Médecins de la Grande Guerre
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Florence Nightingale Introduction Parler de Florence Nightingale décédée en 1910 dans un
site consacré aux soins de santé durant la guerre 14-18 semble de prime abord
étrange. Florence est cependant incontournable. Impossible de porter un regard
complet sur le métier d’infirmière, à quelque époque que ce soit, sans se
référer à la véritable créatrice de ce
métier. Florence représente pour le corps infirmier, ce qu’ Hippocrate
représente pour les médecins. Aujourd’hui Florence a perdu sans doute de son aura et son existence n’est plus que brièvement mentionnée aux
élèves-infirmières de première année. Ce fait est sans doute regrettable :
la vie de Florence mériterait d’être étudiée par chacun des futurs travailleurs
qu’ils se destinent à l’art infirmier ou à la médecine. Les élèves trouveront
dans sa biographie de multiples enseignements quant à leur vocation mais aussi
des leçons remarquables sur la
complexité de l’âme humaine et surtout sur les difficultés qui peuvent entraver
cette âme ou au contraire la libérer en
vue de réaliser toutes ses
potentialités. Florence ne fut pas une sainte, mais une femme entièrement dans
son temps. Nous pouvons l’approcher dans toute sa complexité grâce à la
multitude des notes qu’elle tint journellement
depuis son enfance jusqu’au tard dans sa
vieillesse. Florence écrivit aussi à ses amis un nombre absolument impressionnant de lettres dans
lesquelles elle dévoilait très souvent ses sentiments. Ses
écritures nous permettent d’appréhender Florence dans toute sa complexité.
Aujourd’hui encore son œuvre écrite constitue une véritable mine de renseignements pour
les chercheurs essayant de mieux
appréhender la deuxième moitié du 19ème
siècle. Il reste certainement beaucoup à exploiter dans l’œuvre écrite de Florence. Pour ma part, je me
suis contenté de lire la biographie de
Florence écrite par Cecil Woodham en 482
pages. Quelles leçons inattendues s’offrent au lecteur! J’en cite quelques-unes. Florence durant son enfance et son
adolescence souffrait de troubles mentaux que l’on qualifierait aujourd’hui de
Border-line ou de schizophrénie. Elle entendait des voix et souffrait
d’épisodes qu’elle qualifiait elle-même de rêves éveillés qui la laissait dans
un état d’épuisement complet. Florence se battit véritablement avec elle-même
pour rester attachée à la réalité et elle y parvint avec l’aide de confidents
commepar exemple sa tante Mai. Florence
eut énormément de mal à accepter l’image de la féminité que lui donnait sa mère et qui reflétait celle qui régnait
dans le milieu bourgeois de l’époque victorienne. Très jolie et très courtisée,
Florence vécut cependant une adolescence marquée par une importante crise d’identité sexuelle dans laquelle se
place la déception amoureuse qu’elle éprouva avec sa cousine. Ne voulant pas
reproduire le modèle maternel basé sur
les règles mondaines de la bourgeoisie de son temps, Florence parvint aux
termes de beaucoup de souffrances à faire entendre sa propre féminité. On peut
même s’avancer en disant qu’elle inventa
une nouvelle manière d’être femme en créant le métier d’infirmière. Jamais Florence ne
voulut participer aux combats des féministes qui voulaient les mêmes prérogatives que les hommes ;
elle se battit par contre, pour que les
femmes aient un « autre rôle » que celui dans lequel la société les
confinait. Avec le recul du temps on peut considérer que Florence n’avait
peut-être pas entièrement tort car, aujourd’hui conserver la complémentarité
de la féminité et de la masculinité, de la paternité et de la maternité, complémentarités
qui ont été fort mis à maldans le combatpour une société
plus juste donnant les mêmes droits aux hommes et aux femmes. Le challenge des générations futures pour éviter une
civilisation terne et triste sera sans
doute, à tout point de vue, de conserver l’égalité entre les êtres humains tout
en valorisant les différences. Florence cependant, si elle voulait « une autre femme » voulait
aussi l’émergence d’ « un autre homme » : toute sa vie, elle
rechercha et voua une grande admiration
aux hommes animés d’un idéal de
bonté ; à ce titre, on peut dire que Florence s’attacha à mettre en valeur
la part féminine qui se trouvait au sein des hommes dans la société d’alors
très machiste. Florence fut certainement le grand charisme qui
l’animait et lui permit, malgré ses défauts, d’avoir un ascendant
extraordinaire sur des hommes et des femmes exceptionnels qui mirent leur
énergie, leur temps, leur santé à son service. De ces personnalités très
nombreuses qui se dévouèrent pour la
cause de Florence et pour Florence elle-même, Sidney Herbert et tante Mai sont les représentants
les plus typiques : sans leur aide,
jamais Florence n’aurait pu réaliser son œuvre de réforme des soins de santé.
Et finalement, en examinant les vies de Florence Nightingale et de Sidney
Herbert, je ne sais pas qui de ces deux personnages est le plus méritant. Alors que Florence n’avait que sa vie
à gérer, Sidney Herbert qui fut de tous les combats de Florence dut gérer sa
vie de famille et d’énormes responsabilités politiques. Il mérite certainement
autant, à mon humble avis, que Florence. Rappelons ici que Florence n’avait pas
que des qualités : elle usait « jusqu’à la corde » ses
collaborateurs bénévoles, n’excusait jamais leurs défections et souvent, ne leur marquait de la
reconnaissance qu’après leur décès… Florence, finalement de façon parfois très
égoïste, ne supportait aucun abandon pour quelle raison que ce fût, y compris
les raisons de santé ! Florence devint de son
vivant et, sans le désirer, une héroïne. Les modèles nous sont nécessaires mais
nous ne devons pas oublier que toute gloire est vanité car en inondant de
lumière une seule personne elle possède
souvent la caractéristique très injuste de laisser inexorablement dans l’ombre les hommes et
femmes pourtant véritablement
remarquables qui se battirent aux côtés du héros. Florence
fut aussi une femme exceptionnelle car
elle fut aussi une véritable chercheuse, un véritable savant et, fait
remarquable, elle était autodidacte. Rappelons-le : elle fut la première
personne à employer les statistiques pour étayer ses dires. Elle est la
véritable fondatrice de l’épidémiologie et à ce titre elle mériterait
certainement un prix Nobel. En conclusion : La vie de Florence est une leçon de courage : elle
sut dépasser ses handicaps pour réaliser son idéal. Ses troubles psychiatriques
et ses troubles psycho-somatiques n’eurent pas raison d’elle; elle sut sortir du carcan dans lequel
la féminité de son époque la
maintenait ; elle surmonta d’innombrables problèmes relationnels malgré la
jalousie, les haines et des procès; elle vécut d’intenses sentiments d’échecs
mais guérit de longues périodes
dépressives. Malgré toutes les épreuves qui se présentaient à elle, Florence
continua toujours à travailler et à lutter même pendant les longues périodes de sa vie où elle se tint alitée. Le
monde dur dans laquelle elle combattit aigrit fortement son caractère mais dans le
dernier tiers de sa vie sa vieillesse, elle sut retrouver la douceur, la joie
et le pardon : elle se réconcilia avec elle-même et avec ceux qui
l’avaient fait souffrir ou qu’elle avait fait souffrir. Allez, Florence tu étais une fameuse
femme !! J’en connais aujourd’hui bien d’autres : certes, elles sont
moins connues ; mais ce qu’elles ont fait ou font de leur vie,
c’est du même ordre que le « bel ouvrage » que tu as réalisé
avec la tienne. A Bernadette,
Isabelle, Sabrina, Micheline, Marie-Jeanne, tante Sophie, tante Thérèse, Soeur
Gaby, Sœur Elisabeth, Ute, Immaculata, Caroline, Madeleine … Dr Loodts.P La vie de Florence Nightingale (Auteurs :
Loodts Patrick et Rico Ariza Immaculada) Florence, une petite fille aisée mal dans sa peau
Florence était issue d’une famille privilégiée tant du
côté de sa mère que de celui de son
père provenaient de la haute
bourgeoisie. Fanny, sa maman avait grandi dans un milieu de fêtes perpétuelles sans
autre souci que son plaisir et ses aises.
