Médecins de la Grande Guerre

Mon congé en Bretagne, par le Dr Duivepart.

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Mon congé en Bretagne, par le Dr Duivepart.

point  [article]
Première page du récit. (dessin Dr René Duivepart)

Les moulins préhistoriques ! (dessin Dr René Duivepart)

Femme bretonne

Maison de la Prébende (croquis pris le soir par le Dr Duivepart)

Embarcadère de l'Ile aux moines. (dessin du Dr Duivepart)

Photo d'Hélène en costume du pays

Breton en costume du pays

Arrivée à Rosporden

Visite de Rosporden

La Bretagne comme nous la connaissons par les peintres

Les hommes coiffés d'un béret basque. (dessin du Dr Duivepart)

Vue sur la mer

Une marchande. (dessin du Dr Duivepart)

Des algues

Une chaloupe traverse l'estuaire

Le bonnet des femmes du pays est plutôt cocasse. (dessin du Dr Duivepart)

De nombreuses barques au repos devant la Ville Close à Concarneau.

Le bonnet des femmes du pays est plutôt cocasse. (dessin du Dr Duivepart)

Grand caquetage, elles parlent toutes à la fois. (dessin du Dr Duivepart)

La pointe du Raz

La pointe du Raz

Le château de Kériolet, transformé en musée

Le portier du musée. (dessin du Dr Duivepart)

La pointe du Raz

Pilleurs d'épaves de la Baie des Trépassés

La Baie des Trépassés

Une voiture pour Audière. (dessin du Dr Duivepart)

Nous arrivons à Brest

Nous arrivons à Dinan

Nous arrivons à St Malo

Le mont St Michel

Le guide du mont St Michel. (dessin du Dr Duivepart)



Mes photos pendant la guerre, par le Dr Duivepart.

point  [article]
Le Dr René Duivepart peint par L. Henderijkx. (collection Dr Loodts)

Le Roi aux tranchées en 1914.

Des abris.

Amputé de la jambe.

Après un bombardement.

Après une heure de pluie.

Arbalètre lance-grenades.

Auto-mitrailleuse.

Besoin d'air.

A Boesinghe.

Bombardement pris sur le vif.

Bombes allemandes.

Bornes 22000.

Boyau à Boesinghe.

Un canon.

Une chambre.

Champ de batailles.

Chez le dentiste.

Cimetière à Luyghem.

Loo.

Conciliabule.

Cannoniers à leur poste.

Oostvleetere - Evacuation en 1915.

Oostvleetere - Evacuation en 1915.

Convalescence.

Corvées.

Des Alliés.

Des Artilleurs.

Ils viennent des Indes.

Des ruines.

Désolation de la nature.

Fuite des habitants d'Oostvleeteren en 1915.

Deux balles se sont rencontrées dans l'air.

Devant le piano.

Le Roi Albert et la Reine Elisabeth.

Le Dr Duivepart et un collègue.

Le Dr René Duivepart.

L'église de Loo.

L'église d'Eppeghem.

Un équipage.

Fatigue.

Fusil mitrailleur.

Grande salle.

Gros calibre.

Grosse artillerie.

Grosse artillerie sur chemin de fer.

Guetteur.

Infirmière et blessé se détendent.

Intérieur de l'église après le bombardement.

La campagne.

La jeunesse.

La messe en plein air.

La messe en plein air.

Le Dr Duivepart R. et son confrère le Dr Duwé G..

Le Dr Duivepart René.

Le prince Léopold.

Le théâtre.

L'orchestre.

Les pieds dans l'eau.

Ligne de tranchées.

Ligne d'arbres à Boesinghe.

L'Yperlée.

Le camp du Mailly en 1917.

Le camp du Mailly en 1917.

Le camp du Mailly en 1917.

Avril 1917 - un poste de secours après bombardement.

Avril 1917 - un poste de secours après bombardement.

Médailles sur le pyjama.

Le Dr Duivepart René.

Une passerelle.

On pose devant l'auto-blindée.

Le général Pétain.

Pose café.

Poste de secours dix minutes après un bombardement.

Poste de secours B 20.

Pour s'abriter.

Pylone d'observation.

Des religieuses.

Repos.

Tir anti-aérien.

Tranchée.

Trou d'obus de 210.

Un petit repos.

Une vilaine blessure.

Un village détruit.

Visite du Roi d'Italie.

Visite du Roi Albert à un blessé.

Vue aérienne.

Vue aérienne d'un camp.

Le Dr Duivepart

Père né à Rotterdam

Dr Duivepart : né à Gand le 07 juin 1887.

Marié sans enfants.

Etudes de médecine à l’université de Gand et de Bruxelles.

Médecin au front en 14-18, plusieurs fois décoré.

Exerça la stomatologie à l’hôpital de Schaerbeek.

En 1940, s’exile dans le midi à Gaïac (Tarn), il se consacre alors à la peinture. La plupart de ses
œuvres seraient exposées au musée de Gaïac.

Après la guerre, habita et exerça comme indépendant au 55, avenue des Celtes à Schaerbeek.

Décédé à Woluwe-Saint-Lambert en 1956 et enterré à Woluwe-Saint-Lambert dans la pelouse d’honneur du cimetière.

Renseignement fournis par le professeur Levi, neveu de ce médecin par sa mère.


Le Dr René Duivepart peint par L. Henderijkx. (collection Dr Loodts)

Par le Docteur Duivepart René

Mon congé en Bretagne

Au Front – Septembre 1917.


Première page du récit. (dessin Dr René Duivepart)

J’ai attendu, mon Ella, que les photos prises en Bretagne lors de mon congé, soient achevées, pour essayer de te donner ici le plus possible de mes impressions.

Puisque j’ai, hélas, de nouveau voyagé tout seul, si loin de toi, je vais tenter de te faire voir et ressentir ce que j’ai vu et ressenti. Il me semble atténuer ainsi un peu la dureté du sort.

22 août – Départ de paris, à 8 heures. Le paysage quelconque, rappelle tantôt le Brabant par ces collines doucement ondulées, tantôt la Meuse, par les bords boisés et fertiles de la Loire. Vers le soir, les moulins préhistoriques et les coiffes des femmes, nous annoncent la Bretagne.                                                      

Mon camarade et moi, arrivons à Vannes, chef lieu du Morbihan, à 6 heures du soir. Descendons à l’Hôtellerie du Dauphin et départ immédiat pour visiter  « ce qu’il y a à voir. » Peu de chose en somme. Petite ville de province aux rues étroites et tortueuses. Une ou deux vieilles portes vestiges, des remparts d’antan. Seule une construction m’attire par son style original et nouveau pour moi. C’est la  « maison de la Prébende » ce qui veut dire propriété de l’Episcopat.

