Médecins de la Grande Guerre

René Glatigny: de brancardier à officier: le parcours difficile d'un instituteur

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René Glatigny : de brancardier à officier : le parcours difficile d'un instituteur.

point  [article]
René Glatigny. (Collection Dr Loodts).

Soldat en manœuvre. (Collection Dr Loodts)

Poste d’artillerie. (Collection Dr Loodts)

Decauville pour ravitailler l’artillerie. (Collection Dr Loodts)

Excursion dans les environs de Lourdes. (Collection Dr Loodts)

Poste renforcé. (Collection Dr Loodts)

Dans les tranchées. (Collection Dr Loodts)

Mortier de tranchée. (Collection Dr Loodts)

Travaux de terrassement. (Collection Dr Loodts)

Nos cuistots. (Collection Dr Loodts)

Nos vacances à Lourdes, les Pyrénées. (Collection Dr Loodts)

Nos vacances à Lourdes, la basilique. (Collection Dr Loodts)

Nos vacances à Lourdes. (Collection Dr Loodts)

Nos vacances à Lourdes, dans les Pyrénées. (Collection Dr Loodts)

Une échelle d’observation. (Collection Dr Loodts)

Le long de l’Yser. (Collection Dr Loodts)

Poste fortifié « Caeskerke ? ». (Collection Dr Loodts)

En manœuvre. (Collection Dr Loodts)

Un chef devant ses hommes. (Collection Dr Loodts)

René Glatigny au casse-croûtes. (Collection Dr Loodts)

René Glatigny et des frères d’armes dans un moment de détente. (Collection Dr Loodts)

Decauville double emploie. (Collection Dr Loodts)

Abri 1660. (Collection Dr Loodts)

René Glatigny devant une maison transformée en poste de secours. (Collection Dr Loodts)

La fosse commune des soldats français tués dans l’église de Lamperdisse. (Collection Dr Loodts)

Encore une tombe. (Collection Dr Loodts)

Compagnons d’armes en détente. (Collection Dr Loodts)

Dans un abri. (Collection Dr Loodts)

Pont sur les inondations. (Collection Dr Loodts)

Couple de paysans dans la campagne. (Collection Dr Loodts)

Méditation dans la tranchée. (Collection Dr Loodts)

Cinq soldats devant leur abri. (Collection Dr Loodts).

En repos. (Collection Dr Loodts).

Au cantonnement. (Collection Dr Loodts).

A l’exercice avec fusil mitrailleur. (Collection Dr Loodts).

Quatre soldats de garde en 1e ligne. (Collection Dr Loodts).

La ligne de front. (Collection Dr Loodts).

En cantonnement. (Collection Dr Loodts).

Enfants en colonie « Vinken ». (Collection Dr Loodts).

Deux soldats naviguent sur un canal. (Collection Dr Loodts).

Travail de génie dans les inondations. (Collection Dr Loodts).

Une tranchée de l’arrière. (Collection Dr Loodts).

La corvée pommes de terre. (Collection Dr Loodts).

Poste de repos à l’arrière. (Collection Dr Loodts).

René Glatigny parmi ses hommes. (Collection Dr Loodts).

Abri devant le bac. (Collection Dr Loodts).

René Glatigny devant le poste de secours. On y voit un porte civière. (Collection Dr Loodts).

Cimetière militaire. (Collection Dr Loodts).

Enterrement d’un frère d’armes. (Collection Dr Loodts).

Repos devant l’entrée du poste de secours. (Collection Dr Loodts).

René Glatigny devant le poste de secours « Zone Nord » . (Collection Dr Loodts).

Le poste de secours « Zone Nord ». (Collection Dr Loodts)

La goutte dans la tranchée. (Collection Dr Loodts).

Corvée remplissage des sacs de terre. (Collection Dr Loodts).

Musique militaire. (Collection Dr Loodts).

Corvée sacs de terre. (Collection Dr Loodts).

René Glatigny soignant un blessé. (Collection Dr Loodts).

Pose photo dans la tranchée rénovée. (Collection Dr Loodts).

La boue des Flandres. (Collection Dr Loodts).

Corvée sacs de terre. (Collection Dr Loodts).

Encore des sacs. (Collection Dr Loodts).

Un repos bien mérité. (Collection Dr Loodts).

