Médecins de la Grande Guerre

A Ypres, Quakers, volontaires de la Croix-Rouge et religieux portent secours à la population sinistrée

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A Ypres, Quakers, volontaires de la Croix-Rouge et religieux portent secours à la population sinistrée.

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Geoffrey Wintrop Young en 1952

Geoffrey Winthrop Young, le chef du « Friends’Ambulance Unit » et Camille Delaere, prêtre de l’église St Pierre d’Ypres en 1914.

L’abbé Delaere. (collection B. de Moreau)

Plan d'Ypres en 1915

Charles Camiel Delaere et Sœur Marguerite d'Ypres

Sacré cœur : à partir de droite : Maurice Best, Wilhemine, sœur Antonia et Poppa

L'auteur et Herbert Dyne

Ruines d'Ypres - rue de Dixmude

Ruines d'Ypres - Eglise St Pierre

Ruine d'Ypres - rue de Lille

Ruines d'Ypres - Les Halles

" YPRES "

Halles aux draps d’Ypres avant le bombardement.

Halles aux draps d’Ypres après le bombardement.

Ypres – L’hôtel de la Châtellenie avant le bombardement.

Ypres – L’hôtel de la Châtellenie après le bombardement.

Une rue d’Ypres après le bombardement.

Ypres – La rue du Verger avant le bombardement.

Ypres – La rue du Verger après le bombardement.

Ypres en 1914 d’après A. Bastien.

La cérémonie du « Last Post » à Ypres, chaque soir à 20,00 heures depuis 1928, par les Sapeurs Pompiers Volontaires de Ypres. Elle fut interrompue (par les Allemands) du 20 mai 1940 au 6 septembre 1944.

Défilé du 11 novembre 2008 à Ypres. Le détachement des pompiers locaux va jouer, comme chaque jour, le Last Post en hommage aux soldats britanniques tombés lors de la bataille de l’Yser. (tirée du Sapeur-Pompier Belge n°1/2009)

Dank u Antoon. Moge je in vrede rusten. It is with great sadness that we announce the death of our former chief-bugler Antoon Verschoot. From 1954 till 12/12/2015, he was one of the buglers of the Last Post Association. Thank you Antoon. May you rest in peace. – C'est avec une grande tristesse que nous vous annonçons le décès de notre chef clairon honoraire Antoine Verschoot. Il a été klaroener de l'association last post de 1954 au 12/12/2015. Merci Antoine. Puisses-tu reposer en paix. (Photo du Last Post Ieper - 1/02/2017)

Petite fille de Furnes, blessée affreusement aux jambes et transportée en auto à l’ambulance. (Tirée de « Le miroir » du dimanche 30 mai 1915)

Cinq petites victimes d’un bombardement d’Ypres, parmi lesquelles se trouve un bébé de six semaines. (Tirée de « Le miroir » du dimanche 30 mai 1915)

Quatre enfants, dont un de moins d’un mois, blessé par le même projectile, à Coxyde. (Tirée de « Le miroir » du dimanche 30 mai 1915)

Auteur: Dr Loodts P.

Source: Geoffrey Winthrop Young, The Grace of Forgetting, Country Life Limited London, 1953

Avertissement: Tous les faits signalés dans ce récit proviennent du livre de Geoffrey Wintrop Young. Ses souvenirs nous sont précieux mais malheureusement ne sont  pas datés avec précision. Son récit touffu est une  succession de faits et d'anecdotes tels qu'ils lui viennent  à l'esprit et qui de ce fait, ne suivent pas souvent une chronologie rigoureuse. Il est vraisemblable que l'auteur ne disposait plus (mais peut-être n'y en a t-il jamais existé)  d'un diary relatant au jour le jour son aventure à Ypres lorsqu'il écrivit ses mémoires au début des années cinquante. 


Geoffrey Wintrop Young en 1952

Geoffrey Wintrop Young en 1952

D' octobre 14 à avril 15;

Les Quakers voulaient prendre part à la Grande Guerre. Ils acceptaient de mourir au besoin pour leurs contemporains mais certainement pas de les tuer. C'est ainsi qu'ils décidèrent de créer un corps "The Quaker Unit" destiné à secourir les blessés des armées alliées. Leur première destination devait être la Serbie où les Anglais menaient une expédition mais, celle-ci se transformant rapidement en retraite, ne laissa pas le temps aux Quakers de se déployer. Une deuxième destination, l'Yser fut rapidement choisie. Le chef de l'unité des Quakers, Geoffrey Winthrop Young, grâce à un de ses ami, Vincent Baddeley, qui travaillait à l' Amirauté, parvint à  faire embarquer ses quarante hommes et ses huit ambulances sur l' "Invicta" le 31 octobre 1914.. A peine en mer,  les Quakers durent déjà montrer leur savoir faire. A  proximité de leur navire, le croiseur Hermes  touché par une torpille et sur le point de sombrer demandait une aide urgente. Les marins précipités dans l'eau froide furent secourus par l'équipage et les Quakers de l'Invicta. A cette occasion, les chandails d'hiver emmenés dans les bagages des ambulanciers se révélèrent très utiles pour réchauffer  les naufragés. Geoffrey Wintthrop passa deux longues heures à essayer vainement de maintenir en vie un rescapé épuisé. Au cours de ce sauvetage, on vit un acte d'héroïsme peu commun: Donald Gray plongea du bastingage de l' "Invicta" afin de secourir un marin sur le point de se noyer. Après le sauvetage, il fallut retourner à Douvres pour débarquer les survivants de l' "Hermes" avant de reprendre la route pour la France.


Plan d'Ypres en 1915

Aucun répit n'attendait les Quakers enfin arrivés à Dunkerke. La ville était submergée de soldats blessés, dont de nombreux belges, évacués du front où se déroulait la bataille de l'Yser. Partout, on improvisait des hôpitaux qui ne comptaient comme personnel que de rares médecins assistés de quelques infirmières volontaires anglaises. Parmi celles-ci, une dame fit merveille. Gertrude Lady Decies travailla nuit et jour  méritant ainsi d' innombrables signes de gratitude de la part  des soldats blessés. Les conditions de travail étaient  effroyables comme en témoigne notamment le fait qu'un chirurgien anglais, volontaire Quaker  perdit  son sang-froid et dut être renvoyé "at home". Geoffrey Wintthrop lui-même, sans aucune expérience médicale, fut désigné pour donner l'anesthésie aux opérés. Les ambulances de l'équipe furent quant à elles tout particulièrement bienvenues pour transportent  des centaines de blessés dans les navires-hôpitaux anglais qui étaient amarrés aux quais.

