Médecins de la Grande Guerre
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A mon fils Nicolas. Lhistoire remarquable de dom Albert van der Cruyssen, 53e Abbé d'Orval.
Introduction : (…) tout près des murs de la moderne église Chapitre 1 Un premier renoncement : celui de faire des études universitaires Dom Marie Albert van der Cruyssen est né à Gand le 11 juillet 1874. Son père Charles était établi comme tapissier décorateur dans la rue du Perroquet. Il avait épousé Jeanne Moerman qui lui donna quatre enfants. Madame van der Cruyssen, bien que de dix ans plus âgée que son mari, se retrouva veuve alors que ses enfants nétaient pas encore tous élevés. Elle puisa dans ses sentiments chrétiens la force nécessaire pour achever léducation des plus jeunes de ses enfants tout en dirigeant lentreprise familiale. Dans ces tâches, elle fut épaulée par ses deux fils aînés Charles et Julien. Charles, après avoir terminé ses humanités au collège Saint Amand, renonça en effet aux études universitaires pour rester aux côtés de sa mère bien quil füt animé par une immense soif de connaissances. Il compensa la frustration davoir dû abandonner ses études en devenant un véritable autodidacte. Il sefforça aussi de devenir un véritable spécialiste dans le métier quil fut forcé daccepter ! Cette grande capacité dadaptation aux circonstances est certainement une qualité prépondérante chez Charles. Sans aucun doute, la mise en pratique de son idéal altruiste au sein dun métier qui nétait pas le plus adéquat pour un jeune homme épris dabsolu, est sans doute un autre exemple des grandes facultés dadaptation de Charles. Très tôt, il éprouva le besoin de consacrer sa vie à un idéal puisquil raconta dans sa vieillesse, que, petit enfant, il sarrêtait dans les rues de Gand lorsquil croisait un prêtre ou une religieuse, en se disant : «Voilà quelquun qui nest pas comme les autres, il est tout entier au bon Dieu». Etre tout entier à Dieu et aux autres là où la vie vous mène, pourrait certainement être la petite phrase qui résume la vie de Charles. Charles âgé de 17 ans dut rapidement prendre de nombreuses responsabilités dans lentreprise familiale. Son amour des belles choses et son dynamisme impressionnant aboutirent rapidement à accroître la renommée de lentreprise qui rapidement va étendre son champ daction dans le domaine de la construction. A partir de 1904, Charles et son frère Julien se séparèrent sur le plan des affaires. Julien reprit la direction du commerce familial voué à la décoration tandis que Charles sétablit comme entrepreneur des Travaux publics. Pendant les dix années qui précèdent la guerre de 1914, Charles mènera son entreprise de succès en succès. Il employa plusieurs centaines douvriers dans des travaux d égoûtage ainsi que dans la construction des pavillons belges aux expositions internationales : Paris (1902), Liège (1905), Milan (1906) où dans le pavillon belge un espace fut réservé à la promotion des métiers dart belges, Bruxelles (1910) où en quelques jours il reconstruisit la partie incendiée, Chicago etc.. Dans ces chantiers, aidé par son ami larchitecte Henry Vaes que nous retrouverons plus loin, l imagination de Charles trouvait à sépanouir dans la conception de palais des Mille et une Nuits aussi originaux quéphémères ! Cette anecdote amusante en dit long sur le caractère de Charles comme chef dentreprise : Le montage de lexposition belge à Milan en 1906 «Dans un journal italien le Corriere della Sera de Milan nous avons lu avec intérêt que le pavillon belge a été construit avec une vitesse exceptionnelle( ) Au surplus la brigade de 70 ouvriers flamands travaille avec ardeur et une continuité qui stupéfient les ouvriers italiens . Au début cela nallait pas tout seul. Nos compatriotes dépaysés, installés dans les auberges dont les huiles et les pâtes leur étaient hostiles, travaillaient mal, étant insuffisamment nourris. Lentrepreneur leur proposa de monter sur le terrain même de la section une cuisine gérée par la femme dun ouvrier belge et la proposition ayant été acceptée, il leur fournit pour deux francs par jour cinq repas substantiels qui leur ont rendu énergie et courage. L'exposition de Milan démontre une fois de plus quels immenses avantages il y a pour nos commerçants et nos artisans à se faire membres de notre cercle. (Bulletin du Cercle Dieu et Patrie du 20 avril 1906) Chapitre 2 Charles, militant pour la défense des classes moyennes Cinq repas par jour ! Charles ne lésinait pas sur les moyens pour satisfaire ses ouvriers ! Très
progressiste avec ses ouvriers, il va cependant axer son action
sociale sur la classe moyenne. Dabord parce quil
en est issu, mais, aussi parce quil constate
que contrastant avec la classe ouvrière qui sest
organisée, grâce aux luttes sociales du 19ème
siècle, au sein de partis, syndicats, coopératives, la classe
moyenne souffre dun défaut de structure qui freine
son développement face à la montée de la grande
industrie ! Cest en 1893 quil crée le cercle
«Dieu et Patrie» dans lequel va se retrouver toute la
jeunesse catholique issue du monde des entrepreneurs et
artisans. Dabord lieu de loisirs et de réflexions, le
Cercle veut prendre place dans la vie culturelle
littéraire et religieuse de Gand. Conférences, théâtre,
journal interne, animent les discussions et renforcent des
liens qui peuvent devenir très utiles comme le rappelait
de façon très pragmatique le rédacteur du bulletin «Dieu et
Patrie» : Charles réussira lunion prônée des artisans et indépendants souhaitée : en 1908, son cercle compta 1.400 membres, ce qui était remarquable pour une ville comme Gand. ! Pour le
président du Cercle, il ny a pas de vie réussie possible
sans une communauté permettant aux qualités de chacun de
sépanouir dans toute leur diversité! Cette diversité
inclut aussi les différentes langues parlées à Gand. Charles
est à ce sujet très novateur ! Pour lui, il ne peut être
question de délaisser les petits artisans qui ne parlent
que flamand. Il rendra donc son cercle « Dieu et
Patrie » rigoureusement bilingue comme le montre le
bulletin du cercle rédigé dans les deux langues. Pour cette politique
progressiste en matière de bilinguisme, Charles va subir les
foudres de la bourgeoisie comme, par exemple, en ce 29 avril 1900,
lorsquil refusa de suivre des ordres donnés en français
alors quil faisait partie de Cette animation de la classe moyenne de Gand va au fil des ans entraîner Charles dans un combat plus politique. Au Congrès des classes moyennes catholiques à Anvers les 17 et 18 septembre 1899, il y fit un discours remarquable en faveur de la création dune caisse de crédit parastatale pour les indépendants. Ce nest que trente ans plus tard en 1929 que cette idée fut concrétisée tandis que dautres émises par Charles aboutiront plus rapidement comme, par exemple, celle de créer un Office des Métiers et Négoces au sein du Ministère de lIndustrie et du Travail (qui deviendra ultérieurement lOffice des classes moyennes). Charles deviendra aussi membre actif du Conseil supérieur de lenseignement technique professionnel et du Conseil supérieur des Métiers et Négoces, créant à partir de son cercle des secrétariats dapprentissage permettant aux patrons de conclure des contrats avec des jeunes souhaitant apprendre un métier. Partout dans les congrès et expositions concernant les artisans et commerçants, on retrouve le nom de Charles à tel point quil sera surnommé le «père des classes moyennes». En 1905, il créa une caisse de crédit pour les artisans qui voulaient acheter de nouvelles machines ; la «Leenkas tot aankoop van kleine werktuigen» fêta son jubilé en 1955, son président était à cette époque le baron van Ackere. Une caisse de maladie et une caisse de retraite furent créées en 1907. Une section séparée de «Dieu et Patrie» appelée «Belangen van de Middenstand» (Intérêt des classes moyennes) fut créée et assura lorganisation de différents cours parmi lesquels la comptabilité pour les commerçants et artisans. On comprend que pour accroître lefficacité de leur action sociale, Charles et ses amis du Cercle voulurent être représentés au sein du Comité électoral catholique de Gand. Globalement, leur tentative échoua. Dès 1903, Charles fut mis à lécart lorsquil réclama une place sur la liste pour les élections municipales. Il en fut de même en 1908, malgré une vaste campagne de propagande dans la région de Gand-Eeklo organisée par «Dieu et Patrie». En 1911 seulement purent se présenter aux élections municipales quelques membres du Cercle dont Julien Fol et Hendrik De Bont-Schepens mais ils ne furent pas élus. En 1913, avec quelques amis, Charles fonda alors une fédération explicitement politique la « Katholiek Middenstadsverbond van Belgïe (K.M.V.B.) » qui lutta pour obtenir une représentation autonome des petits commerçants au sein du parti catholique mais, très vite, cette organisation rencontra une vive opposition. Au début de son
existence le cercle trouva un lieu de rassemblement dans les
locaux de La guerre 14-18 mit en parenthèse la lutte politique du mouvement catholique des classes moyennes lancé par Charles. Chapitre 3 Le renoncement au succès et à la notoriété A quarante ans, Charles peut se vanter dune carrière exceptionnelle. Sa notoriété est importante et il peut être très fier de ses réalisations. La guerre va cependant donner une toute autre tournure à sa vie. Charles navait jamais été soldat ; vers 1892, il avait été «racheté» par sa famille au moment où il aurait dû remplir son service militaire suite au tirage au sort. Quand la guerre éclata, Charles, le quadragénaire, nhésita cependant pas un instant à sengager comme soldat le 8 août. Il faut souligner la rapidité de sa décision à un âge où lon peut sestimer en droit de se dire « attendons les événements et voyons comment les classes des jeunes rappelés vont se débrouiller». Charles dautre part engagea comme un simple volontaire non gradé, prouvant par là une certaine humilité qui na pas été effacée par le succès. Le sacrifice nétait cependant pas mince. Outre la remise de ses affaires, Charles était fort attaché à sa mère. Il sengagea en supportant sa propre douleur de devoir la quitter mais aussi en imaginant le chagrin que celle-ci ne manquerait pas déprouver pendant toute la durée de la séparation ! Charles dailleurs, sinterdira de dire adieu à sa mère, sans doute pour éviter quil ne change davis devant ses larmes. Ce ne fut que le lendemain de son engagement que sa maman apprendra par un journal local que son fils était parti combattre ! Madame van der Cruyssen ne reverra hélas plus son fils car elle décédera en 1916. Charles a donc, pour une deuxième fois dans sa vie, renoncé à un avenir souriant et radieux ! La lettre quil envoya à ses chers membres du cercle «Dieu et Patrie» traduit bien son état desprit : Lettre de dom Albert le 9 août 14 aux membres de son cercle Chers amis et membres du Cercle Dieu et Patrie Jaurais beaucoup aimé être parmi vous dimanche à la réunion générale pour activer en vous votre patriotisme mais le danger toujours plus grand dans lequel notre pays a été mis, oblige tous