Nous rentrons pour dîner. Que c’est joli et gracieux d’être servi par des jeunes bretonnes en costume du pays ! Ces mains habiles et discrètes nous changent beaucoup des grosses pattes des ordonnances. Nous nous sentons bien loin de ce kaki horripilant par sa monotonie. Ici j’éprouve plus fort ce qui me manque depuis trois ans.

23 août – Nous partons au matin à 8 heures sur le petit bateau faisant le service dans le golfe. En quelques minutes l’étroit canal s’élargit en côtes basses, tantôt boisées, tantôt arides ; par-ci par-là une anse gracieuse renferme un petit port de pêche. Devant nous une île, nous la contournons, nouvelle île qui nous bouche l’horizon, verrons-nous cette fois l’océan ? Plus loin peut être…non pas encore. Le golfe en renferme une infinité.

La tradition populaire prétend qu’il y en a autant que de jours dans l’année. Le temps est superbe, la mer prend des tons magnifiques de vert émeraude, l’eau est transparente. Quel calme dans nos pauvres têtes. – Après une heure de navigation, nous débarquons à l’île des Moines. Il paraît  que « la Belge » habite plus haut, près du moulin. Nous nous engageons dans d’étroits sentiers dont les haies faites de pierres de taille amoncelées, laissent déborder une végétation magnifique. A un coude de la route, nous tombons face à face avec Hélène Van Dooren et son gosse. Elle allait à Vannes mais diffère son voyage. Une maison de pêcheur aux murs épais et carrelage rouge, l’abrite. Elle me fait promettre de venir ici avec toi et d’autres jeunes ?

Nous déjeunons dans un petit restaurant Breton. Le menu est amusant. Comme boisson du cidre, toujours du cidre, fait de pommes, un peu acide, un peu fade. Crevettes énormes, roses, exquises. Raie au beurre noir avec pain. Puis légumes ressemblants à des cornichons chauds, ensuite une pomme de terre cuite à l’eau ; une par personne, fruits.

- Je prends une gentille photo d’Hélène en costume du pays, coiffe en dentelle blanche, robe en velours soie et satin noirs. Tablier en soie mauve brodé de fleurs de la même couleur. Costume de deuil me diras-tu. Ici c’est la mode du pays, car la mer y est méchante.

Nous allons voir un lit breton ou armoire à deux étages dans laquelle on couche. Puis visite au bois des Regrets, où nous trouvons une petite source qui attire les jeunes filles. Elles y jettent une épingle ; si celle-ci pique dans l’eau par la pointe il n’y a pas de chance de mariage dans l’année.

Heure du départ. Adieux charmants.

Nous rentrons à Vannes au soleil couchant. Vite au lit car le train par le 24 août à 5 heures.

Nous voulons voir aujourd’hui Concarneau. Arrivée à 8 heures à Rosporden. Pas de correspondance avant midi. Nous ne regrettons pas du tout le temps perdu. La petite ville à l’intérieur du pays est peu visitée par les touristes. Jolie par sa vieille église et ses étangs calmes, elle nous intéresse par ses naturels du plus pur breton.

Nous passons dans la rue : des têtes apparaissent aux portes et disparaissent comme dans une trappe. Nous entendons des oh ! Et des ch ! Je veux photographier des femmes qui font la causette en balayant la rue. Elles filent dans les maisons comme si elles avaient vu le diable. Les gosses poussent des hurlements. Voici la sortie de l’école, quarante gamins nous suivent partout. Autre bonne histoire. Nous demandons le chemin. On nous questionne : « savez-vous lire ? » Je réponds : « un peu »

Départ pour Concarneau, à midi. Arrivée à deux heures.

Cette fois-ci c’est la Bretagne, comme nous la connaissons par les peintres. Grand port de pêche. De nombreuses  barques au repos portent étendus des filets à sardines d’un bleu ciel admirable, les mailles sont excessivement fines. Une population de pêcheurs grouille le long des quais. Les hommes vêtus de bleu ou d’ocre coiffés d’un béret  basque. Les femmes se groupent pour vendre ou acheter du maquereau. Grand caquetage, elles parlent toutes à la fois. Pourquoi seraient-elles différentes ici ? Au centre du port s’élève un îlot  entouré de fortifications : la ville close. Voici un coin du port et de ses remparts. L’eau se retire, le soleil de plomb dessèche les boues du fond qui répandent une odeur nauséabonde.


Grand caquetage, elles parlent toutes à la fois. (dessin du Dr Duivepart)

Je suis fatigué et conseille pour cela à mon copain de visiter seul le château de Keriolet. Je ne veux rien savoir. Je le suis en traînant le pied, car notre but se trouve au haut d’une colline, dominant la ville. Voici heureusement un parc magnifique aux ombres fraîches.

Après un peu de repos, nous visitons le château, transformé en musée départemental, après avoir été restauré par une princesse russe. Trop de restaurations ont fait un ensemble ressemblant plutôt à un pavillon en stuc d’une exposition. Quel musée ! Un portier au fond de culotte rapiécé et aussi breton qu’imperturbable nous fait circuler dans cet incroyable bric à brac. Voici successivement, le lit de la tragédienne Rachel, en satin bleu, un morceau de pain du siège de Paris, une volière du XVeme siècle, une collection de coiffes bretonnes, des monnaies romaines, des statuettes de saints « en bois » et enfin dans la chapelle, un jugement dernier aux détails pornographiques. – Le portier parle : « Voici la chambre du Comte de Chaubord, lit Henri II, tapisserie etc..etc….il n’y a jamais logé… ! » Nous le quittons sur ce mot mélancolique. Nous revoilà dans la fournaise de la route ; c’est la saison des mures ; heureusement car il fait sec. Nous reprenons le train à 4 heures pour Quimper, grosse ville de province, aux casernes multiples et à la cathédrale gothique très élégante.