René Glatigny devant son poste de secours. (Collection Dr Loodts).

Exercice dans le cantonnement. (Collection Dr Loodts).

Pose entre deux exercices. (Collection Dr Loodts).

Un wagon Decauville poussé par un soldat. (Collection Dr Loodts).

Le Decauville dans les inondations. (Collection Dr Loodts).

Groupe de soldats fêtant « Pâques 1917 » au cantonnement. (Collection Dr Loodts).

Au cantonnement, la propriétaire de la ferme. (Collection Dr Loodts).

Visite de l’écrivain français Henri Bordeaux. (Collection Dr Loodts).

Un exercice dans les plaines de Flandres. (Collection Dr Loodts).

Un exercice dans les plaines de Flandres. (Collection Dr Loodts).

Causette devant un poste de secours fleuri. (Collection Dr Loodts).

Decauville passant devant le poste de secours. (Collection Dr Loodts).

Au cantonnement, un groupe de maisons. (Collection Dr Loodts).

Ambulance. (Collection Dr Loodts)

Poste chirurgical avancé. (Collection Dr Loodts)

Lettre, du Ministère de la Guerre, faisant part du décès du sergent René Glatigny. (Collection Dr P. Loodts).

6ème peloton au Centre d'Instruction de Sous-Lieutenant d'Infanterie de Gaillon en juillet 1916. (Collection Dr P. Loodts).

Verso de la photo de groupe. (Collection Dr P. Loodts).

Introduction :
Ce sont les cahiers de René Glatigny (1) qui ont été le point de départ de ce travail et de sa dynamique. Il s'agit de deux cahiers d'écolier de l'époque dans lesquels René Glatigny, instituteur, fils d'instituteur, combattant de la Grande Guerre, gardait copie des lettres qu'il écrivait à sa marraine de guerre, mademoiselle Blanche Sarcey, institutrice française, habitant à Montjoire (région de Toulouse). Le premier cahier contient copies des lettres du 9 juin 1917 au 22 avril 1918 et le second cahier, celles du 27 avril au 25 septembre 1918.
Ayant eu l'occasion de consulter ces documents jusqu'à présent inédits, diverses possibilités s'offraient en vue de leur étude. La psychologie de René Glatigny dans ses cahiers, les relations avec mademoiselle Sarcey telles qu'il nous les faisait sentir dans ses lettres, les options morales et les idéaux de René Glatigny, reflets d'une époque (notamment ses idées sur la femme ou sur la patrie), étaient autant de sujets possibles pour une étude de ce document, autant de divers aspects, dignes d'intérêt. Pourtant, le propos de ce travail est différent. Il s'agit de montrer les efforts déployés pendant la guerre 1914-1918 par les instituteurs en général, et René Glatigny en particulier, pour avoir le choix entre le service sanitaire et le service armé en temps de guerre, pour avoir le droit de se battre pour leur pays à la mesure de leurs capacités et pour avoir accès, au même titre que les porteurs d'un diplôme d'humanités, aux écoles d'officiers (2), en vue de commander des hommes au front, efforts qui furent finalement couronnés de succès.


René Glatigny. (Collection Dr Loodts).


