2e Cie verdrinkt in zee als hij er een bad in neemt; het tij trekt zich terug en ik zie hem een ogenblik strijden tegen de golven, verdwijnen en terug aan de oppervlakte komen om enkele minuten later meegesleurd te worden. s’Avonds spoelt zijn lijk aan”.

Soldaat Simon Carbonelle gedood door een verloren kogel.

            De 10e mei 1915 wordt het 1e bataljon/2e Linie niet naar Ramskapelle gestuurd maar naar een andere sector. Het bezet nu de loopgraven langs de Ieperlee en Steenstrate. De relaties tussen dokter, brancardiers en officieren blijven steeds onduidelijk.

              De 20e mei meldt majoor Vlaerts dat soldaat Simon Carbonelle gedood werd door een verloren kogel. Zijn lichaam ligt langs een haag op een hoogte; de majoor vraagt me de dood vast te stellen; op het ogenblik dat ik wil vertrekken houdt hij me tegen en zegt dat ik gevaar loop ook gedood te worden ! Uiteindelijk beslissen we zijn dood na het invallen van de duisternis vast te stellen.(…) Officieren zijn gelukkig als ze de brancardiers kunnen bekritiseren onder voorwendsel dat ze zich niet gemeld hebben om het lijk op te halen. Alsof hun kritiek op de brancardiers niet volstaat, komt Cdt G. Paul verwittigen dat het voorstel om hem te decoreren teruggestuurd werd met de melding “ faits trop anciens!” ( feiten te lang geleden gebeurd).

Dood van kapitein Jacques.

          Het aflossen in de loopgraven van Steenstrate gaat zeer moeilijk. Men moet kruipen of lopen want op sommige plaatsen is men niet gedekt tegen vijandelijke kogels. Als de mannen aankomen in de eerste linie zijn ze uitgeput. Op sommige plaatsen is de borstwering zeer laag en de kogels fluiten. Soms met tragische gevolgen zoals op 27 mei kpitein Lucien Jacques dodelijk getroffen wordt aan het hoofd. De volgende dag verliest het bataljon op dezelfde wijze nog een man.

In september 1916 heeft Paul nog steeds geen post achter het front gekregen.

          De maanden gaan voorbij. Tussen juni 1915 en einde augustus 1916 kunnen we de avonturen van Paul niet volgen.  Waarschijnlijk heeft Dr De Backer zijn dagboek voor deze periode kwijtgespeeld. We vinden hem terug begin september 1916. op dat tijdstip is hij nog steeds bataljonsdokter en schijnbaar uitgeput : “ Ik wacht nog steeds op een benoeming in een dienst achter het front. Ik voel me niet in staat om het administratief werk te doen ; zelfs een brief schrijven, vermoeit me”.

            Het ontbreken van briefwisseling van thuis is ook niet om hem moed te geven daar hij sinds twee maanden zonder nieuws is van zijn echtgenote Denise.

Het mobiel hospitaal van St Jans Molen.

          De 26e september 1916 bezoekt Dr De Backer het mobiel hospitaal van Dr Newman te St Jans Molen ( Lampernisse). Dit hospitaal is revolutionair in zijn conceptie. Het is samengesteld uit vier vrachtwagens waartussen een grote tent wordt gesponnen. Iedere vrachtwagen heeft een speciale bestemming ( sterilisatiezaal, verblijf, enz.). In 12 uur kan dit hospitaal opgericht worden en kan het opgesteld worden in de nabijheid van het front. De dokters hopen zo het verschrikkelijk hoog aantal overlijdens van gewonden in de buik te verminderen want de enige kans voor hen om te overleven is vlug geopereerd worden. Paul die nog steeds verlangt het beroep van bataljonsarts te verlaten laat verstaan dat werken in dit hospitaal hem interesseert. Maar hij maakt zich geen illusies want hij schrijft :  Dr Newman laat me hopen dat ik op een dag wel naar zijn kliniek zal mogen komen maar ik twijfel aan dat geluk”.

Eindelijk onderscheiden.

