Médecins de la Grande Guerre
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Le nouveau chemin de fer de Tongres à
Aix-la-Chapelle.[1] L’administration des chemins de fer belges vient de rendre accessible au public la nouvelle voie ferrée joignant Tongres à Aix-la-Chapelle, tronçon de la ligne directe Bruxelles – Louvain – Aix – Cologne, dont on parlait en Belgique depuis des années quand éclata la guerre. Nous avons voulu en profiter[2] pour faire immédiatement le voyage de Tongres à Gemmenich sur cette voie ferrée dont nous avions noté au jour le jour, à Maestricht, durant la guerre, les progrès étonnants, et nous ne saurions jamais trop dire l’admiration que les travaux accomplis là par nos ennemis nous ont inspirée. Au point de vue technique comme au point de vue artistique, c’est une œuvre à tirer hors pair et qui mérite d’être citée en exemple même dans un pays où le réseau ferré était aussi développé et aussi modernisé que chez nous. C’est du reste aussi l’avis d’ingénieurs des chemins de fer avec qui nous avons eu la chance d’effectuer une partie du trajet. La nouvelle voie a ceci de particulier qu’elle est panoramique sur presque tout son parcours, c'est-à-dire que partout une domine le pays qu’elle traverse et, comme les contrées recoupées sont fort variées d’aspect et en général fort belles, le voyage est véritablement un des plus pittoresques que l’on puisse faire. En quittant la gare de Tongres, où elle s’embranche aux chemins de fer vers Hasselt – Anvers et Tirlemont – Bruxelles, la voie s’engage dans les prés peuplés de peupliers de la vallée du Geer. Elle traverse en remblai le village de Nederheim, passe en viaduc devant l’église à hauteur de l’horloge et gagne l’importante agglomération de Glons, où elle passe au-dessus du chemin de fer Hasselt - Liège. Le remblai ici est à hauteur des maisons ; il enjambe plusieurs routes et la voie du défunt vicinal Glons – Maestricht, dont les Boches ont enlevé tout le matériel. La nouvelle voie atteint ainsi les collines de la rive droite du Geer, qu’elle va suivre à mi-côte jusque Wonck, surplombant cette vallée gracieuse et bucolique dont les riants villages : Glons, Boirs, Roclenge, Bassenge, Wonck, paré des fleurs roses et blanches des arbres fruitiers et de la fine mousseline verte des premières feuilles dégagent un pénétrant parfum de délicieuse fraîcheur et de candide simplicité. Evidemment, la voie ne s’est point établie sans nuire aux sous-bois charmants qui constituaient tant de promenades jolies dans le flanc verdoyant de la colline. Mais les graves appréhensions des gens de la vallée de voir l’agrément de leur petite patrie à jamais rompu étaient mal fondées. Du fond de la vallée, la voie ferrée est invisible, et de la voie ferrée les beautés du pays sont si admirablement mises en valeur que beaucoup de voyageurs ne résisteront pas, croyons-nous, à la tentation de s’y arrêter et de séjourner dans ces sites enchanteurs soudain révélés à leurs regards émerveillés. On peut en dire autant de la
vallée de Voilà pour la partie pittoresque du voyage. Au point de vue technique, le trajet n’est pas moins intéressant. Le chemin de fer est à double
voie sur tout son parcours et construit avec un souci particulier de la
solidité. Les Allemands, ne s’embarrassant d’aucune question de convenance, ont
taillé le terrain en ligne droite sans s’arrêter à aucun obstacle, ravageant de
nombreuses propriétés particulières. Il y a quatre passages supérieurs
au-dessus des chemins de fer existants : un à Glons, un à Visé et deux à
Gemmenich, et quatre tunnels, dont le premier à Glons, sous le cimetière, d’une
centaine de mètres de longueur, dont le second à Wonck, dans la crête de
partage des eaux du Geer et de Le tunnel de Veurs est fait à
double pertuis dans le genre des tunnels italiens, l’un pour la ligne montante,
l’autre pour la ligne descendante, avec tous les trois cents mètres des
couloirs de communication. Il présente le défaut d’être mal ventilé, une seule
grande cheminée d’aérage de Ces tunnels s’amorcent à des
viaducs qui ne sont pas moins curieux. Celui qui traverse la vallée de Il y a encore comme ouvrage d’art
les ponts de Fouron et de Berneau, qui ont chacun quelque On le voit, en nous dotant de ce
nouveau chemin de fer, c’est un magnifique cadeau que les Allemands nous ont
fait, un cadeau qui vaut bien son milliard pour les relations d’Anvers avec son
hinterlaad de la rive gauche du Rhin, de l’Alsace-Lorraine, du Luxembourg et de
Il est d’évidence pour les
habitants de la région que les premiers Allemands qui arrivèrent dès la fin de
1914 planter les premiers jalons du nouveau chemin de fer, en avaient dans
leurs poches les plans étudiés dans tous leurs détails et préparés depuis
longtemps. On riait d’eux dans le pays quand ils annonçaient qu’il ne leur
faudrait que trois ans pour achever tout le travail et qu’ils auraient le temps
d’en tirer un large profit avant la fin de la guerre. Ils tinrent parole
pourtant, contrairement à la mauvaise habitude de leurs gouvernants. Commencée
en 1915, la voie était prête en 1917 et immédiatement livrée à un trafic
intense. On y vit rouler d’abord de longs trains de ravitaillement et de
munitions, puis d’interminables convois de troupes en vue de la grande
offensive de Pour hâter leurs transports vers
Pont des Allemands. Viaduc sur la Meuse à Visé, ligne 24. Destruction par le génie belge en mai 1940, réparation par les Allemands.
(Photos de Marc Poelmans)
[1] Par François Olyff, dans le bulletin officiel
du Touring Club de Belgique de décembre 1919. [2] Le Touring Club. [3] Lire 1919. |