Médecins de la Grande Guerre

Etudiants vétérinaires mobilisés pendant la guerre.

point  Accueil   -   point  Intro   -   point  Conférences   -   point  Articles

point  Photos   -   point  M'écrire   -   point  Livre d'Or   -   point  Liens   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques


Etudiants vétérinaires mobilisés pendant la guerre.

point  [article]
Patrouilleurs belges avançant vers les lignes ennemies

Interrogatoire d’un prisonnier allemand par un officier belge

Groupe de prisonniers allemands

Mules de la Force publique au Congo portant l’artillerie de campagne

Entrée des troupes de la Force publique dans Tabora, le 19 septembre 1916

Etudiants vétérinaires mobilisés pendant la guerre

       Depuis 65 ans, la paix règne dans les pays d'Europe occidentale, et pendant cette période les étudiants vétérinaires de Belgique ont pu faire leurs études en toute quiétude. Ce ne fut pas le cas de leurs aînés qui étaient aux études en août 1914. Cette année-là, la guerre contre l'Allemagne avait débuté le 1er août, et les étudiants vétérinaires, pour la plupart âgés de 18 à 24 ans, faisaient tous partie du contingent des citoyens mobilisables. A l'Ecole de Cureghem, en Belgique occupée, les cours ont été suspendus pendant toute la durée de la guerre.

       A l'époque, ces étudiants vétérinaires étaient incorporés dans les régiments de ligne comme tous les citoyens ordinaires, ou étaient affectés au Service vétérinaire de l'Armée en campagne. Parmi ces derniers, les plus avancés dans leur formation ont pu terminer leurs études à l'Ecole vétérinaire d'Alfort qui se trouvait en zone non occupée de la France. Les autres ont été formés sur le tas par leurs collègues, pour accomplir les tâches habituelles des vétérinaires militaires en service au front.

       Voici les circonstances qui ont valu les plus hautes récompenses, militaires à deux étudiants vétérinaires combattants de la Première Guerre mondiale : Joseph Lahaye et Valère Janssens.

Joseph Lahaye, un baroudeur

       Joseph Lahaye, mobilisé depuis le début de la guerre commandait le groupement des patrouilleurs du 6e régiment de ligne de la 2e Division d'armée, en opération derrière l'Yser, lorsqu'il reçut la mission d'étudier et de préparer un coup de main sur un poste ennemi situé dans le secteur de Ramskapelle. Par une série de reconnaissances conduites de nuit avec audace, le sous-lieutenant Lahaye et son second, l'adjudant Van Reeth, parvinrent à connaître de façon précise toute l'organisation de leur objectif, la vie des occupants allemands dans le poste, les heures de relevée des sentinelles, les moments où la surveillance subit un relâchement, etc.

       Le 11 mai 1918, le projet de coup de main était approuvé par l'autorité militaire, et l'exécution était fixée au 15 mai à 1 heure du matin. Onze hommes bien entraînés formaient la patrouille belge. En plus du sous-lieutenant Lahaye et de l'adjudant Van Reeth sus nommés, il y avait le sergent Verboomen, les caporaux Barascud et Laine, ainsi que les soldats Bourleau, Vander Linden, Deprez, Lizin, Rasquin et Roelandts.

       Dans la nuit du 14 au 15 mai à 0 h 43', tout le dispositif d'attaque de la patrouille était en place à 200 mètres du poste ennemi à enlever. La nuit était assez claire et, malgré l'inondation traversée pour gagner le terrain d'attaque, et malgré le transport du matériel (claies, passerelles), l'attention de l'ennemi n'avait pas été éveillée.

       A 0 h 56', l'artillerie de la 2e Division d'armée belge commença un tir de préparation. La patrouille s'approcha de l'objectif. A1h, l'artillerie allongea son tir et Lahaye donna le signal de l'assaut. Il s'élança au pas de course à la tête de ses hommes. Chacun connaissait parfaitement le rôle qu'il devait jouer. Le caporal Barascud et ses hommes lancèrent les claies sur les réseaux de défense, franchirent ces derniers et s'emparèrent des deux premières sentinelles allemandes.

       Il restait deux sentinelles et le poste principal à enlever. Les deux sentinelles furent capturées vivantes par les soldats Bourleau et Vander Linden, mais le caporal Laine, leur chef, fut grièvement blessé pendant cette intervention. Le poste principal fut alors attaqué au Sud par le sous-lieutenant Lahaye et ses hommes, et au Nord par l'adjudant Van Reeth et ses hommes. Les Allemands se défendaient. Un combat à la grenade et au fusil s'engagea. Un soldat ennemi mit le sergent Verboomen en joue, et celui-ci l'abattit d'un coup de pistolet. Trois soldats allemands furent désarmés de force par les soldats Deprez, Lizin et Rasquin. Le soldat Roelandts pénétra dans l'abri, pistolet en main, et fit sortir les Allemands qui s'y étaient réfugiés. L'adjudant Van Reeth désarma le sous-officier chef du poste.

       En tout, un sous-officier et huit soldats allemands sont faits prisonniers. Le retour devait s'effectuer sans retard, car des fusées d'alarme avaient été lancées des lignes ennemies dès l'ouverture du feu par l'artillerie belge, et les tirs de barrage allemands n'allaient pas tarder à se déclencher. Les prisonniers opposèrent de la résistance, refusant d'avancer. Lahaye administra une correction à coups de crosse aux plus récalcitrants et il eut tôt fait de les mater. Le retour avec les prisonniers et le blessé se déroula en bon ordre. A 1 h 25' tout le monde était rentré dans les lignes du côté belge. L'ordre de « cessez le feu » fut donné à l'artillerie.

