Médecins de la Grande Guerre

L'histoire des soins infirmiers en Belgique.

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L'histoire des soins infirmiers en Belgique.

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Monsieur Adrien Bruneau

Adrien Bruneau dans la véranda du château de Boetendal

Les " deux Alice "

Hubert Dolez

Alice Dolez à l'âge de 11 ans

Souvenir mortuaire d'Alice

L'abbé John Diggle, le premier aumônier des Deux Alice

Le docteur Raymond van Swieten

Sœur Ignace-Marie

Le docteur Joseph Gillon

Le docteur Camille de Ridder

Sœur Rose de Marie, jeune religieuse et après 49 ans de service

Sœur Macaire et ses ouvriers

Le docteur Jean Vanhee

Sœur Camille et mademoiselle Nicolaï

Le sanatorium des deux Alice à Uccle

Le sanatorium des deux Alice à Uccle

Le sanatorium des deux Alice, Ecole d'Infirmières St Camille à Uccle

Le hall d'entrée

La chambre de malade

La cour de la ferme

La chapelle

La pouponnière

Quelques élèves infirmières en promenades

Un beau livre

Le pasteur Fliedner, fondateur de l'Ecole Kaiserwerth en Allemagne

Portrait de Florence Nightingale

Le dernier portrait de Miss Cavell

L'Institut Edith Cavell, Marie Depage en 1937

Salle de démonstration

Salon d'infirmières

Pionnière du nursing, Elisabeth Fry (1780-1845)

Couverture d'un livre

Tableau représentant les sœurs hospitalières arrivant de Paris en 1835

Maison mère des sœurs hospitalières, rue St Laurent à Liège

Hôpital militaire, Bruxelles - Communauté des sœurs hospitalières

Maison nationale de Chareton

Salle de blessés à l'hôpital militaire de Bruxelles

Photos de Mères supérieures des soeurs hospitalières

Photos de Mères supérieures des soeurs hospitalières

Hôpital militaire de Bourg-Léopold - Communauté des sœurs hospitalières

Anvers, maison des sœurs hospilalières à l'hôpital militaire

Marchin - Sanatorium militaire

Photos de Mères supérieures des soeurs hospitalières - Mère Saint-Damien était supérieure générale de la congrégation en 1934

Photos de Mères supérieures des soeurs hospitalières

Angerville-L'Orcher (Seine-inf.) - Hôpital militaire belge

Dinard - Hôpital militaire belge

Monsieur Schollaert, Président de la Chambre des Représentants

Aix-la-Chapelle - Hôpital militaire

Port-Villez-Vernom - Pavillon des sœurs hospitalières

Hospice civil - Hodimont

Gand - Couvent des sœurs hospitalières

Cinquantième anniversaire

Le chanoine Pierre-Joseph Triest (du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Le docteur Joseph Guislain (du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La Crypte du château de Gérard le Diable (photo de Frank Goetals, 1986 ; du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Le château de Gérard le Diable (photo de Frank Goetals, 1986 ; du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Dortoir des déments (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Atelier des cordonniers (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La salle des malades (Hospice Guislain. Photo, 1930, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La salle d’observation (Hospice Guislain. Photo, 1930, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Cour d’entrée (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Préau des paisibles (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

L’alitement (Photo, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

L’alitement (Photo, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Préau des déments (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

Réfectoire des paisibles (Hospice Guislain. Photo, 1887, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La promenade (Hospice Guislain. Photo, 1930, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La biloque, l’ancien réfectoire (Photo de Frank Goethals, 1991, du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

De Constance Teichmann à Marie Depage : l’histoire des soins infirmiers en Belgique.

Je remercie vivement Monsieur Guillaume Lucien. Ce « passionné »  de l’histoire de la Croix-Rouge  et de l’histoire du nursing a beaucoup facilité ce travail en me permettant de consulter son importante documentation. 

Un tout grand merci au "Musée Dr Guislain" de Gand pour avoir accepté de mettre des photos de sa collection privée.

 

Introduction 

Cette histoire du nursing en Belgique ne se prétend pas exhaustive. Dans le premier chapitre, nous avons voulu citer les pionniers européens qui entreprirent la création d’un véritable nursing. Dans le chapitre 2, nous raconterons l’histoire de quelques personnalités belges  qui jouèrent un grand rôle dans l’amélioration des soins aux malades et cela bien avant la création de nos premières écoles d’infirmières. Les congrégations religieuses créées par le chanoine Triest mais aussi d’autres religieux comme les Petites Sœurs des Pauvres contribuèrent énormément à l’amélioration des soins infirmiers. On ne soulignera jamais assez l’immense dévouement  avec lequel ils entreprirent de se consacrer aux plus faibles de notre société. Au début du vingtième siècle, parce que l’évolution des techniques médicales demandait dorénavant un personnel formé scientifiquement, mais aussi parce que la société  réclamait à juste titre des soignantes laïques, on créa en Belgique les premières écoles d’infirmières. Le chapitre 3 vous dévoilera l’histoire des deux écoles qui servirent véritablement de modèles pour l’enseignement de l’art infirmier dans notre pays. Nous retracerons d’abord l’histoire de l’Ecole d’infirmières Saint-Camille intimement liée à l’histoire de la clinique des « Deux Alice » et à l’histoire  des Sœurs Hospitalières de Saint-Augustin. Le lecteur trouvera  assez bien de détails concernant la création des « Deux Alice » mais aussi concernant l’aventure  des Sœurs  Hospitalières dans les hôpitaux militaires belges durant la guerre 14-18. Dans la seconde partie du chapitre 3, nous essaierons de vous faire revivre l’histoire de l’école Edith Cavell, créée par le Dr Depage. Enfin, dans le chapitre 4, nous examinerons brièvement la période qui suivit la création de ces deux écoles.                          

Chapitre 1: Les précurseurs (1)

Au 18ème siècle, la situation du nursing était  catastrophique. Si l'on prend par exemple l'histoire du London Hospital construit en 1740, il n'y a pas une réunion du Comité au cours de laquelle une nurse ou une surveillante (garde de nuit) n'ait été congédiée pour ivresse. En France, les hôpitaux ne valaient guère mieux. Les Soeurs Augustines, bien que supérieures aux nurses anglaises laïques, étaient surchargées de besogne et oeuvraient dans les mêmes conditions malsaines dont notamment l'entassement des malades qui partageaient à six un grand lit. En Amérique, la situation est aussi désastreuse comme par exemple dans l'hôpital Bellevue dont une des caractéristiques est d'employer comme nurses des prisonnières détachées pour dix jours du pénitencier. Un des premiers réformateurs qui essaya d'améliorer cette situation fut l'Anglais  John Howard (1727-1789). Cet homme fut un jour capturé par des pirates alors qu'un vaisseau l'emmenait  à Lisbonne et les conditions épouvantables de détention qu'il connut alors lui inspirèrent la volonté d'améliorer la vie des prisonniers. En  même temps, le désir de connaître la raison du développement de la peste le poussa à visiter de nombreux hôpitaux et lazarets en Europe. A partir de ses multiples observations, il suggéra de multiples réformes. Voici un exemple ce qu'il proposait pour les salles du Grand Hôpital de Gênes:

"Les statues poussiéreuses qui ornent les salles des malades constituent un danger. Au point de vue de la santé des patients, je souhaite voir dans les hôpitaux de simples murs blancs, sans objet d'ornementation.".

Le Pasteur Fliedner: le premier des pionniers de l'art infirmier moderne ? 


Le pasteur Fliedner, fondateur de l'Ecole Kaiserwerth en Allemagne

Le pasteur Théodore Fliedner (1800- 1864) fut sans doute le premier  pionnier qui allia la théorie à la pratique. Il avait été nommé à la paroisse de Kaiserswerth en 1822 et dès 1826, il  fondait une Association de protection des prisonniers en s'inspirant notamment de l'action d'Elisabeth Fry qu'il avait vue travailler en Angleterre. En 1828, il épousa Friederike Münster (1800-1842) qui, pendant quelque temps, s'était intéressée aux filles abandonnées et qui partageait l'idéal  altruiste de son mari. Leur première collaboration aboutit à la création, en 1833, d'un refuge pour les prisonniers libérés puis au rétablissement de l'Ancien Ordre religieux des Diaconesses. En avril 1836, il acheta une maison à Kaiserswerth qu'il convertit en hôpital et dont  la première Diaconesse fut  Gertrude Reichardt. En 1838, les Diaconesses furent  appelées à soigner aussi les malades de l'hôpital de la ville d'Eberfeld. En 1840, l'hôpital de Kaiserswerth prit de l'extension en annexant deux maisons contiguës. En 1842, cet établissement comptera plus de 200 lits!  Fliedner créa  aussi en 1835 une Ecole Normale et, en 1842, un orphelinat. Les années 1841 et 1842 lui furent tragiques  car il perdit successivement une de ses filles et puis son épouse. Cependant,  remarié en 1843, il eut la chance de retrouver, en la personne de sa  deuxième épouse qui avait dirigé auparavant un service de chirurgie à l'hôpital de Hambourg, une nouvelle collaboratrice très  efficace et expérimentée. En 1849, Fliedner accompagna quatre diaconesses en Amérique, à  Pittsburgh, pour y fonder un hôpital. A Kaiserswerth, le pasteur et son épouse posèrent les principes fondateurs d'une formation pour les soignantes. Florence Nightingale visitera d'ailleurs Kaiserswerth et sera fortement influencée par ce qu'elle y vit. 

Elisabeth Fry une grande idéaliste anglaise.


Pionnière du nursing, Elisabeth Fry (1780-1845)

Cette grande philanthrope appartenait à une des familles les plus en vue de la Société des Amis (Quakers). Elle commença toute jeune à améliorer les conditions de vie des détenues à la prison de Newgate. Quand elle eut la charge d'une famille, (elle eut 11 enfants!) elle continua son oeuvre de dévouement. Son expérience dans les prisons et les maisons pauvres, lui fit réaliser la nécessité d'une formation spéciale pour les jeunes filles désirant soigner les malades. En 1840, elle visita les installations de son ami le  Pasteur Fliedner à Kaisersweth. Voici la description que fit  sa nièce de cette mémorable visite:

Mai 1840. Un matin nous nous rendîmes à Kaiserswerth, la résidence du Pasteur Fliedner. C'est un homme extrêmement bon. Près de sa maison, il a érigé un petit hôpital admirablement aménagé. Il a également établi des Soeurs de la Charité Protestantes, appelées Diaconesses. Toutes sont vêtues d'une robe indienne bleue et coiffée de bonnets blancs. Vouées au service des malades, elles visitent aussi les pauvres et sont envoyées dans toutes les parties du royaume… Après le dîner, notre tante les a rassemblées dans la maison du Pasteur, et il leur traduisit la belle allocution qu'elle fit; elle leur donna d'excellents conseils sur les soins aux malades, et leur montra que pour être une vraie infirmière, il faut le calme de l'âme, des manières distinguées, des moeurs chrétiennes, l'égalité de caractère. Telle avait été son expérience et, à les voir, elle était certaine que cette expérience avait été également la leur. Une maison de refuge pour prisonniers libérés et une joyeuse petite école gardienne sont, toutes deux, sous la surveillance immédiate du Pasteur. (Elisabeth Fry' journeys, 1840-1841. Du journal de sa nièce, Elisabeth Gurney, 1931, p.100)

Elisabeth aurait voulu appeler ses infirmières: "Soeurs Protestantes de Charité", mais cédant aux critiques que soulevait ce nom, elle les établit sous le titre d’Institution pour Soeurs Infirmières (Institute of Nursing sisters). Voici ce qu'écrivit plus tard sa fille:

"Les occupations habituelles de Miss Fry dans les chambres des malades, lui ont prouvé la nécessité de créer, pour les soigner, un groupe de femmes tout autres que les gardes-malades salariées auxquelles il faut généralement recourir. Ses correspondances avec Monsieur Fliedner et tout ce qu'elle apprit personnellement sur son oeuvre de Kaiserswerth, ont stimulé son désir de tenter quelque chose d'analogue en Angleterre. Ses propres occupations étant trop pressantes et trop nombreuses pour lui permettre de s'y consacrer personnellement, c'est sa soeur, Mrs Samuel Gurney , avec l'assistance de ses filles et de quelques autres dames, qui mit sur pied ce projet, d'abord modeste, et en poursuivit le développement. Lorsqu'elles n'étaient pas occupées par le nursing, les "Sisters" habitaient un home dans leur Cité. Leur robe était simple et peu voyante. Elles étaient entretenues et rémunérées par l'institution; mais, sous aucun prétexte, elles ne pouvaient accepter d'argent ou de cadeaux pour leur assistance dans la maladie. Quant aux services des Sisters envers les pauvres, ils étaient gratuits. Les efforts de cette petite Société, qui jusqu'ici ont été fort circonscrits, doivent être considérés davantage comme une expérience que comme un but atteint."(Memoir, vol 11 pp 383-384)

 Les élèves vivaient dans une maison de Whitechapel, et suivaient 3 mois d'apprentissage au Guy's hospital. Il semble cependant que les "Sisters" ne recevaient pas de formation théorique. Elles soignaient ensuite les malades dans les hôpitaux et les maisons privées et parfois même recueillaient des malades dans leur propre maison. Les "Sisters" n'avaient pas de formation théorique, néanmoins elles prouvaient pour la première fois à toute la société  que des femmes respectables et dévouées avaient  aussi leur place auprès des malades et des indigents. Cela marquait un réel progrès. Miss Fry fut donc une pionnière en voulant   faire du nursing une véritable profession. Son institution existe encore à Bischosgate, à Londres, et forme toujours des infirmières diplômées. Elisabeth Fry était extrêmement progressiste puisque son plan initial concevait même une pension de vieillesse pour les infirmières qu'elle avait instruites.

Deux ordres catholiques de Soeurs irlandaises

Deux autres  oeuvres remarquables et contemporaines de celle d’Elisabeth Fry et du Pasteur Fliedner furent  celles créées dans les hôpitaux irlandais par deux Ordres Catholiques: les Sisters of Mercy (Soeurs de la Miséricorde) et les Irish Sisters of Charity. La fondatrice des Sisters of Mercy était  Catherine Mc Auley (1787- 1841) qui avait acquis en 1827 une maison à Dublin afin d’y ouvrir une école pour enfants pauvres. A l'origine elle n'avait pas l'intention de fonder une société religieuse mais seulement un institut séculier qu'elle baptisa donc en 1828 du nom de "Sisters of Mercy". En 1830, ce petit groupe adopta finalement une  règle religieuse, celle de l'Ordre de la Présentation. Catherine devint alors  supérieure de la nouvelle communauté religieuse qui se voua  dès 1832  aux malades. De 1854 à 1861, ces Soeurs se chargèrent du nursing au Jervis Street Hospital à Dublin, et au Mercy Hospital à Cork, tandis qu'elles ouvrirent un établissement, le Mater Misericordiae à Dublin. En 1839, elles avaient établi une maison à Bermondsey à Londres et c'est de cette maison que quelques soeurs volontaires  partirent en 1845 pour accompagner en  Crimée  Florence Nightengale. 

Les "Irish Sisters of Charity"  furent organisées par Mary Aikenhead (Soeur Marie-Augustine, 1787-1858), à l'instigation de l'évêque Murray. Sur ses conseils, elle entra au couvent en 1812, avec son amie Miss Walsh, et elles commencèrent à visiter les pauvres à domicile. En 1833, trois Sisters furent envoyées un an à l'hôpital de la Pitié à Paris pour s'y former. L'ordre fonda ensuite à Dublin une maison qui devint par la suite l’hôpital de St Vincent et dans lequel les religieuses se dévouèrent comme  nurses. En 1867, elles prirent la direction du nursing à l'Infirmerie de Cork et, plus tard étendirent leur action dans de nombreux autres hôpitaux.