            De 29e september 1916 vertrekt de dokter in verlof naar Parijs. Hij verneemt zijn aanstelling als reservedokter en vermeldt in zijn notaboek dat hij op 5 juni 1915 de Kroonorde en op 12 februari 1916 het Oorlogskruis ontvangen heeft. De discriminatie  tegenover de dokters schijnt dus te verzwakken. Paul heeft opgehouden de gebeurtenissen iedere dag te noteren. Hij vermeldt wel op 28 november een nieuw verlof naar Parijs.

Geërgerd door het feestleven in Parijs.

          “ Met juffrouw d’Arondeau , schrijft Paul, ga ik naar het Capucynentheater waar men een interessante en geestige revue speelt. Een bijna naakte danseres danst “ de gouden kever”. Het is een schande te bemerken dat tijdens de oorlog er geen schaamte meer is in het theater. ’s Anderendaags ga ik zien naar “Algar” of “ het plezier van de harem”, een weerzinwekkend stuk dat ik weiger te beschrijven. Nogmaals dit is maar een voorbeeld van de theaterstukken die men vertoont terwijl duizenden mannen elkaar doden in het slijk der loopgraven. “.

            De 8e december 1916 verlaat Paul Parijs en meldt : “ Mijn verlof had vooral als doel binnen te geraken in een hospitaal maar het is nog eens mislukt !

In het kamp van Mailly bij Russische soldaten.

            Als de dokter opnieuw zijn eenheid vervoegt ( 2e Linie) verneemt hij dat de ganse divisie ( de 1e)  vertrekt om te gaan oefenen in het kamp van Mailly. Dus moet hij terug naar Frankrijk. Vertrokken uit Duinkerke heeft zijn eenheid 31 uren treinreis nodig om de bestemming te bereiken. De mannen slapen bij de paarden waar het warm is; de officieren zitten in rijtuigen van tweede klas. Aangekomen in het kamp worden maneuvers georganiseerd. De Belgische ruiters ontmoeten in hun vrije tijd de Russische soldaten die door de Tsaar gestuurd werden om de geallieerden op het westelijk front te ondersteunen.

De Belgen sluiten vriendschap met de Russen. Paul heeft het in zijn dagboek over een merkwaardig Kerstfeest. “ De avond voor Kerstdag waren een vijftiental Russische officieren uitgenodigd in onze mess. Er was een goed eetmaal en muziek gebracht door  het 2e Linie. Men danste en dronk veel wijn en champagne. Het enthousiasme van de Russen voor de Belgen was zeer groot; zij zien ons liever dan de Fransen “.

Steeds geen hoop achter het front te geraken.

          “ Niettegenstaande ik hoop achter het front gestuurd te worden, verschijnt er niets op de orders. De oorlog zal een geweldige schade aanrichten aan mijn medische kennis. Dit terwijl anderen zich bekwamen in hun specialiteit. Tot wat dient het veel moed betoont te hebben in deze verschrikkelijke oorlog, zoals bijna altijd heeft het werk me tot niets gediend! Alleen het gekonkel van de plantrekkers wordt beloond! “

Paul denkt zijn laatste uur gekomenin een bombardement van vier uur.

            De 21e jnuari 1917 denkt Paul in Steenstrate dat zijn laatste uur gekomen is.

“ Gedurende 4 uur , vertelt hij,  duurt het bombardement ; we gaan naar de schuilkelder waarin we ons echter niet beveiligd voelen tegen de zware granaten die rond ons neerkomen. Gedurende vier uren draait de dood rond ons; ik bid verschillende keren mijn akte van berouw. Een officier van de 155ers wordt in een kleine hoeve, 125 meter van ons, gedood.”

            Het is sommige dagen verschrikkelijk koud; de thermometer wijst 14 graden onder nul aan; het ijs is 40 cm dik. Op een morgen vindt men drie soldaten dood van de koude in een voorpost. De eerste februari begeeft Paul zich naar de Hoofdgeneesheer om een dienst achter het front te vragen. Spijtig genoeg isz deze ziek en moet Paul zich vergenoegen met een gesprek met zijn adjunct.

Paul ontdekt het drama van de Cie. Rehabilitation. of Eerherstelcompagnie.