       Joseph Lahaye, né à Werbomont le 9 Janvier 1893, a été cité à l'ordre du jour de l'armée pour avoir exécuté plusieurs missions audacieuses comme celle qui vient d'être décrite. A la fin de la guerre, il a été décoré de la Croix de Guerre 1914-1918. Il profita des facilités accordées par l'arrêté royal du 12 janvier 1919 pour faire à l'Ecole vétérinaire de Cureghem des études écourtées après la guerre. Il fut diplômé médecin vétérinaire en 1920, premier de sa promotion. Il fut nommé à l'Ecole de Cureghem assistant en 1921, professeur extraordinaire en 1931, professeur ordinaire en 1937 et professeur émérite en 1952. Il enseigna les cours de Clinique aviaire (1930-1932) et de Zootechnie (1930-1952). Il est coauteur avec le professeur Joseph Marcq de l'Institut agronomique de Gembloux d'une série d'ouvrages zootechniques, publiée sous l'égide de l'Encyclopédie agronomique et vétérinaire de l'éditeur Jules Duculot de Gembloux. Mobilisé une seconde fois en 1940, il fut capturé par les Allemands en mai 1940 comme prisonnier de guerre, et libéré après 5 mois d'internement en Allemagne. Il est décédé à Forest le 4 octobre 1959.

Valère Janssens et la prise de Tabora

Valère Janssens, engagé volontaire à l'Armée belge depuis le début de la guerre, a d'abord été affecté comme auxiliaire à l'Infirmerie centrale de l'Armée belge en campagne derrière l'Yser. Il demanda sa mutation au service de la Colonie et il servit dans les rangs de la Force publique au Congo belge de 1915 à 1918, en participant à des opérations de guerre au Cameroun, en Afrique orientale et sur les frontières du Congo.

       En avril 1916, la Force publique sous les ordres du futur général Tombeur, entama une offensive en direction de l'Afrique orientale allemande à l'Est du Congo, en même temps que l'Armée coloniale britannique qui attaquait par le Nord. La Force publique ne possédait que très peu de véhicules automobiles. Le transport militaire se faisait essentiellement avec des mules. Valère Janssens fut chargé d'amener des mules à la frontière Est du Congo en partant de la station de Zambi au Bas-Congo où les mules étaient produites dans un haras de l'Etat.

       Les troupes coloniales allemandes ne purent tenir devant la supériorité numérique des forces coloniales alliées. Les unes après les autres, les localités de l'Afrique orientale allemande tombèrent aux mains de la Force publique. Celle-ci termina son avance le 19 septembre 1916 en conquérant glorieusement la ville de Tabora, capitale de guerre des Allemands, mettant ainsi fin à la guerre contre l'Allemagne en Afrique orientale. La colonie allemande, et notamment le Ruanda-Urundi, fut alors occupée militairement par la Force publique. En 1922, la Société des Nations confia à la Belgique le mandat sur le Ruanda- Urundi.

       Valère Janssens est né à Hemiksem le 13 novembre 1893. Revenu en Belgique, il participa encore à l'offensive libératrice des Flandres de septembre à novembre 1918, avant d'être démobilisé. Il a été décoré de la Médaille commémorative en argent des campagnes d'Afrique. II profita des facilités accordées par arrêté royal du 12 janvier 1919 pour faire à l'Ecole vétérinaire de Cureghem des études écourtées après la guerre. Il fut diplômé médecin vétérinaire en 1920, et il s'installa comme praticien rural à Borgerhout et comme expert des viandes à l'abattoir d'Anvers. Il montrait volontiers à ses amis et à ses confrères, une lettre autographe du général Tombeur de Tabora qui rendait hommage à sa bravoure « Valère Janssens entra un des premiers à Tabora et il sut, malgré des obstacles quasi insurmontables, conduire, seul Blanc, une colonne de 300 muletiers africains et leurs mules à travers toute l'Afrique de l'Ouest à l'Est ». Il mourut le 7 novembre 1938, sauvagement assassiné par un de ses clients, rendu fou par la perte d'un cheval que le vétérinaire n'avait pas pu guérir.

200 vétérinaires belges sous les drapeaux en 14-18

       Nous avons dénombré près de deux cents vétérinaires belges qui ont participé à la Guerre 1914-1918 comme combattants dans l'armée métropolitaine et dans la Force publique en Afrique, soit pendant toute la durée de la guerre, soit pendant une période moins longue. Ces vétérinaires se sont comportés avec courage et dans l'honneur ; quatre-vingt-cinq ont été décorés de la Croix de guerre et cinq de la Médaille commémorative des campagnes d'Afrique, les plus prestigieuses récompenses militaires belges.

Marc Mammerickx

Sources

Archives du Centre de documentation historique des Forces armées belges. Dossier Joseph LAHAYE (matricule 20618). La narration du coup de main est basée sur le Rapport Spécial fait le 1er juin 1918 par le lieutenant-colonel Emile Derche, commandant du 6e régiment de ligne, en vue de récompenser ces militaires. Ce rapport a été approuvé par le général major Lucien Evrard commandant de la 2e Division d'armée et le général major Alphonse Cabra de l'Etat-major de l'Armée belge.

Annales de médecine vétérinaire, 1919, 261; 1952, 355; 1959, 409-415.

L'Echo vétérinaire, 1938, 262-268.

Anonyme. Nos héros morts pour la Patrie (ouvrage collectif sous la direction de R. Lyr). Partie 1, Introduction et historique. Bruxelles, E. Van der Elst et Société anonyme belge d'imprimerie, 1920, pp 108, 212 et 330.



© P.Loodts Medecins de la grande guerre. 2000-2020. Tout droit réservé. ©