L'Eglise anglicane enchaîne

La "Park Village Community" fut fondée ne 1845 par le Révérend E. B. Pusey. Ses membres, connus sous le nom de "Sisters of Mercy" consacraient cinq heures par jour à la visite des pauvres et à l'enseignement. En 1848, une association identique également appelée "Sisters of Mercy" fut créée à Devonport par Miss Sellon. Malgré leur manque de formation théorique et pratique, ces Sisters eurent l'occasion de prouver leur utilité (notamment à Plymouth pendant une épidémie de choléra) et quelques-unes d'entre-elles, dont Miss Sellon, furent choisies par Florence Nigtingale pour l'accompagner en Crimée. Ces deux communautés n'eurent cependant pas d'influence dans la réforme du nursing anglais contrairement à la St-John's House (Ce nom provient de la paroisse de St Jean l'Evangéliste dans laquelle la première maison était située; son nom officiel était en fait "Institution de formation pour infirmières des hôpitaux, des familles et des pauvres, "Training Institution for Nurses in Hospitals Families and for the Poor », dont les buts avaient été bien définis en juillet 1848:

Nous nous proposons d'établir une institution collective dont l'objet est de maintenir en communauté les femmes membres de l'Eglise d'Angleterre, capables de recevoir et de se soumettre à la formation pratique nécessaire en vue d'agir comme infirmières et visiteuses des malades et des pauvres. Nous nous proposons de relier cette institution à un ou plusieurs hôpitaux, dans lesquels les stagiaires ou celles qui sont déjà formées pourront trouver  l'occasion d'exercer leur profession ou d'y acquérir leur expérience."

Le plan d'éducation était celui-ci: les élèves de première année, c'est-à-dire " les stagiaires" étaient admis à 18 ans et payaient annuellement 15 Livres pendant deux ans; elles se formaient au Middlesex ou au Westminster Hospital. Après deux années de la sorte, elles devenaient "nurse" et bénéficiaient alors d'une petite rémunération. Dès 1856, la  St-John's House se chargea de tout le nursing du King's College Hospital et en 1855, elle y installa une école laïque. Lors de la guerre de Crimée, ce fut la première Association qui offrit ses services à Florence Nigtingale et dès 1854, six de ses membres rejoignirent  Florence!

La Source en Suisse rayonnera dans toute l'Europe

Enfin, notons pour terminer, la fondation de l'institution  "La Source" qui précéda d’un an celle de Florence Nightingale. Cette école d'infirmières avait été créée à Lausanne par la comtesse Agénor de Gasparin, née Valérie  Boissier (1813- 1894) et qui était une femme remarquable. Cette école avait été fondée selon deux principes: la liberté personnelle de chacun est d'une importance primordiale et les infirmières doivent être rémunérées et non liées par des "Voeux". Elle dénomma cette école: l'Ecole Normale Evangélique de Gardes-malades Indépendantes. Madame de Gasparin avait appelé cette école normale, parce qu'elle estimait que la seule piété ne suffisait pas et que les étudiantes devaient recevoir une formation systématique et complète de la part des médecins. Elle ajouta le terme évangélique parce que rien ne pouvait mieux inculquer l'amour du prochain que l'Evangile; et enfin indépendante parce qu'à son avis, cet adjectif résumait pour elle l'idéal qui l'avait inspirée dans la fondation de l'école. Madame de Gasparin assura la pérennité de son oeuvre en dotant son institution et en achetant la maison dans laquelle l'école avait prospéré pendant déjà vingt ans. L'institution rayonna dans de nombreux pays européens et des "Sourciennes" travaillèrent à Alger, au Caire, à Constantinople, en Syrie et à Java.

Florence Nightingale (1820-1910) 


Portrait de Florence Nightingale

Cette femme véritablement exceptionnelle fut la grande théoricienne de l'art infirmier. Certes, on l'a vu plus haut, elle ne fut pas la seule pionnière de l'art infirmier mais ce fut essentiellement  grâce à son courage et  à sa volonté extraordinaire que l'opinion publique et les autorités furent  convaincues de la nécessité de disposer pour les soins aux malades de nurses non seulement dévouées mais aussi diplômées! Transmettre cette idée ne fut pas fait en quelques mois mais nécessita  toute une longue vie de labeur incessant ! En relisant sa biographie, on ne peut être que surpris par l'immense travail qu'elle accomplit  sans jamais se décourager et cela malgré les  grandes difficultés et critiques auxquelles elle dut constamment faire face! Enfin il faut aussi souligner le grand travail scientifique qu'elle réalisa: Florence Nightingale fut  la première personne  à réaliser et à employer les statistiques dans tout ce qui touche l'immense domaine de la santé publique.

Chapitre 2: les pionniers belges de l'art infirmier

Le Chanoine Triest, un véritable précurseur dans l'art infirmier en Belgique (2)


Le chanoine Pierre-Joseph Triest (du livre "Ni rime ni raison" du musée Dr Guislain)

La Belgique avait subi la tourmente révolutionnaire de 1789 et tous les établissements de bienfaisance avaient été anéantis. Joseph Triest, vicaire à Malines de distingua d'abord en aidant ses paroissiens durant l'épidémie de typhus de 1795. Lui-même contracta la maladie. Prêtre réfractaire, il dut se cacher pour exercer son ministère. Avec Bonaparte, la paix religieuse revint le 8 avril 1802, date où le Concordat entre le Pape Pie VII et Napoléon est proclamé. Le samedi 15 mai 1802 fut pour Triest un jour de fête car l'on célébra la réouverture des églises dans sa nouvelle paroisse de Renaix. Bientôt, Triest va se démener pour créer de multiples oeuvres sociales. Son action prendra une telle ampleur qu'il sera  nommé "le Saint-Vincent-de-Paul de Belgique". Son esprit charitable et novateur contribua à la lutte contre les maux sociaux de l'époque. Il devint notamment membre du comité "Extirpation de la Mendicité et du vagabondage". La révolution ayant amené l'organisation officielle de la bienfaisance, le chanoine fut aussi  nommé membre de l'Administration des Hospices civils de la ville de Gand. Le 4 novembre 1803, avec l'aide d'une dame fortunée, Mademoiselle Limmander, il créa dans cette ville une communauté de religieuses qui fut appelée Soeurs de la Charité de Jésus et de Marie et qui, en 1805, s'installa dans l'abbaye cistercienne inoccupée "Ter Haegen" pour y soigner des malades inguérissables. La même année, Triest est appelé pour des fonctions civiles et religieuses à Gand. En 1807, il est nommé directeur de l'hôpital civil "la Biloque" situé dans une ancienne abbaye gantoise puis  directeur des petits hospices ainsi que du bureau pour enfants trouvés et abandonnés. A "la Biloque", des personnes âgées étaient aussi hébergées et soignées par un  vieux frère franciscain, Théo Calluwaert, aidé de temps à autre par le curé Férin. Ces deux hommes se dévouaient tant bien que mal mais ils ne suffisaient pas à la tâche! Triest trouva leur situation déplorable et c'est ainsi que mûrit l'idée d'engager des jeunes gens pour les aider, ce qui rendrait aussi les conditions de vie des vieillards bien meilleures. Le 28 décembre 1807, cinq jeunes hommes furent recrutés et Triest les appela "Frères hospitaliers de Saint-Vincent". Au cours de l'année 1808, leur nombre passa à 13, ce qui permit à Triest d'étendre sa mission aux aliénés mentaux qui étaient hospitalisés au cloître des Alexiens...Cette tâche était cependant trop lourde pour des jeunes sans formation: quatre abandonnèrent leur service et deux autres retournèrent à "la Biloque". Quand l’un de ceux-ci décéda peu après, ce fut le découragement total car il ne restait plus que deux frères... Fin juillet 1809, la situation sembla s'améliorer avec l'engagement de Joseph Truyens...Mais ce dernier, en août 1810, disparut avec la caisse. Entre-temps, Triest avait fait approuver les Règles du nouvel ordre "les Frères de Saint-Vincent" (Les Frères de Saint-Vincent adoptèrent par après le nom de Frères de Charité). Triest recommença une troisième fois avec un homme déjà  âgé de 61 ans et nommé Simon-Jan De Noter. Ce nouveau frère prit l'habit le 21 novembre 1810 et devint le premier supérieur de l'ordre sous le nom de Frère Bernard. Bientôt cinq jeunes hommes commencèrent leur noviciat.  La volonté de Triest avait fini par triompher. En 1808, avec les Soeurs de la Charité, dans l'Orphelinat des femmes ou Maison d'Aliénées à Gand, Triest avait débuté les soins aux aliénées mentales. Le 30 septembre 1815, il envoya également quatre frères  au Château de Gérard le Diable pour y soigner les malades mentaux masculins qui y étaient enfermés. La confrontation avec ces aliénés fut très difficile car ceux-ci étaient enchaînés dans des cages et couchaient sur la paille. Lors de leur libération, ils semblaient par conséquent sauvages et non sans danger pour les soignants. Le Frère Léonard rappela plus tard, dans ses notes, la situation des malades au Château le Diable à Gand quand il commença son apostolat: "Ces malheureux y étaient enfermés dans des cachots souterrains. L'air frais et la lumière y faisaient complètement défaut et habituellement il y avait une malpropreté répugnante. La nourriture leur était donnée par un trou dans le mur ou bien on remplissait un récipient en acier qui était attaché à une chaîne. Au lieu d'une fourchette et d'une cuillère, les pauvres bougres mangeaient avec les doigts. Ils portaient une longue chemise de nuit. Ils dormaient sur la paille et ils n'avaient ni chaise, ni table, ni toilette ou pot de nuit  Chaque jour ces étables pour hommes étaient un peu nettoyées et mises en ordre. On ajoutait un peu de paille et le pauvre malade devait se débrouiller jusqu'au lendemain". 

Il faut rappeler ici la triste condition des aliénés entre 1600 et 1800, époque de "grand enfermement". Les aliénés avaient un strict  régime cellulaire et la plupart étaient  enchaînés. A propos des cellules de la Salpêtrière, Desportes écrivait: "Elles constituaient souvent un danger de mort car l'hiver, quand l'eau de la Seine avait monté, ces cellules qui étaient presque à hauteur des caniveaux étaient non seulement très malsaines mais étaient surtout un refuge pour de grands rats qui s'attaquaient pendant la nuit aux personnes emprisonnées pour les ronger partout. On y a trouvé des femmes aliénées couvertes aux mains, aux pieds et au visage de morsures souvent mortelles". L'aliéné à cette époque était considéré non comme un malade, mais plutôt comme un être chez qui l'aspect animal avait repris le dessus et qu'il convenait de maîtriser par le dressage. En France, ce fut le Dr Pinel (1746-1826) qui, le 24 mai 1795, osa le premier libérer les déments de leurs chaînes. Grâce à ses oeuvres écrites, il devint le réformateur de la psychiatrie. En Belgique, ce fut le Chanoine Triest aidé du médecin qu'il avait engagé pour être médecin-directeur, le Dr Guislain (1797- 1860) qui diffusa les idées de Pinel


En 1829, le Dr Guislain et le Chanoine Triest rédigèrent un règlement moderne pour les soins aux malades mentaux. Ce règlement fut suivi dans tout le pays. C'était une série de mesures prévoyant hygiène, logement sain, limitation des contraintes à un minimum absolu, remplacement des surveillants brutaux par du personnel soignant formé, occupations utiles et respect du secret médical. Par ailleurs, le docteur Guislain publia en 1833 un traité de psychiatrie qui trouva un écho à l'étranger et fut traduit en plusieurs langues.

Outre les soins aux aliénés, le Chanoine Triest développa aussi les soins à domicile. Il fut un véritable pionnier en créant en 1825 l’Ordre des Frères de Saint-Jean-de-Dieu destiné à  cette tâche spécifique. Pour ne pas attirer l'attention, ces Frères portaient une tenue civile faite d'un manteau noir et d'une veste et pantalon de même étoffe.  En 1820, il fonda à Terhaegen une Ecole pour Sourdes-muettes qui deviendra Institut royal sous le règne de Guillaume 1er. En 1835, il créa un quatrième ordre appelé "Les soeurs de l’Enfance de Jésus" pour s'occuper des enfants trouvés.  Nous lui devons aussi la fondation des écoles de dentellières, la reconnaissance des béguines par l'Etat, l'administration du Mont de Piété de Gand. A sa mort, un mausolée fut élevé en sa mémoire en l'Eglise Sainte Gudule à Bruxelles.

Les frères de Charité connurent un développement extraordinaire dans les soins aux aliénés. Après 1860, toute une série d'instituts psychiatriques furent érigés et gérés par eux. Saint-Trond (1866), Zelzate (1871), Waterford-Irlande (1833), Tournai (1884), Montréal (1884), Mortsel (1894); Dave (1901), Venray-Pays-Bas (1906), Bruges (1910), Noordwijkerhout-Pays-Bas (1922), Beernem pour remplacer Bruges (1930), Bierbeek (1932), MAnage (1938), Eikenburg -Pays-Bas (1949), Ndera-Rwanda (1970), Kamenge-Burundi (1985) et Leuven (1986)

Les Petites Soeurs des Pauvres (3)

Les Petites Soeurs des Pauvres furent certainement des pionnières dans les soins aux personnes âgées. Leur congrégation avait été fondée par la Bretonne Jeanne Jugan née le 25 octobre 1792 dans une famille de pêcheurs cancalais. Pauvre elle-même, un soir d'hiver 1839, elle accueillit une vieille femme aveugle et à demi paralysée et lui donna son propre lit. Très vite, d'autres personnes âgées pauvres, délaissées, malades, suivront... Jeanne se fit alors aider par de jeunes compagnes. Son oeuvre répondit à un véritable besoin puisque à sa mort en 1879, la congrégation travaillait dans 177 maisons réparties sur dix pays. En Belgique, les Soeurs arrivèrent à Bruxelles le 1er avril 1854 (l'anniversaire des 150 ans de leur présence  à Bruxelles fut célébré le 24 avril 2004 en la cathédrale Saints Michel et Gudule) et s'installèrent aussitôt à la rue Rollebeek dans une ancienne caserne mise à leur disposition par le bourgmestre de Brouckère. Des demandes d'hébergement affluèrent et bientôt, après bien des péripéties, un nouveau bâtiment fut acquis qui permit l'accueil de 80 vieillards. L'inauguration de ce que l'on appelait alors "l'asile de vieillards" eut lieu en juillet 1856 en présence de membres de la Famille Royale. Les Soeurs existent toujours à Bruxelles où elles s'occupent d'un home comportant des chambres individuelles pour 96 personnes âgées aux revenus modestes.

En 1874, les Petites Soeurs des Pauvres s'installèrent aussi  à Montignies-sur-Sambre. Elles furent grandement aidées par l'administrateur des Forges de la Providence,  Xavier Dumont (1802-1893) qui fut aussi le bourgmestre de Dampremy. Octave Daumont qui fut leur aumônier au début des années 20  nous laissa un témoignage fort complet sur le quotidien des Soeurs  et de leurs chers  vieillards. En vous recopiant  ici quelques extraits du livre d'Octave Daumont, mon but est de vous faire entrevoir ce que pouvait être la vie dans l'Asile Saint-Joseph de Montignies tout en rendant hommage à ces femmes extraordinaires qui manifestèrent tant de courage et d'abnégation.
 

 Voici d'abord le réfectoire de l'Asile:

Nous avons passé à l'aile droite: le département des hommes. Ils se trouvaient à cette heure là dans leur réfectoire. Ils prenaient leur café de dix heures. A peine une parole par-ci par- là, et l'on n'entendait, dans ce va-et -vient de ces 90 vieillards, que le traînement de leurs souliers sur le plancher. Ils s'arrêtaient au passage de la Bonne-Mère avec un visible respect, ôtant leur casquette et disant parfois un timide bonjour. (...). Nous avons monté l'escalier qui mène aux infirmeries. "Voici, me dit la Bonne-Mère en me faisant place dans le local, voici l'ambulance de la mort. Quand nos vieillards n'en peuvent plus, en bas, de vieillesse ou d'infirmités, ils viennent ici pour en finir, comme ils le disent. Ils traînent quelques jours, parfois quelques semaines, et pendant ce temps on les soigne avec plus de minutie, comme l'exige leur état. La mort ne les effraie pas".

 Ils étaient là une trentaine, des gâteux pour la plupart, des paralysés rivés à leur éternel fauteuil, quelques aveugles, d'autres la tête un peu perdue et vivant dans leur rêve où ils s'étaient fixés; d'autres, le corps rongé de plaies où lentement se mettaient la gangrène, tout le cortège enfin des misères de ce pauvre corps humain. A les regarder ainsi, à côté l'un de l'autre, ces condamnés à mort, on éprouvait une tendre pitié. Et la Bonne-Mère, qui en avait l'habitude, cela se voyait, se penchait amoureusement vers les plus tristes pour les faire sourire ou... pleurer. 