René Glatigny

Devenir officier : un choix réfléchi longuement…

Deux extraits de lettres nous ont semblé essentiels pour la compréhension des motivations de René Glatigny. 
"Il est fort probable que je vais quitter le front pour quelques mois. Je me suis inscrit pour quitter le service de santé et passer à l'infanterie. Il y a du pour et du contre. Comme avantage : je passe trois, quatre mois à une école de sous-officiers et je reviens au front comme sergent, candidat à l'école d'officier de Gaillon. Au service de santé, il y a cet avantage qu'au repos on n'est pas tenu, mais comme danger c'est la même chose. Quant à l'avancement, il est très difficile et on n'a pas droit aux distinctions honorifiques. Un brancardier fait une action d'éclat, expose sa vie pour chercher un blessé, il ne fait que son devoir, répond-on. Mais je me tais sur ce sujet, chacun lave son linge sale en famille." (lettre du 8 juillet 1917) Cet extrait est très significatif. Toute sa motivation s'y trouve. Outre le pour et le contre de la situation des brancardiers par rapport aux militaires du service armé, il met le doigt sur le véritable problème, le plus important, qui est la différence de considération que l'on accorde à l'un ou à l'autre. Il n'y a pas d'acte héroïque reconnu pour le brancardier. Personne n'a de respect pour son statut. Comme les instituteurs avaient été d'office assignés au service de santé en cas de guerre, ils ne pouvaient faire leurs preuves dans le service armé et souffraient d'un manque de considération.
Nous anticipons un peu en vous livrant cet extrait d'une lettre du 21 juin 1918 écrite à Gaillon, importante pour son contenu, et bien à propos il me semble.
"Nous avons eu, dis-je donc, la visite d'un général inspecteur venu du front. Cela a dur é deux jours, mercredi et jeudi. Le matin, exercices pratiques, l'après-midi, théorie. Cela n'a pas trop mal marché même que cela a été très bien. Son impression a été bonne, nous en sommes fiers car c'est un peu l'honneur du métier qui est en jeu. Cette session a puisé ses éléments parmi le corps enseignant aux armées. Vous savez que la loi en Belgique nous avait placés dans le service de santé et de ce fait, la gent militaire nous prenait pour des imbéciles. Mais voilà qu'après diverses revendications, nous avons pu obtenir d'être sur le même pied que nos collègues français et allemands, c.à.d. qu 'on nous donnait l'occasion d'entrer dans le service armé et d'y devenir gradé. Et voilà que dans chaque centre où nous sommes passés, nous recevons des félicitations, voilà que l'impression de nos adversaires change et on regrette de nous avoir méconnus. Mais je ne discute pas cette question. C'est une question de ménage, aussi je la discute en famille."
Malgré la perception d'un peu d'amertume dans cet extrait, nous pressentons profondément l'importance des revendications de ces instituteurs et de leurs efforts, leur mérite à avoir obtenu leur accès aux écoles d'officiers.
Continuons à suivre l'évolution de René Glatigny au travers de ses lettres.

René Glatigny à l'école de sous-officiers de Bayeux.

Dans la lette du 17 septembre 1917, le projet de René Glatigny se précise : "le premier octobre, je pars pour un mois …à Bayeux (Calvados) où je vais recevoir l'instruction de sous-officier d'infanterie pour, si tout va bien, partir au C.I.S.L.A.. à Gaillon."
Comment vit-il son séjour à Bayeux ?
"Ma tête est comme un véritable capharnaüm. Des théories, des exercices, mon crâne en est tout bourré si bien que je ne sais plus dire si c'est blanc que je dois penser, ou noir. Il paraît que c'est la discipline qui veut cela." (lettre du 14 octobre 1917)
"Comme je l'ai dit précédemment, la vie est dure au C.I.S.S.O.I. (Centre d'instruction des sous-officiers d'infanterie) surtout qu'on travaille avec des engrenages rouillés par la boue gluante de l'Yser." (lettre du 21 octobre 1917)
"Je ne dirai pas que mes règlements sont sus. Que du contraire, plus je les étudie, plus cela me rend marmelade. On devient trop vieux pour recommencer à étudier". (lettre du 4 novembre 1917)
Il est normal qu'après les années qu'il a passées au front, René Glatigny éprouve quelques difficultés à de nouveau étudier. De plus il est vrai que : "On doit faire en trois mois ce qu'on faisait en un an en temps de paix." (lettre du 28 octobre 1917). Pourtant, dans la lettre du 27 novembre 1917, une phrase illustre la tenacité de ce jeune homme : "Et puis, n'est-ce pas à ceux qui ont le bonheur d'avoir un peu d'instruction que le commun de donner l'exemple…".
Dans la lettre du 8 décembre 17 écrite à Bayeux, on trouve une anecdote intéressante : " P.S. Je suis venu à l'arrière pour avoir mon premier jour d'arrêt. Motif : Être trouvé dans mon lit cinq minutes après le réveil. " Premier aperçu de la discipline militaire, mon cher instituteur.
Puisqu'on en est aux anecdotes, il m' a semblé amusant de relever celle-ci dans la lettre du 8 septembre 1917 écrite au front. Le congé dont nous parle René Glatigny est un congé au cours duquel il comptait rencontrer pour la première fois sa marraine de guerre avec qui, à ce moment-là, il correspondait depuis plus d'un an. "Quant au fameux congé, il a été remplacé par une prime de 4,90 francs, prime donnée par le Général pour prendre un verre à sa santé. Cette prime, je ne la considère pas ainsi, mais la censure m'interdit toute réflexion…". Nous comprenons la déception de René Glatigny qui voyait sûrement dans son congé plus qu'une tournée pour le Général.
Dans la lettre du 26 décembre 19187, rené Glatigny annonce : "Le 15 (janvier 18) nous quittons Bayeux pour St LÔ. Le 20 commencent nos examens pour le deuxième galon ou plutôt pour la floche d'argent." Argent était la couleur de la floche du bonnet de police de sous-officier selon l'uniforme de l'époque. Il est vrai également qu'au cours du deuxième semestre de 1917 a lieu le transfert du C.I.S.O.I. de Bayeux à ST Lô.
Le 6 février, il attend les résultats et c'est le 24 février que René Glatigny reçoit sa nomination de sous-officier.