Les Quakers cependant ne s'attardèrent pas trop longtemps dans cette ville et poursuivirent leur route. Laissant une base arrière à Dunkerke, ils se dirigèrent vers la Belgique où ils avaient été chargé  d' appuyer les armée alliées qui tenaient le  front à Ypres. L'accueil y fut glacial. Un colonel médecin du RAMC (Royal Army Medical Corps) alla même jusqu'à refuser leurs services. Geoffrey décida alors de "trouver le travail lui-même, de le faire et seulement après de régulariser la situation." Les ambulances sous son autorité sont dirigées vers Woesten où se trouvaient  les français. On les reçut alors de façon beaucoup plus cordiale. Le vieux médecin-chef nommé des Jardins qui avait servi dans la guerre de 1871 accepta avec enthousiasme l'aide des Quakers .Immédiatement les ambulances automobiles furent  mises en action. Ce fut  à Woesten que Geoffrey changea le nom de son unité d'ambulances appelée désormais la " Friends Ambulance Unit", tout simplement parce que certains membres de l'Unité n'étaient pas Quakers de naissance mais plutôt des sympathisants. L' aide apportée aux soldats français fut  rapidement  appréciée à sa juste valeur d'autant plus que  les fusillés marins qui occupaient le secteur sous les ordres de l'amiral Ronarch n'avaient jusqu'alors aucune ambulances automobiles à leur disposition. Les Quakers resteront longtemps émerveillés de l'esprit de fraternité exceptionnel qui régnait entre les officiers français et leurs hommes. Geoffrey écrira même plus tard " The personal feeling between sea-officer and man was unlike anything I met with in the Continental armies." Des années plus tard, la Légion d'Honneur  accompagnée d'une lettre écrite par l'amiral Ronarch sera remise à Geoffrey en souvenir des services rendus aux fusillés marins.

Quand les Anglais qui tenaient  Ypres furent  relevés,  les Français leurs succédèrent. Geoffrey, déjà bien introduit dans leur armée, pénétra alors dans la ville dans de bien  meilleures conditions qu'il ne l'avait fait quelques jours auparavant Le courage des habitants l' impressionna d'emblée. L'une des premières personnes rencontrées fut  une jeune fille qui portait fièrement le brassard de la Croix-rouge .  Elle interpella aussitôt Geoffrey :

 -Have you brought the French ambulances promised for "les petits vieux"? 

Cette volontaire  intrépide était la  fille de l'ingénieur municipal Vanderghote. Cette première rencontre fera immédiatement percevoir  au chef des Quakers la  grande détresse dans laquelle les Yprois et des réfugiés se trouvaient. Très rapidement lui vint alors l'idée d'aider ces civils délaissés par les service de santé militaires. Il sera aidé dans cette tâche par deux Belges exceptionnels dont il ne  tarda pas à faire connaissance car on les voyait sillonner la ville en tout sens et par tous les temps. Il  s'agissait du curé de Saint-Pierre, Charles Camiel Delaere, un athlétique quinquagénaire et de sœur Marguerite, née Emma Boncquet, jeune institutrice appartenant à l'ordre des sœurs de " La Motte" et dont le visage rayonnait de beauté et de gaieté. Ces deux religieux rentrèrent dans la légende yproise en se dévouant corps et âme à leurs concitoyens enfermés dans une ville en état de siège.


Charles Camiel Delaere et Sœur Marguerite d'Ypres

La première action des ambulanciers Quakers fut de répondre à la sollicitation de Mademoiselle Vanderghote en évacuant  les "petits vieux" d'un établissement d'Ypres et en les transportant  à Poperinghe. Mais dans cette ville rien n'a été prévu pour eux. Tout ce  travail se révéla donc un véritable échec humanitaire. Beaucoup de personnes âgées ne supportèrent  pas  leurs nouvelles conditions de vie  lamentables et celles qui survivèrent  trouvèrent leur salut en retournant  à Ypres dans les jours  suivants.

La conclusion pour Geoffrey était  limpide: il fallait se résoudre à améliorer les conditions de vie à Ypres. Celles-ci étaient mauvaises  mais offraient manifestement plus de chance de survie aux civils qu'une évacuation sans préparations. Geoffey et ses ambulanciers entreprirent  alors de visiter toutes les caves afin de se faire une idée de l'aide à apporter. Celle située sous le bureau de poste les impressionna fortement: une centaine de personnes étaient abritées dans un sous-sol où ne pénétrait pas la lumière du jour et où venait de se passer deux accouchements. Une autre découverte fut tout aussi dramatique : en dehors des remparts de la ville, une maison un peu isolée dans les champs abritait soixante vieillards hébétés. D'eus d'entre eux n'étaient plus que des cadavres...


Ruine d'Ypres - rue de Lille

Mais Ypres ne comptaient  pas que des civils terrorisés. La ville constituait une merveilleuse cachette pour les déserteurs anglais échappés de la bataille de Mons. Frederick  était  l'un d'entre eux et offrit ses services aux Quakers. Il  passa  de nombreuses  journées à panser les civils blessés. Capturé et jugé par l'autorité militaire anglaise, il échappera à  la peine capitale grâce au dévouement qu'il avait montré à Ypres.. Georges, était  un autre déserteur mais d'un caractère tout différent. Il appartenait à la police militaire et se déplaçait toujours avec son fusil. On le rencontrait souvent en état d'ébriété. Il essaya cependant d'aider les ambulanciers durant les rares moments d'abstinence qu'il connaissait parfois... Les déserteurs anglais purent vivre sans être inquiétés dans Ypres de nombreuses semaines jusque dans les premiers mois de 1915, époque à laquelle  les Anglais reprendront le secteur.

Geoffrey décida avec l'aide du curé Delaere de créer à Ypres même un hôpital au bénéfice des  civils. Il fallut trouver un endroit pas trop soumis aux bombardements. L'Asile du Sacré-Coeur, un énorme bâtiment à la sortie ouest de la ville fut choisi. Son concierge belge, Gustave Delahaye, était resté à son poste en même temps que sa femme et ses cinq enfants. Il fut fier de guider les quakers et le Curé dans les locaux qu' il avait  su maintenir en bon état.

Les locaux trouvés, il fallait le pourvoir en personnel. Deux religieuses, sœur Anna et sœur Élisabeth, qui travaillaient à l'hôpital civil d'Ypres et s'étaient réfugiées à Poperinghe acceptèrent de revenir dans la ville martyre. Parmi leurs consœurs, Julienne, la trésorière du couvent mérite un hommage particulier: pendant des semaines, elle se rendit régulièrement à travers les rues en ruines à l'hôpital civil d'Ypres pour s'assurer que la croix en argent et le trésor caché de son couvent était toujours en place. Sœur Julienne connut une fin tragique et héroïque puisqu'elle fut tuée sous le bombardement de l'hôpital Élisabeth que fondèrent au printemps suivant les Quakers à Poperinghe.

Le nouvel hôpital situé dans l'asile du Sacré-cœur fut rapidement en état de fonctionner grâce aux fonds propres des Quakers et grâce au ravitaillement fourni par leur propre service d'intendance à Dunkerke. Les habitants d'Ypres eurent ainsi à nouveau  la possibilité d'être soignés. Un nouvel épisode peu de temps après prouva une nouvelle fois l' absurdité d'une évacuation des habitants si celle-ci survenait sans préparation. Un jour, une dame de la bourgeoisie écossaise chargea dans son véhicule et évacua vers la France tous les enfants qu'elle avait rencontrés dans les rues d'Ypres. Il en résulta des familles désemparées et sans nouvelles d'un ou de plusieurs de leurs enfants. Des mois leur furent ensuite nécessaires pour  qu'ils retrouvent les traces de leur progéniture !