Chez les femmes, à l'autre aile, c'était un babillage! quand nous sommes rentrés. La Bonne-Mère leur a dit comme aux hommes que c'était peut-être pour elles, ce Monsieur Curé-ci. Alors ç'a été des  oh!  partis d'un peu partout. Et il y en avait qui déjà amenaient leur petit compliment...

Monsieur l'aumônier est confronté  avec la mort de Jean-Baptiste

Je me souviens que l'un de des premiers jours j'eus à soigner mon premier moribond. Un brave homme, ce vieux-là. Il s'appelait Jean-Baptiste, et l'on me dit que depuis quelques temps déjà, il était à surveiller pour une bronchite compliquée d'une maladie de coeur. Il avait prétendu attendre que "le nouveau curé" fût arrivé pour remplir ses devoirs religieux. Il me faut croire que les premiers mots que je lui avais adressés en passant avaient fait leur impression, puisque, le retrouvant au lit cette fois, il me dit:

- Avec vous, ça ne me fait rien d'arranger mes affaires. J'ai tout de suite vu que nous pourrions nous entendre

Ce bonhomme de Jean-Baptiste avait une peur bleue de mourir. Il me demandait sans cesse, à chacune de mes visites:

- Vous pensez, Monsieur l'Aumônier, que ça ira pour mourir, et que je ne souffrirai pas trop?

Je n'en avais pas plus l'expérience que lui, mais je fis comme si j'avais déjà passé par-là:

- Comment donc, si ça ira, mon brave Jean-Baptiste, ce n'est pas si difficile, voyons. Quand on a bien fait ses devoirs comme il le faut, on a le bon Dieu avec soi, et on meurt comme si on dormait. Voilà tout.

Peu après, comme la fièvre montait toujours, je lui administrai les derniers sacrements. Quand j'eus fini, je lui dis encore quelques mots de courage:

- Vous êtes content à présent, Jean-Baptiste?

- Pour sûr, que je suis content.

Et comme il s'agitait, paraissant chercher quelque chose:

- Jean-Baptiste, vous désirez quoi? mon ami...

- Rien...C'est mon porte-monnaie qui est là, sous mon oreiller. Voulez-vous me le donner?

- Volontiers, mon cher.

Je l'ouvris par curiosité. Il n'enfermait que quelques pauvres sous. il le serra dans sa main, et me regardant avec du bonheur dans ses yeux, il me demanda:

- Est-ce que je puis mourir maintenant?

- Mais oui, sûrement, Jean-Baptiste. Vous irez au ciel n'est ce pas; cela ne fait pas de doute.

Il ferma les yeux. Alors seulement je compris à le voir faire ainsi, que, dans sa simplicité d'enfant, il m'avait demandé comme une permission de mourir. Il m'attribuait sans doute le pouvoir de le congédier de ce monde à mon gré. Le plus curieux de l'histoire, c'est qu'une heure après, quand la Petite soeur revint pour le veiller, elle le trouva les yeux fermés pour du bon. Il m'avait obéi! Il s'était endormi longuement dans la mort!     

Près de chaque vieux qui agonise, il y a une Petite Sœur.

Il y a chaque jour, dans ces grands dortoirs blancs où les fenêtres laissent passer à flots les rayons d'une lumière qui chante, il y a là toujours quelque pauvre vieux qui agonise et tout près de lui, à son chevet, une Petite Soeur qui travaille et qui prie. Quand c'est une Petite Soeur jeune encore- et elles l'ont toutes connue cette belle jeunesse- qui veille ainsi le jour, la nuit, on se prend à réfléchir et l'on se dit: tout de même, être dans toute l'efflorescence de la vie, et l'effeuiller, pétale par pétale, sur des visages de mourants dont les tempes se creusent, dont les yeux brûlent de fièvre, dont les lèvres n'articulent que des gémissements et des soupirs.. Et puis quand celui-là sera parti, se rasseoir au chevet d'un autre sans pouvoir reprendre haleine un instant! N'avoir dans le fond des yeux que ce spectacle pénible de la mort, et toujours la Mort qui rode sans s'éloigner jamais, qui sort peut-être un instant parfois, mais pour rentrer plus impitoyable et plus douloureuse, mon Dieu, que c'est donc triste d'enfermer ainsi ses années les plus belles, et les autres, dans cette maison de la mort! Il faut avoir l'âme trempée de vie surnaturelle pour sourire quand même, comme elles le font toutes, et garder sa belle et douce sérénité d'un coeur d'enfant!

L'horaire des vieillards.

Ils se lèvent réglementairement à cinq heures; ils ont une heure pour faire leur toilette. A six heures, ils assistent au Saint Sacrifice de la Messe, après quoi, ils chantent un cantique. Suivent alors les prières du matin. Vers sept heures, tandis que les Petites Soeurs se rendent à leur petit déjeuner, les vieillards se préparent au leur: ils prennent une goutte de bonne eau-de-vie additionnée d'eau de source. C'est dans leur régime; ils y tiennent. Un grand bienfaiteur de l'Asile pourvoit à cette provision d'un bout à l'autre de l'année. Sur quoi les hommes allument une pipe, les femmes ramagent entre elles. A sept heures et demie, leur petit déjeuner est servi. Ce premier repas terminé, ils s'en vont -les valides du moins- à leur emploi. Ceux qui autrefois ont exercé un métier, une spécialité, peuvent s'y adonner encore dans la mesure de leurs forces. Il y a des tailleurs, des charpentiers, des fermiers, des jardiniers, des fendeurs de bois; il y en a qui vont à la buanderie, d'autres au ménage des dortoirs. Il y en a qui balaient une salle ou un corridor. Il y en a qui soignent deux ou trois pots de fleurs, et cela leur donne l'illusion de n'être pas encore tout à fait inutiles. Ceux qui n'en peuvent plus d'années et d'infirmités, ceux-là somnolent dans leur fauteuil. Sur le coup de dix heures, on les appelle au café. C'est, si vous le voulez, leur second déjeuner. Vers midi et demi le dîner. Après le dîner, ils se promènent ou font leur méridienne. A deux heures, les vêpres des Petites Soeurs terminées, on récite le chapelet en commun dans les salles. A trois heures le café. A quatre heures et demie, les prières du soir. (Les jours où le salut se chante à la chapelle, la cloche sonne à quatre heures). A cinq heures, souper et coucher. Et le lendemain, ça recommence..

La nuit: les Soeurs continuent à veiller

Dans le noir des galeries vitrées, une petite lumière à certains moments traverse, s'enfonce derrière les murs, puis reparaît pour disparaître encore plus loin. Cette petite lumière qui marche ainsi, ce sont les Petites Soeurs "Veilleuses".Elles s'arrachent à leur sommeil pour aller voir les malades, les faire boire, les couvrir, les consoler un peu. Quand on craint une agonie, elles demeurent, elles se relaient, elles prient là tout près pour qu'il ne parte pas tout seul ainsi, ce pauvre vieillard, sans un mot d'adieu, sans une pensée pour le ciel. Ces Petites Soeurs qui ont veillé leur moitié de nuit après des journées tuantes de fatigues, je les revois le lendemain, à leur besogne accoutumée, et avec la même belle humeur.

Les vieillards ont une permission tous les quinze jours

Au départ, la Bonne-Mère est là qui les passe en revue. Car il y en a qui sont venus pour faire comme les autres et qui ne peuvent absolument pas sortir; ils se perdraient. Ceux qui sans motif, rentrent tard de leur promenade, après les quatre heures de l'après-midi, ou ceux qui nous reviennent avec un "pompon" sont consignés. Ils en ont peur, de la consigne, nos vieillards! C'est une sorte de mise aux arrêts, si vous voulez, prononcé par la Bonne-Mère, très doucement mais très fermement aussi, je vous en réponds, pas le même jour, oh! non, mais quelque temps après le délit, pour que le bon vieux s'y prépare, accepte de bonne grâce son jugement. C'est une mesure très sage et qui réussit la plupart du temps. C'est vous dire que cette mesure d'ordre, cette sanction, peut aussi parfois ne pas réussir. Il y en a qui, consignés pour un mois, deux mois ou davantage, disent tout carrément: "ça non. Je préfère m'en aller".

La Bonne-Mère: une femme extraordinaire

-Vraiment, c'est elle, la Bonne-Mère?...me disait un jour quelqu'un avec qui je l'avais rencontrée.

- Mais oui!

- Je l'aurais prise pour une Petite Soeur tout ordinaire.

Et je répondis: "C'est tout comme mon cher. Elle n'est pas plus. Elle dirige, voilà tout. Ici, dans cette république chrétienne, c'est un emploi à côté des autres, peut-être un peu plus difficile et pour lequel il faut, je l'avoue, certaines aptitudes spéciales. Mais la Bonne-Mère, on ne la distingue pas d'entre elles toutes, si ce n'est peut-être par une perfection plus achevée. A supposer qu'on la déchargeât soudain de son emploi et qu'on lui dit: Vous rentrer dans le rang des simples Petites Soeurs (et on lui dira un jour, soyez-en sûr), il n'y aurait pas un étonnement dans son esprit, ni un pli sur son front, ni un regret, ni une déception, rien... Pas plus qu'il n'y a eu de tout cela quand on lui a dit un jour: "Vous êtes la Bonne-Mère de l'Asile. Elle changerait de tablier et mettrait des sabots; et ce serait fait!"

Les Petites Soeurs des Pauvres  mendient

Dès le matin, tandis que les deux Petites Soeurs qui vont quêter "en nature" disposent leurs paniers et leurs sacs sur la voiture qui les emmènera dans les itinéraires de ce jour-là, deux autres Petites Soeurs se préparent à quêter "en argent". Chose touchante! Elles commencent par aller mendier des prières de leurs bons vieillards afin que la journée soit fructueuse "pour eux".

La Petite Soeur Patrice

Elle était née, tout dans le Nord, là-bas en Ecosse (...). (...).Elle paraissait jeune, jeune comme un enfant. (...). Un jour, elle prit froid en route; elle eut un commencement de pleurésie. Je la vis se promener par les avenues des jardins, au chaud soleil de l'été. Et cela passa... Une année plus tard un nouveau froid la saisit dans une de ses courses où, par tous les temps, elle s'en allait mendier de porte en porte le pain de ses propres vieux. Cette fois-ci cela traîna davantage. Elle toussait. La rencontrant un jour, au hasard de mon ministère, elle me dit: " Nous sommes des mourants, Monsieur, vous l'avez dit un jour. C'était si vrai... Je l'ai pris pour moi."

Un temps vint où elle toussa plus fort. Cela ne voulait pas finir. On la déchargea de son emploi et elle eut pour obéissance de ne plus rien faire avant que ce vilain rhume fût fini. Il finit par une tuberculose précipitée, en dépit des soins dont on l'entourait.

 (..).

Nous dîmes une prière ensemble, et je lui fis mon adieu: "C'est peut-être la dernière fois que je vous vois sur cette terre, ma bonne Petite Soeur." elle me répondit:

-Je vous verrai encore demain matin...

Je l'ai revue le matin, après avoir célébré le saint Sacrifice pour son âme. Elle, ne m'a plus revu. Ses yeux étaient clos. Les mains jointes comme dans une suprême prière, elle dormait, cette fois, et pour toujours... Toute blanche, avec son visage de 15 ans, les paupières baissées sur le grand mystère qu'elle avait tant désiré voir, elle était partie sans rien dire, dans la nuit, comme pour ne déranger personne... une Petite Soeur, qui la contemplait avec moi me dit en souriant: "Elle a vu le bon Dieu"

Il y a des vieillards qui ne sont pas à prendre avec des pincettes

Hé! bien, c'est pour ceux-là "qui ne sont pas à prendre avec des pincettes" que les Petites Sœurs se sentent le plus d'affection. Pour eux, les douceurs. Ils sont les enfants gâtés de la maison, les "benjamins", ceux à qui l'on passe tout, de qui l'on supporte tout, pour qui l'on fera l'impossible. Vous avez beau faire, ils sont toujours sales, dégoûtants. On les lave, on les peigne, on les bichonne, on les habille, on leur dit: voilà mon brave X...ou mon brave Y..., vous êtes beau comme un ange à présent! Et dix minutes après, ce cher X..., ou ce cher Y... a déjà la figure barbouillée on ne sait comment; il a bavé à son habitude; il a parfois commencé à déchirer ses vêtements.. Quelques heures plus tard on n'y voit plus la place. Ils sont redevenus ce qu'ils étaient ce matin, ce qu'ils seront demain, oui: "pas à prendre avec des pincettes"

Le change des Vêtements.

C'est la Petite Soeur Clémence qui est chargée de cet emploi, pour les hommes; et la Petite Soeur Adèle, de l'autre côté pour les femmes. Chaque semaine, la matinée du vendredi, la Petite Soeur Adèle passe par les dortoirs avec ses grands paniers à linge, et, sur chaque lit, elle pose une chemise bien propre, une paire de chaussettes et l'hiver une flanelle selon les exigences.

Le cloître

Les vieillards reposent depuis longtemps: les Petites Soeurs, elles, veillent toujours. C'est comme une seconde vie, toute nouvelle, qu'elles commencent ainsi dans un cloître fermé, à l'ombre de l'Asile. Et quand la nuit s'est faite profonde. alors c'est, là-haut, le timbre argenté de la petite cloche qui sonne le grand sommeil sur leurs fatigues... 

La conclusion de l'aumônier Octave Daumont

Mon dieu, quand je serai parvenu au soir de ma vie et que l'heure sera là de faire à mon tour, le compte de mes années, il me semble que mon âme aura marché à travers tant de contradictions, ici-bas. En regardant la terre, j'aurai vu bien des choses affreuses en ce monde. J'aurai vu sourire au grand jour les vilenies du vice; j'aurai vu les égoïsmes si bas des coeurs qui ne songent qu'à jouir; j'aurai vu l'injustice, le mensonge, s'ériger en maîtres de cette terre... Et j'aurai vu, hélas, toute cette boue éclabousser les meilleurs.

Mais en levant les yeux vers les clartés que vous faites luire aux horizons de notre vie, O mon dieu, j'aurai pu contempler des beautés surhumaines: des âmes qui ont choisi pour partage la souffrance cachée, des âmes qui se parent chaque jour d'immolations silencieuses, des âmes qui s'oublient et s'effacent, et dont la rude existence ne fut que le bonheur des pauvres, jusqu'à leur dernier soupir.(...). Et dans ce petit coin de ciel où j'ai rempli ma tâche, j'aurai compris quelque chose au moins du mystère de votre amour. Alors, oh! alors, ne serait-ce pas ce simple mot qui montera à mes lèvres, en ce dernier soir de ma vie, ce mot d'une pauvre Petite Soeur des Pauvres, morte en pleine jeunesse, sans regret:" j'ai connu autour de moi tout ce qu'il y a de plus beau dans la vertu, et tout ce qu'il y a de meilleur à l'âme. Je vous assure que j'ai eu une bonne part dans la vie..."

Le Dr De Paepe 

En 188O, le Docteur César De Paepe proposa la création d'une école d'Infirmiers et Infirmières Laïques mais il fallut attendre 1887 pour en voir la réalisation  grâce surtout  au Docteur Docquier et à son épouse qui organisèrent  des cours hebdomadaires. Voici à  ce propos ce qu'écrivit  le biographe du Dr De Paepe, Louis Bertrand :

Les indigents qui avaient à se faire soigner dans les hôpitaux avaient eu à se plaindre de l'attitude des religieuses chargées de soigner les malades dans les hôpitaux. On cita de nombreux actes de pression, d'intolérance de ce genre, et les libres penseurs protestèrent contre la présence des religieuses, à titre d'infirmière, dans les hôpitaux. Les libres penseurs riches avaient à se plaindre aussi de la non-existence d'infirmiers et d'infirmières laïques. En cas de maladie grave, exigeant des soins constants et sérieux, ils étaient obligés d'avoir recours, eux aussi, à des religieuses s'occupant de soigner les malades. Mais on reconnut bientôt qu'il ne suffisait pas de protester contre la présence de ces religieuses dans les hôpitaux et hospices. Et, une fois de plus, on dû se rappeler ces paroles si justes: "On ne supprime bien que ce que l'on remplace." Pour supprimer les religieuses dans les hôpitaux, il fallait pouvoir les remplacer par des infirmières capables et dévouées. De Paepe proposa alors, à la "Libre Pensée de Bruxelles", l'organisation d'un "Cours pour infirmiers et infirmières laïques". Cette proposition fut agréée et de Paepe fut chargé de ce cours. Sa première leçon eut lieu le 5 mars 1887. C'est M. et Mme Docquier, ainsi que le Dr. Hoebeke, qui en furent ultérieurement chargés. (Louis Bertrand, César De Paepe, sa vie, son oeuvre, Edition L'Eglantine société coopérative, Bruxelles, 1909)

En 1906, le fort Jaco commença un cours pour infirmières organisé par la Société Belge de Neurologie et de Médecine Mentale, conférant un diplôme d'infirmières spécialisées dans les soins aux malades mentaux.