les hommes valides à faire leur devoir. Dans les moments les plus difficiles de notre cercle je me trouvais toujours au premier rang et je nai jamais reculé pour nimporte quel danger ; à présent dans lépreuve il est également de mon devoir de montrer lexemple et dêtre là ou lon peut donner ce que lon a de mieux. Cette place est à présent pour moi auprès de notre vaillante armée pour donner là un peu de ce que je connais et dont je suis capable pour la défense de nos postes avancés. A vous tous qui devez rester à Gand, il est aussi réservé une noble tâche pour sauvegarder lhonneur et pour préparer lavenir de notre cercle Dieu et Patrie. Lorsque tous les jeunes gens qui le peuvent auront rejoint leur poste, alors cest à ceux qui sont restés, dames et messieurs, jeunes filles et jeunes gens de se donner la main pour organiser dans les salles du cercle une ambiance. Que ceux qui ont quelquun sous les armes et qui leur est cher, quils pensent bien qu ils aimeraient de voir bien soignés ceux quils aiment sils étaient gravement blessés et que dautres se disent que dans un pays ou dautres donnent leur vie pour le bien et lamour des leurs, que ceux-là aussi simposent également un sacrifice. Si cétait dans la volonté du Seigneur que je tombe, que sa sainte volonté soit faite et que tous veuillent me pardonner le tort que jaurais pu nous causer soit directement soit indirectement. Mais puissiez- vous également vous souvenir que jai toujours aimé extrêmement et de tout mon être Dieu et ma Patrie, plus que moi-même et plus que mes propres intérêts et quen retour que chacun de vous donne un peu de son dévouement pour cette cause qui a déjà demandé tant de sacrifice. Si au contraire nous aurons le bonheur de nous revoir tous, alors, nous serons si heureux davoir fait tout ce qui était dans notre pouvoir pour le bonheur de notre chère Belgique Votre cher dévoué. Chapitre 4 La notoriété ne veut pas abandonner Charles, héros de la première guerre mondiale Cest lors
de la bataille de lYser que Charles va révéler tout son
héroïsme et ses compétences techniques. Lun des plus
beaux témoignages que lon peut donner à ce propos est
sans doute celui dun de ses anciens sergents Vital Hubert
de Je vais peut-être
vous faire de la peine, mon Père en vous disant que je nai
pu voir votre uvre à Orval que par les journaux, mes
moyens ne mont jamais permis de faire le déplacement et cest
peut-être ici que je vous ferai le plus de peine en vous disant
que quoique magnifique et grandiose quelle puisse être,
elle ne sera jamais aussi profondément dans le cur des
anciens soldats de la 1ère D.A. que
votre uvre du boyau v La carrière militaire de Charles va lui rendre la notoriété perdue en quittant Gand. Derrière lYser une accumulation de faits courageux et même héroïques lui donne le statut dun véritable héros : En septembre 14 on
retrouve Charles participant à la défense de la
forteresse dAnvers. Le 3 octobre, lors du combat sur Le commandant
Crabbé du 3ème Chasseur à pied
déclare que lescouade du Génie commandée par le caporal
van der Cruyssen a enlevé entièrement le tablier du pont
sur Après avoir ensuite détruit le Scheldebrug à Anvers, Charles avec 16 de ses hommes ne parvenant pas à rejoindre larmée en route vers lYser, réussit à fuir en Hollande puis à rejoindre lAngleterre doù il sembarque pour la France. Parvenu à Rouen, il se réengage une deuxième fois comme volontaire et rejoint larmée du roi Albert derrière lYser. En avril 15, derrière lYser les Allemands entament leur grande offensive contre Steenstraete. Les gaz de combats employés pour la première fois font des ravages dans les lignes françaises. Charles fait partie du contingent belge envoyé pour aider les Français à rétablir leurs lignes. En janvier 1916, Charles fait partie des troupes qui subissent lassaut ennemi contre le redan sud au nord dYpres. En février 1916, il est nommé officier. Dans la nuit du 20 août 1916 au 21 il participe comme volontaire à lattaque belge contre les positions allemandes à Oud-Stuyvekenskerke avec un petit détachement composé de Desclée Jacques sous-lieutenant , Terbrood Eugène soldat, Van Hoorde Jerôme adjudant , Ruelle Benjamin caporal , De Roo Edmond caporal , Rombout Gaston soldat , Van Ursel Ghislain brancardier , Roquet Albert sergent , Lomba Edouard caporal. Est cité à lOrdre
du jour de lArmée et décoré de Voici le texte
de cette citation : van der Cruyssen Charles du Génie. Sest
engagé comme volontaire pour la durée de la guerre, dès la
mobilisation, bien quâgé de 40 ans. Depuis quil est
sous-lieutenant auxiliaire au I.P. il sest distingué par
la compétence, le courage, le dévouement avec lesquels il a
dirigé des travaux très exposés et rapprochés de lennemi.
Le 20 août En mars avril 17, Charles répare des brèches dans un parapet des premières lignes sous le feu ennemi. Pour cette action il est cité à lordre du jour du 26 avril 17 de la première D.A. Je porte à lOrdre du jour de la Division : le sous-lieutenant van der Cruysse du 11 Génie pour la bravoure dont il a fait preuve en réparant instantanément des brêches faites dans notre première ligne au cours des violents bombardements et des feux de mitrailleuses dont notre position fut lobjet pendant les nuits du 24, 25, 26 et 27 mars derniers. En Mai 17, Charles prit part à la défense du redan du Passeur (sud de Dixmude) assailli par les Allemands. Il recevra les félicitations dun commandant du Génie. Rapport spécial concernant les travaux de la nuit du 25 et 26 mai 17 Je crois devoir signaler la belle attitude du sous-lieutenant van der Cruyssen qui faisant sa ronde de surveillance des travaux aux tranchées sest porté directement au redan menacé traversant directement les barrages dartillerie et de mitrailleuses et a dirigé très habilement les travaux de réfection des communications vers le redan et la première ligne de sorte que deux heures après lattaque ennemie, celles-ci étaient complètement rétablies et couvertes, et il ramena un prisonnier. Le Commandant N Le 10 septembre 18, Charles est cité à lordre de la Division pour le combat quil a mené sur le lac Blanckaert le samedi 7 septembre 18 Le lieutenant van der Cruyssen du Génie se trouvait avec 5 hommes de son peloton de patrouilleurs en reconnaissance sur le lac Blanckaert quand il aperçoit au nord se dirigeant vers notre rive un convoi de plusieurs barques montées par les Allemands. Lennemi évalué à 20 à 25 hommes avait sans doute pour mission, à preuve son armement, denlever un de nos postes aux environs de la ferme Blanckaert. Malgré son infériorité numérique et linsignifiance de son armement et de ses moyens de navigation, le lieutenant van der Cruyssen abandonnant son travail se porte à lennemi, lattaque résolument à la grenade lui tuant et blessant du monde. Les Allemands surpris réembarquèrent, dautres sautèrent à leau et le détachement van der Cruyssen captura une barque, une mitrailleuse modèle 1918 et du matériel. Voici larticle paru dans le courrier de larmée à propos de cet événement naval ! Un combat naval au front belge Un combat naval sur le front belge ? Eh ! oui ! Et il nous fut conté par un des témoins de cet épisode peu banal dans les inondations de lYser. Voici les faits. Depuis un certain temps,il existe au sein dune de nos D.A. un peloton de patrouilleurs du Génie chargé de manuvrer dans des terrains difficiles et de vaincre des difficultés techniques du no mans land de certains secteurs. Sur le lac Blanckaert et les inondations qui voisinent il a trouvé «un théâtre dopération «remarquable. Au cours de nombreuses nuits, le petit peloton, à travers les inondations, battit les roseaux, la vase et la boue à la recherche des ennemis. Dans la nuit du 6 au 7 septembre, que vit-il ? Plusieurs embarcations se détachant de la rive allemande et se dirigeant vers nos positions. Les patrouilleurs du Génie ne disposaient que dune seule barque quils avaient dailleurs «empruntée» aux boches d en face. Et les voici bientôt nez à nez ! Les allemands, qui avaient gagné la rive belge dans lintention de surprendre un de nos petits postes avancés, commençaient à débarquer. Nos vaillants « génie mannen » (ils étaient 6 contre 20 ennemis disséminés sur trois embarcations) décident dattaquer sans répit et sur le champ. Et voilà les grenades qui éclatent, les coups de révolvers et de fusils qui partent tout seuls. En quelques instants une barque allemande est éventrée par nos projectiles. Les boches effrayés se jettent dans les deux autres barques et disparaissent dans la nuit, nous abandonnant leurs morts et leurs blessés. Nos cinq hommes du Génie étaient conduits par un volontaire de 40 ans qui, à défaut de cheveux a toujours du poil aux dents, le lieutenant van der Cruyssen, accompagné du caporal Gustave Vander Gucht, qui sest distingué en diverses occasions, et des soldats Waermoes, Bayens, De Cock et Segers. Nos braves ont capturé, outre une embarcation, une mitrailleuse neuve dernier modèle, des caisses de munitions, du matériel et tout cela dans leau jusquau cou, car leur barque avait été retournée par une grenade allemande. 9 septembre 18 : Charles participe à lattaque belge sur les positions allemandes au nord de Kippe. Il est cité à lordre du jour du 3ème régiment de ligne) 10 septembre : Charles soffre comme volontaire pour une mission périlleuse. Il est cité à lordre du jour de larmée belge le 6 octobre 18 (décoré croix de guerre avec deuxième palme) van der Cruyssen officier patrouilleur dun allant remarquable et dun dévouement sans pareil. Au front depuis 48 mois. Ayant été chargé de détruire un pont sur le Steenbeek au cours de lattaque exécutée le 9 septembre 18 contre les positions allemandes au nord de Kippe, sest spontanément et en plein jour reporté vers larrière pour y aller chercher des explosifs ; les a rapportés malgré le feu violent des mitrailleuses ennemies et a accompli sa mission avec plein succès. 29 septembre : Charles participe à l attaque générale du front allemand et à la conquête de la forêt dHouthulst Le 4 octobre : il appuie lattaque française du carrefour de et à Staden Il sera cité à lOrdre du jour de la 128ème division de larmée française. Le lieutenant van der Cruyssen, Commandant les patrouilleurs de la 1ère D.A. Belge, officier de liaison de la 1ère D.A. détaché de la 7ème D.I. Belge auprès de la 128ème division pour assurer la liaison entre ces deux unités, a fait preuve, en toutes circonstances dun inlassable dévouement dans laccomplissement de sa mission. Sest dépensé sans compter, de jour comme de nuit, dans un secteur difficile soumis à des tirs violents dartillerie et des mitrailleuses ennemies. A réussi à maintenir entre les deux divisions une liaison étroite et constante. Signé le Général Ségonne. Les 10-11-12 octobre 18, il participe à lavancée au nord de Dixmude Le 21 octobre,
il participe à lattaque belge du canal de Schipdonck à
Somerghem. Charles avait décidé dêtre un des premiers
Belges à pénétrer dans Gand. Sur ordre du Général Mahieu, il
roula jusquà Somerghem, descendit de la voiture dans A lhôpital
militaire dAnvers, Albert tente déchapper à lennemi.