Le portier du musée. (dessin du Dr Duivepart)

25 août. – Départ à 8 heures pour visiter l’Odet. ~la plus belle rivière de France – dit l’affiche de la gare. Ce n’est pas flatteur pour les autres. Certes la rivière, aux bords boisés et rocailleux et s’élargissant parfois en lacs imposants, est jolie. Un bel estuaire termine l’excursion, gâtée par une pluie « à seaux ».                                                   

Nous voilà donc à Beuodet. A la plage de sable fin, fait suite, une falaise peu élevée. La mer est basse et découvre de gros rochers couverts d’algues. Pareilles à des bras immenses arrachés à des bêtes d’un autre monde, certaines, longues de 5 à 6 mètres, ont un bord festonné du plus bel effet.

Nous voilà après dix minutes de marche, à travers les rochers glissants, à l’extrémité de la baie. Je trouve entre les rochers un petit lac ou mieux un aquarium naturel. Je reste assis longtemps ici et contemple le fond couvert de multiples couleurs d’algues. Ici du rouge sang ou pourpre, là du jaune citron, plus loin du vert criard.

Voici une anémone de mer pareille à un chrysanthème ; elle est si jolie que je veux la toucher comme un gosse. La fleur s’anime, retire rapidement ses pétales et disparaît entre deux rochers. Pfft… l’éclair noir d’un poisson égaré, sillonne l’eau pour se réfugier de l’autre côté. Voici de petits coquillages, jaune citron, rouges et verts, mauves. Que c’est beau tout çà ! La voix de mon ami me rappelle l’heure du départ. Nous embarquons. A ce moment une chaloupe traverse l’estuaire et vient accoster tout près de nous. Comme tu le vois  le bonnet des femmes du pays est plutôt cocasse. C’est un de mes étonnements, car le nombre de variétés est infini. Je ne pourrai pas te les décrire car il me faudrait un livre. Sujet d’observation inépuisable il y en a un pour tous les adjectifs ! Minuscules, grandes, élégantes, disgracieuses, simples, cocasses, il y en a pour tous les goûts te dis-je. Ce type de femmes rappelle le midi. Yeux noirs, cheveux de geai, nez aquilin « Le front large et bombé, me rappelle l’expression « têtu comme un Breton ». Retour sans encombre à Quimper.

 Nous partons le 26 août pour la merveille de France, « La pointe du Raz » (prononce Ra). Ici je m’arrête et je songe que ma plume va me faire défaut. Jamais je ne trouverai les mots, nécessaires pour te faire voir, cette mer unique, ces rochers immenses. Je suis heureusement meilleur photographe que plumitif. Cela compensera un peu ceci. Un cabriolet préhistorique part d’Audierne, où le train nous a conduit. Nous suivons le guide, vieux pêcheur breton, entre les rangées de pierres de tailles entourant des prairies arides. La pluie tombe et donne une impression lugubre à ce paysage de mort sans un arbre, sans un oiseau. Un peu d’herbe rare, microscopique comme de la mousse voilà tout ce qui rappelle la vie. Comprends-tu maintenant pourquoi cette province s’appelle : Finistère ? (Fin de la terre). Tu verras dans la suite la deuxième raison plus importante. Nous voilà brusquement au bord de la falaise. Quel spectacle ! Des rochers de soixante mètres descendent à pic vers la mer. La houle est forte, un élégant liseré d’écume borde les rochers. A droite et à gauche, la brume estompe le paysage de rêve. Orientons-nous. Je suis à la droite de la pointe du Raz où j’ai pris les deux photos que voici. Est-ce beau ? Nous marchons vers le cap en longeant l’abîme. Pas de parapet, les touristes ont tracé un sentier qui se trouve quelquefois à un mètre de la chute. La mer par en dessous, la pluie par au-dessus, ronge le roc, et le chemin remonte plus haut d’année en année. D’énormes pierres nous barrent la route, la pluie les a rendues glissantes. Nous avançons en titubant, aveuglés par la pluie, secoués par le vent du large. – Une minuscule barque est suspendue au flanc du rocher. Le guide nous explique que c’est là le port des pêcheurs de langoustes. Une embarcation longe le bord, elle est toute en dessous de nous, je vois à peine les hommes. La photo ne peut pas malheureusement te donner cette impression d’immensité qui nous écrase.

Après un quart  d’heure d’escalade, nous atteignons l’ « Enfer de Plogoff ». Le guide engage ceux qui ont le vertige à ne pas tenter la descente. Il enlève ses sabots, je me débarrasse de l’appareil et du manteau. Nous voilà partis à quatre pattes. Je place les pieds et les mains où il le fait. Cela va tout seul. Nous descendons quasi à pic pendant cinquante mètres. Quand je m’arrête, en face de moi se dresse, me cachant la moitié du ciel, un seul rocher immense plus noir que les autres sans aspérités et vertical. Il mesure 90 mètres en hauteur. Vers le bas s’ouvre un tunnel de trois mètres de large sur dix de haut perçant la pointe à jour et permettant de voir déferler la mer de l’autre coté. La grande houle de l’atlantique entre avec frénésie des deux cotés du tunnel. Les deux masses d’eau s’entrechoquent avec un bruit énorme. Tout là haut mes compagnons sont tout petits. Nous remontons sans encombre. Puisque cela va bien, nous décidons de faire le tour de la pointe. La pluie cesse, mais le vent redouble, quelques fois nous nous couchons pour ne pas être renversés.

Nous voici à l’extrémité. Le spectacle est superbe. Nous voyons l’atlantique à 90 mètres de haut, un îlot battu par les flots furieux s’estompe dans la pluie. Plus loin encore, le phare de la Pointe. Enfin tout au coin, l’Ile de Sein aux mœurs étranges. Les femmes ont des voiles noirs comme les nonnes. Les rues, paraît-il, ont un mètre de large. Seul un petit bateau à voile relie ses habitants à la côte. Nous ne pouvons pas la visiter car, par gros temps, il faut attendre parfois 8 à 10 jours avant de rejoindre la terre ferme. La pointe a trente mètres de large ; nous la contournons. Quelques fois dix centimètres permettent au pied de se reposer au-dessus de 80 mètres de vide. Je suis le guide à quatre pattes, sur le ventre, comme je peux. – Nous reprenons l’autre versant pour rentrer à l’hôtel, plutôt fatigués. Ma capote pèse vingt kilos, mes bottes sont flasques, comme si j’étais tombé à l’eau. La patronne de l’hôtel me prête un pantalon, j’enfile des vieilles savates et tout va bien. Quelle journée !