Constance Teichmann et l’Ecole du Stuyvenberg d'Anvers

A Anvers, il semble que la formation professionnelle des infirmières ait été entreprise plus tôt que dans la capitale. Dès 1902, l'Ecole du Stuyvenberg exigeait trois années d'études et l'internat pour l'obtention d'un diplôme d'infirmière. Il est probable que l'exemple de Constance Teichmann ne fut pas pour rien dans la création précoce de cette école à une époque où la profession d'infirmière était si peu admise par la "Société".  Constance Teichmann naquit à Anvers le 16 juin 1824. Jeune fille appartenant à un milieu bourgeois, cultivée, très artiste, dès son jeune âge, elle se sentit attirée vers l'humanité souffrante. A 22 ans, elle fonda un hôpital d'enfants: l'hôpital Louise-Marie dans lequel, de 1846 à 1896, elle se dévoua. Lors d'une épidémie de choléra qui dévasta Anvers (1859-1860) et plus tard pendant la guerre de 1870, elle se consacra  aux malades et aux blessés avec un courage héroïque. L'ouverture de l'hôpital du Stuyvenberg eut lieu le 2 janvier 1885. L'idée d'ériger une école d'infirmières à Anvers prit une forme concrète en 1901 lorsque les chefs de service de la Direction des Hospices Civils arrêtèrent les dispositions suivantes:

Un cours public, gratuit, pour infirmiers, infirmières sera donné en néerlandais dans un local du Stuyvenberg. Il sera donné par le docteur Sano et par deux chirurgiens. Les cours seront donnés le mardi et le jeudi à 8 h 00 du soir.

Les conditions d'admissions étaient fixées:

  1. certificat de bonnes vie et moeurs
  2. Age minimum de 18 ans et maximum de 35 ans
  3. Savoir lire et écrire et avoir suivi l'école primaire

Le diplôme conféré était un diplôme de capacité.

La nouvelle école donna des résultats tels qu'en 1907, les élèves furent désignées pour desservir le nouvel hôpital des contagieux (Adolphe Stappaerts) ainsi que l'asile pour aliénés qui était dirigé par le Docteur Sano. Il est certain que les résultats obtenus par l' Ecole d'Infirmières du Stuyvenberg durent influencer la Commission Médicale de la Province d'Anvers qui exigea pour toutes les infirmières engagées au Stuyvenberg le diplôme de capacité créé par l'arrêté royal de 1908. En même temps, le Docteur Sano instituait un cours pour infirmiers et infirmières au service des aliénés. En 1912, la Commission des Hospices réalisant l'importance d'une formation plus complète, crée une école avec internat et confia certains services au personnel laïque. Dès lors, un règlement stipula les attributions respectives des religieuses et infirmières et bientôt la Commission des Hospices exigea que les religieuses s'occupant de nursing soient aussi porteuses du diplôme de capacité. Après l'Armistice de 1918, l'école ne cessa de se développer et se conforma aux prescriptions de l'arrêté royal de 1921.  

Chapitre 3: L'histoire de l'Ecole d’Infirmières Saint-Camille

La clinique des  "Deux Alice"  (4)


Les " deux Alice "

A Uccle, au-dessus des ruines de l'ancien couvent détruit à la révolution française, s'élevait la résidence d'été d'Adrien-Benoît Bruneau. Monsieur et madame Bruneau habitaient  l'hiver au numéro 29 de la rue Belliard et plus tard au numéro 68 de la rue de la Loi. Monsieur Bruneau était un homme extrêmement riche qui avait investi une importante partie de sa fortune dans la création de lignes de chemins de fer, notamment celles de Tournai à Jurbise, de Landen à Hasselt, de Bruxelles à Lille et Calais, d'Alost à Termonde. Il présidait aussi aux destinées de plusieurs charbonnages dans le Hainaut. En août 54, leur fille unique, Alice Bruneau, s'était mariée  avec Hubert Dolez, jeune homme issu d'une très vieille famille montoise. Le jeune couple vivait chez les parents d'Alice et bientôt leur foyer égayé par une petite fille du nom d'Alice Dolez. Le bonheur fut hélas de très courte durée puisque au  printemps 1860 la maman se mit à tousser et le médecin diagnostiqua la terrible phtisie (tuberculose) galopante. Le 11 juillet 1860, la jeune maman s'éteignit au château de Boetendael-sous-Uccle, âgée seulement de 25 ans. La petite Alice Dolez n'avait pas encore 5 ans quand elle perdit sa mère. Son père étant un homme fort occupé: d'abord Bourgmestre d'Uccle de 1861 à 1864, puis diplomate à l'étranger, ce furent les grands-parents Bruneau qui l’élevèrent. A l'âge de 17 ans, elle se fiança avec Adolphe De Craecker, fils du consul général de Belgique à Hambourg. Malheureusement, les fêtes de fiançailles furent sans lendemain car son fiancé meurt en 1873 d'une pleurésie. Un an après, Alice affaiblie moralement, devint à son tour malade des poumons et frappée par une "pneumonie typhoïde", elle décède le 30 juillet 1874. Pour Monsieur et Madame Bruneau, malgré leur chagrin et leur âge (respectivement de 69 et 66 ans) vont cependant  continuer leurs efforts afin de  réaliser le projet qu'ils avaient conçu  quelques années auparavant, celui de la  création d'un hôpital à Uccle. Tout naturellement, cet établissement sera baptisé  "Deux Alice" pour garder le souvenir de leur fille et petite-fille. Adrien Bruneau s'inspirera d'un hôpital de campagne installé en 1870, lors de la guerre franco-allemande, à la plaine des manoeuvres de la garde civique (aujourd'hui le plateau du Cinquantenaire) où de nombreux blessés français étaient soignés après les désastres de Sedan et de Metz. En 1874, Monsieur Bruneau se fit inviter au conseil communal d'Uccle pour annoncer officiellement que  "guidé par des sentiments de charité et par le désir de consacrer par des oeuvres de bienfaisance le souvenir de notre fille unique et de notre petite-fille, toutes les deux enlevées prématurément à notre amour", il a l'intention de construire immédiatement et à ses frais exclusifs un hôpital de 40 lits, un hospice pour 80 vieillards, douze hommes et douze femmes, et, plus tard, un orphelinat.

Les autorités communales acceptèrent évidemment à l'unanimité ce don inespéré et décidèrent le jour même de cette annonce de faire placer à l'endroit le plus apparent de la nouvelle construction un marbre blanc avec une inscription en lettres d'or pour rappeler le souvenir du bienfaiteur fondateur. La construction sera entreprise dans le courant de l'année 1875. Quatre ans après l'ouverture du chantier, le gros œuvre du bâtiment central et de l'aile gauche est terminée. L'aile droite qui doit devenir un orphelinat est encore à construire. Le 1er mars 1879, Madame Bruneau s'éteint au terme d'une longue et douloureuse maladie. Demeuré seul, Adrien Bruneau poursuit les travaux  et le chantier fait l'objet d'une intense curiosité de la part des promeneurs qui "montent au Groeselberg pour voir ce que certains appelleront un jour le "palais des pauvres". Ce  magnifique établissement avait été conçu avec les derniers perfectionnements de la science comme, par exemple, le "système spécial de ventilation". Autre nouveauté exceptionnelle: l'hôpital ne comportait aucune salle de malades, mais uniquement des chambrettes individuelles - il y en a 40 - fournies en eau courante chaude et froide, chauffées ou rafraîchies selon les besoins et équipées de telle sorte que les soins et l'entretien soient les plus aisés. Deux vitraux qui représentant les bustes de sa fille et de sa petite-fille  réalisés par Léopold Pluys seront  placés dans le pavillon central. 

L'hôpital terminé, Adrien dut faire face à une nouvelle déception: le luxueux hospice demandait cependant un important budget annuel et le conseil communal, devant  l'impossibilité pour Uccle de consacrer  pareilles sommes chaque année, refusa finalement le cadeau!  Devant cette triste situation, Adrien est finalement  obligé en 1885  de vendre son établissement aux Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin.. Le 22 novembre de la même année, c'est l'inauguration de l'établissement en présence du cardinal Goosens et d'un parterre impressionnant de ministres et de personnalités.

Adrien Bruneau décèdera le 11 mai 1894 âgé de 89 ans en son château de Boetendael.

Les Soeurs hospitalières de Saint-Augustin appelées en 1835 par la Reine Louise-Marie pour prendre en charge les hôpitaux militaires belges possèdent donc les "Deux Alice".  Ces  religieuses méritent certainement que l'on s'arrête un peu sur leur histoire!

L'histoire des Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin (4)

Arrivées en 1835 en Belgique, elles provenaient  du couvent  des Augustines-Hospitalières de l'Hôtel-Dieu de Paris. Cet ordre hospitalier était   très ancien car déjà  présent à l'hôpital primitif de l'hôtel-Dieu vers le XIIIè siècle. Ces religieuses étaient gouvernées par une Maîtresse ou Prieure et passaient par trois étapes: elles étaient d'abord filles en approbation; ensuite filles-blanches (lorsqu'elles recevaient la robe blanche) enfin, filles à chaperon (lorsqu'elles recevaient la coiffe).  Le travail des Soeurs était pénible dans les salles où l'habitude était de mettre six malades par lit. Leur programme journalier ne variait quasi jamais: levées à 5 heures du matin, elles se rendent à la chapelle tandis que la prieure fait son inspection; à 6 heures, elles se dispersent dans les salles et commencent à donner les soins; elles servent deux repas par jour, se relaient pour prendre elles-mêmes leur repas, puis achèvent l'après-midi ce qu'elles n'ont pas eu le temps de faire le matin; à 7 heures, elles se retirent au dortoir tandis que les "veilleresses" les remplacent et que la Prieure fait sa ronde à la lumière d'une torche. Outre leurs occupations dans les salles, elles étaient chargées de faire la lessive de l'hôpital. La grande lessive  se déroulait toutes les six semaines dans la Seine par six Soeurs et trois Novices tandis que la petite lessive se déroulait chaque jour et réclamait trois Soeurs et trois Filles Blanches.

En, 1835, le jansénisme avait introduit des dissensions dans la communauté des soeurs de l'hôtel-Dieu. La Mère Sainte-Cécile et plusieurs professes et novices, au contraire de la majorité, voulaient la stricte observance de leurs voeux. Ces religieuses furent heureuses de se porter volontaires pour gérer les hôpitaux militaires de Belqique qui venait d'obtenir  son indépendance. Mère Sainte-Cécile commença son oeuvre à Anvers et  devint ainsi la première  Supérieure d'une nouvelle congrégation...C'est ainsi que des" Soeurs  Augustines-Hospitalières"   devinrent des " Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin"! Par après, les religieuses s'occupèrent de tous les hôpitaux militaires belges.  

Les Soeurs Hospitalières  aménagèrent  à leur façon les "Deux Alice"

L'aile gauche avec ses 40 chambrettes cloisonnées devient la salle Sainte-Alice où sont accueillies "de pauvres personnes âgées et infirmes" tandis que le bâtiment central et l'aile droite qui devait être un orphelinat, sont aménagés en appartements destinés aux personnes aisées et en résidence pour les religieuses actives, le noviciat et  les soeurs âgées que l'on nomme  "anciennes Mères".On va aussi exhumer dans le caveau des Soeurs du cimetière de Saint-Gilles à Liège,  les restes de la Mère fondatrice, Mère Sainte-Cécile, décédée en 1868, pour les inhumer aux Deux Alice, dans un enclos du jardin, sous une modeste croix. Sous divers noms (hospice, sanatorium, oeuvre des Dames Pensionnaires), les Deux Alice vont accueillir  des "dames de la société" ayant besoin d'une cure d'air, des malades convalescentes, des personnes âgées venant finit leur vie dans le cadre enchanteur de cette  propriété champêtre composée de jardins d'agréments, d’immenses potagers et de vastes prairies destinées au bétail!

Durant la guerre 14-18, la plupart des jeunes religieuses, via la Hollande, rejoignirent les hôpitaux du saillant d'Ypres et  les hôpitaux militaires belges créés en France. C'est durant cette période qu’elles découvriront l'impérieuse nécessité d'acquérir une formation professionnelle d'infirmière qu'elle n'avaient pas encore reçue. Les "anciennes Mères" restèrent pour la plupart aux Deux-Alice et, parmi elles se trouvait  Mère Providence qui  fêta  son centenaire  en 1915.  Attardons-nous quelques moments sur le passé de Mère Providence car celui-ci est sans doute très représentatif du genre de vie que menait  une Soeur Hospitalière durant le 19ème siècle.

L'histoire de Jeanne Bastide, alias Mère Providence


Mère Providence naquit à Bruxelles le 15 décembre 1815. Jeanne Bastide fut baptisée à l'église Saint-Jacques-sur-Caudenberg. Les parents la mirent après sa première communion au Pensionnat des "Dames anglaises" à Bruges. Jeanne avait une cousine religieuse dans l'ordre de Saint François d'Assise. "Ce m'était un bonheur, disait-elle, un bonheur d'aller voir ma cousine dans son parloir grillé, où l'on ne pouvait ni s'embrasser, ni même se donner la main. Quelle était mon émotion lorsque j'entendais dans le cloître le bruit de ses sandales qui calquaient sur le pavé! Comme mon coeur s'élançait vers cette enceinte sacrée, où la vie est si pénible à la nature! De cette époque datent, je crois, les premiers symptômes de ma vocation." Jeanne Bastide fut la première postulante belge à entrer chez les Soeurs Hospitalières venues de France.  Elle rentra au noviciat le 25 décembre 1836 et prit le voile le 25 mai 1837. On lui donna le nom de Mère Providence. La nouvelle Mère se dévoua pendant quelque temps au service des blessés de l'hôpital militaire d'Anvers et faillit même perdre la vue en prodiguant des soins à un malade ophtalmique purulent. Peu après, elle fut envoyée à l'hôpital militaire de Liège.  Un jour, on l'envoya à demeure pour soigner à domicile un cas exceptionnel. Mère Providence revint quelque temps dans son couvent   sans avoir rien perdu de sa religiosité ce qui impressionna grandement  les religieuses de sa communauté!  En l'année 1848, elle fit preuve d'un grand dévouement lors de la terrible épidémie de choléra. En 1852, la Supérieure, lui demanda d'aller rejoindre en France la Commune de Saint-Maurice-Charenton qui avait sollicité le secours des  Soeurs Hospitalières pour s'occuper des soins aux malades de l'hospice d'aliénées et de l'hôpital du Canton.  C'est dans ce dernier établissement que Mère Providence allait travailler pendant plus de cinquante années! L'hôpital du Canton disposait d'une  belle salle de 15 malades, de  plusieurs chambres pour les cas particuliers, de deux salles de consultations gratuites destinées aux nécessiteux du dehors. Le docteur Damalix, chirurgien, était le médecin de l'établissement. Ce chirurgien, animé par une grande bienveillance, donnait tous les ans 7.500 consultations gratuites et procédait chaque semaine à une moyenne de six interventions. C'était Mère Providence qui se chargeait des pansements et autres soins. Elle était aidée par un interne et de plusieurs domestiques.  Plusieurs de ceux-ci furent impressionnés par les vertus de la religieuse et guidés par elle, se firent eux-mêmes religieux. L'un d'entre eux devint ainsi un moine trappiste, d'autres entrèrent chez les frères de Saint-Jean-de-Dieu. Il faut particulièrement citer un de ces infirmiers qui devint prêtre dans le clergé séculier et qui avait une nature ardente et fougueuse. Curé dans un petit village, il se souvint toujours de Mère Providence et lui demanda souvent pardon pour ses emportements. La bonne Mère avait une estime particulière pour ce brave garçon devenu prêtre et ne parlait qu'avec émotion de son "cher Baptiste"! 