Une première tentative dévasion se solde par un échec,
une deuxième réussit grâce à laide dun agent de
police anversois. Il trouve alors abri dans la maison de son ami
Damien Vanderheyden et cela jusquau 25 novembre 1919,
date à laquelle le général Bernheim en personne le charge dans
sa propre voiture pour le conduire à lhôpital
militaire de Gand. Peu après, sa blessure étant loin dêtre
guérie, Charles est envoyé en convalescence sur La balle qui avait traversé la poitrine de Charles aurait pu être meurtrière. Charles ne se remettra jamais complètement de cette blessure comme le montre le rapport médical établi quelques années plus tard pour obtenir le statut dinvalide de guerre (1) Je soussigné Honoré Vernautern médecin chirurgien à Gand atteste avoir procédé le 21mars 1926 à lexamen du nommé van der Cruyssen Charles, lieutenant de génie domicilié à Soligny -- La - trappe après lui avoir demandé des renseignements utiles à cette fin et consignons le présent rapport le résumé de nos observations. En 1918, peu avant larmistice, le lieutenant van der Cruyssen au cours dune reconnaissance à Somerghem eut la poitrine perforée de part en part par une balle allemande. Ce projectile traversa le poumon droit et a laissé au thorax deux cicatrices aux points de pénétration et de sortie lune au niveau du bord axillaire de lomoplate vers langle inférieur de cet os, lautre à hauteur de lespace intercostal situé entre les 3 et 4ème côtes un peu en dehors du sein. Il est survenu une hémorragie de la toux etc. Les troubles des organes respiratoires se sont amendés progressivement mais nont pas complètement disparus. Actuellement nous notons : une atrophie musculaire très accentuée de la moitié droite de la cage thoracique avec tendance à la scoliose, affaisement de lépaule droite, diminution de la ventilation de lorgane pulmonaire. Des douleurs spontanées naissent à loccasion des mouvements de linspiration profonde, de marche forcée et des variations de températures. Tout effort provoque de la dyspnée et des palpitations au cur. Lex-officier est sujet des catarrhes des voies respiratoires supérieures pendant toute la période hivernale alors quavant laccident qui lui est survenu, ces organes étaient parfaitement sains .Quoique la guérison soit obtenue, Charles van der Cruyssen est frappé dune invalidité permanente très appréciable mais dont nous laissons fixer le taux par nos confrères qui appartiennent à larmée et qui seront certainement sollicités de soccuper de ce cas. Gand Le 29 mars 26 Pour toute sa
bravoure exceptionnelle, Charles est cité à l Ordre du
jour de lArmée Belge du 23 février 1919 et est fait chevalier
de lOrdre de Sest signalé tout particulièrement au cours des multiples expéditions autour du lac Blanckaert qui prélude loffensive du 28 septembre 18 pour le cran, la bravoure et lingéniosité avec lesquels il a conduit des patrouilles du Génie. Dès le début de loffensive en forêt dHoutlust a fait une reconnaissance dimportance et de résultats capitaux, puis a continué à se dépenser sans compter au cours des attaques successives dans le secteur Zanen-Hazenind et reçut de ce fait la croix de guerre Française. Enfin à Somergem a été très gravement atteint dans lune des missions périlleuses pour lesquelles il soffrait inlassablement pour le bien de tous sans soucis du danger. Les généraux Mahieu et Letor ainsi que le lieutenant général Bernheim qui est venu le prendre en auto peuvent témoigner de sa blessure. Charles titulaire de la Croix de guerre avec huit citations et quatre palmes, de la Croix de guerre française avec citation, de la Croix de feu, est démobilisé le 28 mai 1919. Il deviendra membre du Comité de Patronage des XII, comité composé des 12 militaires les plus cités à lordre du jour de larmée ! Nous ne pouvons
quitter la période de guerre sans omettre de dire que lofficier
héroïque trouva lénergie derrière lYser
de continuer son combat social. A Rouen, il fonda un comité de
soutien au profil des petits commerçants et artisans en fuite.
Dès 1917 il publia un petit périodique pour les membres de son
cercle qui se trouvaient sous les drapeaux. Il entretint aussi
des contacts avec les réfugiés Gantois en Grande-Bretagne et en
Hollande où il stimula la constitution dune fédération
des classes moyennes. Enfin, il se rendait souvent chez Marie-Elisabeth
Belpaire (surnommée la Chapitre 5 Charles renonce encore une deuxième fois à tout ce quil possède Après sa
démobilisation, Charles semblait reparti pour une nouvelle ère
de travaux, dinitiatives hardies et de luttes politiques.
Il reprit en mains le Cercle et réunit ses amis de la
«Katholieke Middenstandsverband van België». Durant sa
convalescence, il rédigea un manifeste politique qui
était une sorte de programme pour le mouvement des classes
moyennes après la guerre. Ce manifeste fit beaucoup de bruit
dans les milieux politiques. Son mouvement politique eut
cependant à souffrir dune concurrence de la part de labbé
Lambrechts. En 1912,le cardinal Mercier en effet avait chargé ce
religieux de constituer une fédération des classes
moyennes. Rapidement après larmistice, Lambrechts ouvrit un
secrétariat soutenu financièrement par le Boerenbond et le 15
mai 1919 fonda la «Christen Landsbond van de Belgishe
Middenstand » (Alliance Nationale des Classes
Moyennes de Belgique). Il apparut alors clairement que le
mouvement politique lancé par Charles, sa «Katholiek
Middenstandsverbond van België» était supplanté. Quoiquil
en soit, Charles continua activement son travail de propagande en
faveur des Classes moyennes et rien ne laissait prévoir sa
brutale et inimaginable disparition de la scène politique.