Quant au père de Florence,
William, intelligent mais assez indolent et que tout le monde appelait par ses
initiales « W.E.N. » il avait hérité
à l’âge de 21 ans d’une fortune
très considérable. A l’âge de 24 ans, il s’était marié avec Fanny qui comptait
trente printemps ! Florence naquit
en 1820 au cours du très
long voyage de noce
que ses parents Fanny et William Edward Nightingale effectuèrent à
travers le continent européen. Alors que le jeune couple se trouvait en Grèce,
Fanny donna d’abord naissance à son
premier enfant qui fut baptisée du nom de Parthenope. L’année suivante, ce fut
en Italie, à Florence, que Fanny
accoucha de sa deuxième fille qui fut à son tour baptisée du nom de la
cité dans laquelle elle vit le jour… Le long périple du couple en Europe se termina quand
Parthe fut âgée de trois ans et sa sœur cadette, Florence de deux ans ! A leur retour, les Nightingale firent alors construire une imposante
demeure dans le Derbyshire. Mais « Lea Hurst », ainsi s’appelait
cette maison, se révéla l’hiver trop
humide pour la santé des deux enfants. Les Nightingale décidèrent alors de la
considérer comme une résidence d’été et ils allèrent bâtir à Embley Park dans
le Hampshire une deuxième demeure
beaucoup plus confortable mais aussi
plus grande (« Lea Hurst »
ne comptait que 15 chambres à coucher !) La vie de la famille se
partagea entre ces deux demeures et leur hôtel de Londres dans lequel la famille séjournait deux
fois par an au printemps et en Automne !
La petite Florence
avait à sa disposition tout ce qu’un enfant pouvait rêver :
des parcs dans lesquels elle pouvait
s’ébattre, des poneys à monter et une collection de chiens, de chats, d’oiseaux
à soigner ! Pourtant elle
ne semblait pas être
heureuse : dans une note autobiographique Miss Nightingale raconta
que tout enfant, l’obsession de ne pas être comme tout le monde, d’être
même un monstre, la tourmentait
terriblement. Ainsi, elle redoutait de
devoir descendre à dîner persuadée qu’elle se trahirait en accomplissant
des actes bizarres à l’aide de son couteau et de sa fourchette ! A ce
premier sentiment d’être anormale, se mêla
vers l’âge de six ans un dégoût de l’existence qu’elle menait à Embley
et à Lea Hurst. Florence qui était très
imaginative prit alors la mauvaise habitude de fuir la réalité en se réfugiant
dans des longs moments de « rêves
éveillés ». Florence ne trouva pas dans sa mère le modèle de femme
à qui elle voulait ressembler, par
contre elle possédait un père qui l’enchantait véritablement. Son papa, W.E.N.,
était curieux de tout, comprenait la
plaisanterie et surtout prenait le temps d’instruire lui-même ses filles. Il
leur enseignait grec, latin, allemand, français, histoire et philosophie !
W.E.N. était un homme solitaire, assez oisif, mais il trouvait un véritable
plaisir à voir s’éveiller l’intelligence de ses filles. Entre le père et ses
filles, l’accord était plus profond avec
Florence qu’avec sa sœur aînée Parthe
qui refusait d’apprendre le grec. Parthe
devint alors jalouse du temps plus important que W.E.N. consacrait à sa
soeur! En quelques années, une
répartition de la famille s’opéra assez naturellement: Flo travaillait avec W.E.N.
dans la bibliothèque tandis que Parthe
secondait Fanny au salon… Les différences de caractère entre les deux sœurs
pèseront très fortement sur leurs relations mutuelles et cela pendant toute
leur vie. Florence se réfugiait souvent dans le rêve et dans l’écriture pour
éviter ou fuir les conflits. Elle décrivait ses sentiments sur tout ce qui lui
tombait sous la main : papier buvard, envers de calendrier, marge de
lettres. Grâce aux multiples écrits qu’elle laissa depuis son enfance, nous la connaissons
extrêmement bien. Dans une de ses notes, elle écrivit : « Le 7
février 1837, Dieu m’a parlé et m’a ordonné de le servir ». Il ne
s’agissait pas d’une simple révélation intérieure. Comme Jeanne d’Arc, elle
entendait une voix et cette voix parlait le langage des hommes. Elle avait à
peine 17 ans et elle vivait souvent dans un monde imaginaire qui lui paraissait
plus tangible que le monde réel. Ce ne fut pas là qu’un épiphénomène
d’adolescence. Quarante ans plus tard, elle écrira en 1874 que « ses
voix » lui avaient parlé quatre fois. Le 7 février 1837, date à laquelle
elle se sentit appelée pour la première fois ; en 1853 lorsqu’elle prit la
direction de l’institution charitable de Harley Street ; avant son départ
pour Le contraste entre les deux parents de Florence était
très marqué ; Fanny était une femme
ambitieuse mais son mari n’aspirait qu’à
une vie de « calme et d’ombre ». Par compensation, Fanny reporta toutes ses ambitions familiales sur ses deux
filles qui se devaient d’être parfaites dans tous les domaines en vue d’une vie
mondaine et d’un mariage idéal ! Il
semble bien que Florence ait très tôt dans son enfance refusé le rôle que sa mère lui destinait. Son père
lui avait par contre donné le goût d’une vie où la curiosité
intellectuelle occupait un rôle majeur…
Cette situation conflictuelle perturba certainement l’adolescence de Florence. C’est sans doute pour échapper à ce conflit
fondamental, qu’elle se réfugia à nouveau comme
dans sa tendre enfance dans des
« rêves éveillés ». Ce mécanisme psychologique la protégea mais aurait pu aussi la faire sombrer dans
une forme définitive de schizophrénie.
Il faut rappeler que les femmes
qui refusaient inconsciemment le rôle très étroit qui leur était alors attribué
par la société, n’avaient pas d’autres
ressources que de refouler leurs désirs sans même pouvoir en parler. Leur désir
refoulé se manifestait alors (selon leur éducation et leurs
prédispositions) dans le rêve, parfois à la limite de la psychose, ou
dans un langage corporel
incompréhensible des autres, se manifestant
par d’impressionnants phénomènes hystériques. Un
voyage merveilleux pour Florence
Parthe et florence avaient respectivement dix-sept
et seize ans quand leurs parents jugèrent que leur demeure d’Embley était devenue indigne de leur condition. La
décision fut prise de la rénover en y
ajoutant six chambres à coucher, en construisant des nouvelles cuisines, sans oublier de
refaire l’extérieur et de revoir la décoration intérieure. Fanny proposa que
toute la famille s’échappât sur le continent pendant toute la durée des
travaux. Pour Fanny, ce voyage à l’étranger devait aussi être l’occasion de parfaire l’éducation de ses filles en leur donnant la possibilité de perfectionner leurs connaissances en
langues et plus pragmatique … de compléter leurs garde-robes à Paris ! Au
mois d’ septembre 1837, les Nightingale quittèrent leur résidence. Ils ne
passèrent pas inaperçus : leur berline de voyage dessinée par W. E. N. était un véritable monument roulant. Cinq ans plus tard, lorsque
la berline fut prêtée à la sœur de Fanny, cette dernière voyagea avec six de
ses filles, un précepteur et une femme de chambre ! Des sièges étaient
disposés sur le toit pour les serviteurs et pour les membres de la famille qui
désiraient, les jours de beau temps, respirer l’air frais et admirer le
paysage. Six chevaux, montés par deux postillons, tiraient la berline. C’est
dans cette apparence véritablement
princière qu’ils traversèrent A
Paris, une femme exceptionnelle : Mary Clark
Le séjour des Nightingale en Europe se termina en apothéose par un séjour à Paris. W.E.N.