A Charenton, Mère Providence, pour la deuxième fois dans sa vie, dut faire face à une deuxième épidémie de choléra!  Presque tous les blessés de l'hôpital furent atteints et l'infirmier qui aidait la Soeur devint à son tour malade! "Je me souviens, disait-elle plus tard, combien saintement mourut ce pauvre homme, marié seulement depuis cinq mois. Il souffrit avec courage et résignation, se soumettant généreusement à la volonté divine".  Le fléau fit aussi de nombreuses victimes parmi les pauvres aliénés. Il y avait parfois, aux dires de Mère Providence, neuf cadavres dans une chambre. Elle les arrangeait de son mieux, transformait cette salle en chapelle ardente et plaçait sur chaque corps un billet portant le nom du défunt.

Religieuse admirable, elle savait allier la prière à l'action. Sa bonté était sans faille comme le raconte cette belle histoire: un domestique fort malade lui avait exprimé son désir d'être enterré dans un cercueil en chêne, or la commune ne fournissait que des cercueils en bois blanc. La bonne Mère chercha à rassurer le malade et parvint à trouver du bois de chêne et à s'arranger avec un menuisier. Quand le malade fut décédé, on apporta le cercueil de la commune. Mère Providence le garda pour les pauvres et mit le cadavre dans le cercueil en chêne! La commune ayant appris cette affaire lui fit ensuite des reproches et l'obligea à rendre la bière inutilisée.  Mère Providence fut cependant  un jour  très mal récompensée de sa bonté. L'histoire est particulièrement  tragique. Elle soignait un grand déshérité qui, guéri, avoua à la Mère qu'il n'avait ni travail, ni domicile. Mère Providence avait une cousine à Paris dont le mari infirme exigeait un domestique. Le protégé de Mère Providence fut introduit dans cette maison. Les premiers temps tout alla bien, mais un jour il remonta de la cave en état d'ivresse. La dame lui en fit l'observation mais le domestique se jeta alors à son cou et la tua sous les yeux de son mari impuissant à lui venir en aide! Quelle ne fut pas la douleur de Mère Providence en apprenant ce dénouement tragique dont elle était involontairement la cause. Elle aurait pu se laisser abattre par cette nouvelle mais elle n'en continua que davantage sa charité aux indigents!

Mère Providence avait sa spécialité médicale: elle faisait l'extraction des dents avec une dextérité parfaite et cela jusqu'à l'âge de 80 ans. L'économe de Vincennes, un jour,  vint la trouver pour une dent. Une fois l'opération terminée, ce dernier crut être quitte de l'affaire avec un remerciement. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s'entendit dire: "Monsieur, je traite mes pauvres gratuitement, quant à vous je réclame un salaire! " Bien volontiers, répondit alors l'économe désappointé! "Eh! bien, je sais que dans votre établissement habite un plombier; j'ai ici bon nombre de boîtes dessoudées dans lesquelles je veux mettre de la soupe pour mes pauvres du dehors. Vous me ferez réparer cela par votre ouvrier!

Fin 1865, le choléra vint encore s'abattre sur la France. Soeur Providence continua à manifester à cette occasion son grand dévouement. Le 25 juin 1887, on célébra à Charenton son jubilé d'or. On lui fit don à cette occasion de vêtements confectionnés pour les pauvres ainsi que de plusieurs rouleaux, reliés par des rubans d'or, et contenant de bonnes pièces d'argent qui eurent vite leur destination! En 1893 se fut la "Société d'Encourageusement au Bien" qui lui offrit une médaille en vermeil. Le directeur de l'établissement essaya en vain de lui faire obtenir la Croix de la Légion d'Honneur. Malheureusement la France était à cette époque divisée par une haine antireligieuse et on ne réussit à obtenir pour elle que la médaille d'argent. De grands discours marquèrent la remise de cette médaille. A cette occasion, le médecin de l'établissement qui appréciait de longue date l'humilité de la Mère, lui cria, sans égard pour l'auguste assistance: "Dis, Providence, tu ne te fiches pas mal de tout cela, hein?"

D'autres anecdotes nous montrent Mère Providence en action.

Une terrible explosion vint à éclater dans la commune de Saint-Maurice. Les victimes furent amenées dans l'hôpital du canton et un jeune médecin, après avoir respiré l'odeur des chairs brûlées, fut pris d'un malaise. Mère Providence lui cria: « Allez dehors, Monsieur, je continuerai bien toute seule! »      

Un des vieillards qu'elle soignait avait appris que l'on voulait le transférer sur un hospice du gouvernement et de chagrin se coupa une veine. On l'avait sauvé à temps et  Soeur Providence alla quérir  pour "son vieux" une place  chez les petites Soeurs des Pauvres.  Celles-ci  lui demandèrent quel âge avait "son vieux". Quatre-vingts ans répondit-elle. Ce qui fit sourire les religieuses qui savaient  que leur interlocutrice avait elle-même 84 ans!

Malgré son grand âge, elle soignait encore, au dire des médecins, avec autant de sûreté que les chirurgiens eux-mêmes. Le docteur avait tant de confiance en son habileté qu'il ne touchait jamais à ses pansements.

Le 6 novembre 1894, Mère Providence éprouva un grand chagrin car ce jour-là mourut sa Supérieure de Charenton, Mère Sainte-Mélanie, tuée par un de ses malades qui lui avait assené un violent coup de pied.

En 1903, la France dans sa politique de laïcisation de la société, décida d'expulser les religieux des établissements dans lesquels ils travaillaient. C'est ainsi que le 15 juillet de cette année-là, on vint prévenir les Soeurs qu'elles auraient bientôt à quitter Charenton. A un journaliste qui était venu lui demander ce qu'elle  pensait de cette expulsion, Mère Providence répondit:

 "Oui, je suis triste lorsque je songe que, d'ici peu, je devrai abandonner cette maison que je considérais comme la mienne. Ces pauvres et ces malheureux ouvriers, victimes d'accidents, que l'on m'amène pour les soigner, ces infortunés déments qui sont un peu mes enfants… J'ai vu, ici, la souffrance humaine sous toutes ses formes et ses manifestations. J'ai essayé, dans la mesure de mes moyens, d'en atténuer l'acuité et, peut-être, y suis-je parvenue quelques fois avec le secours de la divine Providence. (...) J'ai vu tant de drames, tant de misères d'âmes que leur évocation ne pourrait que vous attrister. Sans trahir le secret professionnel, je puis vous dire qu'il me fut donné d'assister à des scènes bien pénibles. J'ai vu partir, de ce monde, tant  de malheureuses jeunes filles qui par suite d'un amour contrarié avaient perdu la raison. Dernièrement une actrice des plus en vogue à Paris a fini ses jours aux agitées.  Nous sommes ici 22 Soeurs dont je suis la plus âgée; j'ajoute que je suis la seule survivante de toutes celles qui vinrent s'y installer en 1852. Comme un vieil arbre, j'ai vu disparaître toutes mes compagnes et la Mère Sainte-Mélanie, que j'aimais beaucoup mourut tragiquement."

Mère Providence rentra donc en Belgique. Le 29 septembre, après une communion dans leur belle chapelle, les Soeurs les larmes aux yeux quittèrent Charenton. C'est la communauté des Soeurs attachées à l'hôpital militaire d'Anvers qui accueillit  Mère Providence. Elle essaya  de continuer là son apostolat consacré aux malades et blessés. Un jour, elle décida d'aller égayer la salle 8 de l'hôpital. Il était environ 5 heures du soir. Or, dans cette même salle, vers 3 heures, l'infirmier était venu annoncer à la Soeur de service que tout le monde devait s'attendre à une inspection par les autorités. Lorsque la porte s'ouvrit, une voix commanda "A l'ordre" et,  à ce commandement, tous les malades militaires se rangèrent en position au pied de leur lit, s'attendant à voir l'un ou l'autre officier apparaître. Mais qu'elle ne fut pas leur étonnement et celui de la religieuse de service de voir entrer dans leur salle deux très vieilles Soeurs, Mère Providence souriante au bras d'une autre Soeur aussi  très âgée, Mère Saint-Louis qui était  également une ancienne de Charenton!  La Mère Providence passa alors de lit en lit pour consoler les soldats. Un malade qui souffrait d'un cancer à l'épaule refusait obstinément le prêtre. Mère Providence lui parla longuement, et le soir même dit-on,  il se confessa!

Une distraction pour la Mère Providence consistait à apprendre aux jeunes Soeurs à faire des pansements, mais celles-ci malgré leurs efforts ne parvenaient pas à égaler l'adresse de leur initiatrice de 88 ans!

Après un an de séjour à Anvers, Mère Providence alla rejoindre les "Anciennes Mères" aux "Deux Alice". Ses dernières années furent marquées par l'épreuve d'une cécité complète mais elle n'avait garde de s'en plaindre. Le 15 décembre 1915, un joyeux centenaire couronna cette existence si féconde. Le bourgmestre en personne vint féliciter la jubilaire qui eut aussi droit à un vibrant Te Deum. A l'issue de la cérémonie, elle fut portée en triomphe dans le quartier des dames où elle fut vivement acclamée. Mère Providence mourut l'année suivante, le 9 mai 1916, et fut inhumée dans la concession des Soeurs au cimetière d'Uccle-Calevoet 

L'aventure des Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin pendant la Grande Guerre

A Liège, pendant les furieux combats du mois d'août, sept religieuses s'occupèrent des salles de  malades de l'hôpital militaire. La nuit, celles qui n'étaient pas de garde et les " Anciennes Mères"  regagnaient les souterrains. Mère Sainte-Jeanne, déjà très malade et dont l'état avait empiré avec les émotions de la guerre, dut recevoir les derniers sacrements dans un coin retiré de la cave au charbon; elle mourut quelques jours après. Le jour de l'entrée de l'ennemi à Liège, le cri "sauve qui peut" fut lancé dans l'hôpital. Tous les malheureux blessés et malades  oublièrent leurs maux pour essayer d'échapper à l'ennemi…Après la fuite du personnel militaire belge, ce fut le docteur Langer de Liège qui prit la direction de l'hôpital pour soigner les hospitalisés qui n'avaient pu fuir. Les religieuses restèrent pour aider le médecin. Certaines furent aussi détachées dans un lycée de jeunes filles, rue des Rivageois, où elles furent employées pendant plusieurs semaines. A l'hôpital militaire de Saint-Laurent, les Soeurs restèrent jusque fin novembre, date à laquelle le docteur Langer reçut son congé de l'autorité allemande.

Pendant ce temps, les Soeurs de la communauté de l'hôpital militaire de  Beverloo fuyaient en Hollande. Les Soeurs de l'hôpital militaire d'Anvers restèrent sur place jusqu'en 1915 mais celles de Gand suivirent les troupes en retraite vers la côte jusqu'à Ostende. De là elles rejoignirent leurs consoeurs d’Anvers via la Hollande. A la fin octobre 1914, la Mère Supérieure de Liège alla demander elle-même à la Supérieure Générale à Anvers, l'autorisation de rejoindre la France pour y soigner les blessés belges qui avaient trouvé refuge notamment à Calais. Cette permission fut accordée, mais il fallait aussi celle des autorités militaires belges installées en France. Un échange de télégrammes se fit par l'entremise de Monsieur Gilkinet, greffier au tribunal de Liège, qui voulut bien servir d'intermédiaire et de rendit même en Hollande pour prendre les arrangements nécessaires!

La proposition des Soeurs fut accueillie avec empressement par l'Inspection générale du Service de Santé et, en décembre, la communauté religieuse de  Liège  parvint à rejoindre la France clandestinement après avoir transité par Flessingue puis Folkestone. Le Général-médecin  Mélis, chef du service de santé de l'armée belge, leur donna comme première affectation le bâteau-hôpital "Stad-Antwerpen"amarré à Dunkerke. Les Soeurs n'y restèrent que quelques jours car dans le secteur anglais de Poperinge, la comtesse van den Steen qui s'efforçait de soigner la population d'Ypres atteinte par une épidémie de typhus demanda au Dr Mélis le secours urgent des religieuses hospitalières. Quatre soeurs: Mère Sainte-Elisabeth, Sainte-Adelaïde, Sainte-Tharsille et Sainte-Agnès  participèrent jusqu'en avril 1915 à l'oeuvre de la comtesse infirmière dans le saillant d'Ypres. En avril 1915, la population ayant dû  évacuer totalement les ruines d'Ypres, ordre fut donné à ces religieuses de rejoindre en France l'hôpital militaire belge de Saint-Pol pour y soigner les soldats atteints également par le typhus. Elles retrouvèrent là les autres religieuses de leur communauté de Liège qui, entre-temps, avaient  quitté le bateau-hôpital "Stad-Antwerpen". C'est dans cet hôpital de Saint-Pol qu'une des plus jeunes soeurs, Mère Sainte-Valentine( Amélie Serneels) fut victime de son dévouement en soignant les malades. Elle succomba le 28 mars 1915 et fut enterrée avec les honneurs militaires !

Les départs des Soeurs de Belgique vers la France  continuèrent. Le 24 juin 1915, ce fut un groupe de 19 religieuses qui quitta définitivement Anvers  grâce à l'aumônier allemand qui leur fit établir les autorisations nécessaires. Ce départ fut mouvementé. Le bateau qui devait les transporter de Hollande en Angleterre, le" Mecklemburg", partit avec deux heures de retard car deux religieuses manquaient à l'appel. On finit par les retrouver dormant profondément dans leur cabine! Les religieuses débarquèrent finalement en Angleterre à Tilburg d'où elles rejoignirent Londres par train. Leur arrivée dans cette ville fit sensation. A la gare, des dames entourèrent les 19 soeurs et leur aumônier pour leur offrirent des rafraîchissements.  Après cinq jours à Londres, arriva l'ordre du départ pour la France. A l’arrivée des Soeurs dans le port de  Dieppe, douze d'entre elles furent désignées pour Rouen et sept autres pour Calais. Les religieuses désignées pour Rouen rencontrèrent dans leur train une dame qui offrit de les héberger à leur arrivée. Il s'agissait de l'épouse de M.Gilles, le vice-consul d'Espagne.  Le lendemain, après une très bonne nuit, les Soeurs furent conduites par madame Gilles à l'église Saint-André où elles purent faire leurs exercices de piété. Après un bon dîner, Mère Sainte-Mélanie et Mère Sainte-Majella furent choisies pour aller en délégation rencontrer  le colonel-médecin Deltenre, chef de service de l'hôpital militaire belge de Rouen  qui leur donna  leur affectation à l'ambulance Albert 1er à Elboeuf-Saint-Aubin..