Prétextant une mission aux Etats-Unis, il en profita pour
filer «à langlaise» et se faire moine à
Soligny- La-Grande-Trappe. Avant de partir, Charles distribua ses
biens en achetant notamment trois vastes immeubles au
profil du cercle «Dieu et Patrie». La décision de
Charles fut sans doute facilitée par le fait quil se
retrouvait libre de tout devoir familial, sa maman
étant décédée sans avoir revu son fils en 1916. Labbaye
de «Cest à Lourdes, un matin que je fis le chemin de croix, que le doute de ma vocation, que le fait de connaître où je devais me donner à Dieu, fut dissipé et éclairé, que ma vocation fut arrêtée et que jembrassai avec amour et confiance ce qui répugnait le plus à ma nature ce qui contrariait le plus mes aspirations naturelles, ce qui crucifiait davantage tout ce que je désirais, mené dans lidéal religieux - et depuis 1914, il ny a pas eu un instant que je laie regretté ou que jaie trouvé la croix trop lourde et si je veux vous entraîner dans cette voie, cest que Dieu my presse et que jen connais le prix, car si javais une demande à faire, ce serait daugmenter ma croix, mais aussi de recevoir la force de la porter avec joie.» Charles on le
voit, vénérait particulièrement Comme un
petit enfant En route vers l abbaye de Soligny, Charles avait envoyé à quelques amis son portrait dédicacé en officier accompagné dune lettre faisant connaître sa décision . Voici la lettre quil envoya à son fidèle (et meilleur sans doute) ami, Georges Rooms, qui fut le secrétaire du cercle Dieu et Patrie pendant de très nombreuses années et notamment pendant la guerre 14-18. Georges Rooms fut une « pierre » très humble mais primordiale dans luvre accomplie par Charles van der Cruyssen. En
route 30/11/19 Mon cher Georges Avant de dire définitivement adieu à toutes les choses matérielles, je tiens à vous dire, cher et fidèle ami, un dernier au revoir. Vous qui avez également un idéal et des sentiments chrétiens, ne soyez pas surpris que jaie dans un élan marché jusquau bout du sacrifice. Je crois à
la toute Puissance et à Ne soyez pas découragé, ne croyez pas que je vous abandonne, mais, ce qui na pas réussi par le travail et le sacrifice, aura plus de chance de réussir, humainement parlant, par la prière et la pénitence. Je pourrai donc faire beaucoup plus pour le bonheur de tous et pour la réussite de notre mouvement Classes moyennes que jadis. Mes prières, aussi bien pour votre bonheur personnel que pour nos idées ne vous manqueront pas. Mais tous, vous devez prendre avec courage notre mouvement Classes Moyennes en main, comme nous le faisions il y a 25 ans. Fondez dans tous les villages des sections même si elles ne comptent que cinq personnes. Voyez comme Monsieur van Ackere (3) a réussi dans sa région. Mon cher Georges, communiquez aux autres votre enthousiasme dont vous et vos lettres avez toujours témoigné et priez de temps en temps un peu pour moi, votre vieil ami, pour que je sois fort dans la lutte et la rude vie que je vais entreprendre. Devant Dieu vous serez toujours présent dans mes prières. Les années de noviciat passent alors derrière les hauts murs du cloître. Messe de minuit Noël 1920 Quel bonheur indescriptible jeus au cours de cette nuit et comme je compris en un éclair quun instant de bonheur du ciel doit faire oublier et compense au centuple toutes les misères et la souffrance de cette vie. ( ) Les peines de lavent et toutes les mortifications ne valent pas une nuit de noël où lon porte dans son cur Jésus né pour venir nous sauver et nous combler de merveilles .Que je me souvienne, o enfant Jésus, de vos caresses en cette nuit chaque fois que je serai trop lâche pour supporter le froid, la maladie ou la souffrance Charles affermit sa vocation dans la prière et létude. Ses cahiers de novice dans lesquels il recopiait les textes quil avait lus et qui linspiraient particulièrement, renferment aussi quelques prières provenant de sa composition. En voici une qui nous éclaire sur la voie quil désirait suivre en devenant moine : O Jésus,
faites que la robe de mon baptême ne soit plus jamais ternie ! En 1925 après cinq années de vie monastique, le frère Marie-Albert reçut la prêtrise. La trajectoire de cet homme mûr devenu moine semblait alors fixée à jamais ! Dans lassemblée qui fêtait lordination, personne n imagina sans doute un seul instant la mission extraordinaire que réservait la Providence à ce simple moine, la mission de ressusciter labbaye dOrval détruite depuis plus de cent ans dans le pays natal quil croyait avoir quitté à jamais! Mais avant de raconter lhistoire de cette nouvelle aventure, il est nécessaire de nous replonger quelques instants dans le passé de cette abbaye. Chapitre 6 Lhistoire de labbaye dOrval depuis la révolution française Le 23 juin 1793 après un pillage de plusieurs jours, labbaye dOrval fut livrée aux flammes et aux canons. Aucun moine ne fut témoin du drame : les deux derniers moines restés sur place partirent quelques jours auparavant lorsque ladjudant-général Loison leur signifia quil avait reçu lordre de faire enlever par ses 600 hommes tout ce qui pouvait encore être récupéré dans labbaye. Labbaye réduite à létat de ruines signa la dissolution de la communauté qui tentera sans succès de survivre dansle prieuré de Conques (5). Le 20 décembre 1796, le père abbé fut chassé de Conques soit un peu plus de 664 ans après la fondation en 1132 de la 53ème abbaye cistercienne. La liquidation des biens dOrval suivit alors la dissolution de la communauté et dès les premiers mois de 1797 le vaste domaine était vendu aux enchères. Bernard Stevenotte en devint propriétaire mais ce métallurgiste, criblé de dettes, vendra son bien en 1829 au comte de Geloës, chambellan de Guillaume 1er. Ce dernier retourna alors le sol de toute labbaye pour tenter de trouver le «prétendu trésor dOrval». La révolution de 1830 mit un terme à cette chasse au trésor et le chambellan, ruiné, vit son domaine dOrval être saisi par huissier. Finalement après avoir encore changé de mains plusieurs fois, le domaine trouva un acquéreur stable en la personne du comte de Loen dEnschedé qui lacheta en 1862 et le conserva 22 ans. Le comte mit enfin un terme au pillage des ruines qui peu à peu acquirent une notoriété puisque Victor Hugo vint trois fois de suite sy promener avec ses fils et quelques amis. Le jeune curé dOrval, labbé Tillière essaya, quant à lui, de rendre aux ruines leur vocation religieuse. Le 10 août 1882, jour de la fête de Saint Bernard, il organisa un rassemblement de dix mille personnes dans les ruines et lon chanta une messe en mémoire des moines décédés. Le jeune curé exprima à cette occasion son pressentiment quant à lavenir du site.
débris,
tressaillez despérance. Labbé
Tillière, passionné par labbaye dOrval, rédigea
une «Histoire de labbaye dOrval» de 622 pages qui
parut en 1897 à Namur. Grâce à ce livre, Chapitre 7 : Charles devenu le père Albert est appelé à réaliser une uvre exceptionnelle : la résurrection dOrval Cet événement
se passa exactement le 8 mai 1926 quand deux moines de
Finalement, labbé
général des Cisterciens, Dom Ollitraut de Kéryvallan, nattribua
pas à labbaye de Au départ donc, Orval reconstruit partiellement, devait demeurer non une abbaye mais un simple refuge dépendant de labbaye de Sept-Fons . Cette interdiction à lautonomie devint évidemment un sujet de discussions âpres entre labbé de Sept-Fons et le père Albert qui avait une idée bien plus ambitieuse pour Orval. Labbé de
Sept-Fons, dom Chautard, multiplia donc les motifs pour
faire repousser sans cesse le moment de solliciter à Rome un titre
abbatial pour ORVAL. Parmi les griefs retenus contre le prieur,
il note que le Père Albert organise un pèlerinage à Lourdes,
quil persécute les moines qui proclament leur obéissance
à Sept-Fons, et quen 1930 quil na pas encore
fait preuve quil pouvait gérer le temporel car ne
réussissant pas à achever léglise abbatiale ! Ce dernier fait est assez surprenant quand on sait toute limagination
que dut mettre en oeuvre le père Albert pour financer les
travaux. En août 32, il obtint même la promesse du Gouvernement
belge dattribuer à la restauration 10 millions de
francs belges prélevés sur la recette de la vente des billets
de loterie dans le cadre de lExposition universelle de1935 !
Il faut dire que Dom Chautard désapprouvait le
procédé des aides publiques. Enfin labbé de Sept-Fons,
plus dur encore, écrira que le prieur dOrval na
pas les qualités indispensables pour guider ses frères dans Don Chautard
était un homme possédant une personnalité extraordinaire
marquée par son engagement total comme moine à un âge très
jeune (19 ans) tandis que le père Albert avait connu une
longue période séculière. Il nest pas étonnant que ces
deux personnalités très méritantes se soient affrontées. Le
symbole de cet affrontement fut sans doute le clocher à
haute taille que le Père Albert voulait bâtir pour son
abbatiale. Dom Chautard réagit vivement à lannonce de la
construction Le père Albert
très indépendant et volontaire construira cependant «sa
tour» qui fut achevée en moins dun an et cela bien avant le reste de léglise abbatiale. Pour le
père Albert, cette tour-clocher était une nécessité car
une fois réalisée, elle devait constituer un signal fort rendant impossible labandon du chantier de léglise.
Et que dire de son projet de faire surmonter la tour dune
statue géante de la vierge de Longtemps
des architectes ou des spécialistes critiqueront cette entorse
à lesprit cistercien : la sculpture que refusait
Bernard de Clairvaux fut introduite à Orval et des
dizaines dartistes développèrent à lintérieur
comme à lextérieur sculptures, mosaïques, peintures et
vitraux. On pense notamment au chevet derrière le chur
percé dun vaste oculus où prend place limmense
vitrail de Mais revenons à
lhistoire proprement dite de la résurrection dOrval.
Le 8 juillet 1926 fut créée lA. S. B. L. « Abbaye
Notre-Dame dOrval » par le père van der Cruyssen et
ses amis Gantois, le banquier Julien Fol et le parlementaire
Fernand Van Ackere et par les avocats Louis Léger et
Valentin Bifaut. Une autre A. S. B. L. « Le comité de
patronage de labbaye dOrval » présidée par le baron
Delvaux de Fenffe soutient de lextérieur le projet. Le
père Albert voulait bâtir grand et beau ! Accompagné
de dom Jean-Marie Clerc et de son vieil ami de toujours larchitecte
anversois Henry Vaes qui avait avec lui réalisé le palais de Henri Vaes accepta la mission ardue dêtre larchitecte de la nouvelle abbaye. La correspondance dHenry Vaes concernant le chantier sétale sur plus de vingt ans ! Elle nous montre le travail titanesque réalisé par larchitecte mais aussi le fait que le père Albert voulait être au courant de tous les détails pour les approuver ! Souvent Henry Vaes doit fréquemment adapter des travaux antérieurs pour suivre les désirs du père Albert. Tout cela naurait pas été possible sans la grande patience dHenry Vaes mais aussi sans la grande complicité qui régnait entre les deux hommes. Henry Vaes mourut le 8 janvier 1945 après avoir conçu lensemble de labbaye. Il ne quittera plus jamais son uvre car il repose à lombre de léglise abbatiale à quelques mètres de son ami Charles van der Cruyssen. La pierre tombale de l’architecte Henry Vaes. (photo F. De Look) Mais revenons à lhistorique des travaux. Les travaux commencèrent par la construction de lhôtellerie de labbaye située à lentrée du site sur le lieu de lancienne porterie. Lhôtellerie fut achevée en un temps record : une seule année. Bien entendu, ces premiers bâtiments furent conçus pour pouvoir servir dabbaye provisoire pendant toute la durée du chantier nécessaire à la reconstruction du corps principal de labbaye. A laube de 1927, tout était prêt pour accueillir les premiers moines. Le 7 mars, les pères François-Régis Jammes et Sébastien Six quittaient labbaye de Sept-Fons avec le frère Benoît-Joseph et le 9 mars ils sétablissaient à Orval comme lavaient déjà fait leurs prédécesseurs de Sept-fons 795 ans auparavant !