avait retenu pour une durée de quatre mois un appartement place Vendôme fort somptueux. Florence fréquenta dans la capitale française
une certaine Miss Mary Clarke qui allait beaucoup compter pour elle. Mary Clark
était une des femmes les plus célèbres
de Paris par le salon qu’elle tenait chaque vendredi soir. Ne possédant
ni beauté, ni fortune, elle avait su rassembler par son charme toutes
les personnalités qui comptaient dans la vie politique, artistique et
intellectuelle. Miss Clarke avait été lancée dans le monde par Madame Récamier
qui l’avait engagée vers 1830 pour servir de dame de compagnie à sa mère malade. Madame Récamier avait à cette époque
54 ans et passait son temps à distraire Chateaubriand qui souffrait de l’ennui
comme d’une maladie incurable. Mary Clarke invita donc la famille Nightingale à
un de ces fameux vendredis et se prit
d’amitié pour Florence qui eut ainsi l’occasion de rencontrer Chateaubriand
mais aussi le célèbre médiéviste Claude
Fauriel et l’orientaliste Julius Molh
qui apporta plus tard un très grand soutien aux entreprises de Florence. Florence fut certainement impressionnée par le renom d’une
femme comme Mary constamment entourée
d’hommes qui lui témoignaient des
sentiments très amicaux. Elle acquit par cet exemple la conviction que des
liens très étroits autres que l’amour pouvait
unir hommes et femmes. Florence plus
tard, suivant en cela l’exemple de Mary, saura à son tour s’entourer d’hommes de très grande
valeur qui l’aidèrent à réaliser son idéal tout en lui vouant une véritable admiration. En 1839, la famille repartit pour Londres. La période
des jours heureux était terminée. Les scrupules, la culpabilité envahirent à
nouveau Florence. Elle se mit à réfléchir à nouveau sur son passé et son
avenir. Deux années avaient passé depuis
que Dieu lui avait parlé. Pourquoi n’entendait-elle plus sa voix ? Pour
Florence, la réponse allait de soi : elle n’en était pas digne. Toute au
plaisir des bals et des opéras, et dans la vanité de se faire admirer, elle
avait oublié Dieu. Elle aimait trop les distractions, le monde et il lui
fallait apprendre à s’en priver ! Cette nouvelle résolution désespéra sa
mère Fanny qui avait repris espoir d’un
grand avenir mondain pour sa fille en constatant le succès qu’elle avait remporté sur le
continent ! En réalité, Florence
commençait à livrer un de ses plus durs combats intérieurs qui allait durer 14
ans ! Pendant cinq ans, Florence
s’interrogea douloureusement avant d’arriver à la certitude que sa vocation était de se
consacrer au soulagement des souffrances des malades. D’amers dissentiments l’opposèrent ensuite à
sa famille, et neuf années s’écoulèrent encore avant qu’elle fût en mesure de
réaliser son rêve ! Les tourments d’une
passion pour son amie Marianne. Dans les premiers mois qui suivirent son retour,
Florence s’obligea à accepter une certaine
vie mondaine qui était celle de sa classe sociale. Au cours des
multiples réceptions auxquelles elle
participa, Florence tomba folle d’admiration pour sa cousine Marianne
Nicholson, jeune fille d’une éblouissante
beauté et qui était passionnée de musique. Le frère de Marianne s’éprit de
Florence qui n’osa décourager ses
avances pour rester très proche de sa grande amie. Ce comportement irrationnel à cause de son adoration pour
Marianne lui infligea de gros tourments et
sa santé s’en ressentit considérablement ! Ce fut la sœur de
W.E.N. , tante Mai qui vint au secours
de Florence. Les liens entre Tante Mai
et Florence étaient très profonds. Attirée par des problèmes métaphysiques et
transcendantaux, il y avait quelque chose de mystique dans l’amour de tante Mai
pour Florence. En dépit de la différence d’âge, elle éprouvait pour sa nièce
l’adoration d’un disciple pour son maître. C’est dira aussi l’ascendant que
florence pouvait avoir sur les autres. En janvier 1840, tante Mai parvint à
persuader Fanny que sa fille « Flo » avait besoin d’un changement et
Florence obtint l’autorisation de séjourner à Londres chez sa tante Mai. Florence
aima les mathématiques !
C’est pendant
ce séjour que Miss Nightingale résolut d’étudier les mathématiques sous les
conseils de sa tante. Cette dernière avait perçu chez sa nièce une intelligence
hors du commun qui demandait absolument à être employée ! Etudier les
mathématiques pour une fille n’était pas dans l’air du temps comme le montre la
réaction de sa mère Fanny. Perplexe,
elle écrivit à tante Mai qu’elle
ne voyait pas en quoi les mathématiques pouvaient servir à Florence étant donné que la destinée
de sa fille était - elle l’espérait de tout cœur – de se marier !
Tante Mai put cependant obtenir de Fanny
un compromis. Elle appela à son aide un homme très érudit, monsieur Octavius
Smith et dont l’épouse venait d’être très malade. Mrs Smith demanda que
Florence, dont les talents pédagogiques étaient déjà bien connus, fût autorisée
à s’occuper de ses enfants et Fanny y consentit. Pendant une partie d’avril et
de mai 1840, Florence put alors séjourner dans cette famille et grâce à la ruse
de tante Mai, elle bénéficia deux fois par semaine de leçons de mathématiques
dans la bibliothèque des Octavius. Hélas, quand elle repartit pour Embley, il
ne fut plus jamais question pour elle
d’études sérieuses. Ces leçons particulières, son goût pour les
mathématiques devaient cependant lui être très utiles car, nous le verrons plus
loin, Florence devint véritablement une pionnière dans le domaine des
statistiques (celles-ci lui furent très précieuses pour argumenter
ses propositions révolutionnaires dans le domaine de la santé publique). On
oublie trop souvent que si Florence fut une femme extraordinaire par son
charisme, elle fut a aussi une des premières femmes qui se consacra à la science et cela de façon
autodidacte! Florence,
brillante jeune fille, veut réprimer son désir de briller dans le monde
Florence passa les fêtes de Noël à Waverley, la demeure des Nicholson : un bal
masqué monstre se prolongea jusqu’à cinq heures du matin et fut suivi le
lendemain d’une représentation théâtrale. Florence se montra gaie, brillante,
et parfaite danseuse ! A 22
ans, elle était devenue une personnalité
remarquée dans les cercles intellectuels. Florence se reprochait cependant amèrement son succès, se rappelant sans se
lasser que « si elle voulait mériter de se voir révéler son
chemin par Dieu, il lui fallait dominer
son désir de briller dans le monde ». La
famine de 1842 fait réfléchir Florence
L’année 1842 fut une année terrible pour le peuple
d’Angleterre. Le pays était sous le joug d’une famine qui passa dans l’histoire
sous le nom tristement célèbre de « the hungry forties », dans les
villages, on ne voyait que disette, travail forcé, ignorance et crasse. De
cette époque date ces notes significatives écrites par Florence
« Je ne puis me détacher mon
esprit des souffrances humaines ; cette pensée m’assaillit de toute
parts…Les vers qu’écrivent les poètes à la gloire de ce monde me paraissent faux.