La Friends Ambulance Unit avait maintenant du travail à profusion; il fallait gérer tout un hôpital au Sacré-cœur tout en continuant les missions de transport des blessés  au profil des soldats français. Chaque matin, le chef des Quakers avait pris l'habitude de se rendre au couvent Sainte-Marie dans lequel s'était réfugié le  Curé. A chacun de ses passages, Geoffrey s'émerveillait d'un miracle quotidien: la cuisine du couvent avait encore échappé aux bombes alors qu'autour d'elle ce n'était que ruines! Tout en lui faisant profiter d'une tasse de café ou de soupe préparée par Sœur Marie Berckmanns, le Curé l'informait alors des besoins de la population civile.. C'est ainsi que fut notamment décidé d'installer un petit poste de secours à Sainte-Marie et un autre à l'autre côté de la ville. Un médecin officiait dans ces postes aidé souvent par une volontaire belge de la Croix-Rouge, Mademoiselle Cloostermanns. Cette jeune femme taciturne et toujours vêtue de noir intriguait les Quakers au point que ceux-ci la considérèrent comme ayant la personnalité  d' une espionne ou, au contraire, d'une véritable héroïne! Pour cette raison, ils la surnommèrent "The Speroïne".  "The Speroïne" se dévoua  inlassablement jusqu'à ce qu'elle soit elle-même blessée.


Geoffrey Winthrop Young, le chef du « Friends’Ambulance Unit » et Camille Delaere, prêtre de l’église St Pierre d’Ypres en 1914.

Le Curé Delaere continuait à se rendre nuit et jour dans les caves où avaient trouvé refuge ses paroissiens. Cet homme, un ami du Cardinal Mercier, avait été professeur de littérature à Courtrai  puis avait accepté sept ans auparavant le vicariat de  la paroisse Saint-Pierre à Ypres. D'une corpulence athlétique et d'un caractère  énergique, il avait déjà à son actif la restauration complète de son église. Celle-ci n'avait finalement servi à rien. Le Curé venait en effet  de vivre  la récente destruction de son église. En pleine messe, l'église de Saint-Pierre avait été bombardée. Son vicaire  alors qu'il disait la messe avait été tué sous l'éboulement! Le Curé avait alors calmé ses paroissiens, éteint le début d'incendie et même achevé de dire la messe! Delaere possédait un ascendant énorme sur ses paroissiens.. Sa Cure détruite, il trouva refuge au couvent Sainte-Marie. Lui et Sœur Marguerite semblaient être protégés des bombes qui pouvaient tomber autour d'eux sans qu'ils ne s'en émeuvent. La partie du couvent qui leur servait d'abri, on l'a vu plus haut, survivait miraculeusement aux grands bombardements. Peut-être était-ce dû à l'intercession de la Sainte Vierge dont la statue située dans la cour du couvent  avait été jusqu'à présent aussi épargnée. "Après six bombardements du couvent, elle est toujours là, proclama un jour Sœur Marguerite, mais elle tourne maintenant son dos aux Allemands!"    

Au Sacré-cœur, les hospitalisations commencèrent avec celles de 31 enfants blessés. Bientôt, on compta 115 blessés. Parmi ceux-ci, Marie, quatorze ans, gravement blessée et dont la mère ne quittait pas son chevet; Albert six ans qui avait perdu une jambe; Julia âgée de deux ans, blessée à la tête; Maurice Best, treize ans, dont la mère fut tuée dans le même bombardement (on vera ce que devint Maurice à la fin de ce récit); Lucien Maskeleyne, quatorze ans retrouvé sous les décombres  les doigts arrachés; Wilhelminenchen, sept ans dont la mère et la grand-mère furent tuées en même temps qu'elle fut blessée. La salle abritait aussi deux enfants, les uniques  survivants d'une famille de neuf personnes! On pouvait encore étendre facilement la liste morbide qui n'en finissait pas: un bébé et une mère étaient les seuls survivants d'une famille de 7; plus loin, un père  veillait sur deux enfants se mourant et dont les cinq frères et sœurs et la mère venaient d'être tués etc. La tragédie était devenue le lot commun de la plupart des habitants..

Comme si le malheur des blessés n'était pas assez grand, le 21 décembre, le Sacré-cœur fut violemment bombardé. La salle d'opération fut descendue dans la cave mais il fallut se résoudre à évacuer les hospitalisés. Geoffrey demanda directement du secours au Roi et à la Reine qui se trouvaient à La Panne. Grâce à eux des ambulances supplémentaires furent  fournies et permirent d' évacuer la majorité des patients dans un hôpital de l'arrière. Les blessés intransportables furent quant à eux mis à l'abri  dans un autre couvent situé rue Thourout. Quand les bombardements cessèrent, le Sacré-cœur put à nouveau être occupé.

Chaque jour, Ypres était  assailli sous un déluge de bombes. C'était la terrible vengeance de l'ennemi qui n'était pas parvenu à rompre les lignes alliées. Même dans ces conditions de guerre, il fallait que Geoffrey assumât l'humble travail d'écriture nécessaire à la gestion administrative de son unité. Outre ce travail de gratte-papiers, Geoffrey devait aussi  se transformer régulièrement  en véritable diplomate pour que son unité reste efficiente. Il eut en effet à s'adresser ou à accueillir plus de quinze autorités différentes civiles ou militaires. Parmi elles, le "French Médecin-Chef" ou le "Belgian Inspector-Général" qui  poussèrent des reconnaissances au front dans les moments calmes. Les réactions d'hostilité envers les Quakers n'étaient pas rares. Pour leur chef, il s'agissait alors de ne pas y prêter attention afin de ne pas se laisser aller au  découragement.  Le Curé et Sœur Marguerite ne cessèrent jamais d'encourager le travail de la Friends Ambulance Unit à qui il était journellement demandé  une douzaine de missions de transport de blessés ou de malades au point que bientôt les salles du  Sacré-cœur affichèrent  complet. Parmi les hospitalisés, se trouvaient quelques vieillards aux personnalités attachantes dont :Poppa âgé de 81 ans, la pipe toujours à la bouche et Onkel, 79 ans, qui refusa l'hospitalisation tant qu'un abri n'avait pas été  trouvé  pour son chien. 


Sacré cœur : à partir de droite : Maurice Best, Wilhemine, sœur Antonia et Poppa

Les multiples négociations que menaient Geoffrey  avaient parfois pour origine le comportement de l'un de ses hommes comme par exemple quand il  dut un jour défendre  l'un de ses médecins mis aux arrêts stricts par l'autorité militaire parce qu'il  avait  gravi la tour d'une église afin de jouir d'une vue panoramique de la ville. Pareil comportement était évidemment défendu  car  l'attention de l'ennemi pouvait être éveillée, la tour risquant alors d'être considérée comme  observatoire ennemi à détruire! Le docteur n'était certainement pas discipliné car il récidiva et fait aggravant, cette fois accompagné de la jeune volontaire de la Croix-Rouge Vanderghote! 