Le Père Albert
dut user de toutes ses relations pour récolter les fonds destinés
à lénorme chantier. Lamitié indéfectible à
son égard de Henry Baels ministre des Travaux publics et de lAgriculture
puis gouverneur de Les liens avec la famille royale seront cependant beaucoup plus intimes avec Léopold III et sa deuxième épouse, ce qui est compréhensible quand on sait que la princesse de Rethy nétait autre que la fille dun de ses meilleurs amis : Henry Baels ! Le 30 septembre 1928 cest linauguration de laile des novices, tout de suite occupée par la communauté qui quitte alors lhôtellerie. Le 19 août 1929, le prince Léopold rehausse la cérémonie de pose de la première pierre de labbatiale. Le six octobre 1935, au cours de lordination de six moines, lon put contempler pour la première fois le grand vitrail de Notre-Dame qui domine le maître-autel de la nouvelle église abbatiale.
Un peu plus tard, le 2 mars 1936 le père Albert deviendra dom Albert, le 54ème abbé dOrval succédant à dom Gabriel Siegnitz décédé en 1799 soit 137 ans auparavant ! Pour marquer la continuation le père Albert devenu dom Albert reprit le même blason que son prédécesseur. Seules lordonnance des motifs et les couleurs sont différentes.
Le 10 mai 1936 : cérémonie dinvestiture de labbé dom Albert A 9H30 : procession des prélats vers léglise et cérémonie de la bénédiction A 12h30 : à la sortie de léglise chant des laudes sur le parvis suivant la liturgie du XI ème siècle ensuite remise de lantique crosse abbatiale dOrval par les croisés du pays dOrval. Discours de Monseigneur Picard au nom des catholiques de Belgique. A 5h : vêpres solennelles et bénédiction du Saint sacrement A 8h30 : complies et Salve Regina
Léglise abbatiale est achevée en 1939 et le 5 juin 1939 larchevêque de Malines, le cardinal Van Roey louvrait officiellement au culte. Quelques mois plus tard, le 2 mai 1940, le bref du pape Pie XII érigeant léglise en basilique mineure fut proclamé en grande pompe.
Le 2 novembre 1947, dom Jean-Marie Clerc (décédé à Orval le 6 février 1971 à lâge de 88 ans) qui sétait retiré à Orval en 1945 bénissait le nouvel enclos du cimetière. Dans la première tombe dOrval reposait le premier maître des novices, le père Hugues Poillot, tué par un train en gare de Longuyon alors quil gagnait Orval pour y prendre ses fonctions le 4 février 1928 !
Enfin le 8 septembre 1948, le cardinal Micara, vicaire de Rome, entouré de nombreux évêques et prélats consacrait léglise abbatiale qui passait du statut de basilique mineure à celui de basilique.
Dom Albert ne
fut pas seulement le bâtisseur de labbaye dOrval :
linfatigable abbé, dès les années 30, fonda à Cordemois,
le long de
Chapitre 8 :
dom Albert et son abbaye dans
Au mois de mai
1940, lAllemagne attaquait une fois de plus
Le frère Tarcisius Juchem avait pris lhabit monastique le premier novembre 1935. Il était en route vers le prieuré de Sorée lorsquil fut pris par un officier Allemand en mai 40 et obligé de lui servir dinterprète. Tout le temps que lui laissait son service, frère Tarcisius le consacrait à soigner les blessés et à donner les sacrements aux mourants (plus de 1300 !). Le 28 mai, le jour de la capitulation de larmée belge, il est le premier moine à rentrer à Orval. Tout a été pillé. Lenvahisseur a rempli 18 camions avec le butin enlevé à labbaye et dans les églises avoisinantes. Frère Tarcisius tance avec indignation le comandant allemand qui donne lordre de ramener le butin ! Un jour sur le chemin de Villers, il entend tirer deux coups de feu derrière une haie. Tout autre que lui se serait sauvé, mais lui au contraire se précipite sur place et découvre deux soldats Allemands en train de se battre par jalousie. Il arrivera à les faire changer dattitude ! Frère Tarcisius en imposait à tous par sa candeur et lardeur de sa flamme intérieure mais à force de se dépenser il finit par ruiner sa santé ! Atteint par la tuberculose, il eut encore la joie de recevoir la prêtrise le 20 août 1942 mais il décéda peu de temps après, le 29 janvier 1944. La croix sur la tombe de frère Tarcisius. (photo F. De Look)
Dom Albert
participa lui-même à la récupération de certains objets
volés. Parmi ceux-ci se trouvaient le grand tapis qui ornait,
les jours de fête, le sanctuaire de la basilique. Ce tapis
avait une valeur très symbolique car il avait été tressé
morceau par morceau par des milliers de bénévoles partout
en Belgique. Le tapis avait été découpé par les pillards et
quelques-unes des bandes avaient été posées sur le parquet
dans le bureau du chef de
Le père abbé sans perdre un instant son sang-froid se contenta de dire : «Si le tapis nest pas rendu avant loffice solennel, à la place laissée vide dans le sanctuaire de la basilique une grande inscription sera portée sur le dallage que tout le monde pourra lire : la partie manquante du tapis se trouve dans le bureau du Commandant à Arlon.» -
-
-
Sans tarder lAbbé dOrval réquisitionne une brouette et accompagné dun jeune garçon , le voici de nouveau dans le bureau de lofficier -
Et dom Albert de lui répondre avec suavité : -
Un des morceaux du tapis. (photo F. De Look) Dom Albert avait décidément de la répartie comme le prouve aussi cette autre aventure. Labbaye cachait un moine recherché par les Allemands. Ces derniers à la suite dune perquisition remarquèrent quau réfectoire sa place était toujours marquée. Dom Albert ne perdit pas le nord et expliqua que la coutume cistercienne voulait que même après la mort dun moine, sa portion soit servie au réfectoire comme de son vivant ! Dom Albert
rendit bien des services à lArmée Secrète en
établissant de faux papiers pour les maquisards, en cachant
réfractaires et personnes poursuivies par Bien entendu, tout cela eut un prix puisque des perquisitions furent menées à labbaye, lune se terminant par larrestation du père Joseph (que le père abbé parvint à faire libérer le soir même). Dom Albert risqua gros dautant plus que le haut commandement allemand saperçut quil continuait des constructions malgré les restrictions de certains matériaux tels que le fer. On pouvait sattendre au pire pour labbé dOrval si la guerre avait duré quelques semaines de plus !
Dom Albert avait dans sa communauté des moines assez extraordinaires. Nous avons parlé de frère Tarcisius mais nous ne pouvons passer sous silence le frère Eugène Degives.
Ce frère était né en 1885 et il se destinait aux missions lorsquun accident de santé lempêcha de réaliser son rêve. Contraint de reprendre du travail dans son village, il va sengager comme ouvrier carrier tout en se dévouant sans limites au service des autres notamment par la voie du syndicalisme chrétien. Lappel de Dieu nétait cependant pas éteint au fond de son cur et quand sa vieille maman décède, il peut à 48 ans franchir définitivement le seuil de labbaye. Pendant 24 ans encore, dans la fonction très humble de porcher, il va gravir les degrés de la perfection. Il mourra le 17 août 1957 en disant au frère qui venait le veiller : «Tu viens participer à la joie». Le grand poète Maurice Carême séjourna souvent à labbaye entre 1954 et 1970. Il fut impressionné par le frère Eugène dont la mort lui inspira cette admirable complainte du moine mourant» Couché dans
sa robe de bure, Chapitre 9 : dom Albert accepte la maladie
Après la guerre, dom Albert reprit son incessante activité mais en juillet 1948 sa santé commença à lui donner de sérieux soucis et lui imposa de prendre un certain repos. Il put cependant participer à toutes les cérémonies du 8 septembre qui marquaient la consécration de son église abbatiale en basilique. Malheureusement, un an après, il sera frappé coup sur coup de deux congestions très graves en juillet 49. En 1950, il abandonne sa charge dabbé. Il va désormais passer les années qui lui restent dans sa retraite dOrval. De temps en temps, il ira chercher auprès des religieuses Bernardines-Réparatrices un peu de repos. Cest là dans un clair parloir ou à lextérieur si le temps le permettait, que dom Albert allongé dans un fauteuil roulant qui ne le quittait plus, recevait parfois ses amis sans jamais quune plainte ne sortit de ses lèvres. Quand on lui demandait comment il supportait ses maux, il se contentait de soulever ses mains comme pour dire «A quoi bon, laissons tout cela de côté». Au terme de sa longue vie si remplie, dom Albert pouvait vivre enfin dans lhumilité quil avait toujours désirée. Cependant, il fut encore une fois fêté de manière solennelle le 8 août 1953 lors des cérémonies dOrval qui devaient marquer les 800 ans de la mort de Saint Bernard.