Tous les malheureux que je vois sont dévorés par les soucis, la pauvreté, la
maladie ». Au automne, elle rendit visite à la famille Bunsen. Les Bunsen unissait l’intelligence,
la bonne éducation et la fortune. Le chevalier Bunsen avait la réputation
d’être le premier égyptologue du monde. Il avait une affection particulière
pour Florence à qui il prêta de nombreux livres d’archéologie et de religion et
qu’il appelait « sa préférée et très
admirée Miss Nightingale ». Ce
fut à ce confident que Florence posa la
question qui la tourmentait à peu près en ces termes : « Que peut
faire un être humain pour alléger la souffrance des malheureux et des
déshérités ? » Bunsen lui parla alors du travail admirable qu’accomplissaient le pasteur Fliedner et sa femme à Kaiserwerth-sur-le-Rhin.
Là, en Allemagne, des diaconesses protestantes qui se destinaient aux soins des
malades nécessiteux recevaient sous leur
direction un enseignement adapté à leur vocation comme il n’en n’existait nulle part
ailleurs ! Florence
à nouveau en détresse avec des pensées délirantes et un amour impossible
A la fin juillet 1843, les Nightingale partirent une
fois de plus pour leur résidence de Lea Hurst et Florence s’appliqua à aider
les pauvres et les malades du village proche d’ Holloway et dans lequel
résidaient bon nombre d’ouvriers de filature. Elle sollicita sans cesse de sa
mère des médicaments, de la literie et des vêtements. De retour à Londres en automne, Florence
relata dans une de ses notes intimes qu’elle prenait conscience de l’esclavage
auquel la réduisit l’habitude de ce qu’elle appelait « rêver tout
éveillée ». Florence tombait en
effet en pleine vie quotidienne dans des « états de transe » !
Miss Nicholson, tante Hannah pour les Nightingale, une femme paisible mais à
l’esprit profondément religieux s’aperçut de la détresse de Florence et passa
de nombreuses journées à discuter avec elle où à lui écrire. Finalement, au
cours du printemps 1844 soit sept ans après son « appel », Florence, âgée de 24 ans acquit la certitude
que sa vocation était de se consacrer aux malades dans les hôpitaux. Cependant
il se passa encore de très nombreux mois avant qu’elle puisse entrevoir la
manière de débuter sa vocation. Elle mit d’abord un peu d’ordre dans ses
sentiments. Henry Nicholson la demandait en mariage et elle refusa net. Les parents d’Henry accusèrent Florence,
non sans raison, d’avoir cependant encouragé leur fils dans ses avances !
Marianne, la sœur d’Henry apprenant cette rupture mit fin à son amitié pour Florence qui éprouva
alors d’intenses sentiments de désespoir et de culpabilité : « Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ? » Pas un mot de
blâme pour son amie, elle n’accusa qu’elle même : « Je n’étais pas digne d’elle. Je ne me suis montrée loyale ni
envers elle, ni vis-à-vis de moi, ni envers notre amitié. Je la craignais,
voilà la vérité. » Florence se découvre la vocation de soigner « autrement »
Florence parvint peut à peu à remonter la pente. Ce
qui l’aida certainement fut de pouvoir se consacrer à sa grand-mère
malade et puis à la vieille nurse de la famille qui s’éteignit en serrant les
mains de Florence. Ces deux épisodes apportèrent à Florence une certaine
assurance et il devenait difficile de lui interdire maintenant de prodiguer des
soins aux malades alors qu’elle avait soigné avec tant de compétences sa grand-mère et sa nurse. A l’automne,
elle aida donc activement à soigner les malades du village de Wellow ;
elle fit alors un nouveau pas capital pour le déroulement de sa vocation en comprenant
la nécessité absolue de posséder un bagage
scientifique. « J’ai vu une malheureuse femme mourir, cet
été, sous mes yeux, entourée d’idiotes qui l’empoisonnaient aussi sûrement que
si elles lui donnaient de l’arsenic » écrivit-elle en décembre 1845. Lorsqu’en 1844, elle comprit pour la première fois que
sa vocation l’appelait auprès des malades des hôpitaux, Florence n’envisageait pas encore de les soigner véritablement ! Elle pensait que les qualités propres à soulager
les misères des malades étaient la douceur, la sympathie, la bonté et la
patience. Sa courte expérience venait de lui démontrer que de solides
compétences et de réelles capacités intellectuelles devaient nécessairement s’allier aux qualités humaines pour arriver à
un soulagement efficace des souffrances entraînées par les maladies et la
misère. L’idée d’aller en stage dans un hôpital suscite un
ouragan familial qui fait plonger
Florence dans la dépression grave Florence décida alors de vivre la vie d’hôpital
pendant trois mois à Salisbury. Cet hôpital était tenu par le Dr. Fowler un
vieil ami de la famille. En décembre 1845, elle exposa son plan à sa mère ce
qui donna lieu à véritable orage
familial. Sa mère Fanny accusa sa fille
d’entretenir « un amour
honteux », un secret attachement « pour
quelque vulgaire et grossier médecin ».
Quant à son père W.E.N., il
se montra morose, parla de filles ingrates et gâtées et prédit l’avenir le plus
sombre « à une race tombant à la
merci des jeunes filles modernes ». Fuyant la tension familiale,
W.E.N. alla se réfugier à Londres, laissant sa fille Florence seule, vaincue et
déprimée. « Je ne vois pas quel
avantage j’ai à continuer de vivre », écrivait-elle, excepté que je deviens chaque année un
peu moins une jeune fille du monde. Vous ririez de moi, ma chérie, si vous
saviez quels plans je dresse. Seule la mère d’une idée encore dans son enfance
peut savoir à quel point cet enfant lui est cher ni combien l’âme souffre entre
l’abandon d’une idée et l’adoption d’une autre. Je ne réaliserai jamais rien.
Je ne suis que cendres et poussière…Oh qu’un événement survienne qui rejette
dans le passé cette vie méprisable ! » Le lecteur du 21ème siècle doit cependant
garder de l’indulgence pour les parents de Florence. Il n’est en effet pas
étonnant que ceux-ci aient été frappés
d’horreur par les projets de leur fille quant on sait les conditions affreuses
qui régnaient à cette époque dans les hôpitaux. Florence les décrivit
d’ailleurs de façon fort parlante : « Les commodités les plus
simples faisaient défaut. Les planchers, faits de bois blanc, rarement nettoyés
s’imprégnaient de matières organiques. Lorsqu’on les récurait, ils dégageaient
une odeur qui ne rappelait en rien l’eau et le savon. Murs et plafonds, de
plâtre grossier, étaient saturés de crasse. Un unique poêle, placé au fond de chaque salle, en assurait le
chauffage. Pour retenir la chaleur, on laissait les fenêtres fermées pendant
des mois. Dans certains hôpitaux, la plupart des fenêtres étaient
aveuglées de planches pendant l’hiver.
Au bout d’un certain temps l’odeur devenait nauséeuse. On y remédiait par de
fréquents grattages et chaulages, mais les ouvriers qu’on employait à cette
tâche, tombaient sérieusement malades. Les patients venaient de taudis,
véritables trous à rats, de bouges, de caves où régnait le choléra. On
introduisait en fraude dans les salles, du gin et de l’eau de vie. Des scènes
d’horreur se déroulaient. Des malheureux, à demi morts, roulaient ensemble sur
le sol ou se tordaient en proie au delirium tremens. Dans certains hôpitaux, il n’était pas rare de
faire appel à la police pour rétablir l’ordre.