De 17e februari 1917 wordt Paul aangeduid om de dienst te verzekeren bij de Eerherstelcompagnie. “ In deze compagnie is iedereen veroordeeld geweest door de Militaire Rechtbank. Verschillende mannen zijn ter dood veroordeeld maar hun straf werd omgezet in levenslange arbeid. Veel van hen zijn verzwakt door hun lang verblijf in een gevangenis. ( …)Vele wilden geen dienst nemen; verklaarden zich ziek en waren dat niet en werden teruggestuurd naar de gevangenis. Wat ze verkiezen boven het leven in de loopgraven. Velen weigerden naar de loopgraven te gaan en deserteerden uit ziekelijke angst voor de granaten”.

            Paul begaf zich dan op 10 maart 1917 opnieuw naar de Hoofdgeneesheer. Die belooft hem aan te duiden voor het hospitaal in Westvleteren. Paul moet in afwachting verder met het frontleven.

            Hij vermeldt het geval van een oudere soldaat uit de strafcompagnie. “ Ik stel regelmatig een brave mijnwerker uit Luik vrij die zich opgaf als oorlogsvrijwilliger toen hij reeds 42 jaar oud was en wiens twee zonen in deze oorlog gesneuveld zijn. Hij werd gestraft voor een kleine overtreding . In de compagnie was men ook zeer mild voor hem.”

            Paul vermeldt ook nog een dramatischer geval : “ Ik laat de 26e maart 1917 een soldaat wegbrengen die gek werd; met verwilderde en bloeddoorlopen ogen . Het is een man die reeds verschillende keren veroordeeld werd onder andere  weigerde hij naar de loopgraven te gaan. Het is een verschrikkelijke angst voor de granaten die hem doet weigeren; bij hem is er een ziekelijk angstgevoel van schrik. Hoewel hij weet dat hij gefusilleerd kan worden kan hij niet blijven in een bombardement. Verschillende mannen van deze compagnie zijn veroordeeld tot levenslange dwangarbeid door deze instinctieve en ziekelijke angst waartegen ze niets kunnen doen. Ik moet een verslag maken voor het hospitaal in Calais naar waar hij gestuurd wordt. (…) Deze militair was op het ogenblik dat ik hem onderzocht in het cachot en sprak onsamenhangende taal, hij was heel opgewonden; had een rood gezicht met bloeddoorlopen ogen; hij bedreigde de soldaten van wacht. Toen ik hem ondervroeg begon hij te antwoorden. Op de vraag als hij vroeger al ziek was geweest zei hij dat hij een darmontsteking had gehad en begon hij te praten over zijn “marraine” ( oorlogsmeter) , toen hoorde men het geluid van kanonnen, hij bleef stokstijf staan en gaf geen antwoord meer op mijn vragen. Volgens getuigen schaterlachte hij de avond van 25 maart zonder ophouden en de 26e ’s morgens deed hij  in zijn broek. Verschillende mannen die met hem in de eerherstelcompagnie waren vertelden dat hij daar slecht behandeld werd. Naar het schijnt kreeg hij er veel slagen met de wapenstok; men had hem ook aan een paal gebonden in volle winter bij verschillende graden onder nul. Onderofficieren goten koud water over hem . Het is ongelooflijk dat in de 20e eeuw nog zulke methodes gebruikt worden voor mensen al werden die dan tot levenslange dwangarbeid veroordeeld.”

Eindelijk achter het front.

          Op 28 maart 1917 neemt het leven van Dr De Backer een nieuw vertrek. Hij wordt aangeduid als dokter in de 2e Sectie hospitalisatie.

            Paul is gelukkig want hij zal eindelijk geneeskunde kunnen uitoefenen die meer uitwerking heeft dan de diagnoses die hij stelde en de zorgen die hij gaf in de eerste lijn.

Luchtgevechten achter het front.

          Te Westvleteren waar de 2e sectie hospitalisatie zich bevindt, is het leven nochtans niet zonder gevaar. Zoals het incident op 9 mei 1917 bewijst.

            “ Men vuurt op een vijandelijk vliegtuig en een doos met  kogels komt neer op 30 meter van de sectie, dwars door het dak van een schuur waar enkele minuten voordien verschillende soldaten verbleven. Gelukkig waren ze juist vertrokken voor de naamafroeping.”