«A 12 h 30
parut dans le ciel un hélicoptère qui, après avoir survolé léglise
et la cour dhonneur alla atterir dans la prairie, située
devant lentrée de labbaye. Quelques minutes
plus tard, Monsieur Van Houtte , Premier Ministre, qui retenu à
Bruxelles avait pris ce moyen de transport pour arriver plus
rapidement à Orval, se rendit accompagné de dom Vincent de Paul
Sonthonnax (le nouvel abbé dOrval) et du révérend Père
Hubert vers le groupe qui entourait le R.P Dom Albert installé
dans son fauteuil roulant. Au cours dun discours tout
vibrant démotion, il retraça la vie admirable de celui
qui, avant davoir été le religieux à qui (Revue du cercle Dieu et Patrie) Après cet évènement, la vie de Dom Albert senfonça de plus en plus dans la souffrance de la maladie comme en témoigne cette lettre émouvante 25 février 1954 Au Chevalier Wily Coppens de Houthulst Au colonel Michel van de Kerckhove Chers et vaillants compagnons darmes Pour la
troisième fois, je reviens des portes de léternité ;
il y a quelques jours jai de nouveau reçu les derniers
sacrements pendant que la communauté dOrval récitait les
prières des agonisants, mais comme dit Arrivé à ce
stade je nai pas dautres ambitions que celle de toute
ma vie : être un bon serviteur de Dieu, de son église, de Dom Albert
mourut le samedi 30 avril 1955 à 7 heures du soir dans le
silence de labbaye. Le 3 mai 1955, jour de la fête de
Discours prononcé sur la tombe de labbé le 16/9/56 par le colonel van de Kerckhove de la «Fédération .Nationale des Croix de Feu» Le lieutenant du Génie van der Cruyssen, qui devint le premier abbé contemporain de cette abbaye quil releva de ses ruines séculaires foula jadis de ses bottes la lourde terre grasse de la plaine de lYser. A linitiative du chevalier Willy Coppens de Houtlust, Président de notre comité de Patronage ; labbé Van de Kerckhove, curé de Stuyvenkenskerke, préleva un peu de terre, pour la répandre sur cette tombe. Ainsi, les
deux champs daction sur lesquels van der Cruyssen sillustra,
lYser où il lutta pour la libération de Conclusion Charles van der Cruyssen fut un homme daction, un religieux et un bâtisseur. On peut admirer le travail effectué dans chacun de ces rôles mais fut-il une personne admirable ? Jespère vous avoir convaincu quil le fut bien et cela pour au moins une seule raison : plusieurs fois dans une vie, ce qui est exceptionnel dans une existence humaine, cet homme eut le courage de renoncer volontairement à tout ce quil avait accumulé de par son travail, son courage et son esprit dentreprise. Il fut vraiment parmi ceux qui osèrent risquer jusquà leur propre vie pour la poursuite dun idéal. Nous ne pouvons que nous incliner devant Charles van der Cruyssen, entrepreneur, lieutenant de Génie et abbé dOrval. «Jai toujours prié Marie et elle ma toujours exaucé» a-t-il fait inscrire sur son épitaphe. «Au cours de
toute ma vie jai toujours invoqué Notre-Dame et je nai
jamais été abandonné du ciel même lorsque tout semblait perdu.
Je tiens à rendre ici ce dernier hommage à Cen est
fait ô mon Dieu ! Vers toi mon cur sélance Prière composée par Dom Albert et tirée de son cahier de novice. Hannut, le 3/01/2007 Sources et Bibliographie (1) Les anciens combattants fussent-ils illustres navaient pas très facile avec ladministration comme le montre la lettre suivante écrite par le père Albert et adressée à la commission provinciale de Liège le 21 janvier 1927. A Monsieur le lieutenant Secrétaire de la commission provinciale de Liège Suite à votre demande, dossier 3028, le soussigné van der Cruyssen Charles volontaire de guerre, ancien lieutenant de Génie a lhonneur de vous faire connaître que depuis une année, il a déjà fourni trois fois au département de la guerre les attestations médicales et enseignements suite à sa blessure. ( ) (2)
Le texte ci-dessous fut écrit à loccasion
de la remise de la décoration commandeur de lordre de 19/11/39 à
loccasion de sa décoration Commandeur de lOrdre de Cétait
un belge dans toute lacception du mot. Les deux plus grands
amis de ce flamand de vielle race furent deux wallons : lancien
ministre Gustave Francotte dont il fut le collaborateur et qui lenvoya
en 1902 pour la première fois en province pour y ressusciter la
sculpture sur bois qui florissait jadis à Orval . Cest
alors aussi que, pour la première fois celui que Sa foi chrétienne était profonde et il amena, en 1906, 1.000 jeunes pèlerins aux pieds du St Père et il eut le bonheur dêtre reçu en audience privée par Pie X. Les premières colonies scolaires catholiques à la mer et à la campagne furent fondées par lui et il y paya de son temps, de son argent et de sa personne Le gouvernement lenvoya plusieurs fois pour le représenter à létranger, soit comme commissaire général à Milan, Paris et Amsterdam soit comme délégué pour missions détudes en Amérique et à travers lEurope .Il fut en même temps un grand industriel occupant des milliers douvriers Diplôme de Commandeur de Léopold 2 avec palmes. Membre de larmée secrète depuis 43. Bien quâgé de 72 ans et malgré la lourde responsabilité quil assumait par sa situation vis-à-vis de sa communauté, nhésita pas à se mettre au service de la résistance. Ravitailla les maquisards du Luxembourg, hébergea des patriotes recherchés, notamment le chef de lArmée Secrète (général Pire). Assura lévasion de patriotes vers lAngleterre, ainsi que le passage de membres en mission. Fournit de fausses cartes didentité à des illégaux. Menacé darrestation, poursuivit jusquà la libération du territoire la lutte opiniâtre contre lennemi malgré la surveillance dont il était lobjet. 3) Les extraits de lettres ci-dessous montrent quà la fin de la vie de dom Albert, le cercle quil avait fondé à Gand était toujours bien vivant. Le président en était alors le baron van Ackere. Lettre adressée par dom Albert le 11 janvier 53 au baron van Ackere, Président du cercle «Dieu et Patrie» à Gand Je crois quaucun témoignage de sympathie ne pouvait maller plus droit au cur que celui que vous mavez envoyé à loccasion du renouvellement de lannée ( ) Je suis si heureux de voir que, grâce à ceux qui se sont dévoués depuis des années au Comité Supérieur, le cercle Dieu et Patrie connaît une vitalité quil aurait été bien téméraire despérer en le fondant. Lettre adressée le 28 avril 54 par dom Albert au baron van Ackere Jai été très sensible à laimable télégramme que vous avez bien voulu menvoyer à loccasion du 60ème anniversaire du cercle «Dieu et Patrie» Lettre de dom Albert au baron van Ackere du 24 janvier 54 Jai été particulièrement touché du télégramme que vous avez songé à menvoyer à loccasion de ce glorieux anniversaire ( ). Si nous sommes heureux dy avoir mis le feu à lorigine, nous sommes pleins dadmiration pour tous ceux qui continuent luvre commencée avec tant dardeur. 4) Dans un site
remarquable, entre Sainte-Cécile et Herbeumont, 5) Labbaye
de Cordemois à quelques kilomètres de Bouillon est une
communauté de 26 trappistines. Comme leurs frères dOrval,
elles portent robe blanche et scapulaire noir. L abbaye est
située sur les bords de 6) Homélie de dom Albert pour les Anciens combattants prononcée le 10 novembre 1936 Beati Mortui qui in domino Moriuntur (Apocalypse St. Jean) Au nom du père et du fils et du saint Esprit, ainsi soit-il Mes biens chers frères, «Bienheureux les morts qui sont trépassés en Dieu» telles sont les paroles de lapôtre St Jean, dans lApocalypse. Bienheureux donc ceux qui ont été absous par la miséricorde divine et reposent en paix dans la béatitude éternelle. La cérémonie qui nous réunit en ce jour trouve ses origines dans les temps les plus reculés de lhistoire. En effet, nous lisons dans les livres saints, quil y a plus de 3.000 ans, un «grand chef darmée, Jude Machabbée en ayant combattu pour la défense de son pays, envoyait au temple de Jérusalem 12.000 drachmes dargent pour quun sacrifice fut offert en faveur de ses soldats tombés au champ dhonneur pour la défense de leur patrie, et, ajoute lauteur sacré, afin que leurs péchés leur fussent pardonnés». Ensuite il conclut : « il est bon de songer aux morts car nous espérons en la résurrection des trépassés, sans quoi, nos prières seraient vaines» Cest donc une uvre bonne et salutaire, que celle que vous venez daccomplir ce jour : de faire prier pour ceux qui sont morts. Depuis les nombreux siècles qui se sont écoulés, le souvenir des morts a toujours été honoré et la foi en leur résurrection, en leur survie dans lau-delà, a existé chez tous les peuples à travers lhistoire de tous les âges. Cest dans cette même pensée généreuse, loyale et fraternelle que les groupements danciens combattants, qui revivent les jours douloureux mais combien glorieux de lYser, font célébrer tour à tour un service religieux, honorent dans leur pèlerinage au Soldat inconnu tous les glorieux morts et iront demain matin en rangs serrés à travers les rues montrer leur toujours ardent et vivant patriotisme. En cette fin doctobre, l anniversaire des jours si sombres de lYser est aussi lanniversaire de la fin de la grande offensive libératrice. Cest à cette même époque que, à 4 ans de distance, nos armées balayaient victorieusement tout sur leur passage et la débâcle, qui fut déclenchée en 18, fut plus prompte encore que lattaque brusquée qui avait surpris la bonne foi de notre peuple le 4 août 1914. On doit, en ce
service, se remémorer lhéroïsme de nos morts. Quels
jours que ces premiers jours ! Et qui ne se rappelle la vue
de nos petits soldats revenant de Liège, épuisés, décimés,
manquant de tout et qui allaient néanmoins unir leurs forces
pour faire cette vaillante sortie dAnvers et qui, par