Dans toutes les négociations, Geoffrey avait un léger avantage. The Friends Ambulance Unit était au service de plusieurs divisions françaises, d'une batterie belge, des civils d'Ypres et des militaires anglais lorsqu'ils reprirent leurs positions autour d'Ypres. Lorsqu'un général français tentait de mettre le grappin sur les Quakers, Geoffrey se disait dépendre de l'Etat-Major britannique quand c'était le tour des Anglais de rouspéter, Geoffrey se disait sous le commandement des Français et des Belges. Il put ainsi garder une grande indépendance dans le choix de ses missions et  aider ceux qui en avaient le plus besoin. Parfois Geoffrey assuma manifestement une autorité quelque peu usurpée comme dans l'anecdote racontée ci-dessous  mais pouvait-il agir autrement?   Pendant les cinq semaines d'enfer que vécut Ypres, la Maison Royale réfugiée à  La Panne, croyant bien faire, envoya à Ypres un émissaire chargé de signifier l'ordre d'évacuation à  tous les habitants. Geoffrey eut  la surprise de voir arriver au Sacré-cœur 60 civils avec leurs bagages qui avaient été obligés de quitter leurs caves sans pour autant recevoir de l'autorité le transport qui leur aurait permis de rejoindre l'arrière. Le chef des Quakers n'accepta pas de jouer un rôle qu'il n'avait pas choisi d'autant qu'il avait l'expérience d'une première évacuation qui avait tourné au drame. Il prit donc sur lui la responsabilité d'ordonner aux civils de rejoindre les caves d'où on les avait sortis inutilement, ce qu'il firent sans rouspéter..

Autour de Geoffrey gravitaient des personnalités exceptionnelles. Le docteur Rees et monsieur Vanderghote méritent ici une mention spéciale..

Le Dr Rees était un des médecins dévoué de l'Unité. Il  établit à Poperinghe, dans le théâtre, une section de l'ambulance des Quakers  car la proximité de la gare aidait à l'évacuation des blessés vers l'arrière.

L'ingénieur municipal Vanderghote occupait dans les lignes françaises, au delà de la porte de Menin, une maison dont les pièces à l'avant avaient été détruites. Il subsistait là avec la famille qui lui restait. Deux de ses fils avaient été tués avec l'armée belge et deux autres étaient prisonniers des Allemands. Âgé de 55 ans, Vanderghote était un solide flamand  qui avait eu la présence d'esprit , à l'arrivée de l'ennemi, d'enterrer tous les documents et plans de la ville. Quand les Allemands pénétrèrent dans son domicile et le menacèrent revolvers aux poings, il leur offrit des... cigares. Plus tard sa maison servit de QG au général Gough. Il refusa toujours obstinément de quitter sa maison très exposée aux tirs des canons de même qu'il refusait d'envoyer sa femme et les plus jeunes enfants à l'arrière. Geoffrey  prit en  affection  le plus jeune enfant Vanderghote qu'il essaya de distraire en lui offrant de temps en temps la possibilité de l'accompagner dans son véhicule notamment lorsqu'il rendait visite aux ambulanciers quakers  à Woesten.

Un jour, Geoffrey, alors qu'il se trouvait pas loin de la porte de Lille, éprouva l'étonnement et le plaisir de rencontrer son ami Marcus Bersford Heywood accompagné du  général Plumer. Marcus l'informa de la raison de leur présence à Ypres : les troupes anglaises reprenaient le contrôle de ce secteur. Pour Geoffrey , la présence de son ami auprès de Général fut un véritable  réconfort car elle constituait le garant d'une une véritable coopération entre l'autorité militaire anglaise et l'unité des Quakers..

L'hiver fut très rude pour les soldats au front. Les ambulanciers eurent un jour à évacuer un détachement des Kings Royal Rifles dont les soldats, à l'exception d'un seul, avaient les pieds si gelés qu'ils ne pouvaient se déplacer qu'en  rampant. Les pauvres étaient en outre couverts de glaçons et ne pouvaient  plus parler car le froid avait paralysé leurs cordes vocales. Pour Geoffrey, le spectacle de ces hommes représenta un des tableau  les plus pathétiques qu'il ait vu au cours de la guerre. Ces jeunes gens étaient  originaire du continent indien. Ils n'avaient jamais connu d'hiver et sans transition on les avait plongé  pendant quatre jours d'affilée dans la boue glacée des tranchées de  flandres.

Pour résister à de pareils spectacles de souffrance et d'absurdité, une certaine dose d'humour et de dérision s'avérait  de temps à autre nécessaire. Les Anglais ne se départissait pas de leur flegme et excellait dans ces domaines, pour preuve cette blague entendue par  Geoffrey de la bouche d'un lieutenant :

En première ligne, un soldat allemand cria à l'intention des soldats de la tranchée anglaise

- Y a t'il quelqu'un de Birmingham? J'y ai laissé une femme et sept enfants?

La réponse anglaise ne se fit pas attendre:

- Montre ta tête et il y aura bientôt une veuve et sept orphelins à Birmingham.

En décembre, les Belges reconstituèrent une petite administration civile pour gérer les problèmes d'Ypres. Cette administration travaillait depuis Poperinghe sous la direction de Monsieur Stoffel et sous l'influence du Curé. Le maintien de l'ordre, la lutte contre les incendies et les maladies, les enterrements furent quelques un des sujets qui furent traités. C'est ainsi que Geoffrey obtint l'autorisation de faire placarder à l'intention des habitants  des instructions concernant la prévention sanitaire. Ces instructions étaient imprimées par les sœurs et  frère Callewaert qui eurent l' immense courage de continuer à offrir leurs services dans une imprimerie à moitié détruite. 

Pendant les fêtes de fin d'année, Geoffrey et son unité eurent la joie de recevoir  le célèbre écrivain Somerset Maugham au Sacré-Coeur. Le repas de fête se tint dans un local aux fenêtres cassées à travers lesquelles on apercevait les traînées lumineuses des obus parcourant le ciel. L'atmosphère devint encore plus surréaliste quand apparurent subitement deux personnages inconnus des convives, une religieuse et un officier. La Sœur à la corpulence curieusement athlétique se mit alors à chanter pendant que la regardait d'un air amoureux un jeune et svelte officier fumant avec distinction une cigarette. Bientôt, les rires fusèrent dans l'assemblée qui  venait de reconnaître, sous les traits de la religieuse, le Dr Smerdon, et, sous ceux du bel officier, la sœur Anna...

L'hiver très dur exigeait  des vêtements chauds pour la population. En attendant d'en disposer, on glissait du papier sous les vestes. Geoffrey demanda des vêtement un peu partout mais ce fut  sa mère qui répondit principalement à son appel. En Angleterre, elle put rassembler des fonds qui permirent de faire parvenir 800 pulls à son fils. La distribution à la population civile se fit par l'intermédiaire de Sœur Marguerite. Les enfants soignés à l'hôpital eurent aussi droit à une distribution de jouets..