            De 19e mei is het gevaar en het spectakel opnieuw in de lucht. “ Tijdens het eetmaal roept men buiten te gaan om het gevecht tussen een vliegtuig en een ballon te bekijken. Ik zie twee parachutes hangen bij de ballon. Het zijn de twee waarnemers die toen ze aangevallen werden uit hun gordel sprongen. Ik zie het Duits vliegtuig heel laag vliegen; hij heeft de eerste keer de ballon aangevallen zonder succes . Nu ziet men hem duiken zoals een sperwer op zijn prooi. Dan gebeurt er enkele seconden niets tot men aan de ballon een kleine vlam ziet. De vlam wordt steeds groter en uiteindelijk komt de ballon brandend als een toorts en zwarte rook nalatend nee . De ballon is weg en het vliegtuig keert terug naar zijn linies achtervolgt door shrapnels. “

            De lucht boven de Sectie hospitalisatie is niet kalm. De 16e mei 1917 beleeft Westvleteren opnieuw iets als op 9 mei.  “ Een Duits vliegtuig,schrijft Paul, vliegt boven de sectie, de Engelse afweerkanonnen achtervolgen het; een doos met kogels valt neer op 50 meter van de sectie, valt door een dak neer op het hoofdkussen van een soldaat van het 3e Linie die juist vertrok naar de naamafroeping. (…) De vliegtuigen van de moffen komen dikwijls boven  ons; komen ze foto’s nemen van de munitiedepots  die hier dichtbij gelegen zijn ? Het is goed mogelijk.”

Wat is er geworden van de officieren van het eerste uur na drie jaar oorlog ?

            De 17e juni 1917 verlaat de divisie de sector van Steenstrate . Paul verblijft te Adinkerke bij douanier De Wever waar hij ook drie jaar vroeger logeerde met majoor Reding. Hij denkt met emotie aan deze tijd.  “ Met goede en droevige souvenirs ! De meeste officieren waarmee ik toen aan tafel zat zijn gesneuveld. De dappere Jacques, de twee gebroeders Carbonelle, Van den Eynde, Remy ! Majoor Reding is achter het front. Alleen majoor Busine en ikzelf zijn nog in leven of aan het front !

Paul terug aan het front voor enkele dagen

De sectie hopitalisatie is nu opgesteld aan kmpaal14 langs de weg van Veurne naar Pervijze. Men is primitief geïnstalleerd. Paul en Dr Somers gaan hun beklag doen en krijgen eindelijk bedden voor hun gehospitaliseerden. Paul dacht definitief in tweede lijn te verblijven sedert hij in de sectie hospitalisatie van de divisie was ingedeeld. Hij is dus zeer ontgoocheld als hij verneemt dat hij op 10 september 1917 aangeduid werd als bataljonsdokter bij het 3e bataljon/2e linie. Paul protesteert maar verneemt gelukkig dat het om een vervanging gaat die slechts enkele dagen zal duren.

Een Belgische stad in Engeland.

          Op 17 september 1917 mag Paul het front verlaten. Hij krijgt 12 dagen verlof voor Engeland en begeeft zich naar Birtley. In deze Engelse stad werd een grote gemeenschap Belgen gegroepeerd in een echt dorp “ Elisabethville” genoemd.

            Elisabetville is een groot dorp met houten huizen waarin 6000 Belgen leven die in de munitiefabriek werken. Deze arbeiders verdienen hoge lonen ; de meeste 20 frank per dag. Ook verschijnen in de plaatselijke dagbladen hatelijke artikels  en majoor Noterman heeft veel moeite om de kalmte te bewaren bij de Belgen.”

Overlijden van dr Renneboog.

            De 18e oktober 1917 vermeldt Paul het overlijden van zijn collega Renneboog die overleed tijdens het bombardement van Calais en Duinkerke dat in enkele nachten voor honderden slachtoffers zorgde. In oktober is Paul aan het werk in de dienst oogheelkunde bij de Ambulancecolonne.

Ongelukkige ontploffing doodt jonge recruten waaronder twee broers.