après, allaient à 1 contre 10 accrocher les troupes de
von Boëhm et ainsi empêcher deux divisions allemandes datteindre
Glorieuse
sortie, à laquelle le correspondant du New-York Herald dalors
attachait la plus grande importance quant à lissue de
cette grande bataille qui, à cette époque, a été appelée,
sans autre explication, «le miracle de Par après, chaque historien et chaque tacticien ont donné à cette victoire une explication de sympathie suivant ceux dont ils voulaient chanter la gloire, mais en ces temps passés, on a dit que les Belges avaient dans ce résultat une très grande part. Cétaient encore ces mêmes soldats, renforcés de ceux revenus de Namur par de bien longs détours, qui allaient, tous ensemble, après que leur pays avait étonné le monde par sa loyauté et son courage moral, étonner le monde par leur courage physique et leurs vertus militaires. Acculés au dernier lambeau de notre cher pays coupé de tout appui, après la défaite de Charleroi, ils étaient là, couvrant de leurs corps cette ruée vers Calais que voulait à tout prix ladversaire, car en sa course vers la mer, celui-ci connaissait limportance du passage que les Belges lui disputaient. Le danger était grand pour nous et pour les armées alliées ; cest pourquoi on ne pouvait plus céder la moindre parcelle du sol de la parie. Il fallait rester sur place et notre grand roi dalors donnait cette fière consigne : « tenir à tout prix et jusquau bout ». Lhistoire gardera, comme un monument de grandeur et de force morale cet ordre du jour du 15 octobre qui commençait par ces mots : «soldats, voilà plus de deux mois que vous combattez pour la plus juste des causes, pour vos foyers, pour lindépendance nationale» et que notre vaillant roi terminait par cette description de ce quétait pour nous lYser : «La ligne de lYser constitue notre dernière ligne de défense en Belgique et sa conservation est nécessaire pour le développement général des opérations. Cette ligne sera donc tenue à tout prix». Nos alliés nous demandaient aussi de tenir car, disaient-ils, « dans 24 heures nous viendrons ». Ces 24 heures, on sait ce quelles ont duré, car ce fut du 12 au 20 octobre que jours et nuits, nos soldats attendirent ce renfort. Quelles ont dû être les angoisses de ces milliers denfants belges pressés dans détroits fossés, les pieds dans leau et où les abris, comme des tombes, nétaient faits que de boue ! Eux-mêmes, en leurs uniformes décolorés, déchirés, semblaient être devenus de la boue, mais ces soldats de boue valaient des âmes de bronze ! Ah ! oui, priez pour ces glorieux morts, car de ceux-ci, combien dont le corps et les ossements ont été dispersés par les obus même après quon les eut enterrés ! Quand, aux premiers jours de la guerre, la bataille faisait rage, le long de la route, le même trou dobus recevait les corps des hommes et les débris des chevaux et, durant de longs mois, on a vu ces cimetières improvisés mélangés aux tranchées. Qui na pas été ému en voyant ces tranchées de lYser, où lon se terrait aussi profond dans la terre que les corps couchés de face et où les morts à tout moment avoisinaient les vivants. Plus tard, oui, il y a eu des cimetières organisés, plus tard, on rechercha et on releva les ossements de ceux qui étaient étendus le long de la ligne de feu, mais combien nont jamais été retrouvés et sont encore là dans ce sol saturé deau où la verte toison actuelle est devenue le seul linceul de leur courage ?Car les deux petits morceaux de bois, qui jadis marquaient en croix lemplacement de leurs tombes, ont à leur tour été projetés dans leau du fleuve ou de ses inondations. Ceux-la oubliés, perdus, dans les eaux de lYser ou dans les boues avoisinantes, sont aussi les nôtres et nous pouvons affirmer quil y a là encore beaucoup de soldats inconnus ! Souvenons-nous en tous, car il faut que le souvenir de ces sacrifices reste dans le cur des patriotes, car, hélas, en ce monde, « les morts vont vite » ! Leurs familles séteignent ou ont été dispersées : ils sont oubliés ! La terre elle-même qui les couvre a jeté par ses fleurs et ses frondaisons nouvelles loubli sur les horreurs du passé ! Il y a quelques mois, il ma été donné daller reconnaître le pays où, jadis, on avait, entre deux lignes, tant de fois exposé sa vie, et quoique ma mémoire fût fidèle et que jy eusse vécu de longs mois, javais grand peine à my reconnaître, à identifier la position et à revivre en esprit les dangers passés ! La vie nouvelle, la sève jeune qui salimente aux choses mortes du passé et lhomme à son tour pour les besoins nouveaux de la vie, ont transformé et bouleversé ce sol, qui bientôt, ne sera plus pour tous quun vague souvenir : Raemscappelle qui fut pris et repris si héroïquement, Oudstuyvekenskerke, Lettenburg, Le Cavalier, le boyau de la mort, la maison de garde à Dixmude et tant dautres postes, de la mer jusquà Boesinge, qui ont coûté tant de vies ; tout cela disparaîtra de la mémoire des hommes mais, lYser, cette appellation qui symbolise tout, restera ! LYser restera pour nos petits enfants, le titre dune épopée et, ce petit fleuve, le dernier de notre pays, où sarrêta la défaite et où commença la victoire sera, je lespère, en honneur durant bien des siècles. Mais hélas, le nombre de morts de lYser augmente encore chaque jour car les victimes de la guerre ne sont pas seulement ceux tombés sur le champ de bataille pour ne plus jamais se relever, mais sont également ces mutilés, ces gazés, même ces éclopés par rhumatismes ou ceux ébranlés par les secousses nerveuses produites par le pilonnage des canons. Et ce sont tous ceux qui ont vu leurs forces diminuer peu à peu, avant lâge normal, qui payent aujourdhui leur tribut à la mort. Ceux-là aussi doivent être unis à nos prières, parce quils furent les vaillants combattants de cette époque, parce quils étaient aux côtés de nos glorieux morts, et ont affronté les dangers au même titre que ceux que nous pleurons. De ceux là donc, la mort en prend presque chaque jour et ils sont plus nombreux dannée en année. Parmi ces morts-là, il y en a un en cette année qui plus que dautres a droit à notre souvenir : cest le père des soldats, le plus passionné défenseur de la patrie, celui qui ne cessa despérer en la justice de notre cause et fut notre grand et bien aimé Roi : Albert 1. Plus que son devoir le demandait, mais moins que ce que son cur le désirait, il est allé aux tranchées de lYser et, cet homme, car ce roi était un homme, dans toute lacception du terme, osait regarder la mort en face. Il était pour ses anciens soldats un modèle de vertu évangélique. Demain, pour la première fois, il ne sera pas là au défilé de ses chers soldats ! Ah que ne puis-je vous dire tous les bons sentiments dont son cur était rempli à déborder et quil épanchait dans lintimité en confidences, qui nappartiennent pas encore à lhistoire de notre temps. Mais ses vertus publiques peuvent et doivent être connues, celles du bon père de famille si attaché à inculquer à ses enfants la droiture et le dévouement , celles du chef détat si soucieux de la justice et du bonheur de tous et surtout celles du grand chrétien qui pouvait chaque jour se dire : «je ne crains pas la mort, je suis prêt». Si daucuns étaient étonnés que sur le masque de celui qui était mort si tragiquement accidenté, il y avait une telle paix, car, il nétait, Dieu mest témoin ayant eu la suprême consolation de donner à ce roi et ami la dernière bénédiction avant que pour toujours le cercueil de plomb se referma sur son auguste face, il nétait, dis-je, ni défiguré, ni maquillé, il était grand, calme et beau dans la mort, cest quil avait été grand et beau dans sa vie ! Ce roi qui savait donner à Dieu la place à laquelle il avait droit, sinquiétait du bonheur de son peuple et disait avec sa voix calme et son sens profond des réalités : «Chaque fois que lon sest éloigné de lévangile, qui prêchait lhumilité, la fraternité et la paix, le peuple a été malheureux, car la civilisation païenne de lancienne Rome quon voulait lui substituer, nest basée que sur lorgueil et labus de la force. Il sinquiétait de la justice pour tous. Il sinquiétait des pauvres et des petits et par-dessus tous de ses anciens soldats et ceux-là étaient les plus chers à son cur. Qua nous tous, sa mémoire soit bénie, que nous, ses anciens compagnons darme, restions en ce moment ses plus fidèles amis en priant pour son âme et en joignant son souvenir à tous ceux pour lesquels ce service est célébré. Vous qui êtes rassemblés ici dans un esprit de généreuse fraternité et qui même non croyants êtes venus par votre présence montrer et votre tolérance et votre sympathie, élevez vos curs et vos âmes, car tous vous avez une âme, même les plus incroyants et athées et cest, croyez-le, la partie la plus belle de ce composé humain, qui sappelle lhomme ! Elevez vos âmes vers celui que prêcha saint Paul à Athènes au milieu des dieux les plus divers, vers ce Dieu, pour vous le Dieu inconnu qui est notre Dieu et votre Dieu, qui est notre sauveur et votre sauveur, afin que vous soyez tous de cur et dâme avec ces morts, car, un jour, vous serez aussi de ces morts qui ne formeront plus tard dans le sein du Christ quune seule divine fraternité : celle du passé, celle du présent qui tient si étroitement à celle de demain ! Prions, donnons des sacrifices en hommage à nos chers morts de lYser, en consolation pour leurs enfants, en exemple aux générations qui suivront, afin quils reposent en paix dans la gloire éternelle et le bonheur divin et que leur sacrifice nous soit toujours une leçon et leur mort un avertissement !