René Glatigny à l'Ecole de candidats sous-lieutenants auxiliaires de Gaillon

"Et me voici dans un nouveau coin de France, dans l'Eure, à Gaillon." (lettre du 25 février 1918). 
Les locaux de Gaillon ont été mis gracieusement à la disposition du gouvernement belge par l'autorité militaire française. La caserne est un ancien château des cardinaux d'Amboisee, où séjournait avant la guerre un bataillon du 74° de ligne. Les locaux comportent des chambres-dortoirs, des salles de cours, un réfectoire, des lavoirs, une infirmerie.
Une nouvelle série de cours commence.
(lettre du 25 février 1918)
Pourtant, la réalité de la guerre est sans cesse présente. Une phrase relevée dans la lettre du 28 mars 1918 représente une synthèse saisissante de la situation : "Dimanche, ce sera Pâques. Hélas, les cloches ne sonneront pas encore l'alléluia de la rédemption. L'air joyeux est devenu homicide…". Par cette dernière phrase, rené Glatigny rappelle qu'en Belgique occupée, les cloches des églises avaient été détournées de leur fonction première. Enlevées par les Allemands, elles avaient été transformées en canons. En quelques mots qui nous font frissonner, la description d'une situation terrible est faite. 
Parfois, René Glatigny dit : " Je suis heureux d'être ici embusqué. Il est vrai que j'y suis pour un motif bien légitime. " (lettre du 5 mai 1918) Mais il ne restera plus longtemps embusqué. La session de Gaillon se termine le 31 juillet et jusqu'à ce jour, ce sont les examens et exercices qui comblent la vie de René Glatigny. Après les derniers préparatifs, c'est le retour au front, au 16° Régiment de Ligne, 8° Division d'Infanterie, 2° division d'Armée.

Retour de René Galtigny au front

Le première lettre après son retour au front est datée du 12 août 1918. Dans la lettre du 17 août, il écrit : " Me voici adjoint. J'ai environ 40 à 50 hommes à mener. Plutôt, je dois aider mon chef de peloton à les conduire, car pour le moment, je suis apprenti. L'art ne s'acquiert pas en un jour… " En effet, les jeunes gens qui avaient réussi l'examen final recevaient un brevet de sous-lieutenant mais ne pouvaient être nommés à ce grade que sur la proposition des chefs, après l'expiration d'un stage sévère accompli au front. 
Ce retour aux tranchées est brutal. " Notre session vraiment inaugure mal son retour au front. Trois de mes camarades viennent déjà de disparaître. " (lettre du 10 septembre 1918)

Décès de René Glatigny lors de l'offensive libératrice

Les deux dernières lettres sont datées du 20 septembre et du 25 septembre 1918. On pressent dans ces deux lettres une activité accrue au front. "Excusez moi si d'ici quelque temps vous ne recevrez plus que des cartes." (lettre du 20 septembre 1918) Le dernier paragraphe de sa dernière lettre est le suivant : "Je vous enverrai demain une adresse au cas où il m'arriverait un accident."
Le 28 septembre, l'armée belge s'élance sur un front de 30 km. La 8° Division d' Infanterie garde l'extrême droite de l'Armée belge, opère une magnifique avance, traverse la position de résistance allemande coiffant la crête de Flandres (Flandern II Stellung), ne s'arrêtant qu'après avoir conquis les objectifs assignés. 
Le 28 septembre, premier jour de l'offensive, René Glatigny, instituteur, sergent, breveté du C.I.S.L.A, adjoint chef de peloton est grièvement blessé à l'ennemi et décède à la suite de ses blessures à l'hôpital d' Hoogstaede. Il est parmi les 30.000 Belges qui du 28 septembre au 11 novembre tombèrent, tués ou blessés La chance avait cessé de protéger ce soldat de la première heure qui avait plusieurs fois échapper à la mort.