Op 8 november 1917 komt dr De Backer tussen bij een catastrofe.

s’Avonds was er een verschrikkelijk ongeval bij het 3e linie. Een opslagplaats van granaten langs de weg Ieper-Veurne ontplofte om ongekende reden. 24 verschrikkelijk verminkte lijken werden s’avonds naar het lijkenhuis gebracht. Het is het schrikkelijkste zicht dat ik gehad heb tijdens de oorlog; verschillende mannen konden niet meer geidentificieerd worden . Van enkele blijft enkel nog een stuk vormeloos vlees over. Een dertigtal zwaar gewonden zijn naar Hoogstade gebracht; vier van hen zijn reeds overleden en werden s’anderendaags naar het lijkenhuis gebracht. Dr Louré die mensen onderzocht dicht bij de barak waar de ontploffing gebeurde, zou ernstig gewond zijn aan de hals. Alle slachtoffers zijn recruten die slechts enkele uren vroeger aan het front waren aangekomen. Een soldaat van het 14e Linie die zijn broer kwam begroeten werd samen met hem gedood.”

Nieuwjaar 1918 in de loopgraven.

De 29e december 1917 doet Paul opnieuw zijn verschijning in de loopgraven (kmpaal 22). Nieuwjaar brengt hij door in der loopgracht; “ Om 23 uur zie ik honderden lichtkogels vertrekken uit de Duitse loopgraven. Het geeft de indruk dat ze iets willen uitvoeren. Maar bij hen is het middernacht en is dit waarschijnlijk hun manier om het verlangen naar vrede dit jaar uit te drukken. Van onze zijde worden alleen enkele gewone witte lichtkogels afgevuurd. Rond middernacht is alles zeer kalm. Onze mitrailleuzen zijn verstomd nadat ze hevig gevuurd hebben. Onze schildwachten marcheren langs de borstwering in de grootste kalmte en stampen met hun voeten op de grond door de grote koude. Men hoort de akelige kreten van watervogels.”

            In de maand januari 1918 is het bitter koud. De soldaten ploeteren door de regen of sneeuw in hun cantonnementen of loopgraven. Paul schrijft nogmaals verbitterd :  “Ik ben ontmoedigt en walg van de manier waarop onze oversten handelen. Dus hebben alleen deze die bescherming genieten, het recht uit te rusten of kennis op te doen in de hospitalen. De anderen kunnen gedood worden, een miserabel leven leiden of afgestompt worden! De woorden die een officier gisteren uitsprak “ Alle dokters zijn in de oorlog heel sterk geworden , ofwel heel slimme geleerden ofwel heel grote stommeriken!”  De woorden zijn wel goed gekozen.

Het oorlogsdagboek beslaat tussen januari en maart 1918 slechts enkele bladzijden waarin hij opnieuw zijn ontgoocheling weergeeft dat hij zich nog steeds aan het front bevindt. De 9e maart 1918 biedt men hem aan terug te keren naar de sectie hospitalisatie. De 13e schrijft Paul dat de kolonel van de Lansiers hem voor zijn vertrek een ongunstig bewijs wil geven. “ De majoor en de kolonel van de Lansiers, vermeldt met bitterheid dokter De Backer Paul, dit zijn de eerste hogere officieren met wie ik tijdens de oorlog problemen heb gehad.”

Einde oorlogsdagboek Dr De Backer.


De gauche à droite : Père Kenis, vétérinaire Casters, Dr Herberg, Major Tournay, Dr De Backer

            Op 14 maart 1918 stopt het oorlogsdagboek van Paul plots na een laatste zin

“ Ik ontvang mijn marsbevel voor de sectie hospitalisatie wanneer mijn bevel tot overplaatsing verscheen op 13 maart”.

Paul De Backer werd een eminent specialist in radiotherapie.

Behalve zijn verblijf aan het front, zijn dorst om te leren die onbevredigd bleef aan het front en zijn onafhankelijk karakter waardoor hij weigerde een hansworst te zijn in het “theater” van de oorlog, waren de oorzaak van veel moeilijkheden. Paul mopperde dikwijls maar voldeed zonder moeite de taak die hem werd opgelegd. Hij overleefde de grote oorlog en  had het geluk de wetenschappelijke loopbaan  te verwezenlijken die hij geloofde nooit te kunnen realiseren toen hij gedurende vier lange jaren verbleef in de modder van Vlaaanderen. Dokter De Backer werd een eminent professor van radiologie en radiotherapie aan de universiteit van Gent.

Paul De Backer overleed op 2 oktober 1956.

 



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