Pilleurs d'épaves de la Baie des Trépassés

Il fait trop beau pour partir ce soir. Un guide nous conseille de visiter le lendemain 27 août, la Pointe du (Vau ?). Partis à huit heures, nous tournons le dos à notre itinéraire et remontons vers le Nord. La Baie des Trépassés est ainsi appelée parce que les débris des naufrages sont ramenés là par les courants du large. Toutes les maisons du pays sont construites avec les matériaux trouvés sur la plage. Du haut de la falaise, je vois des petits points circulants le long de la vague. Les guetteurs sont là, jour et nuit. Le guide s’agite, il vient de voir un baril flottant entre deux eaux. Ceux d’en bas n’ont encore rien vu. Brusquement, ils se débarrassent de leurs pantalons et se précipitent à l’eau. Le guide se hâte, car tous ceux qui sont présents lors de la prise, participent à la distribution. C’est la coutume.

Les pilleurs de naufrages n’aiment pas le douanier, tu dois le comprendre. Ils roulent la barrique sur la grève. Nous arrivons près d’eux. Pareils à des fous, ils s’arrachent les ongles pour ouvrir leur trouvaille, l’un gratte le bord avec un couteau, l’autre essaie d’écraser le fond par un morceau de rocher. Enfin une planche cède. Il grogne « Coir ! » C’est de la cire blanche. Ils vont garder le tonneau et vider son contenu dans la mer, parce qu’ils ne peuvent pas vendre du « Coir ! ».

Reprenons la marche, nous escaladons le versant opposé de la grève et longeons la côte. Les rochers forment des anses naturelles coupées par des petits caps contre lesquels la mer s’abat furieuse. Il est dix heures ; j’ai trouvé un joli coin et renvoie le guide. Nous allons pouvoir faire tout à notre aise, nos adieux à l’atlantique, puisque onze heures n’ont pas encore sonné. Quel dommage de quitter pareil spectacle ! Une heure de marche jusqu’à Glenain, où après avoir vainement chercher à manger, nous trouvons une voiture pour Audière. Regarde plutôt  quand je dis une voiture. Cette caisse  montée sur roue, déchirée, rapiécée, aux trous bouchés par des quignons de paille, nous amènera tout de même après de multiples essais de trot, à Audierne. Heureusement, sinon nous perdions 24 heures, car le voyage est long puisque nous quittons le Finistère pour rejoindre les confins de la Bretagne : Le Mont St Michel. Nous arrivons à Brest à 21,30 heures ! Ici un petit trou dans notre voyage car nous n’avons pas pu nous arrêter à Douarnenez. Dans la gare de cette ville, un officier de gendarmerie nous demande nos papiers car dit-il « Les Boches ont tous les trucs ! » On ne pourrait être plus aimable. Nous lui servons nos congés en lui disant : « Un papier pareil ne prouve rien, puisque les Boches peuvent en imprimer de pareils en deux heures. »  Il en est tout bleu le pauvre Pandore, et nous a laissé partir, lui qui se voyait déjà décoré… Nous quittons Brest le lendemain 28 août à 6 heures. Nous regrettons de ne pas voir le panorama du Port car il fait encore nuit. Tant pis, nous sommes déjà bien heureux comme cela.


Une voiture pour Audière. (dessin du Dr Duivepart)

Arrivés à Dinan nous déjeunons rapidement et descendons vers la vieille ville qui dégringole petite et coquette vers la Rance, jolie rivière. Tout a fait le Luxembourg, paraît-il. Ici commence le repos et la fin de nos tribulations. Le bateau ne part qu’à cinq heures. Expression consacrée : nous flânons comme des collégiens, nous louons une barquette en attendant le départ de la vedette (ou bateau à essence) qui va nous conduire à Dinard et à St Malo. Beaucoup de Dames, quelques uniformes. – En quelques minutes la rivière s’élargit rapidement en un large estuaire. Le paysage est grandiose, après quelques instants déjà, les rives s’éloignent et tantôt s’élargissant tantôt se rétrécissant, le cours d’eau nous offre un sujet d’admiration continue. Bientôt le petit canal de Dinan devient un estuaire imposant. Le temps fraîchit la mer est proche : de petites lames soulèvent le bateau. Enfin là-bas, entre de petites îles, nous saluons l’océan. Cette fois-ci nous dansons pour tout de bon. Le bateau roule et tangue, l’eau éclabousse le pont. Les dames poussent des cris d’orfraie. L’une d’elle doit se coucher à terre. Aie ! J’ai l’estomac coupé par une barre. Mal de mer ! Aurais-je ou n’aurais-je pas ? Les lames deviennent énormes, elles nous lancent en l’air et nous retombons en plongeant, cela quatre à cinq fois de suite. J’ai l’impression de la balançoire. Aurais-je ou n’aurais-je pas. Quelques instants de répit ; nouvelle suite d’escalades et de chutes. Décidément le spectacle est trop grand pour s’occuper du mal de mer. Un merveilleux coucher de soleil me vaut cette photo-ci. Que c’est beau ! A droite de l’estuaire, se montre St Malo, entouré de remparts et surmonté élégamment par la flèche en dentelle transparente de sa cathédrale. Plus près de nous St Servan. A gauche et sur la hauteur, Dinard et ses hôtels fastueux. En face la mer bleue et verte, parsemée d’îlots roses et mauves surmontés de la masse grise de vieux chateaux-forts. Un ciel orange et pourpre couvre ce luxe de couleurs d’un dôme lumineux. Que c’est beau ! Fini le mal de mer ! Cette féerie est trop captivante et je songe : Si Ella voyait ça, comme je serais heureux ! Qui sait peut être plus tard…..Espoir, petite lumière bleue, factice, dans un avenir incertain, si trouble. Assez de philosophie car demain le 29 août – Je dois encore te montrer le Mont St Michel. Après trois heures de voyage sur de petits chemins de fer aussi poussifs que locaux, l’imposant spectacle se dresse devant nous. Sur une grève immense, désert de sable blanc, jaillit un énorme rocher, où, pareilles à des coquillages, se collent les maisons. L’Abbaye élégante et compliquée, surplombe le village et se termine par une flèche fine qui achève à 173 mètres de haut, la ligne gracieuse du Mont.