"Mon ancienne compagnie, m'écrit un ami, a dû rester dans un bombardement de torpilles et de bombes pendant cinq heures. Tous mes amis brancardiers y ont trouvé la mort. Je frémis quand j'y pense." (lettre du 21 octobre 1917)

"J'ai appris cette semaine qu'il ne faisait pas gai à Dixmude. Tous mes officiers ont été tués avec huit de mes amis dans une lutte de bombes. Si j'avais été là, il est fort probable que j'y fusse aussi resté." (lettre du 28 octobre 1917)

(1) Notice biographique de rené Glatigny

René Glatigny est né à Tarcienne le 28 juillet 1892. Il était le fils de Constant Glatigny et d'Odile Famenne.
Tarcienne est un village de la province de Namur, à la limite sud de la Province de Hainaut. Il est situé à 12 km au sud de Charleroi. Au début de ce siècle, Tarcienne comptait environ 500 habitants. Il fait actuellement partie de l'entité de Walcourt, ville distance d'une dizaine de km.
Constant Glatigny était l'instituteur à l'école communale des garçons, école à classe unique pour les six années primaires. Il avait succédé à cette fonction à son père, Charles Glatigny.
L'instruction des filles du village était confiée à une école tenue par des religieuses. Constant Glatiny était en outre secrétaire communal, géomètre-arpenteur et trésorier de la mutuelle locale. Homme très jovial et très populaire, il était connu à plus de cent lieues à la ronde. Il aimait rendre service…et faire plaisir.
Odile Famenne était institutrice diplômée et douée d'une culture quelque peu raffinée pour son époque, mais depuis son mariage, elle s'occupait uniquement de l'éducation de ses enfants, éducation profondément chrétienne, respectueuse des grands principes. Signalons que son père Olivier Famenne était aussi instituteur.


René Glatigny fit donc ses six années d'école primaire dans la classe unique de son père. Il fut ensuite envoyé par ses parents d'abords au petit séminaire de Floreffe et ensuite à l'institut saint Berthuin de Malonne, tenu par les Frères des Écoles chrétiennes pour y recevoir la formation d'instituteur. Il obtint son diplôme d'instituteur en 1911, à l'âge de 19 ans. Il fit ensuite plusieurs interims dans divers établissements scolaires de l'Entre-Sambre-et-Meuse. En 1914, toujours célibataire, il était maître d'études à l'école normale de Couvin.
En 1909, le service militaire personnel fut adopté par la Parlement belge à raison d'un fils par famille, en remplacement du tirage au sort. En 1913 fut adopté le service général obligatoire. Malgré cela, rené Glatigny n'effectua pas de service militaire. En effet, à cet époque, les instituteurs de même que les jeunes gens qui se destinaient au ministère ecclésiastique ou aux missions étaient exemptés du service militaire en temps de paix mais étaient affectés à un service sanitaire en cas de mobilisation. Pour obtenir cette exemption, ils étaient tenus de suivre pendant trois mois un enseignement d'infirmier-ambulancier ou de justifier par un examen qu'ils possédaient les connaissances nécessaires pour remplir cette fonction.
En 1914, la famille Glatigny comptait quatre enfants dont un garçon, René et trois filles, Marthe, Ghislaine et Irma. En 1911, la famille avait perdu, suite à une maladie, un petit garçon âgé de cinq ans qui se prénommait Hector.
Le 4 aôut 1914, obéissant à l'ordre de mobilisation générale, René Glatigny rejoignit Anvers où il fut affecté à la Colonne d'ambulances de la Deuxième Division d'Armée (2 DA)
Avec la 2 DA, il participa à la défense de la position Gette, aux deux sorties d'Anvers effectuée par l'armée belge, à la défense d'Anvers, au repli vers l'Yser et à la défense de la position Yser. C'est au cours de cette période qu'il écrivit son journal de campagne. Il s'agit d'un carnet à couverture noire d'un format de 15 sur 9,5 cm dans lequel, il inscrivit au jour le jour les événements qu'il vécut du 3 août au 10 octobre 1914. Au cours de la période de stabilisation sur l'Yser, il fit connaissance d'une marraine de guerre, mademoiselle Blanche Sarcey, institutrice française, habitant à Monntjoire (région de Toulouse). Il échangea avec elle de nombreuses lettres. Ont été retrouvés trois cahiers d'écolier de l'époque dans lesquels il gardait copie de lettres qu'il écrivait à sa marraine de guerre, du 03 juillet 1916 au 25 septembre 1918.
En juillet 1917, René Glatigny sollicita et obtint son passage à l'infanterie. Le premier octobre 1917, il fut envoyé à Bayeux (Calvados) pour y suivre les cours du C.I.S.O.I. (Centre d'Instruction des Sous-Officiers d'Infanterie) d e l'armée belge. Le 24 février 1918, il fut nommé sous-officier d'infanterie et, au vu de ses résultats à Bayeux, fut envoyé au C.I.S.L.A. (Centre d'Instruction des Sous-Lieutenants d'Infanterie) à Gaillon, dans l' Eure. La session se termina le 31 juillet. 
Breveté du C.I.S.L.A., René Glatigny retourna au front où il fut attaché au 16° Régiment de Ligne, 8° Division d'Infanterie, 2° Division d'Armée.
Le 28 septembre 1918, à la tête de son peloton d'infanterie, il participa à l'offensive libératrice qui venait d'être déclenchée. Au cours de ce premier jour d'offensive de l'armée belge, il fut grièvement blessé à l'ennemi et décéda à la suite de ses blessures à l'hôpital d' Hoogstaede. 
Après l'armistice, sa dépouille mortelle fut ramenée des Flandres et inhumée au cimetière de Tarcienne sous la dalle du monument élevé an hommage aux morts de la guerre 14-18. Une plaque commémorative fut également apposée dans l'église de Tarcienne, à l'arrière, du côté gauche. Elle y est toujours visible aujourd'hui.