En général les infirmières ne nettoyaient pas les malades. Elles ne leur
lavaient jamais les pieds. Ce n’est qu’avec peine, et en grand hâte, qu’elles
pouvaient de procurer un peu d’eau, de quoi leur humecter le visage et les
mains. Les lits mêmes étaient crasseux. Il était d’usage courant de mettre un
nouveau malade dans les draps qui avaient servi au dernier occupant. Les
matelas bourrés de laine, n’étaient
jamais nettoyés. On préférait recruter les soignantes parmi les femmes de
réputation, autrement dit, les filles-mères. Il était courant, pour celles-ci
de dormir dans la salle dont elles avaient la charge, même si leurs malades étaient des hommes ;
les infirmières dormaient dans des cages de bois situés sur les paliers, à la
porte des salles. Seules les femmes de mauvaise vie pouvaient accepter une
chose pareille. Les gardes de nuit se reposaient durant le jour dans ces trous
sans air ni lumière, si bruyants qu’elles ne pouvaient trouver le sommeil. Le véritable fléau aussi bien pour les gardes que pour
les malades était l’alcool. En 1854, l’infirmière-major d’un hôpital de Londres
disait à miss Nightingale qu’au cours de sa longue carrière, elle n’avait
pas connu d’infirmière qui ne fût alcoolique, et que la plus grande licence
régnait jusque dans les salles, ce dont elle me donna d’affreux
exemples ». Kaiserwerth : une
institution modèle Florence eut
besoin de longues périodes
d´attente pour commencer à réaliser
son oeuvre : dés sa première révélation en 1837 à la manifestation des ses intention
de soigner les malades, huit ans passèrent et il faudra encore huit ans de souffrances pour qu’elle
obtienne sa « liberté » :
huit années pendant lesquelles, son sentiment de culpabilité envers les siens
la tint éloignée de ce qu’elle avait envie de faire tout en la faisant «
rêver éveillée » dans des moments de profonde dépression! Devant l’impossibilité de travailler en hôpital à cause de l’autorité parentale et suivant la
suggestion de Lord Ashley, Florence se
mit à étudier en secret les Livres Bleus
et les Rapports sur les Hôpitaux,
elle s´intéressa aussi à ce qui se passait à l’étranger et son plus grand
trésor devint l’ Annuaire des Institutions
des Diaconesses de Kaiserwerth (elle rêvait à visiter cet endroit). Toutes les déceptions, les obstacles rencontrés par
Florence finalement lui servirent à réaliser son œuvre. Les quelques cours de
mathématiques qu’elle reçut, la lecture des rapports sanitaires dont elle dut
se contenter à défaut de travailler
directement au chevet des malades et même son expérience de maîtresse de maison
qui lui avait été à cette période imposée sa mère (Florence avait dû accepter
de gérer les réserves de l’office et la lingerie de la maison familiale) lui
servirent plus tard à mettre au point la réforme des soins en Angleterre. A l´automne de 1847, Florence était cependant extrêmement désespérée .Elle fut sauvée par un jeune couple, les
Bracebridge, qui s’aperçut de sa profonde détresse et qui en partance pour Rome lui proposa de
l’emmener avec eux. C’est grâce à cette famille qu´elle put faire connaissance
1848 de Sidney Herbert qui à cette époque se trouvait dans la ville éternelle en voyage de noces.
Sidney Herbert deviendra une personnalité politique et philanthropique extraordinaire et tiendra une place très importante tout au long de la
vie de Florence. De retour en Angleterre
en avril 1848, Florence retrouva
Sidney à Londres et ayant perçu son
intérêt pour une réforme des hôpitaux, elle lui donna un rapport extrêmement détaillé sur tout ce qu’elle
avait lu sur les hôpitaux durant plus de
cinq ans ! Florence n’était cependant pas encore aux bouts de ses
tourments. Une tentative pour aller
visiter les diaconesses de
Kaiserwerth échoua
lamentablement. Elle continuait d’autre part à
s’attirer les foudres de ses parents en
soignant les pauvres des alentours
et, scandale supplémentaire pour sa mère Fanny, elle avait refusé de se marier avec un nouveau prétendant, le
poète Richard Molckton Miles ! La situation à la maison restait donc
extrêmement tendue. Ce furent à nouveau les Bracebridge qui la tirèrent
hors de son milieu familial oppressant. Ils lui proposèrent de repartir avec
eux en voyage, cette fois, pour Sigma Bracebridge remarqua que l’état dépressif de
Florence ne s’améliorait guère. Elle prit alors la résolution d’ organiser le retour en
Angleterre de façon à ce que
Florence puisse enfin accomplir
le rêve de sa vie : passer
quinze jours à visiter l´
Institution de Kaiserwerth.
Cet organisme modèle était doté
d’une structure tout à fait révolutionnaire pour l’époque car on offrait aux malades des soins effectués non
plus par des gardes-malades incompétentes et
le plus souvent alcooliques mais
par un personnel dévoué, idéaliste et sélectionné ! Suite à son séjour à Kaiserwerth, Florence
publiera plus tard un pamphlet anonyme adressé aux femmes que la société anglaise maintenait en « une diligente inactivité » En 1850, Florence à
Lea Hurst ne trouvait toujours personne capable de comprendre ses aspirations
et capable de partager son émerveillement pour les idéalistes de Kaiserwerth ! Ses parents l’avaient chargé de s’occuper
activement de sa sœur Parthe qu’il
fallait distraire ! Florence dut aussi affronter les conséquences de ses
choix : Richard Molckton Miles s’était finalement marié après avoir vainement attendu un
changement de décision de Florence durant
neuf années ! Ce fut à cette époque
que Florence fit la connaissance
du docteur Blackwell une des premières femmes médecins anglaises (elle avait effectué ses études aux
Etats-Unis). La doctoresse lui décrivit la détresse des malades dans les
hôpitaux, ce qui confirma Florence dans ses idées et dans sa vocation. C’est à cette époque que Florence arriva peu à peu à se
libérer de l’emprise de son milieu. On observe un changement de ton dans
ses notes à partir de 1851. Voici comment elle décrivit ses proches : « Je ne puis attendre d
´eux ni aide ni sympathie .Il me faut prendre certaines choses ;
juste ce qu´il me faut pour pouvoir vivre. Je dois les prendre car elles ne me
seront pas données … ». Florence pu alors commencer de vivre mieux car son cœur
s’allégeait progressivement du poids des sentiments de culpabilité et de doute ! Grâce à l´ influence des familles qui éprouvaient de l’admiration et de l’affection pour elle,
les Herbert, Bunsen et les Bracebrigde, elle obtint de ses parents, avec le
prétexte d´accompagner sa mère et sa sœur pour une cure à Carlsbad, la
possibilité de faire un stage à Kaiserwerth. L’institution sera ainsi étudiée sous toutes ses coutures
par Florence qui nota tous ses aspects positifs et mais ce qu’il convenait d’encore améliorer. Florence
n’obtint cependant aucune compréhension auprès de sa mère et de sa sœur pour le
travail intellectuel qu’elle effectuait. En
Octobre 1851, la mère et ses deux filles
de retour en Angleterre retrouvèrent leurs habitudes et obligations
Florence se défoula alors en écrivant
« Casandra », un pamphlet (« Rien n´égale la mesquine et usante tyrannie d une bonne famille anglaise »),
dans lequel elle critiquait la répression
des filles de la bonne société. En 1852 l’assurance de Florence a fait un bond et à l´occasion de son anniversaire, elle
affirmait : « Je suis heureuse
de penser que ma jeunesse est passée, qu´il ne reviendra jamais ce temps d´inexpérience et de
déceptions, ou l´homme ne possède rien, même pas lui –même. » Son père n’était pas étranger à cette amélioration car
il s’était peu à peu rapproché de Florence. Profitant d’être accompagné par celle-ci lors d’une cure de
santé qu’il effectuait à Londres, il
présenta sa fille au le cardinal Manning
qui maintenait une étroite relation avec
les institutions de soins catholiques tenues notamment par les Sœurs de Florence en étant à nouveau plus proche de son père, elle
fut à nouveau jalousée par sa mère et sa
sœur. Parthe se sentit si mal qu’elle sombra même dans la dépression. Pauvre
W.E. N. ! On dut faire intervenir le médecin traitant et le Dr Clark
recommanda fermement la séparation des deux sœurs. On convint de faire partir Parthe pour une cure de santé en Ecosse et Florence
pour Dublin afin qu’elle puisse demander
aux Sœurs de Enfin un peu de chance pour
Florence Ce fut en
avril 1853, que Florence rejoignit à Paris avec l´intention de visiter
hôpitaux et hospices et de réaliser une
étude comparative de ces
institutions. Florence envoya de multiples questionnaires aux institutions mais
à nouveau un contretemps l’empêcha de
mener à bien son projet. Alors qu’elle se
réjouissait de rentrer comme stagiaire
aux Sœurs de L’interruption de son séjour à Paris ne lui fut cependant
pas dommageable car elle revint en Angleterre au moment précis où l’ « Institution Charitable pour dames de bonne
famille, malades et sans ressources » recherchait une directrice. La sachant de retour, on fit appel à elle.
