Médecins de la Grande Guerre

Vingt mille blessés belges évacués et hospitalisés en Angleterre

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Vingt mille blessés belges évacués et hospitalisés en Angleterre

point  [article]
L'institut industriel de l'Abbé Piedfort transformé en ambulance (1)

L'institut industriel de l'Abbé Piedfort transformé en ambulance (2)

Bateaux de pêche belges réfugiés dans le port de Calais en octobre 1914.

Bateau-hôpital amarré au port maritime.

Carte des camps alliés à Calais.

Le lieutenant Clooten, fils du commandant de la Base belge et le chauffeur du général.

Les dirigeants de la base belge: le général d'Orjo de Marchovelette et le lieutenant-général Clooten.

Le Duc de Vendôme, lieutenant, avec le pharmacien principal Logeot de l'hôpital Élisabeth à Calais.

Colonie d'enfants belges hospitalisés chez M. Maxton, boulevard Victor-Hugo à Calais.

Famille belge réfugiée à Calais.

Femmes belges réfugiées séchant le linge.

L'hôtel de ville de Calais quelques mois avant la mobilisation.

L'hôtel de ville de Calais 1914.

L'hôtel de ville de Calais.

Obsèques d'un officier belge mort dans une ambulance 1915.

Réfugiés belges à la gare maritime(1)

Réfugiés belges à la gare maritime(2)

J’ai retrouvé dans les papiers de mon grand-père maternel une photographie d'un groupe de 122 personnes (militaires, médecins, infirmières) prise en Angleterre entre 1915 et 1918. (collection Pol Bodeux)

Vingt mille blessés belges évacués et hospitalisés en Angleterre[1]

       L'Europe vient de vivre un drame humain comme elle n'en avait plus connu depuis la deuxième guerre mondiale et de nombreux pays ont été confrontés à l'accueil de milliers de réfugiés jetés sur les routes par la guerre. 



Famille belge réfugiée à Calais.

       A cette occasion, il n'est pas inutile de rappeler les élans de solidarité offerts aux Belges lorsque pendant les deux guerres mondiales beaucoup d'entre eux connurent les affres de l'exode. Beaucoup de nos concitoyens ont encore le souvenir vivace des longues colonnes de Belges qui cherchèrent refuge en 1940 en France, mais peu d'entre eux savent encore que c'est durant la première guerre mondiale que se posa avec le plus d'acuité, le problème pour des milliers de Belges de trouver un toit et surtout des soins à l'étranger.



Bateaux de pêche belges réfugiés dans le port de Calais en octobre 1914.


Femmes belges réfugiées séchant le linge.

       Cette aventure mérite d'être détaillée. En octobre 1914, l'Allemagne avait contraint l'armée belge qui s'était d'abord repliée dans la ville fortifiée d'Anvers à chercher refuge sur la côte. Nos soldats en retraite emportaient ainsi avec eux plus de quinze mille blessés qui furent répartis par petits groupes dans les environs de la ville d'Ostende. Le 14 octobre, l'État-major se vit contraint de limiter le front à l'Yser et donc d'abandonner Ostende. Du coup, il ordonna l'évacuation par tous les moyens des 15.000 blessés vers l'Angleterre, cela à partir du port d'Ostende ou via les ports français. Aussi incroyable que cela parait aujourd'hui, l'évacuation des 15.OOO blessés se fit dans le temps record de 16 heures : les malles belges furent réquisitionnées ainsi que de nombreux bateaux de pêche. Le voyage à fond de cale fut pour beaucoup de blessés un véritable calvaire. Ceux qui ne furent pas directement évacués par mer, furent entassés dans des trains qui via Dunkerque rejoignirent Calais. 