(2) Historique (1914-1921) de la création des écoles pour candidats sous-lieutenant et évolution de leurs critères d'admission 

La situation de milice des instituteurs au début de la Grande Guerre : 

Les instituteurs étaient miliciens dispensés du service en temps de paix à cause de leur profession mais affecté à un service sanitaire en cas de mobilisation.

Quant aux officiers de réserve avant 1914, ils devaient posséder le certificat d'humanités complètes, ce qui excluait les instituteurs (porteurs eux du diplôme d'études moyennes du degré inférieur suivies de quatre années d'école normale). 

C'est l'arrêté royal du 15 septembre 1913, n° 1756 bis (source : Journal Militaire Officiel- 1913, première partie, page 1.403 et suivantes), qui réglait les mesures d'application des lois en la matière et en même temps avait refondu en un seul arrêté les diverses dispositions concernant le recrutement et l'avancement des officiers de réserve. Il y a toutefois peu à dire à ce sujet dans le cadre de cette étude car, comme nous le verrons plus loin, les officiers de réserve en 1914 étaient peu nombreux. A noter toutefois que dans l'arrêté royal du 6 décembre 1913, n°1905, relatif au recrutement des volontaires de milice en vue de leur passage dans les cadres de réserve, j'ai découvert que, déjà à l'époque, la condition en ce qui concerne les études faites était d'être "porteur d'un certificat homologué d'humanités complètes, ou bien d'un certificat, dûment légalisé, d'admission à un établissement d'enseignement supérieur ou satisfaire à une épreuve scientifique dont le programme sera celui des écoles moyennes de l'État" 
(Journal Militaire Officiel-1913, première partie, page 1531).