Sur le quai, nous attendent une nuée de servantes d’hôtels qui crient toutes à la fois. Une seule porte, située au-dessus de la petite croix, donne accès au village. Nous voici dans une petite rue tortueuse, dépareillée par d’innombrables affiches. Une femme nous guette tous les cinq mètres et nous vante les splendeurs de son menu, ses « apéritifs de premier choix » ou ses « souvenirs du Mont » caquetage énervant. Que nous sommes loin ici de la sauvage grandeur de la Pointe du Raz. Après déjeuner (demander les omelettes de la mère Poulard) nous grimpons à l’Abbaye, c’est très zillerthall. Très imposant certes mais trop restauré et trop vide. Le mot zillerthall est dur, peut-être mais il est dû je crois, a cet aspect de marchandises qui nous obsède. Vers quatre heures on nous annonce que la « mer monte » ici je te dois une explication assez longue. Tu sais peut-être que la différence de niveau entre la haute et la basse mer est partout de 4,50 mètres environ. En trois endroits du globe, (Australie, Ecosse et Mont St Michel) l’eau monte à 12,50 mètres or ici la grève est uniforme et plate, de sorte que l’eau se retire à douze kilomètres environ. Donc, à marée basse, le Mont paraît s’élever d’un désert de sable, ensuite l’eau doit monter très rapidement, lors des fortes marées, à la vitesse d’un cheval au galop, paraît-il : c’est faux, elle fait de deux à huit kilomètres à l’heure. C’est de dire que l’on ne s’aventure pas impunément sur la plage traîtresse. Brusquement entouré d’eau de toutes parts, le voyageur est perdu sans retour car l’eau ne s’avance pas comme un rideau, tout d’une pièce. De la tour où nous sommes, nous la voyons au travail. Traîtreusement un bras d’argent s’avance sur le sable, à quelques kilomètres un autre flot se glisse. Voilà une immense presqu’île formée. L’isthme diminue. Les deux bras se referment. Voici une île, un îlot puis plus rien. Tiens, mais là il se fait la même chose. De sorte que, rapidement, toute la plage disparaît, tout calmement sans vague, en douceur. Ce phénomène intéressant m’a fait oublier, l’histoire amusante du guide qui nous a piloté dans les grandes salles. C’est le type parfait du concierge de la légende. Il s’arrête au milieu d’une place, attend que tous les visiteurs soient arrêtés autour de lui et sert son petit boniment « colonnes hautes de…style…siècle » Demi-tour et départ, arrêt brusque comme s’il avait oublié quelque chose « Il est à remarquer Mesdames et Messieurs que si les moines étaient de bons artistes, ils étaient aussi de parfaits artisans » Il y a quarante ans qu’il sort cette réflexion toute personnelle.


Le guide du mont St Michel. (dessin du Dr Duivepart)

30 août. – Faut-il terminer en disant que les journées heureuses, n’ont pas d’histoire ? J’avais espéré que notre dernier jour se passa sans secousses, à flâner et à faire la sieste sur la plage de Dinard. Cela nous a réussi en tous points. Sans nous lasser d’admirer le splendide panorama que nous avions sous les yeux, j’ai pu pour ma part rester enfin un peu sur place, car la bougeotte de mon compagnon était plutôt un peu excessive. Nous voilà au bout de nos pérégrinations et de mon long récit. J’y ai mis tout mon cœur, et si ma plume m’a quelques fois fait défaut du moins cela excusera ceci. J’ai parfois été un peu long c’est parce que bien souvent, j’ai cru vraiment que je n’étais pas seul et cette conversation écrite m’a un peu consolé dans ma solitude affreuse. Je suis sur que pour cela même, ton cœur excusera ces imperfections, comme il l’a fait pour les miennes.


Quelques travaux de recherches éffectués par le Dr Duivepart après la guerre.

Extrait de la Revue belge de stomatologie, n° 2, 1931.

UN MOYEN PRATIQUE DE REMINERALISATION

Par Le Docteur R. DUIVEPART.