C’était évidemment pour Florence l’occasion rêvée de pouvoir exercer une fonction dans son domaine de prédilection et
malgré la virulente opposition familiale, Florence s’empressa d’accepter
le poste vacant. Elle prit en même temps la courageuse et douloureuse décision de s’éloigner
des siens en allant habiter au sein de
l’institution au nº 1 Harley Street. Florence réforma l’institution dans laquelle elle se
trouvait. Elle eut à faire face au conseil d’administration et exigea que
l´institution soit ouverte à tous et soit
non confessionnelle. Florence solutionna
en priorité les questions d´ordre pratique et d´organisation plutôt que
de rester des nuits entières au chevet des malades. En six mois, elle put se
faire une réputation et cela malgré sa jeunesse. Il faut noter que, bien que sa sœur et sa mère
continuaient à s´opposer à ses activités, Florence pu compter sur leur
générosité pour acquérir quantité de produits
et de matériel utiles à son institution.
Les malades adorèrent rapidement Florence qui éprouva cependant rapidement le
besoin d’élargir son champ d’action. En Janvier de 1854, elle entreprit de
visiter de nombreux hôpitaux pour étayer
sa proposition de réforme des conditions
de vie des gardes-malades. Ce fut à
cette époque que sa correspondance avec Sidney Herbert devint quasi
quotidienne. Florence, volontaire au
Middlesex hospital Au cours de une épidémie de cholera que se déclara à
Londres durant l´été de 1855, elle
s’engagea comme volontaire au Middlesex
Hospital et y organisa les soins. On possède des témoignages
de cette période durant laquelle Florence créa une vive impression d’efficacité. « Il
y a tant de douceur dans sa voix, dans ses gestes, dans ses manières, que ceux
qui l’approchent ne peuvent deviner sa nature inflexible, son étonnante force
de caractère » témoignera Mrs. Gaskels Florence part en Crimée Les qualités d’organisation de Florence allaient
bientôt lui servir sur une bien plus grande échelle. En mars 1854 l´Angleterre et Les Anglais envoyèrent un corps expéditionnaire en
Crimée pour déloger les Russes mais une série de catastrophes transforma
l’expédition en déroute. Quatre Commissions parlementaires furent crées
pour enquêter sur la cause de ce
désastre : trois furent envoyées
sur place et une siégea à Londres.
Toutes ces enquêtes firent l’objet de rapports multiples publiés dans une série
de « Livres Bleus ». Un premier désastre se passa à Silistra en Roumanie en
juin 1854 quand une épidémie de cholera
éclata et transforma l´armée britannique en une armée d’invalides. Les Alliés
se mirent cependant en route pour
attaquer le véritable objectif de cette guerre qui était la base navale
russe de Sébastopol. Plus de 30. 000 hommes s’embarquèrent à Varna pour
traverser Toutes ces horreurs seraient restées secrètes sans les révélations d’un
correspondant du guerre du « Times »,
W.H.Russell qui avait été autorisé à suivre l´Armée
britannique en campagne : ses reportages sur les souffrances des malades
et blessés marquèrent tout le peuple
anglais. Dans une de ses dépêches, il dénonça le manque de personnel
soignant en faisant une comparaison avec
l´armée française bien mieux fournie. Cette nouvelle prit l’allure d’un
véritable scandale en Angleterre. Sidney Herbert qui avait été nommé ministre de Dans sa lettre, Sir Herbert
faisait aussi part de sa décision d’envoyer une Commission enquêter sur
l´état des hôpitaux et les conditions des malades. Le 19 octobre, Miss Nightingale était nommée par le
Cabinet de Comme on pouvait s’y
attendre, cette nouvelle fit sensation
dans la famille Nightingale et, pour la première fois, les parents de Florence
s’emplirent d’orgueil à la pensée de Florence! Les fidèles amis de Florence,
les Bracebridge, ne laissèrent pas Florence seule devant d’aussi
grandes responsabilités et, merveilleux acte de dévouement, décidèrent de partir
avec elle. Pour la première fois dans l´histoire britannique
des femmes étaient officiellement attachées aux hôpitaux de l’Armée. La sélection des
« nurses » se révéla difficile car à cette époque elles n’avaient quasi pas de formation et
souffraient souvent elles-mêmes d’une série de maux dont l’alcoolisme faisait souvent partie!
Finalement Florence engagea quatorze nurses
laïques et vingt–quatre autres appartenant à différentes communautés
religieuses. On comptait : Provenant de
l’église catholique (sélectionnées par avec l’aide du Cardinal Manning) : -5 sœurs du orphelinat de Noorwood (dévouées mais
incompétentes) -5 Sœurs de Berdmonsey (devinrent les plus précieuses
de la mission. La supérieure devint une
des amies plus chères de Miss N.) Provenant d’autres églises : -6 dames de -8 dames de la fondation anglicane de Miss
Sellon : les Sellonites On peut imaginer aisément les difficultés qu’un tel
regroupement de « confessions différentes » entraîna ! Le 21october 1854, le groupe des « nurses » atteignit
Marseille, via Boulogne et Paris. Leurs arrivées dans les villes françaises furent chaque fois saluées comme un grand événement
souvent ovationné. Le 3 novembre, Florence et ses infirmières débarquèrent à Constantinople et furent reçues par Lord
Napier, secrétaire de l´Ambassade. Elles se rendirent ensuite à l´hôpital de Scutari où on
attendait des blessés de la bataille récente de Balaclava. L’histoire dit qu’en
s´approchant à la caserne- hôpital Miss Nightingale pensa au verset de Dante à propos de l´enfer : « Vous qui entrez, abandonnez toute
espérance » L’arrivée à Scutari A mesure qu´elles s´approchaient de la
caserne-hôpital, isolée malgré sa proximité a Constantinople, la terrible
réalité se faisait de plus en plus évidente : aucun quai mais un ponton
branlant et une pente escarpée qui menaient dans un village de soldats dans lequel la plus grande
promiscuité régnait (deux cents femmes avaient obtenu la permission de
suivre l´armée et il y avait une cantine où l’on servait des boissons
alcoolisées). Tout était ruisselant d´humidité, d’ordures et de saleté, ce qui
faisait de l’hôpital un endroit véritablement meurtrier. Après la guerre,
on constata que le taux de mortalité
pour chaque régiment était proportionnel au nombre d’hommes envoyés à Scutari ! L´état sanitaire de l´Armée dépendait de trois
Services : l´Intendance, l´Economat , et le Service de Santé. Il y avait
une indétermination des compétences et
de complexes relations entre ces
services qui étaient lents, absurdes et
évidemment très prolifiques en formulaires. Les « bons »,
« autorisations » et « rapports » multiples décourageaient initiatives et responsabilités. Un seul
exemple : pour la question vitale
concernant l’approvisionnement, la
complexité administrative avait comme résultat
le plus fréquent le retard ou la paralyse des livraisons indispensables au bon
fonctionnement de l´hôpital : Mr Benson Maxwell membre de Les fonctionnaires avaient l´ordre de ne pas soulever
des difficultés et de dépenser le moins possible. Les responsables n´osaient pas faire la moindre suggestion au commandant en
chef au sujet de l´état sanitaire de
l´armée. « On m’aurait trouvé
impertinent » déclara le docteur
Andrew, chef de le Service de Santé à La caserne-hôpital de Scutari témoignait de la façon
la plus dramatique de cette organisation
catastrophique. Inutile de préciser que Miss Nightingale tomba comme
un cheveu dans la soupe à Scutari. Elle n’était vraiment pas la bienvenue : les uns se méfiaient des capacités d’une dame de
la haute société dans cette affaire de
soldats, d’autres la considéraient tout simplement comme une espionne du Gouvernement. Rien n’était le
bienvenu dans cette chasse gardée pas même l’argent rassemblé par le
« Times » pour soulager les souffrances des soldats ! Le Dr
Menzies qui était le médecin-chef de Scutari en apprenant que l´aide destinée à
combler les déficiences de l´administration militaire
provenait des fonds civils réunis par le célèbre journal, ne l’accepta pas de
peur de devoir admettre que les choses allaient mal tandis que Lord Standford,
l´ambassadeur d’Angleterre, profita de ces mêmes fonds pour ses propres
intérêts !! Miss Nightingale
dut montrer une incroyable détermination
pour installer les quarante personnes de la mission sanitaire dans les cinq petites pièces que l’on voulu
bien lui donner ; dans une de celles-ci se trouvait encore le cadavre d´un général russe dont personne ne s’était encore préoccupé !