Au début de la guerre, la Belgique dispose d'un nombre insuffisant d'officiers de réserve…

Au début de la guerre, l'armée belge comptait 292 officiers de réserve sur un nombre total de 3.201 officiers en service 
(Source : "Les Écoles d'Officiers de l' Armée Belge "- Étude émanant des services compétents du Ministère de la Guerre de Belgique- Imprimerie du Havre-Éclair, 11, rue de la Bourse, le Havre, 1916, page 3). Cette proportion (9%) était vraiment très faible si on la compare à la situation du cadre officier à la veille de la guerre 1940-1945 où notamment dans l'infanterie, 4 officiers sur 5 étaient des réservistes. (Source : Général Van Overstraeten, "Au service de la Belgique. Dans l'étau", Librairie Plon, Paris,1960, page 163)

et découvrit la nécessité de créer des écoles belges d'officiers

Le nombre d'officiers en service (3.2O1) était nettement inférieur aux besoins de l'armée mobilisée qui devait en comprendre 4.5OO. certaines ressources (environ 300) étaient disponibles immédiatement (élèves de l'École d'Application et de l' École Militaire, sous-officiers candidats sous-lieutenants) mais ces ressources étaient largement contrebalancées par un certain nombre d'officiers détachés à la colonie, dans divers états-majors et à l'aviation si bien que l'encadrement des troupes restait en déficit de 1.320 officiers dont 900 à l'infanterie.
( "Les Écoles d'Officiers de l'Armée Belge "- 1916, page 3)

De plus, il y eut rapidement un déficit supplémentaire : le mois d'août 1914 coûta 413 officiers, le mois de septembre jusqu'à l'évacuation d'Anvers, 439, sans compter ceux que leurs blessures mirent hors de service.
La première tentative d'ouverture d'une école belge d'officiers a pour cadre Anvers. Cette école se dénomma C.I.S.L.A., abréviation du titre : Centre d'Instruction pour Sous-Lieutenants Auxiliaires. Ses premiers élèves étaient 150 sous-officiers prélevés sur les troupes de forteresse. Elle était en pleine activité lorsqu'au début d'octobre 1914, le transfert des dépôts et des régiments de recrues vers l'ouest fut décidé. En date du 4 octobre 1914, l'Inspecteur Général de l'Armée supprima le C.I.S.L.A. d'Anvers et décida d'en utiliser les élèves pour encadrer les recrues à l' Instruction.
(Sources : i) Lieutenant Général de selliers de Moranville : "Histoire de l'Inspection Générale de l' Armée et des Centres d'Instruction Belges pendant la Guerre Mondiale, Extraits du Bulletin Belge des sciences militaires, janvier à mars 1938, page 16. ii) " Les Écoles d'Officiers de l' Armée Belge ", page 5 et 6)

Néanmoins, le projet de former des écoles d'officiers pour l'armée ne fut pas abandonné. La décision fut prise lorsque la bataille de l'Yser se termina et lorsque l'installation en France eut pris quelque assiette. Le C.I.S.L.A. d'infanterie fut le premier ouvert. On avait d'abord estimé en automne 1914, que la formation des chefs de peloton d'infanterie pourrait se faire dans les unités mobilisées et qu'il n'était pas nécessaire d'envoyer ces éléments dans une école. L'approche de l'hiver ouvrit de larges brèches dans les rangs des officiers d'infanterie. La nécessité de développer par d'autres moyens le recrutement des officiers de cette armée fut alors reconnue et l'organisation d'une école fut décidée le 19 décembre 1914 Cette école s'ouvrit à Gaillon le 15 janvier 1915 (source : "Les Écoles d'Officiers de l'Armée Belge "- 1916, page 6)

L'institution fut ensuite étendue aux autres armes : à l'artillerie (le 14 avril 1915); à la cavalerie (C.I.S.L.A.C.) le 22 avril 1915; au génie (C.I.S.L.A.G.) le 15 mai 1915. Il y eut également à Bayeux, dans le courant du premier semestre 1915, d'un centre d'instruction pour sous-lieutenant auxiliaires instructeurs (C.I.S.L.A.I.).
(Source : Lieutenant Général de Selliers de Moranville, op.Cit., page 223)

Evolution des critères de sélection et admission tardive (1916) des instituteurs aux écoles de candidats sous-lieutenants
Les premiers candidats pour l'école de Gaillon, au nombre de 280, furent choisis parmi les jeunes gens qui possédaient une instruction moyenne complète (c'est à dire les humanités complètes) ou une instruction supérieure, et qui avaient donné toute satisfaction à leurs chefs.
(Source : "Les Écoles d'Officiers de l'Armée Belge "- 1916, page 6)