Le docteur Deltenre ne savait certainement pas à quels désagréments seraient soumises les religieuses à Elboeuf! Cette ambulance était une ambulance mixte " anglo-belge" et les nurses anglaises  avaient la haute main sur tout l'établissement. Elles n'acceptèrent pas de céder leur  place aux Soeurs hospitalières! L'ambulance était établie dans le pensionnat des Soeurs du Sacré-Coeur dont l'imposante communauté se trouvait à côté. Les religieuses belges dépitées mais courageuses, en attendant qu'une solution intervînt, demandèrent l'hospitalité de la communauté du Sacré-Coeur. Mère Marie-Armand, la Supérieure leur accorda l'hospitalité...Les jours passèrent ensuite sans que les nurses anglaises ne veuillent céder! Finalement, ce furent nos Soeurs Hospitalières qui durent être mutées sous des cieux plus cléments. Neuf soeurs, dont la supérieure, Mère Saint-Majella, rallièrent l'ambulance belge installée dans le Grand Hôtel de Dinard. Mère Saint-Georges fut quant à elle désignée pour diriger les quelques soeurs  qui s'en allèrent  se dévouer à  l'ambulance belge de l'impasse Saint-Michel au Havre. D'autres Soeurs  rejoignirent aussi  Saint-Adresse (Le Havre) pour prodiguer leurs soins à l’Institut de la Sous-Bretonne qui  se spécialisait dans  la rééducation des invalides de guerre et cela, sous l'instigation de Monsieur Schollaert, Président de la Chambre des Représentants. Ce Belge bien en vue, fut emporté peu après par la maladie et ce fut Mère Saint-Charles qui recueillit son dernier soupir dans l'ambulance de l'impasse Saint-Michel. Enfin les quelques Soeurs qui étaient encore à Elboeuf-Saint-Aubin furent désignées en août 1915 pour l'Institut de rééducation des Invalides Belges à Port-Villez, au-delà de Vernon. Les autorités de l'Institut firent un accueil chaleureux aux religieuses et  les autorités leur furent présentées: le commandant Bonte, directeur de l'Institut, le baron Bayens qui était le propriétaire des lieux, le comte de Lichervelde, le commandant de génie Haccourt, l'aumônier divisionnaire de Rouen Van Spybroeck qui promit aux Soeurs de leur donner comme aumônier le professeur Bouteca (plus tard remplacé par l'aumônier Lejour). Les bâtiments n'étaient pas encore tous construits et les Soeurs virent en peu de temps la plupart des 100 bâtiments qui devaient héberger 1.200 mutilés surgirent  du sol. En  janvier 1917, la communauté de Port-Villez accueillit huit Soeurs supplémentaires qui venaient de quitter Anvers. Quelques jours après, le 16 février, quelques Soeurs quittèrent Port-Villez pour le nouvel hôpital militaire créé à Angerville-l'Orcher. Les Soeurs occupaient une partie du château et l'hôpital était constitué de pavillons de bois. Il y avait là un aumônier nommé Tilleux  qui  avait une réputation d'homme savant et très pieux et  qui avait une  grande influence sur les soldats. On se rappelle que les Soeurs de l'hôpital d'Anvers avaient été divisées en deux groupes… Un pour Rouen; l'autre pour Calais. A Calais, les Soeurs travaillèrent  sous les ordres de Mère Sainte-Scholastique dans l'hôpital situé rue Four-à-chaux, au Pensionnat Saint-Pierre, et plus tard à la Porte de Gravelines. Un soir, la maison de Bourbourg qui abritait  les religieuses  fut violemment bombardée et démolie. Heureusement personne ne fut blessé et une autre maison fut mise à leur disposition.  Les Soeurs restèrent en poste à Calais jusqu'en 1918. Le 15 septembre, elles furent envoyées à la Côte d'Azur au Col du Caire, dans une magnifique propriété du Roi Léopold II et qui avait été transformée en sanatorium. Elles y restèrent jusqu'en mai 1919.  

Quand vint l'Armistice, ce furent les Soeurs de Calais qui les premières rentrèrent au pays puis celles d'Angerville-l'Orcher, celles du Havre, celles de Dinard et enfin celles du Col de Caire. Au mois de mai 1919, toutes étaient rentrées au bercail. Les soeurs qui avaient passé toute la guerre en Belgique avaient trouvé refuge aux "Deux Alice". Lors de l'Armistice, la grippe fit de nombreuses victimes dans la Congrégation aussi bien chez les Anciennes Mères que sur la jeunesse et le noviciat fut bien décimé. Les soeurs reprirent en Belgique leur tâche au sein des hôpitaux militaires et neuf Soeurs furent envoyées en Allemagne pour s'occuper de l'hôpital militaire d'Aix-la-Chapelle et cela jusqu'à la fin de l'occupation, c'est-à-dire en 1929 

L'établissement des "Deux Alice" est vendu à l'école d'infirmières Saint-Camille. 

A la libération, les Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin regroupèrent leurs forces sur deux hôpitaux militaires et décidèrent de quitter et de vendre les Deux Alice. La maison est vendue en 1920 au prix de 800.000 francs. Exhumant une nouvelle fois la fondatrice, la communauté des Soeurs Hospitalières partira pour Liège où elle fusionnera avec les Soeurs de Saint-Charles Borromée (Ordre formé à Nancy en 1652 ayant choisi Saint Charles Borromée comme patron et souvent appelées soit Soeurs de Saint Charles, soit Soeurs de la Miséricorde de Saint Charles Borromée. Treize jeunes soeurs décidèrent cependant de rester à Uccle et de se mettre à la disposition du  nouveau propriétaire qui n'était  autre que l'Ecole d'Infirmière Saint- Camille crée en 1907 par la comtesse van den Steen de Jehay et le docteur Raymond van Swieten (médecin O.R.L. et surnommé le "petit Père"). L’Ecole d’Infirmière St- Camille s'était installée en 1908 dans la toute nouvelle Clinique Sainte-Elisabeth de Uccle et rapidement elle s'y était sentie à l'étroit. L'école acheta donc les Deux Alice et transforma l'établissement en  une clinique médico-chirurgicale, une maternité et une maison de cure d'air à l'usage de  l’Ecole d'Infirmières Saint-Camille. Le capital nécessaire à cet achat était constitué par un important reliquat financier venant des oeuvres hospitalières dont la comtesse van den Steen de Jehay s'était occupée pendant la guerre, et par des parts sociales que de très nombreux souscripteurs avaient acheté à fonds perdus pour soutenir l'Oeuvre de l'Infirmière Catholique. En 1923, la Reine Elisabeth visita l'établissement rénové et à cette occasion un journaliste écrivit: " Les installations qu'égaye un parc de sept hectares dans un site aussi hygiénique que pittoresque, représentent le dernier mot du progrès pour les traitements médicaux et chirurgicaux...La Belgique possède là un centre où se forme sous une discipline scientifique  que poétise le plus pur idéal, un personnel d'élite qui, sous le voile des infirmières, mène la lutte contre la douleur et la mort dans nos écoles, dans nos foyers, au chevet de nos malades, auprès du berceau des nouveau-nés". La clinique comportait alors 50 lits, la plupart en salles de quatre réparties dans l'aile gauche du bâtiment: au rez-de-chaussée, la chirurgie prolongée par la maternité où naîtront plus de 8.000 bébés; à l'étage, la médecine avec son solarium et la cabine de rayons ultra-violets. L'aile droite était tout entière occupée par l'école. Les malades pour la plupart de milieux relativement aisés, sont en général soignés par leurs propres médecins venant de l'extérieur. On accueille également des indigents envoyés par l'Assistance Publique. Les élèves de l’Ecole Saint-Camille faisaient continuellement la navette entre les Deux Alice et Sainte-Elisabeth car les stages étaient répartis entre les deux hôpitaux. Infirmières et élèves avaient un travail très lourd physiquement car jusque dans les années trente, il n'y a pas d'ascenseurs et les malades et opérés devaient être montés et descendus à la force des bras. En 1929, on aménagea deux nouvelles salles d'opération, l'une pour la chirurgie générale, l'autre réservée aux spécialistes de la gorge et des yeux. Chaque salle avait sa cabine de narcose. L'antiseptie était garantie par la suppression des angles. L'éclairage avait été conçu pour ne pas donner d'ombre sur les champs opératoires.

Les treize religieuses restées aux Deux Alice lors de la vente de la maison ne restèrent  que 11 mois. Plus tard, elles formeront la Congrégation des Hospitalières du Sacré-Coeur. En 1921, elles furent  remplacées par les Soeurs de Marie qui provenaient de Merckem (Flandres Occidentale). Ces dernières seront elles-mêmes remplacées en 1922 par les Soeurs de la Charité de Jésus et de Marie qui laissèrent à leur tour la place en 1925 aux Soeurs de la charité de Bonne Espérance, de Binche, lesquelles ne resteront que trois ans pour céder finalement  la place à des dames! En 1932, la Société Coopérative Infirmière organisa une fête à l'occasion du 25ème anniversaire de l'école. La Reine honora l'établissement de sa visite. Après les discours et le Te Deum, le baron Brugmann de Walzin, président du Conseil d'Administration, conduisit ses 500 invités au lunch qu'il offrit dans le jardin et sous les tentes!   

En 1933, le cardinal Van Roy supplia les Soeurs de la Charité de Jésus et de Marie (dites aussi Soeurs de la Charité de Gand de venir s'installer au "Deux Alice". Cette congrégation fut fondée par le Chanoine Triest en 1803 en vue de venir en aide aux personnes éprouvées et pour l'éducation des jeunes filles. En 1935, outre 40 maisons en Belgique, cette Congrégation était installée dans plusieurs pays dont le Congo, Ceylan, et le Pendjab. Il s'agissait de sauver l’Ecole Saint-Camille à bout de ressources et qui se trouvait endettée à cause de  la grande crise économique. Les Soeurs revinrent mais l'harmonie entre l'école, la clinique et la Communauté religieuse fut difficile à trouver et finalement en 1935, les Religieuses rachetèrent l'ensemble ayant cependant convenu avec l'Ecole Sainte-Camille que les élèves-infirmières continueraient  à prodiguer les soins infirmiers. Cette coexistence ne durera que deux ans car, en juillet 1937, l'Ecole d'infirmière Sainte-Camille décida de rompre les derniers liens avec les Deux Alice et  partit, en janvier 38, s'installer d'abord au square Vergote puis à l'avenue Lonchamp (aujourd'hui avenue Winston Churchill) avant de retourner à la Clinique Sainte-Elisabeth en 1957. Pour faire face à cette situation, les Deux Alice ouvrirent dès octobre 1937 leur propre école d'infirmières, l'Ecole Saint-Joseph, qui s'installa dans quelques chambres de l'aile gauche du bâtiment. Soeur Ignace-Marie Evrard, personne remarquable, dirigera cette école pendant 30 ans de 1938 à 1968, date de son décès. A noter que la présence simultanée de deux écoles pendant trois mois aux Deux Alice, l'une en partance et l'autre réduite à ne donner que des cours théoriques (le nursing appartenant par contrat aux "Saint-Camille" posera plus d'un problème dans la clinique qui ne comptait qu'à peine 50 lits).

Durant la période d'entre les deux guerres, les deux piliers des Deux Alice furent le docteur Joseph Gillon, gynécologue de renom et qui occupa la fonction de médecin-chef de 1935 au 30 décembre 43 et Soeur Camille Grillet, monitrice de l'école Saint Camille en 1923 alors qu'elle n'était pas encore religieuse, directrice de la clinique de 1936 à son décès en 1967,  et première directrice de l'Ecole Saint-Joseph en 1937. Femme au grand coeur, ayant toujours le souci de faire plaisir, elle était aussi une femme à poigne qui exerçait son autorité tant sur le corps médical que sur le personnel soignant. Elle contrôlait tout et connaissait  tout : nuit et jour, "la chambre 4 " constituait le dispatching de toute la maison. Grâce à ces deux personnalités, les Deux Alice se développa et en 1938 une grande rénovation apporta de considérables améliorations: la possibilité d'héberger 120 patients, un  ascenseur, de nouveaux appareils Rx. Aux  Deux Alice, se développa aussi sur deux étages un service spécialisé dans les soins aux tuberculeux sous la houlette d'un médecin remarquable, le docteur Camille de Ridder. Celui-ci se dévouera sans compter et il fut victime de son travail puisqu'il perdit la main droite suite à une radiodermite.

Les élèves infirmières étaient généralement issues d'un milieu social aisé. Elles provenaient de tout le pays. Internes, on exige beaucoup d'elles. C'est la lavandière Hélène qui nettoyait leurs tabliers et pour une lessive impeccable, elle s'en allait puiser de l'eau de source au bas du Groselenberg. Le tablier de travail devait en effet être toujours impeccable : sept plis de chaque côté et un plat au milieu. Soeur Camille ne permettait pas qu'il en soit autrement!

En Mai 40, les Deux Alices accueillit un grand nombre de réfugiés malades venant notamment des cliniques Saint-Raphaël de Louvain. Au cours de la guerre, l'institution hébergea aussi des jeunes gens réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, des Juifs obligés de se cacher et des résistants. Le docteur Gillon hébergea chez lui des aviateurs anglais et américains. Durant cette dure période Soeur Macaire Paelinck (décédée en 1985) organisait l'intendance! Arrivée avec les réfugiés du sanatorium de Mont-sur-Meuse, elle prit en main la ferme et grâce à elle et aux ouvriers qui travaillaient sous ses ordres, vaches, moutons, porcs, volaille fournirent la viande tandis que les jardins et vergers procuraient légumes et fruits.

En février 1944, le docteur Van Hee (décédé en 1967) assuma les fonctions de directeur médical en remplacement du Dr Gillon décédé deux mois auparavant. Ce médecin, chirurgien de grande valeur, conclut un accord avec les mutualités chrétiennes afin d'ouvrir son établissement aux classes populaires, ce qui fit s'élever rapidement le taux d'occupation des lits de la clinique.

En 1959, l’Ecole Saint-Joseph comptait environ 75 élèves supervisées par Mademoiselle Simone Nicolaï.

Dans les années septante, une nouvelle ère s'ouvrit pour les Deux Alice. Un tout nouveau complexe fut construit progressivement et inauguré les 2 et 3 octobre 75 .Les vieux bâtiments furent détruits en février-mars 1975. Seuls survécurent à la démolition l'annexe surnommée béguinage, la maison dite "maison de l'aumônier"" (numéro 55), deux bas-reliefs et deux vitraux représentant Alice Bruneau et Alice Dolez.

Chapitre 3: l'histoire de l’Ecole d'infirmières Edith Cavell


Le dernier portrait de Miss Cavell

Au début du XXème siècle de violents pamphlets dénoncent la mainmise cléricale sur les soins infirmiers, l'ignorance des religieuses "seules à même de soigner, sans avoir rien appris" (Bron A., Hôpitaux étrangers, comment nos malades doivent être soignés, Bruxelles, 1903, p 34), leur intolérance et leur prosélytisme. A quoi les catholiques répondent qu'aucune infirmière libre penseuse ne mourra pour ses malades ! Le chirurgien Antoine Depage sera au coeur de ce conflit comme le rappelle très bien en 1948, Mademoiselle Bihet dans son "Histoire du nursing" (6):

Le Dr Depage poursuivait depuis longtemps l'idée de créer une école d'infirmières sur le modèle anglo-saxon. Fondateur de l'Institut chirurgical de Berkendael, aujourd'hui Institut chirurgical de la Croix-Rouge, il n'employait que des infirmières laïques dans ses services. La profession n'était pas connue en Belgique, force lui fut de recourir à des infirmières suédoises, danoises, hollandaises et même allemandes. Outre cette superbe institution, le docteur Depage opérait encore à la clinique de la rue "Sans- Souci", où ses collaboratrices étaient comme à la rue des Cendres et à l'hôpital Saint-Jean, des religieuses. Ces dernières possédaient de grandes qualités de dévouement et d'esprit d'abnégation qui caractérisent les personnes qui suivent cette vocation. Cependant la discipline religieuse, mal avertie des progrès scientifiques, bornait leurs activités à un nursing désuet ignorant les principes de l'asepsie, et les méthodes modernes que le Dr Depage voulait introduire dans les hôpitaux belges. Une anecdote que nous conta souvent le docteur Gyselynckx, adjoint du docteur Depage, nous montre à quel point le manque de compréhension de la discipline, la mauvaise interprétation du devoir, l'absence de responsabilité, peuvent faire commettre des erreurs regrettables.  A cette époque, la salle d'opération d'un hôpital était desservie par une religieuse de grande capacité: Soeur... Celle-ci, aussi belle que bonne,  dit la chronique, était particulièrement initiée aux méthodes chirurgicales et en fait était une vraie collaboratrice des chirurgiens à la salle d'opération. Mais la Révérende Mère supérieure de la communauté, émue de l’importance que prenait Soeur Infirmière, peut-être aussi redoutant pour son âme le péril de la vanité, prit un beau jour, sans aucun avertissement, la décision de la retirer du service et de la remplacer par une de ses consoeurs, peut-être son égale en valeur spirituelle mais totalement ignorante du travail de salle d'opération. Cette mesure intempestive et disons-le, quelque peu stupide, exaspéra le docteur Depage qui porta plainte à l'administration des hospices et exigea le retour de Soeur Infirmière. Toutes les difficultés qui surgirent à ce propos, on se les imagine sans peine. Le docteur Depage tint bon, la Révérende Mère Supérieure s'entêta dans ses mesures de discipline mal comprise et dans son manque total du sens de responsabilité chirurgicale, si bien que les choses s'envenimèrent et, mesure qui nous paraîtrait odieuse à notre époque, mais qui s'explique au temps de l'ignorance de la responsabilité professionnelle, les religieuses quittèrent en bloc le service. Ce à quoi, le docteur riposta en introduisant dans les salles, toute une équipe de personnes dirigées par Marie Depage, sa femme. Telle fut une des causes de l'introduction d'infirmières laïques dans les services de chirurgie des hôpitaux. Cette expérience précisa les idées du Dr Depage, et lui fit de plus réaliser la nécessité d'une véritable formation professionnelle pour ses collaboratrices. Aidé par quelques dames de la bonne société de la ville (Mesdames Graux, Vandervelde et d'autres...), il réunit un Comité chargé d'étudier la fondation d'une école d'infirmières. La décision ayant été adoptée, le docteur Depage demanda à Miss Cavell, qu'il avait vue à l'oeuvre chez des amis (Miss Cavell avait accepté de venir donner des soins dans une famille belge à un enfant malade traité par le Dr Depage) de bien vouloir accepter la direction de l'école qui prit le nom "Ecole d'Infirmières".