Les infirmières furent d’abord complètement
ignorées par les médecins pour qui,
accepter de l´aide de civils, signifiait la reconnaissance de leur
incompétence. Florence eut la grande intelligence de comprendre qu’il fallait à tout prix préserver l’amour-propre
des médecins et que dès lors il était primordial d’attendre patiemment que les médecins eux-mêmes fissent appel à son équipe. Cette
attitude très bien réfléchie ne fut pas comprise par une partie de ses infirmières, qui ne comprenaient pas pourquoi
l’on devait attendre si longtemps avant
de commencer à soulager la misère des soldats. Florence fut alors obligée de diriger son équipe d’une manière très ferme
pour arriver à maintenir son autorité dans ces circonstances très difficiles. Le 6 Novembre, les navires- hôpital amenant les
blessés de Balaclava accostèrent. Comme d´habitude, rien n´avait été prévu et
les souffrances des hommes furent atroces, mais l´ordre de Miss Nightingale
était d´attendre les ordres des médecins. Les infirmières étaient
inemployées et passaient leur temps
à inventorier et stocker leur matériel,
à coudre du linge ou à fabriquer des
pansements. Pendant ce temps 2500 malades
croupissaient dans l’hôpital. L’eau manquait, la nourriture était quasi
immangeable et la famine régnait ! La bataille de Balaclava, malgré la victoire anglaise,
montrait la puissance de l’ennemi russe qui
bientôt serait secondé par un
hiver éprouvant une armée isolée et sans réserves. Le débarquement d’un si grand nombre de malades et de blessés provenant de Balaclava
fut tellement inattendu que les
médecins consentirent enfin à se tourner
vers Florence et ses dames. « Comme .Godolphin
Osborne s´agenouillait pour recueillir
les messages des mourants, le papier qu´il tenait à la main se couvrit d´une
épaisse couche de poux. L’hôpital ne disposait pas d’oreillers et de
couvertures. Les hommes gisaient les bottes sur la tête, enveloppés dans la
couverture ou la capote raide de sang et d’ordure qui pendant plus d’une
semaine, avait été leur seule protection (…) Selon l’estimation de Miss Nightingale,
l’hôpital abritait plus d´un millier de malades atteints de diarrhée aigue et
ne disposait que de vingt vases de nuit. Les latrines étaient inutilisables et
les blessés ne possédant ni pantoufles, ni chaussures devaient patauger dans
l´ordure, ce qui fit que peu à peu, ils renoncèrent de se rendre aux latrines.
On avait alors disposé de grands baquets dans les salles et les couloirs. On ne
les vidait qu’une fois par jour La viande destinée aux hommes croupissait à
côté des baquets…La puanteur que dégageait l´hôpital se répandait au delà des
murs de l´enceinte. On vit les hommes changer, racontait Mr Macdonald. Toute
différence entre les blessés et les malades d’effaça. Les blessés qui
semblaient se rétablir normalement contractèrent les fièvres, « tout signe
de gaîté s’éteignit dans les salles, et les hommes, ramenant leur couverture
par-dessus leur tête mouraient en silence ». Le sommet de la misère fut atteint quand on apprit
qu’une tempête au Bosphore avait détruit plusieurs navires dont « le
Prince » qui transportait dans ses cales vêtements chauds et
ravitaillement ! L´administration de l´hôpital s´ effondrait
complètement, paralysée par la peur d´ assumer ses responsabilités ou de
dépasser les attributions budgétaires (le nettoyage urgent des latrines
fut refusé à cause des frais qu’il aurait occasionné). L´unique personne capable de réagir fut finalement
Miss N. qui disposait en plus de son matériel, de fonds (personnels et de sources variées) qui lui
était permis de disposer à sa guise. Elle entreprit de faire nettoyer et
d’entretenir les latrines à ses frais. Elle fit nettoyer les salles, loua une
maison et employa les femmes des soldats dans la lingerie. Ces premiers changements
entraînèrent immédiatement une première grande amélioration dans l’hôpital. Au début de Décembre 1854, 800 nouveaux malades
arrivèrent et Miss Nightingale entama la réhabilitation d’une aile du
bâtiment qui se trouvait déjà fort endommagé avant l´arrivée des
Anglais ; Florence essaya d’obtenir la collaboration de l’épouse de l’ambassadeur
pour obtenir des fonds destinés à réaliser ces travaux de rénovation mais Lady
Standford se montra aussi décevante
que son mari : les ouvriers durent
donc être payés uniquement avec ses propres fonds qui
servirent aussi à équiper les nouvelles
salles de malades. Les nurses étaient récompensées par les paroles des soldats. « Nous nous sentions au paradis » reconnaissait un soldat ! A la fin de Décembre de 1854, Miss Nightingale était
devenue de façon involontaire, la véritable intendante de l´hôpital. Le respect
pour sa personne s’était accru considérablement. Florence ne perdit cependant
pas de vue que l’objectif de sa mission
était de prouver que des femmes formées aux soins médicaux avaient un rôle
irremplaçable à tenir dans la lutte contre la maladie et la misère. Cela n’alla
pas sans mal : les nurses étaient parfois une source d’importants tracas
pour Miss Nightingale. Certaines d’entre elles ne comprenaient pas les mesures
de discipline instaurées. Il y eut de grands mécontentements pour de simples questions d’uniformes. D’autres
nurses jalousèrent et détestèrent leur
chef et, comme rien n’était simple, Miss Nightingale avait aussi à
corriger les erreurs diplomatiques
commises par des infirmières trop bavardes. L’erreur commise par Sœur Elisabeth Wheeler est à ce sujet
exemplaire. Cette religieuse décrivit, dans une lettre à un des ses proches, les horreurs de
l´hôpital et l´inhumanité des médecins. Cette lettre fut publiée par le Times et faillit réduire à
néant tous les efforts entrepris par Florence
dans le but de conquérir la confiance des médecins militaires. Malgré
toutes les difficultés rencontrées dans
la conduite de son équipe et dans ses
rapports avec l’autorité, Miss Nightingale réalisa le travail considérable
qu’elle détailla comme ci-dessous le
4 décembre à Sidney Herbert : -La cuisine de « régime ». -Nettoyage des salles. -Fourniture de 2000 chemises
de coton et flanelle, dont le blanchissage est prévu -Les bases dune maternité. -Les femmes et veuves de
soldats arrachées à leur bagne et soignées par nous. -Longues heures de soins
quotidiens aux blessés avec pansements des plaies et des fractures compliquées,
par les plus compétentes d’entre nous. -Supervision et impulsion à
différents services, en accord avec les autorités médicales militaires -Remise en état d´une aile
pouvant abriter 800 blessés qui sans nous serait restée inhabitable Les difficultés pour Miss Nightingale n’étaient pas