L'armée britannique reconnut enfin pleinement l'unité des Quakers et leur confia officiellement les soins aux civils de toute la zone. Le principe du  travail des ambulances au service de plusieurs armées alliées fut aussi accepté. De nouveaux services aux civils furent crées: il fallait fournir de l'eau potable, ouvrir des centres de vaccination. Geoffrey fut reconnu officiellement  comme officier de liaison entre l'armée et les civils. Bientôt le vide créé par l'insuffisance de l'aide du gouvernement belge fut partiellement comblé par l'arrivée de deux comtesses. La comtesse Van den Steen de Jehay. était une petite dame rousse qui ne reculait devant aucun danger. La comtesse Louise d'Ursel était une infirmière expérimentée et aimable. L'arrivée de ces deux dames renforça l'hôpital que le docteur Rees avait ouvert à Poperinghe au château Élisabeth. Les comtesses firent venir bon nombre d'infirmières de la Belgique occupée et créèrent avec les Quakers l' "Aide Civile Belge". Cette nouvelle organisation attira de nombreux jeunes volontaires anglais d'autant plus que venait d'être reconnu en Angleterre le FAU, c'est à dire le service alternatif qui pouvait remplacer le service militaire..

Plus de dix mille Yprois furent vaccinés. Sept stations d'épuration d'eau furent installées et fournirent de l'eau chlorée à raison de 70.000 gallons par jour. D'autre part 32 barriques d'eau chlorée furent réparties dans la ville. Auprès de chacune d'entre elle se trouvait en faction un volontaire de la Croix-Rouge Durant un effroyable bombardement, près de la porte de Menin, un nombre de ces secouristes furent tués et les barriques détruites. Quand des habitations se trouvaient trop loin d'une barrique, les quakers fournissaient la maison en chlore. Au total plus de cinq mille maisons furent approvisionnées ainsi en eau potable. Buckton, Angelis sous la direction du Dr Coplans purifièrent l'eau du bassin de natation qui situé sous les remparts  forma ainsi un réservoir pour les troupes anglaises.

Des cas de  typhus firent leur apparition et nécessitèrent l'aménagement de deux salles d'isolation au Sacré-Coeur. Pour juguler l'infection, on entreprit le dépistage systématique des malades. Une équipe de volontaire Quakers qui avaient appris le flamand accompagnés de Sœur Marguerite, de Sœur Lucie ou de boys-scouts visitaient toutes les maisons. Il fallait convaincre les malades trouvés de se faire hospitaliser mais certains d'entre eux préférèrent, en dépit de tout, rester sur place.... L'équipe de dépistage était suivie d'une équipe de désinfection fournie par la RAMC. Quand on avait découvert une cave où résidait un fiévreux, les lits étaient brûlés et le matériel de couchage remplacé.

En Angleterre, les Quakers disposaient d'une nouvelle aide précieuse qui s'ajouta à celle qu'avait fournie la maman de Geoffrey. Ruth Fry qui fit tant pour la condition féminine organisa des collectes de vêtements et de tissu qui parvenus à Ypres furent distribués par sœur Marguerite. L'aide Civile Belge commença aussi une distribution de lait en poudre pour les nourrissons. Robert Stopford et le baron Clifford of Holland faisaient leur tournée de laitier en moto.

Toute cette aide à la population semblait légitime et nécessaire mais  en fait rien n'était simple pour les Quakers. Malgré leur dévouement, leurs actions n'étaient pas toujours appréciées à leur juste valeur et souvent interprétées comme des prises de pouvoir. Geoffrey relata plus tard dans ses souvenirs combien fut  houleuse une certaine  réunion auxquels participaient le bourgmestre Colaert, l'ingénieur Vanderghote, le facteur Verbrugge, le docteur Van Robays, le secrétaire des hospices Vanaerde, le secrétaire communal Vanniemenhoud (qui possédait une grande collection d'armes du Congo, toujours en place dans sa maison), le commissaire de police, le Curé, et monsieur Stoffel. Au grand désarroi de Geoffrey seules ces deux personnes appuyèrent les propositions apportées ce jour là par les Quakers..

Draycott se montrait lui très coopératif. Grâce à lui fut installé des boilers et bains au profil des soldats qui revenaient du front. De temps à autre l'un ou l'autre officier anglais réquisitionnait des maisons inhabitées pour y loger des soldats. Geoffrey qui connaissait maintenant très bien la ville déconseillait certains endroits parce qu'ils les connaissaient comme étant sujets à de fréquents bombardements. Un jour, un officier ne tint pas compte de ses remarques et s'installa avec ses hommes là où bon lui semblait. Mal lui en prit car un bombardement donna raison à Geoffrey. Les Quakers durent travailler à extirper et à évacuer  des soldats  blessés et morts. Parfois les demandes de renseignements de la part de l'armée anglaise servait sournoisement les intérêts de Geoffrey. C'est ainsi qu' un jour  il renseigna comme endroit  pouvant loger des soldats un couvent dont le directeur lui  avait refusé de mettre les religieuses au travail comme infirmières.

Un immense canon de 105 fut installé par l'ennemi aux environs d'Ypres. Plus tard, il allait servir à propulser des obus au gaz. Quand un coup partait, le vacarme était assourdissant et ressemblait au bruit d'un immense train qui traversait le ciel en faisant tout trembler. De plus en plus d'immeubles s'écroulèrent sous les obus de ce canon.

Parmi les collaborateurs de Geoffrey se trouvait Stanley Boughey au grand courage et à l'enthousiasme toujours intact. Plus tard il s'engagea à l'armée et fut tué au combat. On lui donna la V.C à titre posthume.D'autres membres de l'unité furent admirables de dévouement: Will et John Harvey, Tallerman, Batterham, Wilson, les Lloyds, Leyland, Pim, Ward et Cyril Pease, Henri Locke, Hugo Jackson et Taylor qui furent tués, Barrow, Brady, Léonard Green, Gripper, Goodbody, Brimble, Geoffrey Thompson, Claude Elliott qui sur sa moto était la terreur des sentinelles françaises, Arnold Lunn, Frith qui était ingénieur. Toute la gestion de ce personnel méritant se faisait à partir de Dunkerke et beaucoup des hommes refusaient de prendre les repos de longue durée auxquels ils avaient droit.

Au fil des semaines qui passèrent, les autorités en Angleterre commencèrent à apprécier le travail que faisait les Quakers à Ypres. Ils  envoyèrent alors sur place une délégation officielle. Rudvard Kipling, Lord Cruzon et d'autre importants personnages vinrent annoncer à Geoffrey que son unité était reconnue comme institution agrée par la Croix-Rouge. A cette occasion, on lui remit pour orner l'uniforme de ses ambulanciers de nouveaux badges en même temps qu'on  signifiait à la Friends Ambulance Unit l'autorisation de porter des grades militaires. Les autorités militaires n'acceptèrent cependant pas cet honneur fait aux Quakers et finalement ils obligèrent ces derniers à modifier les grades cousus de telles sorte qu'on ne puisse les confondre  avec ceux de l'armée.

Parmi les soldats anglais qui défilaient constamment dans Ypres pour rejoindre le front tout proche se trouvaient souvent des connaissances ou des membres de  famille de l'un ou de l'autre Quaker. Le Quaker Gilbert Hosegood vint ainsi  un jour  trouver Geoffrey tout excité parce qu'il avait aperçut de loin  son soldat de frère dont il était sans nouvelles. Ayant retrouvé l'unité de cet homme Geoffrey et Gilbert furent  à leur grande consternation diriger vers une  tombe fraîchement creusée. Ils étaient arriver trop tard. Gilbert Hosegood eut cependant  la maigre consolation de pouvoir s'entretenir avec le colonel de son frère, Guy du Maurier qui peu de temps après devait aussi périr ! La tragédie n'était cependant  pas encore terminée pour Gilbert Hosegood. Il se fit un devoir de s'engager au sein de l'unité de son défunt frère dont il partagea peu de temps après, le même sort funeste. 