Henri Depage, dans son livre "La Vie d'Antoine Depage" paru en 1956 (7) donna une version un peu différente de cet événement : l'infirmière compétente, chassée de la salle d'opération  n'aurait pas été une religieuse mais une laïque! De plus l'événement se serait produit après la création de l'école. Je ne résiste pas au plaisir de vous retranscrire la version d'Henri:

Ainsi en 1910, à la suite d'un incident pénible ayant provoqué, par contagion d'une maladie infectieuse, la mort d'un opéré, Depage avait obtenu du Conseil des Hospices de pouvoir disposer, à ses frais, pour le service de la salle d'opération à l'hôpital Saint-Jean, d'une infirmière laïque et diplômée. Celle-ci fut immédiatement considérée par les dirigeants de l'ordre religieux comme étant une intruse et fut accusée d'avoir les moeurs faciles, d'être coquette et provocante; c'était aux dires de ses détracteurs, l'instrument de Satan! Un soir d'été, Depage et sa femme dînaient avec des amis, dans un restaurant de l'Exposition de Bruxelles qui battait alors son plein. Pendant le dîner, vers neuf heures, un message de la Supérieure de l'Ordre parvenait au docteur Depage pour lui signifier que si le lendemain matin à sept heures, l'infirmière laïque prenait ses fonctions à la salle d'opération, les religieuses, elles, ne prendraient pas leur service dans les salles de malades! La rédactrice de ce véritable ultimatum ne pouvait pas imaginer, un seul instant, qu'on lui tiendrait tête et qu'on improviserait, pendant la nuit, grâce à des bonnes volontés, un service capable de se substituer aux religieuses défaillantes. Immédiatement, Depage et sa femme rentrèrent chez eux. Toute la nuit, ils téléphonèrent aux amis, aux parents, tant à Bruxelles qu'en province. A leur appel, des dames de la meilleure société, des gouvernantes, des "nurses" de quelques familles aisées, acceptèrent d'unir leurs efforts, comme elles devaient le faire plus tard, en 1914, pour assurer le soignage des malades. Effectivement, à sept heures du matin, en blouse et jupes blanches, sous la direction de Marie Depage, promue "infirmière-chef" pour la circonstance, elles prirent consciencieusement leur service et tout fonctionna normalement. Petit à petit, les infirmières bénévoles purent être remplacées par des professionnelles; celles-ci furent définitivement engagées par le Conseil des Hospices. C'est ainsi qu'il y eut dans les hôpitaux de Bruxelles, une grève des religieuses, c'est ainsi que des infirmières laïques diplômées entrèrent au service des institutions publiques.

Durant la guerre 14-18, un double drame frappa la nouvelle institution: la mort de Marie Depage et celle d’Edith Cavell. La disparition de ces deux femmes d'exception menaça l'existence même de l'école.  Ce fut le professeur Héger qui sauva la jeune institution. Il eut la bonne fortune en trouvant une Directrice qui alla se révéler exceptionnelle: Mlle Jeanne De Meyer qui développa l'institution au point que celle-ci fut prise en modèle par la Fondation Rockefeller

(La fondation Rockefeller et la Ligue des Sociétés de Croix-rouge entreprirent dès la fin de la guerre en 1918, un immense travail de relèvement social, spécialement dans le Nord de la France. Leurs activités s'étendirent à tous les pays atteints par les hostilités en Europe Centrale: Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Roumanie, Turquie, Grèce, Lettonie, Pologne. Un des moyens employés  fut la création d'écoles d'infirmières, et l'initiation des jeunes filles de ces différents pays aux méthodes anglo-saxonnes, en leur procurant des bourses d'études leur permettant de se rendre dans les écoles d'infirmières des pays où le nursing était déjà organisé)

A sa mort le 26 décembre 1940, Jeanne de Meyer laissait une école florissante!

Le Dr Collard a rédigé un magnifique historique de cette école auquel il n'y a pas grand-chose à rajouter! Laissons donc la parole à ce témoin ! 

Discours du Dr Collard prononcé le 1er octobre 1957, à l'occasion  du cinquantième anniversaire de l'Institut Edith Cavell-Marie Depage (8)


Cinquantième anniversaire

Ce matin, dans le cadre imposant du Palais des Académies, en présence des plus hautes autorités de l'Etat, des voix officielles se sont élevées pour commémorer le cinquantième anniversaire de l'Ecole Edith Cavell-Marie Depage et de l'Ecole St-Camille. Ce soir, la direction de notre institut a voulu grouper ses sympathisants dans l'intimité de notre maison et les associer, sans solennité, à une fête de famille qui soit tout simplement la fête de l'amitié et du souvenir. Pour nous transmettre son message, elle a prié de prendre la parole, l'aîné de ceux qui, occupant encore ici une fonction active, symbolise en quelque sorte le trait d'union qui rattache le présent vivant à un passé déjà lointain. Comment aurait-il pu songer à se récuser celui qui, depuis plus de 35 ans a vécu journellement la vie de cette institution, y a, comme beaucoup d'entre nous, éprouvé les angoisses qu'éveillaient ses propres souffrances ou celles de ses proches, a connu ses heures fastes et ses heures sombres, a été témoin de son progressif développement!

A la vérité, c'est bien avant cette époque qu'il avait pris contact avec elle, par un jour de septembre 1913, à l'occasion de l'admission d'un de ses premiers clients. C'était dans une des deux maisons contiguës au n° 173 de la rue de la Culture, aujourd'hui rue Franz Merjay, dans lesquelles l'esprit d'entreprise d'un Antoine Depage et d'un Paul Héger avaient installé, ce qui pompeusement s'appelait l’Institut de Berkendael. L'immeuble se dressait devant l'immense plaine sablonneuse  et nue, qui s'étendait jusqu'à l'avenue Longchamp; il était aussi peu adapté que possible aux nécessités d'une clinique moderne.

Je revois la salle d'opération au mobilier sommaire, les chambrettes sans eau courante, réparties dans les deux étages auquel on accédait par un escalier étroit, ce qui rendait difficile la manoeuvre des brancards et des chaises à porteur. Je me souviens mieux encore de la demi-douzaine d'élèves belges qu'éduquaient deux ou trois nurses anglaises, travaillant dans un certain désordre sous la férule d'une aînée frisant la cinquantaine, d'apparence réservée et un peu rigide, qui s'appelait Miss Cavell.

Qui se serait douté que cette personne effacée et modeste se révélerait moins de deux ans plus tard, comme une des plus pures héroïnes et que son exécution soulèverait la réprobation universelle!

Puis survint la grande guerre qui m'entraîna pendant cinq ans dans le remous.

Que de changements au retour !

Aux bâtiments périmés auxquels je viens  de faire allusion avait succédé la neuve architecture du bloc situé à l'angle des rues Edith Cavell et Marie Depage, où se résumait désormais l'activité de notre institution, à la fois école, avec ses 50 chambres pour l'internat et clinique de soins comportant 20 chambres de malades, deux salles d'opération, les services généraux et d'administration mais ni service de radiographie, ni laboratoire.

Brossons si vous le voulez bien un rapide tableau de ce qu'est la maison à la fin de la guerre et vers les années 20 et 21. Malgré les coups durs qu'elle a subis par la disparition de ses protagonistes, malgré les problèmes ardus soulevés par le financement d'un jeune établissement comportant une centaine de personnes, dont il a fallu assurer en pleine tourmente la nourriture et l'équipement malgré les difficultés quasi insurmontables du ravitaillement et de la trésorerie, notre oeuvre a pu doubler le cap des tempêtes. Le prestige acquis par notre pays pendant la guerre, le martyre de notre première directrice, vont lui assurer des sympathies et des concours pécuniaires nombreux: à Miss Cavell a succédé Mlle Jeanne De Meyer dont le zèle et l'intelligence font merveille. Son intransigeante autorité s'étend à tous les services en un temps qui permet encore à une seule personne à la volonté tenace d'exercer partout un contrôle minutieux. Son coup d'oeil lucide et froid a vite décelé le manquement ou l'erreur. Bien souvent, aux heures précédant l'aube, si pénibles pour celles qui veillent, on voit surgir sa haute silhouette dans les couloirs silencieux, quand un cas grave la préoccupe.

Payant sans cesse de sa personne, elle impose à ses collaboratrices un rythme de vie qui ne se concevrait plus aujourd'hui et me laisse encore confondu. Mais la rigueur de son comportement est tempérée par une bonté foncière et une générosité sans limites. Qui dira le nombre de détresses qu'elle a soulagées discrètement et des angoisses morales qu'elle dissipa. Pendant près de 25 ans, avec une constance et une détermination sans faille, elle maintiendra fermement le gouvernail et lorsque, en 1940, les ailes rouges d'une guerre nouvelle auront projeté sur notre patrie leur ombre de sang, on la verra, bien que touchée à mort, s'imposer un effort suprême. Méprisant sa douleur, elle se fera transporter à l'Institut, parmi ses élèves. Dans sa chambre, elle convoque médecins, et monitrices, s'enquiert de tout, ordonne, conseille, dirige, stimule, donnant à chacun de nous, au seuil de l'éternelle nuit, une inoubliable leçon. Jeanne De Meyer est entourée de dévouements à la mesure du sien.

Qui se rappelle  celui de Berthe Ladisan. Méthodique et calme, d'une égalité d'humeur sans pareille, Mlle Ladisan était la providence des médecins et des malades. Toujours présente là où il fallait donner un coup dur, administrant de jour et de nuit les narcoses au chloroforme, aidant souvent nos chirurgiens à domicile et se trouvant tous les matins la première au poste, modèle d'exactitude et de conscience professionnelle. Saluons bien bas ces deux hautes figures.

Saluons aussi en même temps cette infirmière d'élite qui, peu après cette époque, vient compléter le staff de Cavell et y apporter cet entregent, ce sens raffiné de ce qu'on appelle maintenant les "publics relations", cette connaissance approfondie des tenants et aboutissants des familles, vrai bottin de la bourgeoisie bruxelloise. J'ai nommé notre toujours jeune, toujours alerte Mlle Lacomblé, dont la curiosité reste vive pour les choses de l'esprit.

C'est environ  ce temps que sont désignées comme monitrices de jeunes éléments qui se sont distingués au cours de leurs récentes études: Nurse Marie Leblanc qui sera plus tard directrice très appréciée de l'institut Bordet; nurse Libert qui assurera la direction de la pouponnière avec un éclat et un don se soi hors mesure; nurse Hackx et nurse Hiroux dont le rôle dans les écoles et la population pauvre d'Uccle, a précédé de 20 ans celui de notre actuel service social; nurse Verstraete, notre ange gardien nocturne, qui permet à nos chirurgiens, pendant qu'elle veille, de dormir sur leurs deux oreilles. Et enfin, une accorte provinciale qu'il me souvient avoir naguère déjà rencontrée quelque part. En effet, quelques mois auparavant, elle a comparu devant un jury d'Etat désigné pour avaliser les études assez disparates d'un grand nombre de jeunes filles qui avaient pratiqué le nursing et pour sanctionner, par l'octroi  d'un diplôme légal d'infirmière, celles qui subiraient les épreuves avec succès.

J'ai oublié les circonstances qui me firent désigner comme membre de ce jury, mais ce que je sais en tous cas, c'est que mon inexpérience de cette fonction m'inspira alors des questions souvent peu pertinentes, encore qu'elles fussent inscrites au syllabus. C'est ainsi que j'ai demandé à la récipiendaire la différence entre le courant continu et le courant alternatif, autant, je crois, pour sonder ses connaissances que pour avoir moi-même, en la matière, quelques lueurs supplémentaires.

La  candidate sécha sur cette question de culture générale. Puis, je la vis désemparée, se lever furieuse et rougissante et quitter la salle en marmottant une appellation qui m'assimilait au compagnon inséparable de St Antoine.

J'eus la bonne inspiration de feindre de n'avoir rien entendu, de mettre sur le compte de l'énervement  une ignorance fort excusable après tout et de ne pas m'opposer à ce que nurse Bihet obtienne son diplôme.

Je frémis, Mesdames et Messieurs, à l'idée que mon obstination ou ma mauvaise humeur auraient pu détourner cette jeune infirmière d'un métier pour lequel elle était si bien faite, à l'idée que j'aurais pu un jour priver cet Institut d'une directrice qu'il respecte et qu'il aime et le nursing international d'une de ses présidentes les plus écoutées!...Vous voyez qu'à tous les âges de l'histoire et de la petite histoire, l'aventure du nez de Cléopâtre et du grain de sable dans la vessie de Cromwell se renouvelle, et qu'un incident futile en soi, est susceptible de changer le cours du destin!

Quoi qu'il en soit, nos relations commencées alors sur un mode aigre-doux, se sont bien vite améliorées et je me flatte d'affirmer qu'elles se sont mues depuis plus de dix lustres en une confiante et cordiale collaboration.

L'état-major de nos infirmières se complétait par une seule comptable et une seule secrétaire. Réfugiée dans son antre qui constituait ce qui est aujourd'hui le petit vestiaire du bâtiment A, Mlle Désiron était tout à la fois la grande argentière très scrupuleuse de l'Institut et s'occupait minutieusement de la tenue des livres. Quant au secrétariat, depuis 1918, il était assumé par une alerte jeune fille, gracile et frêle, qui centralisait toute la correspondance, toutes les commandes aux fournisseurs et bien d'autres fonctions encore.

Depuis près de quarante ans qu'elle est ici, son activité, sa serviabilité ne se sont jamais démenties. C'est à peine si son aspect physique a changé! Cette petite souris diligente et preste vous l'avez reconnue: c'est Mlle Arnold.

Parmi les professeurs de cette époque, il y avait notre cher Théo Spies à l'apogée de sa carrière, créateur et animateur de la maternité modèle, dite Pavillon de Chicago; Fernand Neuman, l'homme de toutes les élégances, vestimentaire, verbale, morale, chirurgicale; Raaoul Duthoit, le fidèle chef, chef de la pouponnière et de l'oeuvre de la préservation de l'enfance, élève lui-même de notre vénéré Maître Péchère, ce grand pédiatre et ce noble esprit. Réservons un souvenir ému au Dr Hannecart, chirurgien solennel, exigeant et sévère, qu'accompagnait son jeune assistant offrant avec lui le plus frappant des contrastes, notre ami Auguste Clerx; au Dr Gyselinckx qui fut longtemps président du corps professoral, Gyselincks aux éclats de voix tonitruants, marqués par l'accent savoureux du terroir bruxellois; au Dr Mattei, orthopédiste  et chirurgien infantile de classe qui devait lors des événements de 1940 avec son adjoint Joseph Cornet, donner la mesure de son patriotisme en renouvelant le geste de Miss Cavell et allait mourir au camp de Bergen-Belsen, victime des mauvais traitements et des privations. Telles furent les figures marquantes de notre école au cours des 15 années qui suivirent la grande guerre, celles qui lui assurèrent une audience et une réputation de plus en plus grande et procurèrent à la clinique de soins une clientèle pour laquelle les locaux initiaux s'avérèrent vite exigus.

Sans doute pour obvier à cette insuffisance, s'ingénia-t-on à leur adjoindre des baraquements hérités de ceux qui constituaient les hôpitaux du front, prolongeant d'assez disgracieuse façon, du côté de la rue Marie Depage et de la rue général Lotz, la construction initiale.