Tous ceux d’entre nous, que le problème de la reminéralisation passionne, ont constaté les résultats inconstants donnés par les spécialistes à la mode.
Qui en causa ? Elles sont, je crois, multiples. Négligence du patient, coût trop élevé pour les humbles, médicaments mal étudiés et lancés trop tôt sur le marché….
D’autre part, j’ai toujours gardé le souvenir troublant de la conférence magistrale donnée par le Docteur Allaeys où certaines spécialités étaient taxées de décalcifiantes.
De plus, il est incontestable que les nombreux médicaments à base d’ergostérine irradiée ne sont pas au point. Il suffit de parcourir la presse médicale pour s’en convaincre.
Depuis combien de temps le malade subit-il un traitement où maintenant que le dosage est fait sérieusement ( unité rat p. ex.), on constate que les doses, d’après Lesné et Clément, sont huit cents fois trop fortes.
D’après R. Lecoq (voir bibliographie), la vitamine D anti-rachitique est détruite par les U.V. ! Ceci est partiellement vrai : je crois qu’il faut dire plutôt, qu’un excès d’irradiation détruit la vitamine, ainsi que le prouve Mad. L. Randoin (Les aliments médicaments. Tome II).
Je ne puis m’empêcher de transmettre ici, pour notre édification, les dernières phrases du chapitre où l’auteur traite des aliments irradiés : « L’homme civilisé, dont la vie se passe en grande partie loin des rayons solaires, s’aperçoit soudain que ceux-ci sont indispensables à l’édification de son organisme. Alors, le savant, avec ses procédés de laboratoire, se met au travail ; il découvre les radiations utiles ; il les sélectionne et lui, agit vite, vite. Il irradie les animaux, il irradie leurs aliments….Agit-il bien ? Il n’en sait rien. Pour le savoir, il est obligé de vivre au milieu de tout petits rats blancs, pris après sevrage, et ce sont ceux-ci qui le renseignent sur la valeur des produits qu’il manipule et étudie ; qu’il veut rendre actifs ou inactifs. »
« L’expérimentateur ne peut, à aucun moment, perdre de vue la vie elle-même et ses manifestations qui sont les seules réactions convenables pour ces recherches infiniment précieuses, aussi bien par leurs applications pratiques que par leur considérable valeur théorique.»
En glanant dans la presse, j’ai trouvé dans « L’Esprit médical » un compte rendu du 2e Congrès International de Pédiatrie tenu à Stockolm du 18 au 25 août 1930.
Trois questions étaient à l’ordre du jour, dont la première nous intéresse spécialement : « Effets biologiques des irradiations U.V. directes ou indirectes » et fit l’objet d’un remarquable rapport de A.Hess de New-York, dont voici le résumé :
« Les aliments et les liquides irradiés ont une valeur incontestable dans le traitement du rachitisme et de la tétanie ; cependant avant d’en généraliser l’emploi, il y aurait lieu de perfectionner les méthodes d’irradiation. »
« Un apport insuffisant de facteur antirachitique, soit sous forme d’ergostérol ou d’aliment irradié, est susceptible de déterminer chez l’enfant et chez l’animal une forme typique de rachitisme avec un taux normal de phosphore inorganique dans le sang. »
Plus loin, au cours de la discussion je constate aussi certains doutes, certaines réticences :
F. Armand-Delille (Paris) dit que les stérols ne doivent être prescrits que dans les affections où leur indication a été reconnue manifeste.
P. Gyorgi (Heidelberg) : Il est indispensable d’exiger que les préparations commerciales soient non seulement titrées pour leur action antirachitique, mais étudiées pour leur toxicité.
E. Lesne et R. Clément (Paris) : Seul le dosage biologique sur l’animal permet d’effectuer le tirage précis en unités anti-rachitiques. Il serait souhaitable qu’une commission internationale fixe le mode de dosage unique et l’emploi d’une unité anti-rachitique uniforme.
P. Niedowikoff (Leningrad) : Dans les climats du Sud, il importe de procéder prudemment pour les enfants irritables et vaguotropes, tandis que l’indication est formelle pour les asthéniques sympathicotropes.
Et voilà pourquoi il me faut parler aujourd’hui, d’un aliment-médicament pratique, qui ne coûte rien et a fait ses preuves depuis dix ans déjà.
Je fus frappé il y a quelques dix ans, par le côté pratique, d’un article écrit par le Dr L. Delattre, inspecteur principal d’hygiène : il s’agissait de reminéralisation.
Notre confrère conseillait, la « décoction de céréales. »
Le Professeur Robin, son maître, prescrivait la bière d’orge aux convalescents pour la même raison.
Ce procédé me plut beaucoup, par simplicité et je l’appliquai.
….Voici mon observation type.
Je reçois, chez moi, un enfant de sept ans, lymphatique et dont les huit molaires de lait, présentent de la carie molle de couleur claire.
~ Que faire ? Soigner cette dentine ayant la consistance du bouchon, il ne fallait pas y songer.
Extraire ? A cet âge, les racines sont encore longues, et puis il y avait huit avulsions à faire, chez un enfant qui serait resté de trois à quatre ans sans dents définitives.
Je prescrivai, en désespoir de cause, la décoction de céréales.
Bien m’en prit, car je vis revenir à ma consultation, quatre ans après, un bel enfant dont les prémolaires faisaient leur apparition, en chassant devant elles, des petites dents de lait présentant de la dentine dure et noire complètement guérie.
Ne reconnaissant pas mon petit patient, j’exprimai mon étonnement de voir cette évolution. C’est alors seulement que la mère de l’enfant me rappela que j’avais prescrit de la décoction de céréales, qu’elle avait fait prendre régulièrement au jeune garçon.
Résultat inespéré !
~ J’en fus très heureux et donne depuis lors, régulièrement le bouillon en question.
Voulez-vous un autre cas ?
S….., 11 ans, fille de pharmacien, très surveillée par sa maman. Vous connaissez tous, ces petites jambes minces, ce petit museau en pointe, ce teint verdâtre de la chloro-anémie, cette inappétence tenace. Je songe à ma décoction. Les parents sont émerveillés : l’enfant gagne de l’appétit, la figure s’arrondit, le teint devient rosé et elle grossit de huit cents grammes par mois !
Un confrère a donné notre bouillon à sa femme, pendant une portée qui fut facile et sans qu’il y eut de nouvelles caries, dans une bouche où les dents soignées étaient nombreuses.
Il serait très intéressant de faire une radio du nouveau-né, pour examiner l’état de l’ossification. Cela m’a été promis.
Une parenthèse au sujet de ce cas. Il est dangereux de prescrire des médicaments à l’aveuglette, chez une femme enceinte, car des accoucheurs ont constaté des mises au monde difficiles par le fait de l’hypercalcification du fœtus.
Voici pour le présent.
J’ai songé, qu’il serait utile, à de nombreux points de vue, de faire un essai sérieux, contrôlé scientifiquement, dans un sanatorium.
Mon confrère G. Henry, chef de service du Sanatorium de Piétrebais, a accepté ma proposition avec enthousiasme et grâce aux facilités, qu’il aura à sa disposition (radios, fiches, soins dévoués, enfants-témoins), nous pourrons, je l’espère, nous rendre, encore mieux compte du résultat.
Dans une analyse parue, dans la Vie Médicale, d’un article du Dr Vogh (Münchener Med. Woch., 21 nov. 1929) j’ai trouvé un conseil, qui m’a fait transformer, légèrement, la méthode de préparation.
Pour enrichir, davantage encore, ce régime, en vitamines, Vogh adopte le système de Wiegelroth, qui procède de la façon suivante avec des légumes secs.
Il les fait passer une nuit dans l’eau, dans l’atmosphère chaude de la cuisine (20°) et il les place, ensuite, sur un tamis, pour les assécher, toujours à la même température. Ce début de germination, porte le taux des vitamines à son maximum.
Ici, aussi, et je le note en passant, l’auteur, ajoute, mais sans explication, que l’ergostérine doit être donnée avec prudence.
Bref, voici en fin de compte, la recette pratique. Prendre un mélange à parties égales de froment, avoine, orge et maïs. Laisser tremper une nuit à 20°, puis sécher au même endroit pendant 24 heures. Prendre une poignée du mélange, et laisser bouillir, dans deux litres d’eau, pendant 3 à 4 heures, après avoir concassé les graines. Donner journellement la valeur d’une petite tasse du liquide dans le potage ou tel quel avec du sucre ou du sel.
Si à l’ébullition la concentration devient trop forte, il faut, évidemment ajouter de l’eau, de façon à ce que le mélange ai un goût agréable.
Il paraît que certains confrères trouvent cette manipulation à 20° compliquée. Qu’ils se rassurent, ceci n’effraie pas ceux qui connaissent la cuisine. Je me suis laissé dire, en effet, que les pois secs, avant d’être employés, doivent eux aussi tremper toute une nuit.
Et puis cette germination, n’est pas indispensable, car dans mes deux premières observations il n’a pas été tenu compte de cette petite complication. Et cependant, je crois très utile, car au point de vue vitamines, la différence est énorme. (Voir Thérapeutique Médicale, Tome II. Aliments médicaments, page 17.)
Avons-nous le droit, après avoir écrit, ce petit article pratique, de faire un peu d’utopie ? ~Si les essais du Sanatorium de Piétrebais donnent de bons résultats, pourquoi ne pas appliquer la méthode, aussi bien dans les crèches que dans les pensionnats ?…. Ne serait-ce pas là, la véritable prophylaxie aussi bien pour l’hygiène dentaire, que pour l’état général défectueux de nos enfants ?