Si les soldats mourraient en nombre autour d'Ypres, les victimes parmi les civils étaient aussi très nombreuses. Nombre d'enfants se retrouvaient du jour au lendemain orphelins. L 'infatigable Curé et Goffrey s'arrangèrent pour les aider à survivre. Un abri fut trouvé à Westvleteren chez les Trappistes puis une institutrice fut nommée en même temps qu'une directrice, la Révérende Mère Godalieve. Celle-ci avait la réputation de pouvoir se  faire obéir des jeunes gens jusqu'à leur repas de mariage! Certains de ces enfants n'avaient plus changer de vêtements depuis six mois! Par après le couvent se révéla trop proche du front et les enfants durent déménager. Les garçons allèrent  à Wizerne à côté de Saint-Omer et les filles accompagnées des bébés à Wisques. Le comte Etienne de Beaumont couvrit les frais d'entretien de tous ces enfants quant au Curé, il veilla à ce que les garçons puissent suivre des formations de maçons, plombiers, peintres etc. Après la guerre nombre d'entre eux furent parmi ceux qui reconstruisirent Ypres.

Les derniers jours d'Ypres, avril et mai 1915

Le 22 avril les bombardements reprirent de plus bel. Bientôt on aperçut un immense nuage jaune: c'était la première attaque avec les gaz. Vers trois heures du matin, le 23, il fut décidé d'évacuer l'hôpital du Sacré-Coeur. Seuls devaient y rester deux médecins et deux brancardiers pour y maintenir dans les caves un poste de secours mais les sœurs Julienne et Aloise (une sœur cuisinière) se résolurent à rester sur place. Malgré tous les avertissements, Gustave et sa famille et quelques employés s'entêtèrent aussi à ne pas vouloir quitter les lieux. Le 24 au matin, le déménagement était achevé. Pendant ce temps, des ambulanciers Quakers continuaient leurs missions sur la ligne du front. Jack King fut un de ces chauffeurs héroïques qui, au plus fort de la bataille, en une après-midi, évacua plus de cent soldats gravement atteints. Finalement, les médecins au Sacré-cœur durent se résoudre à abandonner aussi le poste de secours conservé dans les caves  tant les bombardements devinrent  trop intenses. Un nouveau poste fut créé un peu plus loin  dans les caves de Saint-Augustin.

Alors que Geoffrey s'en allait visiter  les patients du Sacré-Coeur évacué à l'hôpital civil de Poperinghe, il se fit arrêter sur les bords de la route par le général-chirurgien du RAMC qui lui demanda de créer de toute urgence un hôpital comprenant le plus grand nombre de lits. Geoffrey accepta ce nouveau défi et après discussion avec la comtesse et avec le Dr Rees, il fut convenu de le créer au château Elisabeth. A peu près au même moment, le Curé demanda à Geoffery d'évacuer des vieillards qui avaient trouvé refuge au couvent des Pauvres Claires. La mission n'était pas facile, l'automobile de Herbert Dyne fut à moitié écrasée par des débris volant. Les bombes n'épargnaient plus aucune surface d'Ypres pas même la cuisine du curé à Sainte-Marie ! L'afflux de blessés militaires se fit très important. Parmi eux, beaucoup provenaient de régiments de Ghurka et présentaient des blessures à la main gauche. Geoffrey se souvint alors des soldats français qui, ayant présenté des blessures au pied gauche, étaient souvent considérés comme des déserteurs parce qu'ayant pu se blesser eux-mêmes à la baïonnette pour échapper aux combats. Qu'en était-il avec ces blessures de la main gauche? A la réflexion, celles-ci apparurent avoir une origine tout autre. Elles témoignaient simplement de désespérés combats  au corps à corps durant lesquels la main gauche essayait de dévier la trajectoire de la baïonnette ennemie.


Ypres en 1914 d’après A. Bastien.

A Poperinghe, l'hôpital civil fut bombardé tragiquement : quatre religieuses et douze vieilles femmes furent tuées. Il y eut aussi beaucoup de blessés. De Dunkerke, un camion ramena de la laine de cotton avec laquelle on fabriqua les premiers masques à gaz. Geoffrey dut rejoindre cette ville pour défendre un de ses  chauffeurs dénoncé comme espion par une lady volontaire dans un hôpital anglais. Il apparut que cette femme avait agi  uniquement parce qu'elle jalousait le travail effectué par les Quakers au front. Quand il revint à Ypres, il découvrit que le Curé et la Soeur Marguerite profitaient des pauses entre les bombardements pour évacuer les derniers civils encore cachés dans les caves.Trois ambulances envoyées par Geoffrey au brave Curé servirent alors à évacuer 150 enfants et femmes qui avaient trouvé un ultime refuge dans quatre petites caves! Dans les ruines, Geoffrey avec stupeur aperçut  trois soeurs de St Joseph qui essaient de récupérer vivres et vêtements dans  des caches enterrées. Il leur reprocha de vive voix leur attitude irresponsable mais elles lui répondirent être sous la protection de Saint Joseph. Geoffrey ne put s'empêcher de leur rétorquer de ne  compter que leur saint patron pour leur faire parvenir, le cas échéant, une ambulance! La dernière statue d'Ypres gisait maintenant décapitée au bas de son piédestal; elle représentait le laid portrait de Vanderperboom.

L'anarchie dans Ypres n'avait jamais été aussi importante. La dernière administration était partie et le contrôle militaire n'existait à nouveau  plus. Le plus proche policier militaire se trouvait à Vlamertinghe. Des bandes de déserteurs anglais ou français avaient établi leurs cachettes dans les ruines et se saoulaient avec le vin découvert dans les caves abandonnées. Quand Geoffrey approcha une bande pour leur dire de rentrer dans leurs unités, il se vit menacé avec les baïonnettes et n'insista plus..

La décision d'évacuer les derniers civils était maintenant prise par les autorités: Ypres ne devait plus être qu'un immense abri pour les batteries de l'avant  défendant le salient. Geoffrey fut chargé de transporter hors de la ville les derniers civils. Il obtint pour ce faire de la Seconde Armée britannique quelques bus. A Sainte-Marie, le curé avait rassemblé plus de cent enfants et vieillards. L'évacuation se fit sous un bombardement incessant qui dura cinq heures d'affilée. Dans les dernières familles évacuées se trouvait une femme et cinq enfants dans une cave. Geoffrey se souvint qu'elle accepta d'être évacuée mais, en mère ayant le sens du pratique et de la survie, elle demanda un délai supplémentaire pour permettre à son linge de finir de sécher.....