D'autre part, les stipulations du legs Buhl  imposaient d'édifier un dispensaire et une polyclinique. Celle-ci, érigée sous forme d'un autre baraquement au front de la rue Vanderkindere, battit de l'aile bien longtemps, faute de consultants.

Le quartier encore peu construit n'était guère favorable à un courant de malades. Les médecins qui s'y consacraient bénévolement vinrent bien souvent y perdre leur temps.

Pas tous cependant, car je sais un de nos meilleurs amis, aujourd'hui personnage consulaire, qui y entama les prolégomènes d'heureuses épousailles avec l'infirmière du lieu. C'est, je crois, le plus signalé service que le dispensaire rendit à cette époque-là.

Ce provisoire assez disparate qui dura plus de 15 ans fit place en 1938, à une nouvelle bâtisse à l'édification de laquelle le Dr Louis Le Boeuf se voua tout entier.

Depuis ses origines, la chance de cette école a été de voir s'intéresser à elle les grands noms de l'intelligentsia et de la philanthropie : les Solvay, les Héger, les Faider, les Depage, les Funck, les Graux, les Delaunoit, mais je crois bien que nulle famille plus que la famille Le Boeuf, ne lui apporta de plus régulière et de plus efficiente collaboration. Celle de Louis Le Boeuf fut entre toutes prééminente. Président du conseil d'administration, Médecin du Roi, le Dr Le Boeuf était le plus simple et le plus modeste des hommes; il alliait la ténacité à une urbanité parfaite de gentilhomme et la continuité de son dévouement fut aussi totale que fut son désintéressement. Nous lui devons beaucoup.

En 1939, au moment de la mort de ce grand bienfaiteur, le pavillon Reine Astrid, qu'il a tant contribué à édifier, est en voie d'achèvement. Qui aurait pu croire qu sa première destination serait de recevoir, au titre d'hôpital auxiliaire de la Croix-Rouge, les malades de notre armée à nouveau mobilisée.

Le 10 mai 40, au moment où la panique déclenchée par l'invasion a désorganisé autour de nous tant de services sanitaires, notre maison peut s'enorgueillir du fait qu'aucune défection ne l'a déshonorée dans ces heures graves et pénibles.

Stimulés par le stoïcisme de leur directrice, nos infirmières rivalisent de courage et d'ardeur; lorsqu'une délégation d'entr'elles est désignée pour l'hôpital de Bruges, une compétition s'improvise pour participer à l'honneur d'en faire partie. L'un de ses membres, Hélène Willems, paiera de sa vie son labeur sans limite et son abnégation.

Après de longues et mortifiantes épreuves de la période d'occupation, la libération de notre pays est le début pour notre école d'une nouvelle période de croissance.

Quand le Ministère de la Santé Publique édicte l'obligation de disposer pour les stages pratiques d'un hôpital d'au moins 200 lits, Paul Lorthior, qui a repris la lourde charge d'administrateur-délégué, convainc le conseil d'administration de construire une annexe, de façon à répondre aux exigences de la loi. Le pavillon Solvay, érigé en dépit de mille difficultés de tous genres est ouvert aux malades en 1952.

Ainsi, l'oeuvre commencée par Antoine Depage, poursuivie par Louis de Boeuf est désormais achevée. Elle apparaît comme la réalisation grandiose et cohérente de la pensée hardie de ses fondateurs. Quelle fierté ressentiraient-ils aujourd'hui, ceux-là qui, le 1er octobre 1907, inauguraient la première école belge d'infirmières dans les humbles maisons de la rue Franz Merjay!

En ce jour du cinquantenaire, combien nous apparaît plus évidente l'affirmation d’Auguste Comte que "l'humanité est faite de plus de morts que de vivants" et combien cet aphorisme est valable surtout pour la vie des institutions. Ici une pléiade de femmes et d'hommes disparus ont fait la chaîne des dévouements pour bâtir une oeuvre magnifique. Consacrons leur en cet instant notre pensée reconnaissante. Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants!

Mesdames et Messieurs,

Je me suis fort attardé à l'évocation du passé. Peut-être même m'y suis-je complu. Certains d'entre vous y auront surpris la marque indubitable d'une adolescente vieillesse. Je ne cherche pas à m'excuser cependant, car un anniversaire comme celui-ci nous commandait de nous pencher sur les années révolues pour y puiser les raisons d'espérance et de joie. Mais je n'ai pas oublié pour autant que  la réunion de ce soir est aussi placée sous le signe de l'amitié. Comment l'aurais-je pu d'ailleurs, en présence de l'afflux des témoignages de sympathie qui nous sont de toutes parts parvenus et nous ont réchauffé le coeur. Parmi les plus précieux de ces témoignages, nous rangeons ceux qui nous sont venus d'Angleterre, ce pays ami qui nous donna notre première directrice et, en souvenir d'elle, nous apporta en maintes occasions son aide et son appui. La présence parmi nous de Miss Wilkins, bras droit et confidente de Miss Edith Cavell, de Miss Grant, présidente du conseil National des Infirmières de Grande-Bretagne, de Miss Daisy Bridge, secrétaire général du conseil International des infirmières, de Miss Ceric Jones, matron du London Hospital, est le gage de l'affection qu'elles nous portent. Mlle Maria Madsen et Alvez Diniz, respectivement présidente du Conseil des Infirmières danoises et chef de la section des infirmières de l'O. M. S, sont venues de Copenhague nous apporter le salut des organisations qu'elles représentent. A toutes ces personnalités, notre école, par ma voix, exprime sa profonde gratitude.

Nous avons été d'autre part très sensible à l'empressement avec lequel le Comité des Dames a secondé l'action des animateurs de l'école depuis ses débuts, où Madame Edmond Solvay lui manifesta sa générosité inépuisable, depuis les nombreuses années où Madame Louis Le Boeuf, avec une régularité, une ingéniosité jamais en défaut, organisa avec ses collaboratrices le soutien de nos oeuvres sociales, jusqu'aux jours récents où les fondateurs de  "l' Edelweiss" se sont assignés pour but la défense des valeurs spirituelles et matérielles dont nous avons la charge en groupant la foule de ceux qui ont à coeur de faire vis-à-vis de l'école acte de solidarité.

Et comment pourrions-nous omettre d'associer à cette gratitude celles que nous devons, tout particulièrement aujourd'hui, à toutes celles et à tous ceux qui se sont attelés à la tâche difficile de rendre parfaite la cérémonie de commémoration et les agapes de ce soir!

Mais il me tarde de dire notre remerciement aux 200 confrères qui fréquentent l’Institut, et aux quelques 70 professeurs de notre école qui ont pris la relève des anciens dont je rappelais les noms tout à l'heure, aux médecins du dispensaire Buhl infusé désormais d'une énergie nouvelle et qui marche après une longue léthargie, vers de brillants lendemains; à nos collaborateurs qui assurent les services de radiographie, de laboratoire, de physiothérapie, de pharmacie et sont pour nous d'un secours journalier dont nous apprécions la haute valeur.

Mais laissez-moi proclamer au-dessus de tout, la dette que des générations de médecins qui se sont succédés ici, ont contractée vis-à-vis des générations d'infirmières, car ce sont elles qui ont été dans cette clinique l'élément de stabilité et de permanence. Directrices, monitrices d'enseignement et monitrices hospitalières, chefs de service de nos quartiers et de nos salles, assistantes sociales, infirmières diplômées ou débutantes, c'est par vous que s'est maintenue ici une tradition dont nous avons l'orgueil.

Et laissez-moi vous dire, au nom des aînés d'entre nous, combien nous attachons de prix à l'atmosphère de juvénilité, de travail, d'affabilité et de bonne humeur que les nurses à Cavell ont entretenue depuis un demi-siècle. Nous nous sentons les émules de Clodius Hermippus dont le Docteur Bezançon dans ce classique de l'humour médical qui s'intitule "Les jours de l'Homme", nous rappelle la plaisante histoire: Clodius Hermippus qui selon Pline l'Ancien qui déchiffra son épitaphe, vécut 155 ans et 5 jours "anhelitupuellarum" de l'haleine des jeunes filles. Ambitionnant le sort de cet illustre macrobite, nous nous plaisons à déclarer que c'est votre haleine, généralement fraîche, votre entrain, votre coeur à l'ouvrage et votre patience, calmant nos impatiences et nos vivacités, qui ont été pour nous comme un souffle d'éternel printemps!

Aussi me permettrez-vous de remercier spécialement vous qui, semblables à la mer toujours recommencée que chante Valéry, réalisez la joie de notre présent espoir et l'espoir de notre avenir, vous qui constituez la réserve de jeunesse toujours renaissante de notre vieille maison, de cette vieille maison à laquelle je vous convie, ainsi que tous nos invités ce soir, à lever notre verre, en buvant à son heureux destin et à son centenaire.

Chapitre quatre: Et après les premières écoles...    

Ajoutons l'émulation importante qui succéda à la création de l'école Edith-Cavell. En 1907, six mois après l'ouverture de l'Ecole Belge d'Infirmières diplômées, la première école catholique Saint-Camille s'ouvre pour former  ses religieuses hospitalières. En 1908, la loi institue un certificat de capacité pour infirmière. En 1919, c'est le tour de l'Ecole des Hospices Civils de la ville de Bruxelles d'ouvrir son école. En 1913, l'Ecole Provinciale de Charleroi ouvre ses portes tandis que démarre à Bruxelles l'école du Docteur Mayer dans sa clinique chirurgicale. Après la grande guerre, un arrêté royal institue en 1921 le diplôme d'infirmière visiteuse et réorganise les études d'infirmières hospitalières. Désormais, leurs études dureront trois ans. En 1921, c'est le tour de l'Ecole Provinciale de Gand. Toujours en 1921, l'Association des Infirmières-Visiteuses, reprises en 1931 par l'Assistance Publique de la ville de Bruxelles, entreprend la formation sociale des jeunes filles se destinant au service d'infirmières-visiteuses. En 1922, la Fédération des Ecoles d'Infirmières se constitue en Association sans but lucratif, dans le but de promouvoir le nursing en Belgique. En 1926, au grand dam des infirmières, parce que l'on considère la pénurie d'infirmière et que l'on estime que la durée des études risque de décourager des vocations d'infirmières alors que leur rôle est "souvent fait d'autant de dévouement que de science"(Docteur Sand, Réforme du service médical de la bienfaisance, Bruxelles, 1921, p 201), la profession se morcelle: l'arrêté ministériel de 1926 crée un cours de soignage en une année pour les personnes qui désirent veiller les malades ou remplir des fonctions d'ordre secondaire dans les institutions de soins. La création en 1946 d'un certificat de gardes-malades, en 1957 (Arrêtés du 17 août) d'un brevet d'hospitalières et en 1960 d'un brevet d'infirmière ne fera que continuer ce morcellement jusqu'à la fin des années 90, date à laquelle on supprime  le brevet d'hospitalière. En 1946, la Fédération des Ecoles d'Infirmières de Belgique groupe 34 écoles. Pour les enjeux futurs de la noble profession d'infirmière, écoutons l'une d'entre elles, Rose-Marie Laurent, infirmière à la maison médicale "La Passerelle" à Liège(9):

Si en 1967, les infirmières font encore partie des para-médicaux (auxiliaires des médecins), la loi de 1974 définit l'art de soigner, en distinguant une fonction indépendante et interdépendante (collaboration au diagnostic par l'observation) du médecin et une fonction autonome se définissant comme suit : la prise en charge d'une personne, saine ou malade, pour l'aider, par une assistance continue, à l'accomplissement des actes contribuant au maintien, à l'amélioration ou au rétablissement de la santé, ou pour l'assister dans son agonie: tous ces actes étant accomplis en vue d'assurer une dispensation globale des soins infirmiers. La fonction dépendante sera arrêtée en 1990 dans une liste des prestations techniques et des actes confiés par le médecin. La fonction que l'on pourrait considérer comme la plus importante, la plus indépendante, est la moins reconnue tant par les collaborateurs directs et les patients que par les infirmières elles-mêmes. Entre prendre soin et donner des soins, entre un modèle féminin maternant peu valorisant et un modèle masculin scientifique plus noble, entre dévouement et compétence, l'infirmière se perd dans un métier "intermédiaire". Il lui faudra le courage de remettre en question sa pratique. Venu d'outre-atlantique, le "diagnostic infirmier" se veut être un mode de pensée et d'action qui favoriserait l'exercice de cette fonction globalisante et autonome, une réflexion et un "agir infirmier". 

Le métier d’infirmier est un métier qui fut et restera sans doute toujours difficile à exercer. Aujourd’hui  le personnel des soins de santé est de plus en plus confronté à la rentabilité économique que l’on impose aussi aux hôpitaux et autres institutions de soins. Le 27 janvier 2005, une manifestation rassembla 20.000 travailleurs des soins de santé à Bruxelles. Le personnel des cliniques Saint-Jean ont fait grève pour la première fois et aux Cliniques de l’Europe (Saint-Michel et Sainte –Elisabeth), du personnel a dû être réquisitionné en pleine nuit par le gouverneur pour assurer le service minimum. Dans une interview accordée au journal Le Soir (10), une infirmière participant à la manifestation témoignait : « Quand on est en congé, on nous rappelle parce qu’il manque de bras. On est bien obligée de retourner à l’hôpital. Par pénurie de personnel, on fait plusieurs week-ends d’affilée. Quand on est aussi épuisé, on risque de faire des erreurs. Nos malades sont en danger. Tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir bien exercer notre profession.

Une deuxième infirmière exprimait par ces mots son malaise : les cadences imposées m’empêchent de parler avec nos patients. Je n’ai pas assez de temps pour les laver, les aider à manger. J’en souffre (…). Et une troisième infirmière relatait sa vie de travail en maison de repos : C’est dur de travailler avec des personnes âgées confuses, démentes ou neurovégétatives. On nous demande toujours plus, pour un salaire qui reste au plancher. Toujours plus, en heures supplémentaires. On est payées au strict minimum : c’est une institution privée ! On voudrait bien gagner plus. Mais avant tout, il faut des emplois en plus. On voudrait être deux pour prendre en charge un patient grabataire plutôt que de devoir le faire toute seule.

Soigner les autres et partager leurs souffrances  est une tâche difficile qui requiert  toujours plus de compétences et  d’énormes qualités d’écoute et de compassion. Il est important que la société tout entière reconnaisse ce qu’elle doit à ses soignants !  

Hannut, ce 1/2/2005 

Dr Loodts Patrick

 

Bibliographie

·         (1) L'infirmière à travers les âges, Lucy Ridgely Seymir, 309 pages, traduit de l'anglais par Mlle Bonhomme,Editions de l' O. N. E., Bruxelles, 1933

·         (2) Ni rime ni raisons, histoire de la psychiatrie, Edité par le Musée Dr.Guislain, Josef Guislainstraat 43, Gand, 1996

·         (3) Derrière les Murs d'un cloître, chez les Petites Soeurs des Pauvres, Octave Daumont, préface de S.E. le Cardinal Mercier; Aubanel Frères, imprimeurs de notre saint-Père le Pape, Avignon, 1926 

·         (4) Les deux Alice, cent ans d'histoire, Père Pol Jacques scj aumônier,Editions Louis Musin, Bruxelles,1985 

·          (5) La Congrégation des Soeurs Hospitalières de Saint-Augustin, des Presses de A. Lesigne, Bruxelles, 1934.

·         (6)Histoire du nursing, Mlle Bihet, Editions Desoeur, Liège, 1947

·         (7) La vie d'Antoine Depage, Henri Depage, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1956

·         (8) Commémoration du Cinquantième anniversaire de l'Institut Edith Cavell-Marie Depage, Editions ARSCIA, 1958.

·          (9) L’infirmière: "Ni bonne, ni nonne, ni conne", par Rose-Marie Laurent, infirmière à la maison médicale "La Passerelle" de Liège, article paru en deux parties dans "Revue Santé conjuguée", numéros de juillet 99 et d'octobre 99.

·         (10) Infirmières au bord de la crise de nerfs … et de la grève, Bénédicte Vaes, dans journal « Le soir » du vendredi 28 janvier 2005…  

·          La femme au temps de la  guerre de14, Françoise Thébaud , Editions Stock/Laurence   Pernoud, 1986 

 



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