Les pérégrinations en France de l’Abbé d’Orval (d’après le récit dactylographié du frère Edouard conservé dans les Archives de l’abbaye d’Orval ) Avertissement : Frère Edouard de l’abbaye d’Orval a raconté au jour le jour les pérégrinations de Charles van der Cruyssen
au cours de la « drôle de guerre » de mai 40. Ce témoignage est particulièrement intéressant car il nous révèle les traits de caractère de Charles. On y apprend aussi la très grande pugnacité qui l’animait en mai 1940 afin de faire partie d’un gouvernement belge en exil copié sur celui qui avait fait ses preuves à Sainte-Adresse (Le Havre) durant la première guerre mondiale. Parmi les sept voitures qui composèrent la petite colonne ministérielle fuyant la Belgique le 18 mai 40 se trouvait donc celle de l’Abbé d’Orval! On ne peut à nouveau que rester pantois devant l’énergie et l’esprit de résistance déployée par Charles van der Cruyssen ! Dr Patrick Loodts et Francis De Look Le 11 mai 40 Le 11 mai, frère Edouard est désigné chauffeur du camion de la brasserie pour conduire des religieux et les objets de valeur au couvent des Bernardines à Saint-Gérard. Le père Abbé suit dans une voiture. Aussitôt le chargement du camion débarqué à Sorée, dom Albert décide de retourner à Orval avec comme chauffeur le frère Edouard. Sur le chemin, on s’arrête au couvent de Sorée pour y conduire deux sœurs puis la voiture arrive à un pont barricadé se trouvant à Rochefort. Frère Edouard sort de la voiture et dégage les branches qui forment la barricade. Prudemment, l’ouvrier Camus, un des passagers de la voiture, propose alors à dom Albert de descendre de la voiture afin de ne pas mettre la vie de tous en danger dans le cas où le pont viendrait à sauter lors de son franchissement. Dom Albert refuse en disant qu’il vaut mieux « sauter » que de rester en panne sur la route ! Heureusement le véhicule et ses trois hommes passent sans encombre ! Quand Frère Edouard atteint Bouillon, il découvre un terrible embouteillage car les soldats français et les habitants essaient de fuir par les bois. Des avions ennemis survolent le terrain et mitraillent la route. Camus tremble pour sa vie à l’arrière du véhicule et compte les avions à haute voix ! Le véhicule parvient cependant à quitter la ville mais à 1 km de Florenville, une mitrailleuse tirant sur la route bloque le passage. Le véhicule fait demi- tour et dom Albert décide de retourner à Saint-Gérard. Cette fois, il n’y a plus moyen de traverser Bouillon car les soldats français font dévier le véhicule vers Sedan. Sedan est une ville morte mais dom Albert parvient à acheter de l’essence militaire française pour continuer son voyage. Le véhicule doit rouler dans l’obscurité la plus complète sur une route terriblement encombrée par des réfugiés qui transportent un bric à brac impressionnant : des cages à perroquet, des matelas, une trompette, des pendules, des chats, des brouettes et….des vaches ! Finalement, le véhicule atteint Mezières et les trois hommes trouvent à se restaurer au buffet de la gare et à se loger dans un hôtel. Le 12 mai Après une courte nuit durant laquelle les alertes se succèdent, le 12 mai à 5 heures du matin, on reprend la route vers Saint-Gérard. Quand le véhicule arrive à la frontière, dom Albert doit discuter avec force pour qu’on laisse passer le véhicule jusqu’au moment où un sous-lieutenant le reconnaît et arrange la situation ! Finalement Saint-Gérard est atteint vers 8 heures ! Après la messe et un déjeuner avec pain à volonté, Frère Edouard est enfin autorisé à aller se reposer ! Le repos du chauffeur est très bref car, une heure après, on le réveille pour conduire des religieux à Namur. Sur le chemin du retour, il charge des civils indifférents et fatigués. Frère Edouard se souvient d’une grosse dame de 40 ans qui voulait emmener son chien à tout prix même s’il fallait laisser en plan sa maman ! La solution est vite trouvée : aucun membre de ce groupe ne montera dans le véhicule ! Un pneu crève mais on ne sait pas s’arrêter et il faut continuer cahin-caha ! Ouf voilà Saint-Gérard mais cela n’est pas fini pour Frère Edouard prié une nouvelle fois de reprendre le volant cette fois pour conduire dom Albert à Bruxelles ! On loge chez monsieur Roelandts, avenue Louise chez qui dom Albert rencontre Marcel Henri Jaspard (1). Ce dernier propose à l’abbé d’Orval la fonction officielle de représentant du gouvernement auprès des réfugiés. Dom Albert désire connaître l’avis de sa hiérarchie avant d’accepter ce poste. Comme l’abbé général est hors d’atteinte, il décide d’en parler à l’évêque de Namur, Mgr Heylen. Le 13 mai On retourne donc à Saint-Gérard pour aider les religieuses Bernardines en passant par l’évêché de Namur
mais avant de quitter Bruxelles, dom Albert décide de dire la messe dans une église proche. Le véhicule se fait arrêter par cinq gendarmes qui soupçonnent
ses occupants d’être une avant-garde ennemie composée de parachutistes. La méprise va vite être excusée mais en attendant quelle émotion ! Le 14 mai Le lendemain 14 mai, le véhicule charge madame Carlo van der Cruyssen (la nièce de dom Albert ), son fils
Bicot et leur employée de maison pour les conduire à Courtrai. La sortie de Bruxelles est mouvementée et dom Albert arrive à dépasse une file de trois kilomètres de véhicules tout simplement en criant par
la vitre ouverte « Grand Quartier Général, Général Head Quarters » ! Le 15 mai Le lendemain mercredi 15 mai, frère Edouard conduit dom Albert à Ostende pour s’entretenir avec les ministres belges puis retourne à Bruxelles. Le 16 mai Le jeudi 16, dom Albert se rend à La Panne en mission pour examiner les conditions de passage vers la France
(Comme si le même scénario qu’en 1914 pouvait se reproduire !). Le 17 mai Après un rapide déjeuner chez Baels, tout ce monde fait route vers Ostende pour retrouver les ministres belges qui doivent normalement entreprendre le jour même leur voyage d’exil vers la France. Mais arrivé à Ostende, dom Albert constate que tout le monde dort encore et que le départ des ministres a été remis au lendemain. On cherche alors un logement pour Madame van der Cruyssen et c’est le pauvre frère Edouard qui monte les cinq valises dans leur chambre ! Les religieux trouvent quant à eux l’hospitalité chez les dominicains d’Ostende. Notre courageux chauffeur peut alors se reposer quelques heures après avoir passé quasi les dernières 24 heures au volant de la voiture ! Le soir cependant, frère Edouard repart pour une nouvelle mission ; il s’agit de conduire dom Albert auprès de la Reine Mère Elisabeth qui se trouve à la villa royale à La Panne. Retour dans la soirée à Ostende où les bombardements font rage toute la nuit. Le 18 mai Le lendemain avec les ministres, dom Albert et frère Edouard se mettent en colonne automobile pour rejoindre la France. Il y a sept véhicules et … frère Edouard est obligé de rouler sans freins ! Au Tréport tout le monde couche dans les voitures sauf Madame van der Cruyssen son fils et leur gouvernante qui bénéficient d’une chambre. Le frère Edouard loge à l’arrière de la Buick avec 12 bidons d’essence, deux grandes sacoches, cinq paquets et…le grand chapeau du père Abbé ! Le 19 mai Le lendemain, dimanche 19, après la messe départ pour le Havre. Les freins ont été réparés par frère Edouard. C’est le Doyen de Saint-Adresse qui offre l’hospitalité. Le 20 mai Le lundi 20, dom Albert se rend à Paris pour envoyer un message radiophonique. De là il se rend à Cahors où il retrouvera le vendredi 25, frère Edouard qui fait maintenant officiellement partie du « ministère de la santé » belge qui s’installe dans cette ville. La nièce de dom Albert quitte Cahors en train pour la Boule. Du 25 mai au 20 juin Pour quelques semaines, une certaine routine va pouvoir se mettre en place au grand soulagement de frère Edouard. Le matin, frère Edouard sert la Messe dite par dom Albert à l’évêché puis il se rend dans son bureau situé 1, rue du Château du Roy pour aider les réfugiés. Seule une visite aux enfants royaux effectuée par dom albert accompagné de son chauffeur viendra rompre la monotonie de cette vie de bureau. Du 20 juin au 6 juillet Le 20 juin, dom Albert quitte Cahors pour l’abbaye Ste Marie du Désert. Durant le séjour dans l’abbaye, il entreprend une collecte de fonds pour le clergé belge ce qui exige un voyage jusqu’à Montastruc afin de rencontrer monsieur Pierlot. Dom Albert se rend aussi trois ou quatre fois à Toulouse. Malgré ces voyages, le séjour à l’abbaye Sainte Marie fait du bien à frère Edouard dont la vie écrira-t-il depuis le 10 mai était faite de « vacarme et de coureries» Le 6 juillet Le 6 juillet, c’est le retour à l’abbaye d’Orval décidé en deux étapes : Cahors et Sept-Fons. Après la messe,
la voiture est chargée : devant dans la voiture prennent place l’abbé d’Orval, et Frère Edouard comme chauffeur. A l’arrière P. Michel, P. Raphaël, Fr.Gabriel et Fr.Léon, un bidon d’essence, une grande boîte
en carton contenant des vivres et sur le porte bagage un fût à essence. Sur le marche-pied gauche, dix bidons d’essence et quatre valises dans les ailes à côté du capot ! La croix sur la tombe de frère Edouard. (photo F. De Look) (1) Jaspar Marcel Henri : homme politique libéral (schaerbeel 1901-Bruxelles 1982). Ce docteur en droit fut conseiller communal d’Uccle. Il représenta l’arrondissement de Bruxelles de 1932 à 1944. Au gouvernement, il fut ministre des Transports (1936-1937) et ministre de la Santé Publique (1939-1940). Il rejoignit Londres dès juin 1940, sans l’accord de ses collègues. Ayant tenté de constituer un comité national sur le modèle de De Gaulle, il fut destitué de ses fonctions ministérielles. Il servit par la suite dans la diplomatie. Il termina sa carrière comme ambassadeur à Paris. |