Il fallut persuader Stoffel, le vice-bourgmestre, de quitter Ypres et de mettre à l'abri sa famille qui comptait 16 personnes. Il fallut donner les mêmes conseils impérieux au commissaire de police et au petit docteur Van Robays qui était à Ypres l'ultime représentant  du corps médical belge. Le 9 mai, Geoffey prit son dernier café chez le Curé et sœur Marguerite. Ils étaient les derniers civils d'Ypres. Leurs bagages furent ensuite entassés dans le véhicule. Sœur Marguerite et le Curé faisaient partie du dernier chargement. Sœur Marguerite avait emporté son trésor dans un sac à dos. Le précieux contenu consistait en quelques livres scolaires, ses petits "classiques" comme elle les nommait et qui devait lui permettre de recommencer son travail d'institutrice. Plus personne ne dormirait maintenant à Ypres. Le Curé et Geoffrey passèrent encore les jours suivants  à Ypres mais on le verra, ce ne fut plus pour ses habitants mais pour le patrimoine  historique dont on pouvait encore sauver quelques reliques... Geoffrey profita aussi qu'il n'y avait plus de civils à s'occuper pour partager un peu plus la vie de ses ambulanciers..

Les trois chauffeurs des postes-avancés des Quakers continuaient inlassablement d'évacuer les militaires anglais blessés. King, Rose et Brown étaient ainsi en continuelles liaisons avec les médecins militaires. Deux colonels RAMC signalèrent à Geoffrey que ces trois hommes méritaient deux fois la Victoria Cross. Cinq cents soldats blessés passèrent par Saint Augustin mais les chauffeurs en transportèrent trois ou quatre fois plus vers l'arrière, notamment les blessés graves. Pour ces hommes il n'y eut pas ou peu de récompense parce qu'ils n'étaient que des volontaires sans être des militaires. Jack King refusa de prendre du repos et seul la fièvre le contraignit à passer le volant. Il ne récupéra jamais la santé et quand Geoffrey apprit plus tard qu'il était condamné, il s'employa, pour son chauffeur héroïque, à obtenir du roi Albert la décoration de l'Ordre de Léopold II. Injustement, aucun des chauffeurs ne remporta  une distinction plus importante que celle-là..

Geoffrey n'avait pas l'autorisation de se rendre sur la ligne de front. Seuls les chauffeurs desservant les postes de secours la possédaient. Cependant un de ceux-ci, Henri Locke,  insista auprès de Geoffrey pour avoir de la compagnie. Ce dernier accepta et eut ainsi l'occasion de visiter un poste de secours situé au nord d'Ypres sous les décombres d'une tour d'église écroulée. Le médecin qui desservait ce poste parut aux yeux de Geoffrey comme étant 'un véritable héros. Ce  jeune chirurgien au regard beau et décidé  passait  à une vitesse exceptionnelle d'un blessé à l'autre  pour couper les vêtements, panser les plaies et rédiger  les fiches d'évacuation. Rien ne pouvait le distraire et chacun de ses gestes était précis. Geoffrey se demanda combien de temps un homme pouvait  travailler de cette façon !

Le matin suivant, Geoffrey retrouva le curé, il était en train de lire la prières des morts au-dessus d'une série de corps retrouvés parmi les ruines. Plus loin près de la porte de Menin un déluge de feux s'abattit sur lui alors qu'il  attendait une ambulance pour évacuer trois soldats. Il compta  43 obus en 15 minutes. Pendant tout ce temps quelques oiseaux dans les arbres continuaient à chanter ! Ypres était devenu un désert en feu et Geoffrey put monter tout en haut de la tour de Saint-Jacques pour assister à une vision d'apocalypse. Il était accompagné du Captain Hall qui avait en charge ce qui restait de la ville.


Ruines d'Ypres - Les Halles

Une autre vision impressionna un peu plus tard Geoffrey. En ville, il croisa successivement deux prisonniers allemands et un régiment anglais remontant sur les lignes pour la deuxième fois en moins de 24 heures. Les regards des prisonniers et des soldats anglais se ressemblaient étrangement. Geoffrey aperçut dans les yeux de tous ces hommes des lueurs de terreur et de haine. Des pensées  lui vinrent à l'esprit, des pensées qui le poursuivront toute sa vie.. Si les prisonniers étaient peu nombreux alors que la bataille faisait rage, c'est qu'on ne faisait pas de pitié! Ces réflexions lui firent écrire ces mots: "Les hommes, bien que civilisés, qui se battent pour leurs propres existences et qui en même temps sont animés de sentiments de revanche pour avoir vu leurs amis mourir retournent inévitablement à la loi de la jungle qu'ils soient Celtes ou Black-and-tans."

Dans ces heures d'apocalypse, Geoffrey eut cependant le temps de recevoir deux connaissances: Page, l'ambassadeur des Etats-Unis à Paris et Max Pike. Ce dernier avait été renvoyé de la Navy parce qu'il gardait un genou raide d'un accident. Cette infirmité ne devait pas le gêner à devenir l'un des plus grands pilotes de guerre aux très nombreuses victoires aériennes. Les Allemands eux-mêmes le considéreront comme un héros et quand il fut lui-même abattu, lui accorderont des funérailles grandioses.

On l'a vu, la présence à Ypres des Quakers et du Curé ne se termina pas immédiatement après l'évacuation des derniers civils. Le Curé profita que le camion des Quakers n'avait plus de mission humanitaire pour évacuer de la ville fantôme  les trésors d'art enterrés un peu partout. Au Couvent des Sœurs Noires et à celui de Sainte-Marie, des vêtements liturgiques précieux, des portraits, des drapeaux et de la vaisselle liturgique d'argent et d'or furent récupérés. A Saint-Pierre un véritable trésor put aussi être sauvé. Le Curé alla même jusqu'à pénétrer dans la maison d'un célèbre notaire pour y sauver la collection de porcelaine qui se trouvait dans sa bibliothèque. Monsieur Stoffel demanda  que Geoffrey sauve en son domicile toute sa collection de documents sur la loge franc-maçonnique à laquelle il appartenait. Le Curé participa un peu malgré lui à ce sauvetage et cette histoire fut par après connue du Roi Albert qui la considéra, non sans humour, comme symbolique de l'unité de tous les Belges en temps de guerre. Un autre sauvetage mémorable fut celui du trésor du couvent des Bénédictines Irlandaises. L'immeuble était quasi réduit à un tas de cendres par le feu. La cache du trésor fut néanmoins retrouvée.  Les boîtes en fer qui contenaient des objets précieux étaient à moitié fondues et calcinées. Malgré le fait qu'elles ne devaient plus contenir que des cendres, Geoffrey et le Curé décidèrent de les emporter. Bien leur en prit!  Ce couvent avait en effet la caractéristique de posséder une pièce très rare. C'était un drapeau capturé par la brigade Clare, la fameuse Wild Geese of Ireland, lors de la bataille de Ramillies en 1706. De nombreuses année après la guerre, Geoffrey rencontra par hasard les sœurs de la maison-mère en Irlande. Grande fut sa joie d'apprendre que la mère-supérieur avait trouvé dans une des boîte de fer une partie du précieux drapeau qui ne s'était pas calciné. Le  fragment restauré ornait fièrement  un mur de l'abbaye et était  le magnifique symbole d'un sauvetage "in extremis" réussi.