Une lettre de l'Inspection Générale de l' Armée (I.G.A) envoyée de Rouen et signée par le Lieutenant Général de Selliers de Moranville mais non datée nous confirme ces critères.
Cependant dans une annexe aux ordres journaliers (O.J) n°144 de l'I.G.A. en date du 19 février 1915, annexe intitulée "Recrutement C.I.S.L.A., à Gaillon ", on constate que les critères de sélection sont déjà plus élargis. Toutefois le diplôme d'instituteur n'y est toujours pas mentionné. C'est dans les archives déposées par le Lieutenant Général de Seilliers de Moranville au Musée Royal de l'Armée, ( environ 3.000 pages dactylographiées) que nous avons découvert page 864 la première mention de l'autorisation d'envoyer des brancardiers-infirmiers, probablement des instituteurs, au C.I.S.L.A.I d e Bayeux : "Une dépêche du Ministre de la Guerre datée du 4 avril 1916 Cabinet n°24 939, m'autorise à détacher au C.I.S.L.A.I. de Bayeux pour y suivre une période d'instruction des infirmiers-brancardiers venus de l'armée comme infirmiers-brancardiers au même titre que les élèves en philosophie se destinant à la prêtrise."

Et c'est au cours du deuxième semestre de 1916 que la formation par l'I.G.A de candidats adjudants chefs de peloton issus de brancardiers-infirmiers commence.
(source : Lieutenant Général De Selliers de Moranville, Op.Cit, page 232)

Après l'armistice

Au moment de l'armistice, un total de 3.168 brevets d'aptitudes au grade de sous-lieutenant auxiliaire avaient été délivrés par les C.I.S.L.A.. (source : "nos héros morts pour la patrie ", première partie, page 191)
Pendant un certain temps, la formation d'officiers continue selon le système du temps de guerre, c'est -à-dire dans les C.I.S.L.A. C'est ainsi qu'une circulaire ministérielle, datée de Bruxelles, le 18 juillet 1919 prescrit "de diriger sur les C.I.S.L.A. les miliciens porteurs du diplôme d'humanités complètes, aux fins de contribuer au recrutement des officiers de réserve". ( Journal Militaire Officiel 1919, première partie, pages 158 et 159)
Deux points sont à souligner dans cette circulaire. D'abord, un point qui nous a paru étrange : "Ces désignations seront faites d'office sans qu'il y ait lieu de tenir compte du désir des miliciens de devenir ou de ne pas devenir officier de réserve." et ensuite : la guerre est finie et les sacrifices consentis par les instituteurs pendant la guerre semblent avoir été oubliés. 

Cependant, dès le 20 septembre 1919, une autre circulaire ministérielle stipule que "le diplôme d'humanités complètes n'est pas une condition absolue pour la désignation des miliciens pour les C.I.S.L.A. Les miliciens qui ont fait des études qui comportent une base de connaissances générales sensiblement égales à celles des humanités complètes sont aussi admissibles au C.I.S.L.A. Toutefois, ces miliciens seront astreints au C.I.S.L.A., à une épreuve scientifique destinée à permettre à l'autorité militaire de constater si leurs connaissances sont suffisantes." (Journal Militaire Officiel 1919, première partie, pages 421 et 422) C'est déjà mieux mais les études d'instituteur ne sont pas spécifiquement mentionnées.
Ce n'est que dans une circulaire ministérielle datée du 26 novembre 1919 que l'on trouve la précision suivante : "5. sont assimilés aux jeunes gens ayant leur diplôme d'humanités gréco-latines complètes :
a)les instituteurs qui ont effectué quatre années d'école normale."
(source :Journal Militaire Officiel, 1919 deuxième partie, page 235 à 237)

En 1920, il est mis fin au système des C.I.S.L.A. et l'arrêté royal du 24 juillet 1920, n° 7797, crée des Écoles d'armes, ce qui implique une école pour chaque arme : infanterie, cavalerie, artillerie et génie. Chacune de ces écoles comprend notamment une école de sous-lieutenants de réserve (E..S.L.R.) et dans une circulaire ministérielle datée de Bruxelles, le 19 avril 1921, "circulaire indiquant les mesures à prendre en ce qui concerne les miliciens de la classe 1919 se trouvant dans les conditions requises pour suivre les cours d'une école de sous-lieutenants de réserve", on découvre que les instituteurs pourront, sur leur demande, être admis dans les E.S.L.R. à l'exclusion de celle du génie- moyennant un examen d'admission. (Journal Militaire Officiel, 1921) première partie, page 651 et suivantes)



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