L'institut industriel de l'Abbé Piedfort transformé en ambulance (1)

       A Calais, la plupart des blessés s'embarquèrent à leur tour dans des rafiots pour l'Angleterre tandis que les blessés incapables de fuit plus loin furent pris en charge par les formations sanitaires françaises rapidement débordées puis par des ambulances[2] créées de toutes pièces par les médecins belges dans les bâtiments mis à leur disposition par les autorités françaises. Le 18 octobre fut ainsi inauguré la première ambulance belge dans les « Salons Richelieu », rue de la rivière. Pour équiper ces ambulances, on dut faire appel à la générosité des alliés et des particuliers. Un médecin belge, le Dr Moelaert fut cependant chargé par le Dr Mélis, Inspecteur Général du Service de Santé belge de se rendre à Londres afin d'acquérir 1.500 à 2.000 lits destinés aux installations médicales du continent. Aussi incroyable que vrai, les lits arrivèrent à Calais dans un délai de trois jours.

       Aux quinze mille blessés de notre armée évacués en quelques heures d'Ostende , succéda bientôt le flot ininterrompu des blessés de la bataille de l'Yser qui venait de commencer. Pour soigner les blessés incapables de supporter la traversée du channel, les Belges créèrent en trois semaines 42 ambulances à Calais....



L'hôtel de ville de Calais quelques mois avant la mobilisation.

       Le Dr Mélis nous rappelle l'énorme effort que fit l'Angleterre pour soigner chez elle non blessés : d'octobre 1914 à février 1915, plus de vingt mille Belges furent soignés par la Grande Albion, pourtant elle aussi en guerre. Cette période de quatre mois fut précieuse pour notre Service de Santé militaire surpris au début des hostilités dans un état d'impréparation la plus totale ; elle lui permit de s'organiser tant bien que mal et de créer les formations sanitaires qui lui manquaient , notamment des hôpitaux de première intervention derrière l' Yser et les hôpitaux de seconde ligne en France. La localisation de ces derniers se fit au gré des gestes généreux. : l'ambulance Élisabeth à Calais grâce au duc de Vendôme, l'hôpital Albert 1 à Paris grâce à la municipalité parisienne, l'hôpital belge à Dinard grâce à la baronne de Broqueville, l'hôpital à Chambéry grâce à la duchesse de Choiseul et à la comtesse Greffuuhle etc..



Le lieutenant Clooten, fils du commandant de la Base belge et le chauffeur du général.

       Quant aux raisons de l'impréparation de notre Service de Santé à la guerre, elles méritent d'être contées. Aux termes de l'Arrêté royal du 22 janvier 1892, il revenait à la Croix-Rouge de prêter main forte à l'armée en cas de mobilisation. Cet organisme devait notamment fournir une colonne d'ambulance par division[3] d'armée, chaque colonne comprenant un personnel de sept médecins disposant de vingt voitures. La Croix-Rouge devait également fournir deux hôpitaux volants par division d'armée. Évidemment, on s'aperçut trop tard que la Croix-Rouge n'avait pas rempli ses obligations : dans le but de contrôler la préparation de la Croix-Rouge , on avait bien prévu que son vice-président soit le médecin militaire Inspecteur Général du Service de santé mais en 1905, on jugea bon de remplacer ce dernier par un officier général retraité ,d'un mérite militaire incontestable mais qui était incompétent en matière de soins de santé. A partir de cette date, la Croix-Rouge et le Service de Santé cessèrent alors d'entretenir les contacts nécessaires à une bonne collaboration. Tel fut en tout cas l'explication aux grands manquements du service de Santé que fournit le lieutenant-général Mélis, Inspecteur Général du service de santé pendant la grande guerre. Aujourd'hui, le siècle s'achève et la première guerre mondiale nous semble très loin . Pourtant autour de nous vivent encore quelques uns des acteurs de ces événements dramatiques. Ainsi, Madame Florina Flamme âgée de 106 ans et habitant aujourd'hui Gembloux a servi son pays comme infirmière dans une ambulance de la région de Calais. Nous lui rendons hommage ainsi qu'à tous ceux qui aujourd'hui font le choix d'accueillir et de soigner l'a « étranger » contraint de fuir son pays...

 



[1] source : « Contribution à l' histoire du Service de Santé pendant la guerre 14-18 », Mélis, Institut cartographique Militaire, Bruxelles, 1932

[2] Ambulance signifie ici hôpital mobile. Durant la seconde guerre mondiale, l'appellation « ambulance » se substitua à l'appellation de « voiture d'ambulance ».

[3] L'armée belge comprenait six divisions d'armée.



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