Le trésor du couvent des sœurs qui administraient l'hôpital civil fut aussi sauvé et en particuliers le triptyque de Jan van Ypres qui exigea pour son démontage deux jours de travail sous un continuel bombardement. Tous les objets d'art furent envoyés à Saint Omer. L'abbé Verstehlen se révéla à cette occasion d'une aide précieuse.

A l'occasion, des caches de vin étaient aussi découvertes puis aussitôt refermées. Souvent on les retrouvait quelques jours après pillées par des déserteurs. Les Quakers se moquèrent amicalement de leur chef et du Curé en les appelant pendant ces jours les "sauveurs de vin". La comtesse Van den Steen de Jehay voulut un jour voir de ses propres yeux  les mythiques réserves vinicoles d'Ypres! Geoffrey accepta de la conduire dans les caches de vin. Accompagnés de l'inévitable Curé et de l'abbé Verstehlen, la comtesse et Geoffrey pénétrèrent dans une cave où ils eurent la désagréable surprise de se retrouver nez à nez avec trois soldats occupés à piller les lieux.  La situation était tendue et délicate mais la comtesse en uniforme de la Croix-Rouge sortit une cigarette et commença à fumer en même temps qu'elle se mit à rire pour détendre l'atmosphère. Profitant alors d'un instant propice, Geoffrey lança  clairemernt à l'adresse des déserteurs un "Private Property" et puis un "You 'd better clear out!"  Les trois soldats déguerpirent et il s'en suivit un immense fou rire parmi les drôles d'excursionnistes. Les moments de détente comme ceux-là étaient rares mais précieux pour tenir le coup...

Le Curé Delaere était vraiment obsédé par le sauvetage de ce tout ce qui pouvait l'être. Il alla même jusqu'à vouloir déterrer les bulbes de son jardin. Au cours de ce curieux jardinage, un obus éclata et fit précipiter  tout le monde à l'abri. La fumée à peine dissipée, notre Curé s'élança comme un gamin dans son jardin en s'exclamant que la bombe lui avait facilité la tâche! Cette récupération tout azimut n'était cependant pas sans dangers et durant une de ces expéditions un chauffeur belge du Curé fut tué.


L'auteur et Herbert Dyne

L'orphelinat  de Wizerne fonctionnait mais les enfants étaient livrés à eux-mêmes. Leur loisir principal consistait à jouer avec des munitions trouvées sur le sol. Il fallait que cette situation cesse. Un jeune instituteur quaker, Carr, entreprit d'éduquer les enfants avec l'aide des scouts belges. L'orphelinat eut l'honneur d'accueillir le duc et la Duchesse de Vendôme qui était la soeur du Roi Albert et cela au moment où Ypres vivait ses derniers moments...

L'unité des Quakers avait terminé son travail à Ypres. Une autre équipe s'entraînait en Angleterre afin de rejoindre le front italien. Geoffrey allait les accompagner et connaître une nouvelle aventure. Il rejoignit Boulogne sur mer en emmenant avec lui Sœur Marguerite et trois scouts à qui il avait promis des vacances en Angleterre. La religieuse prit un repos bien mérité avant de retrouver son boulot d'institutrice dans une école d'enfants belges près de Formosa..

Autour de la Noël 1915, Geoffrey quitta le front italien pour un congé bien mérité et fut invité, à l'initiative de la comtesse de Jehay, par la famille royale dans leur résidence de la Panne. Au cours du dîner, des échanges d'opinions sur la guerre eurent lieu. Geoffrey rapporte qu'il apprit ce jour là que cinq fois le roi durant l'année écoulée avait demandé la liste des personnes à récompenser et que cinq fois celle-ci avait été détournée ou bloquée par le ministre concerné. Cette fois, le Roi profitait du passage de Geoffrey en Belgique pour courtcircuiter le ministre et le décorer lui-même de l'Ordre de Léopold Premier.

Geoffrey s'était pris d'affection pour un jeune Yprois, Maurice Best, qui avait été soigné par les Quakers. Après un entraînement en Angleterre ce jeune homme rejoingnit Geoffrey en Italie. Maurice Best était doué pour les langues et parvint rapidement à parler le français, l'italien, l'anglais. Après la guerre il refusa toute aide et débuta dans la vie professionnelle comme simple docker à Anvers. Il parvint à gravir tous les échelons et se retrouva un beau jour directeur d'entreprise. Le courronnement de sa carrière fut certainement le jour où le roi Albert vint inaugurer à Anvers une des plus grandes grues du monde. Le roi insista pour grimper tout en haut. Maurice Best l'accompagna et pu féliciter le Roi pour sa performance.

Sœur Marguerite continua après un petit repos son job d'enseignante d'abord en Angleterre puis quelque part dans ce qui restait de la Belgique. Elle fut la première avec le Curé à retourner à Ypres après l'armistice. Elle réorganisa l'enseignement et prit part à l'immense oeuvre de reconstruction. Elle écrivit ses souvenirs de guerre "Journal d'une sœur d'Ypres. Sur une photo qu'elle envoya bien des années plus tard à Geoffrey elle écrivit ces mots qui reflètent bien son caractère exceptionnel "Dearest Commandant...Nothwithstanding I must repose, I am allways teaching. I think that the eternity is quiet long to repose! Is it not ?

Le Curé lui tint après la guerre un rôle important auprès de Dean de Brouwer. Il fut certainement une des personnes qui encouragea le mieux l'architecte à entreprendre l'immense tâche de la reconstruction. Beaucoup de plans avait d'ailleurs été sauvés par lui. De plus, il avait en sa possession les dessins de chaque moulure de la cathédrale et à sa disposition un corps d'artisans qu'il avait lui-même fait formé dans les orphelinats. Le premier bâtiment conçu par Dean  fut érigé pour le Curé. Il lui servait à la fois d'école, d'atelier, de doyenné, de cathédrale et de bureau. Geoffrey revit le Curé longtemps après la guerre, et peu de temps avant son décès. Il vivait alors dans un orphelinat de filles tout près de Bruges qu'il avait lui-même fondé. Le Curé refusait les honneurs et restait très simple. Pour lui comme pour Geoffrey, l'année 14 avait été une année d'émotions indicibles qui les unissaient l'un à l'autre. Peu de gens pouvaient comprendre ce que fut la vie dans une ville coupée de tout lien avec l'extérieur, immergée dans la souffrances mais aussi dans l'héroïsme. Le Curé, Geoffrey et la Mère Supérieure responsable de l'orphelinat s'entretenaient de tout cela dans le jardin. Ils étaient continuellement interrompus par les fillettes qui venaient demander l'une ou l'autre chose au Curé. Celui-ci les écoutaient puis répondait inlassablement à leurs questions. La Mère Supérieure ne cacha pas son énervement:  " M. le Chanoine les gâtent de trop!   L'ancien Curé répondit avec douceur : "Elles sont si jeunes, ma mère, si jeunes... si jeunes!"

L'angélus sonna, les fillettes se rassemblèrent immédiatement autour du Curé qui  les bénit chacune à leur tour.. Aucune ne voulait aller dormir sans la bénédiction de leur" Patje"!

Sœur Marguerite, le Curé, et Geoffrey Winthrop Young méritent certainement d'avoir leurs statues à Ypres.




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