BIBLIOGRAPHIE.

Thérapeutique médicale. Tome II. Aliments médicaments. 1930. Masson & Cie, éditeurs.
R. Lecoq. Les aliments et la vie. Paris, Vigot, éditeur, 1928.
Gervé et Clément. Etude sur les médicaments irradiés.
2me Congrès International de Pédiatrie, tenu à Stockholm du 18 au 25 août 1930.
Compte rendu par Clément. – Esprit médical, 1931.
Dr Vogh.. Münchener medicinische Wochenschrift, 21 novembre 1929.

Extrait de la Revue belge de stomatologie, N° 4, 1932.
Imprimerie CH. DIRIX VAN RIET , 19, rue des Souris,ANVERS.

Revitaminons

Par

Le Docteur R. DUIVEPART Stomatologiste.

Mes dernières observations ne faisant que confirmer les résultats décrits dans mon petit article paru dans le numéro de juin 1931, je crois utile de revenir encore sur les résultats surprenants que les stomatologistes, spécialement, obtiendront avec la décoction de céréales.
Les numéros du bulletin de la Croix Rouge des mois de décembre 1931 et1932, contiennent des données hautement intéressantes sur le même sujet que je me permets de reproduire en grande partie pour les confrères nombreux, je suis sur, que la question intéresse.
Voici donc des extraits des articles écrits par le Docteur L. Delattre, Membre du comité médical de la Croix Rouge de Belgique.
« J’ai eu l’occasion, il y a de nombreuses années déjà, de parler des propriétés nutritives si spéciales de la décoction de céréales. Elle introduit dans l’organisme un élément nutritif puissant et précieux entre tous : l’acide phosphorique. Elle l’y introduit sous une forme vivante, peut-on dire, c’est à dire assimilable, rapidement, facilement, complètement ; tandis que la plupart des drogues phosphatées ne contiennent que des sels minéraux, qui, en raison de leur composition organique, traversent les organes sans être modifiés et se trouvent rejetés comme ils sont entrés.
Mais une nouvelle action, non moins précieuse, vient d’être mise à jour : c’est son action dans la croissance telle qu’elle résulte de la lecture faite à l’Académie de Médecine de Paris par M. Maurice Springer, membre titulaire.
La première expérience a été faite au laboratoire du professeur Potain, à la Charité à Paris.
Cinq petits chiens de la même portée ont été sevrés, à deux mois et divisés en deux lots. Tandis que la pâtée des animaux dits témoins était faite avec de l’eau pure, celle des chiens en expérience contenait de la décoction de céréales, en même quantité. On avait choisi ceux-ci parmi les plus petits comme taille.
Au bout de quatre mois, on constate les faits suivants : Les chiens qui avaient pris de la décoction de céréales, avaient grandi 8, 5 et 6 centimètres tandis que les témoins avaient augmenté de 4 centimètres seulement. Le périmètre thoracique s’était accru de 6, 7 et 5 centimètres et chez les témoins de 0 et de 4 centimètres à peine.»
Ceci est également corroboré par nos observations personnelles : les parents de nos petits patients nous ont demandé, plusieurs fois déjà, s’il était possible que le beau développement de leurs enfants provienne de la décoction. Sans connaître l’expérience et me basant sur des données théoriques, je pus répondre affirmativement, vu la présence des vitamines de développement et d’utilisation nutritives contenues par la préparation.
Citons encore les expériences faites à la Maternité, dans la division des nourrissons débiles du Dr Porak. On allait congédier une nourrice qui ne fournissait que 680 grammes de lait en 24 heures, lorsque l’on décida de lui donner un litre de décoction de céréales par jour. Au bout de quatorze jours la quantité de lait monte à 1500 grammes et le poids de l’extrait sec augmente également. Le nourrisson progresse d’une façon étonnante et le poids de la nourrice passe de 67 k. à 71 k ; en un mois. Cette décoction mélangée au lait augmente la résistance de l’organisme au cours des maladies infectieuses ; il a été constaté parfois que certains malades avaient engraissé pendant la fièvre typhoïde. Elle permet aux albuminuriques de mieux supporter le régime lacté. Chez les tuberculeux au début, elle favorise l’évolution de leurs lésions vers la sclérose et la calcification.
Dans l’état actuel de la question, ces résultats doivent être naturellement attribués aux substances que renferme la décoction de céréales et que nous connaissons soit par l’analyse chimique soit par l’expérimentation de la clinique…
….Il est à remarquer que depuis quelques temps, on fait aussi intervenir l’action de certains ferments ainsi que celle du manganèse et du zinc dans les effets attribuables aux vitamines. Leur intervention augmente la pression osmotique qui préside aux échanges cellulaires ; elle favorise la production de l’électricité intra-organique, qui est en relation avec la vitalité des individus. Enfin, d’après quelques physiologistes, elle stimulerait l’action des glandes à sécrétion interne.
Les indications de la décoction de céréales sont multiples. Les cliniciens en trouveront l’application dans tous les cas où ils voudront apporter aux organismes perturbés par la maladie ou en voie de croissance trop ralentie, un surcroît d’énergie.
Elle ne doit pas être considérée comme un aliment à proprement parler. C’est un simple mais puissant adjuvant de la nutrition.
Les extraits secs et les produits conservés et présentés en guise de décoction de céréales ne répondent nullement à ces conditions spéciales.
D’autre part on pourrait croire que la chaleur est capable de détruire des ferments solubles. Or les recherches de Weil et de Gardère ont démontré que « les vitamines sont respectées par l’ébullition à l’air libre et qu’elles ne sont détruites que par des températures supérieures à 125 degrés C. C’est aussi ce que l’observation clinique avait démontré. » C’est donc une notion fondamentale : Les vitamines ne sont pas détruites par l’ébullition.

Quel est l’intérêt de la décoction pour le stomatologiste ?

