Médecins de la Grande Guerre

Un drame souvent oublié, celui des milliers de civils français exilés de force en Belgique occupée

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Un drame souvent oublié, celui des milliers de civils français exilés de force en Belgique occupée.

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Vue générale de Vandières bombardée

Vandières (Meurthe et Moselle) : Le 28 octobre 1919 obsèques solennelles de Monsieur l’abbé Mamias et des 5 habitants fusillés par les Allemands le 19 septembre 1914 en haine de la France, sur l’ordre du Kommandant « Von Kaiser »

L’église de Viéville-en-Haye

Le monument de Pagny-sur-Moselle

Vandières, la route de Pont à Mousson

Un drame souvent oublié, celui des milliers de civils français exilés de force en Belgique occupée

       La faim régnait en Belgique occupée. On sait les efforts que le futur président des Etats-Unis Hoover déploya pour qu’une aide massive de vivres provenant des Etats-Unis  parvienne en Belgique. Les Belges durent cependant partager leur misère avec de nombreux exilés français chassés par les allemands de leurs villages situés sur la ligne de front.  A Pagny-sur-Moselle, fin 1917, début 1918, les Allemands rassemblèrent toutes les familles du village et les obligèrent à partir en colonnes.  Un témoin Anne-Marie Godart[1], alors petit enfant en 1917, rapporta à un journaliste en 2006 qu’elle et sa famille étaient parties en exil  avec pour seules richesses  emportées dans un sac de la Croix-Rouge  de l’argenterie et… un lapin cuit. La première étape s’effectua à pied. Il  y avait cependant  deux tombereaux pour les personnes âgées. Après une longue marche jusque Maizières-lès-Metz, la malheureuse population de Pagny fut  alors embarquée dans des wagons à bestiaux è destination de la Belgique. Dans ce convoi, les exilés de Pagny  eurent la surprise de retrouve aussi toute la population de Vandières et de Viéville-en-Haye ! Le convoi s’arrêta finalement à Tirlemont (Tienen), petite ville flamande entre Bruxelles et Liège où les familles furent dispersées dans les villages avoisinants. La famille d’Anne-Marie Godart fut hébergée chez des brasseurs de Drieslinter dans un bâtiment où l’on séchait du houblon. Jeunes et vieux vont dormir dans la paille ou sur des lits de fortune, souffrir du froid et de la sous-alimentation. Après l’armistice, des troupes françaises cantonnèrent à Drieslinter et s’occupèrent des réfugiés. Parmi ces soldats se trouvait même un habitant de Pagny, Maurice Regnier, qui retrouva là sa femme et  son petit-garçon. O Maurice Regnier devait devenir plus tard le maire de Pagny.

       Combien furent-elles ces familles françaises à avoir dû tout quitter pour  venir en Belgique occupée ? Sans aucun doute plusieurs milliers. Ils furent présents dans la région de Tirlemont  mais aussi  dans celle de Charleroi et de Verviers.

       A Charleroi, le collège du Sacré-Cœur doit héberger en mars 1918 de nombreux Français provenant de Saint Quentin. Voilà le témoignage d’un élève du collège :

       Ce vendredi 9 mars, à 18 heures, on faisait savoir que le Collège devrait abriter incessamment 350 réfugiés français qui ont dû quitter en hâte la crèche, l'orphelinat, la maternité et l'hôtel-Dieu de Saint-Quentin.

        En grand nombre nous accourons aider les Pères à aménager le Collège. Et le dimanche dès 8 heures du matin, épuisés déjà par leur long et inconfortable voyage, ces tristes convois de misères humaines traversent la ville, de la gare au boulevard Audent, bloquant la circulation à de nombreuses reprises, jusqu' à 7 heures du soir. Estropiés, malades, impotents, vieillards, on les a installés comme on a pu, parfois sur des brancards, dans des voitures de tram découvertes. Nous les aidons avec d'infinies précautions à gagner ce havre de miséricorde que sera pour eux notre Collège.

       La « grippe espagnole » sévit bientôt : brisés par le déplacement et l'émotion, nos malheureux sont des victimes toutes désignées. Les religieuses hospitalières de Saint-Quentin les soignent de leur mieux, ou les préparent à bien mourir. Nous assistons le prêtre qui, dans notre classe muée en infirmerie, vient donner les derniers sacrements aux moribonds, parmi leurs compagnons d'infortune, muets d'effroi et de recueillement.

       A Verviers, au mois de janvier 1918 plus de quatre mille Français provenant des régions de Sedan, Charleville-Mézières, Amiens, Roubaix débarquent en gare de Pepinster. Ils  trouveront refuges dans les familles et institutions de la région. Parmi ces réfugiés se trouvaient Monsieur Jumien Koszul, directeur du conservatoire de musique de Roubaix. Tous ces Français résideront chez nous jusqu’en juin 1918 date à laquelle ils sont autorisés à revenir chez eux via la Suisse. Ils laisseront à Verviers  une trentaine des leurs décédés d’épuisement ou de maladie à l’asile des Petites Sœurs des Pauvres[2]. 

Conclusion : La situation des exilés français en Belgique et des exilés belges – Au printemps 1915, les Anglais ordonnèrent aux habitants d’Ypres de quitter leurs maisons : la plupart se rendirent dans la région dans le Nord-pas-de Calais – en France pendant la Grande Guerre mérite d’être rappelée. Elle témoigne de la misère des civils qui, dans les zones de combats, ont été chassés de leurs villages en abandonnant tous leurs avoirs et souvenirs. 

Dr P. Loodts

 

 

 

      

 

 

 



[1] « Les enfants de la Grande Guerre, 90 ans après Lorrains et alsaciens se souviennent », pages 104 et 105, Editions La Nuée bleue/DNA/L’Est Républicain, Strasbourg/Nancy, 2006

[2] Michel Bedeur, « Verviers 1914-1918 », Editions Vieux temps à 4821 Andrimont, 2013.



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