Les résultats cliniques que je me suis permis de soumettre à l’appréciation des confrères dans le numéro de juin 1931 de la Revue Belge de Stomatologie n’ont fait que confirmer l’incontestable supériorité du mélange, par la persistance des beaux résultats.
Les caries de molles et claires qu’elles étaient, deviennent dures et noires et l’entourage des enfants constate qu’ils ne se plaignent plus. C’est un fait qui m’a été signalé spontanément à plusieurs reprises, avec un enthousiasme reconnaissant.
Si nous soignons les dents de lait de nos petits patients, sans nous occuper de leur état général défectueux, ne sommes nous pas coupables et punis par le mauvais résultat de nos soins ?
Les préparations calciques perdent chaque jour du terrain et sont remplacées avantageusement par celles qui combattent la cause du mal : l’avitaminose.
Donner des vitamines concentrées, dans de petites bouteilles, est une erreur, quand il existe un aliment-médicament frais du jour et qui le remplace économiquement (50 centimes par jour).
Ce dernier facteur n’est pas à dédaigner, quand il s’agit d’un long traitement.
Autre avantage : nous donnons ici un médicament polyvalent. Ne voyons-nous pas la même chose en endocrinologie, où plusieurs extraits glandulaires se trouvent généralement associés ?

Passons au point de vue pratique.

Là aussi je crois avoir réalisé un progrès depuis la parution du premier articulet.
Nous demandions en effet de faire germer les graines pour augmenter dans de notables proportions la quantité des vitamines ainsi que le prouve le tableau ci-joint. Je pense que les confrères qui auront bien voulu analyser ce tableau seront convaincus de l’utilité de la germination. Le Dr Delattre prétendant que le mélange agit par ses vitamines fraîches, il y a évidemment avantage à augmenter la quantité de celles-ci dans notre préparation.


Les paysans donnent,paraît-il, de l’avoine germée à leurs poules, et ils savent ce qu’ils font les paysans….. Un reproche la recette est trop compliquée, toutes les mamans n’aiment pas perdre leur temps et préfèrent donner un autre médicament.
Nous avons tourné la difficulté, en confiant à un pharmacien (Houssiau, 26, Avenue des Celtes, Etterbeek) le soin d’acheter des graines non décortiquées de premier choix : maïs, froment, avoine et orge, de les faire germer, de les stabiliser et de les concasser.
De toute façon, il suffit de faire bouillir le mélange sans plus.
Tout le monde, sera content : et l’enfant qui ne se doute pas qu’il prend un médicament et le stomatologiste qui sera heureux d’avoir servi vraiment à quelque chose de plus qu’à l’ordinaire.
Et cela n’est pas non plus à dédaigner, à mon humble avis.
Nous avons ici non pas seulement un adjuvant utile pour le traitement des caries chez les enfants, mais un médicament indispensable, grâce auquel les résultats que nous avons en soignant les dents de lait seront moins….employons un euphémisme,…problématiques.

P.S. : Depuis que cette germination scientifique est faite, les résultats constatés, après que cet article fut écrit, sont surprenants.
Le teint de l’enfant se transforme, en une quinzaine de jours ; les fonctions de l’intestin se régularisent, l’inappétence disparaît en quelques jours.

BIBLIOGRAPHIE : Dr L. Delattre, Bulletin de la Croix Rouge de Belgique, n° de décembre 1931 et de décembre 1932.
Thérapeutique médicale, Tome II, Aliments-médicaments.

Journal Belge de RADIOLOGIE
Extrait Fascicule 125, 1933
Docteur R. DUIVEPART

DENT INCLUSE PAR TRAUMATISME

PAR LE Dr Duivepart, Stomatologiste (Bruxelles).

Voici un cas qui intéressera, je l’espère, aussi bien les radiologues que les stomatologistes et les confrères pratiquant la médecine générale.
John D….10 ans, fait une chute peu violente sur la bouche mais il constate, en se relevant, la disparition de l’incisive centrale gauche. On recherche la dent, qui reste introuvable.
L’enfant présente le lendemain outre un léger œdème de la lèvre supérieure, une température subfébrile. C’est dans cet état qu’il est présenté à ma consultation.
L’examen me montre une gencive légèrement tuméfiée et fendue verticalement sur une longueur de 6 à 8 mm, exactement comme si la dent venait d’être extraite, l’ouverture de l’alvéole étant fermée par un petit caillot.
L’autre incisive centrale, assez branlante, n’est pas douloureuse. Je n’insiste pas trop d’ailleurs pour ne pas effrayer l’enfant qui me voit pour la première fois.
Une sonde introduite dans l’alvéole, me permet de sentir qu’il existe une dent incluse, entière, mais se trouvant à une hauteur telle, qu’il me semblait toucher à une racine brisée à son milieu, au moins !
L’excellente radio du confrère E. Henrard, nous montre une incisive centrale gauche incluse et de la périodontite à l’incisive centrale droite (Pl. IX.fig.1.)


Il était prudent, vu l’âge du patient et les aléas de l’intervention, de pratiquer une anesthésie générale. En plaçant l’ouvre- bouche, l’incisive droite se détache spontanément, sans que l’instrument ne l’ait touchée ! J’essaie, en présence du Docteur G. Galand, d’extraire la dent. Elle disparaît au premier attouchement ! Le fond de l’alvéole est béant. Où est le corps du délit ? Dans le sinus ou dans le tube digestif, après être passée par le cavum ? C’est cette hypothèse qui semble la bonne, car une radio de la tête faite vingt quatre heures après l’intervention, donne un résultat négatif.
Autre fait qui mérite d’attirer l’attention : nous trouvons l’os incisif complètement brisé à la hauteur des deux incisives centrales, alors que la radiographie ne nous montrait rien de semblable. Dans un état comme celui-ci, en cas de non-intervention, il se serait produit d’interminables suppurations aussi bien à cause de la dent incluse que de l’os réduit à l’état de six ou sept séquestres. Même après des mois, l’expulsion naturelle de ces débris n’aurait pu se faire, nous en sommes persuadés.
La plaie, après un écouvillonnage à l’iode, fut abandonnée à elle même sans sutures et l’enfant sortit de la clinique, complètement guéri, après quarante huit heures.


La radiographie (fig. 2) montre, actuellement, après deux mois, la persistance de la cloison médiane et la disparition des rebords alvéolaires à la hauteur des deux incisives centrales enlevées.

                                                                                                                                                                                         

                                                                                              



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