pour autant terminées. Florence connut une immense déception quand elle apprit
la nouvelle qu´ une nouvelle mission d’infirmières comprenant plus de quarante membres et dirigée par son ancienne amie, Mrs Stanley,
marchait vers Scutari pour se mettre, non sous sa direction, mais sous celle du
Dr Cunning ! C’était pour Miss Nightingale une sorte de désaveu qui la poussa à écrire
une lettre cinglante le 15 décembre à Sidney
Herbert et dans laquelle elle suggérait sa démission tout en reprochant à son ami le manque de considération qu’il semblait
montrer envers elle. Pour Florence,
loger et s’occuper de quarante six nouvelles nurses non entraînées constituait
une pure folie qui n’améliorerait en rien la situation sanitaire à Scutari. Mieux eût fallu
renforcer sa propre équipe par quelques femmes sélectionnées en fonction
de leurs compétences. A vrai dire, l’entreprise de Florence était devenue un enjeu en Angleterre et chacun se
disputait pour avoir droit de figurer à ses côtés. Une sorte de compétition
s’était manifesté et chacun jouait de
ses influences. Mrs Herbert et Mary Stanley avaient dû écouter le cardinal
Manning qui se lamentait qu’auprès de Florence
le nombre de nurses appartenant à l’église catholique n’était pas assez
élevé. La nouvelle mission contestée par Florence se
composait de neuf dames, de quinze religieuses irlandaises qui ne reconnaissaient aucune autre autorité que
celle de leur supérieure, Le 15 décembre, les nouvelles infirmières arrivèrent à
Constantinople et furent reçues fort mal. Miss Nightingale refusa
de prendre la responsabilité d´une mission qu´elle n´avait pas demandée
et malgré une entrevue qu’elle tînt avec Miss Stanley, chacun resta sur ses
positions. Pendant ce temps la situation à Sébastopol ne cessait de s’empirer. Entre le
17 décembre et le 3 janvier, arrivèrent à
Scutari 4000 nouveaux blessés et le taux de mortalité ne cessait de
monter. Miss Nightingale arriva finalement à un compromis avec Mary Stanley :
elle emploierait à la caserne- hôpital un certain nombre des religieuses
irlandaises et renverrait en Angleterre quelques Sœurs blanches de
Norwood. De misérables disputes éclatèrent cependant sans cesse dans son entourage. Florence devait
affronter de multiples intrigues favorisées
par le sectarisme religieux entretenu
fortement par la presse. Florence fut
ainsi fort critiquée d’avoir
renvoyé deux infirmières
presbytériennes. La presse voulut voir dans cet événement une discrimination
religieuse alors que tout simplement elles
avaient été trouvées en état
d´ébriété ! Vers la mi-janvier 1855, elle reçut la réponse
réconfortante de Sidney Herbert qui faisait son mea culpa et la suppliait de ne
pas donner sa démission. La mission de Mary Stanley se dispersa dans les différentes institutions : onze
infirmières partirent pour l´hôpital
général de Balaclava avec à leur tête Elisabeth
Davis qui détestait Miss
Nightingale ; Miss Stanley avec Miss Stanley fut
accusée d’incapacité professionnelle, de malversation de fonds et de prosélytisme catholique. Elle perdit
l’appui de l´ambassadrice dont le mari
était un fervent protestant et au mois de mars elle fut renvoyée en Angleterre. La position de
Miss Nightingale se trouva alors un peu meilleure. La reine Victoria suivait de très près le travail de
Florence. Elle s’adressa personnellement
aux soldats par l’intermédiaire de Sidney Herbert et, le 14 décembre,
elle transmit des cadeaux pour la troupe
ainsi qu’un message personnel pour Miss
Nightingale. Florence répondit à En janvier 1855 la souffrance de l’armée devant Sébastopol atteignit un niveau effroyable. Les troupes
ne recevaient plus de matériel ni de ravitaillement pour des raisons souvent
ridicules. D’énormes quantités de marchandise disparaissaient dans les douanes turques ou pourrissaient au fond des cales à cause des carences administratives… Le 2 janvier, 12.000 malades arrivèrent à Scutari. Il
ne restait plus que 11.000 hommes valides
pour faire le siège de Sébastopol, soit moins que la moitié de l’effectif prévu.
Selon Florence, 85% des malades
présentaient des symptômes de scorbut. Ce fut pour cette raison qu’elle se
métamorphosa par nécessiter en logisticienne. Devant la carence alimentaire, Soigner les malades était la moins importante
de mes attributions écrivait à cette époque
Florence. Il est extraordinaire de constater que l’activité épistolaire de Miss Nightingale ne
diminua jamais au cours des jours de tragédie en Crimée. Malgré les
catastrophes, les découragements, les conditions de travail incroyables,
Florence n’arrêtait jamais d’écrire. Ses multiples rapports étaient
caractérisés par leurs aspects très scientifiques. A partir de son vécu, des
statistiques relevées par elles et d’une documentation très soigneusement
rassemblée, Florence réalisa des opuscules sur de nombreux sujets concernant la
santé publique. Elle dressa même un plan
pour une organisation systématique des
hôpitaux basé sur un principe de centralisation et qui nécessitait
la création d’un corps d´infirmières
sanitaires. Les innombrables rapports et lettres de Florence servirent au Ministère de la Guerre de
documents de base pour l’établissement des
futures réformes au sein du service de santé de l´armée. Au mois de
Janvier une épidémie de typhus éclata et
son ampleur fut telle que les cadavres restèrent
sans sépulture : on ne trouvait plus de soldats ayant suffisamment de force
pour creuser des fosses ! La nouvelle de l’épidémie parvint en Angleterre
et remua l’opinion publique. Le 26 janvier le député Roebuck demanda la nomination d’une Commission pour enquêter sur les conditions de vie dans l’armée ainsi que pour examiner les responsabilités. Le Gouvernement
tomba et Lord Palmerston qui était un vieil ami de Florence devint premier ministre.
Lord Panmure, le nouveau Ministre de A la fin du mois de février fut envoyé sur place une Commission
de Hygiène chargée d´enquêter. Celle-ci déclara que Miss Nightingale avait
sauvé l´armée britannique et ses commissaires prirent des décisions dont
l´effet se fit sentir rapidement : le taux de mortalité commença à diminuer. Il
était grand temps si l’on en croit Florence : …. Les infirmières avaient remarqué que certains
lits portaient malheur. Tout malade qu´était couché ne tardait pas à mourir
.Tout se expliqua lorsque on constata que ces lits étaient placés près de
l´entrée des latrines et recevaient directement les émanations de gaz empoisonnés.
La réserve d´eau était également empoisonnée et insuffisante .Les commissaires
firent ouvrir le conduit par lequel passait l´eau qu´alimentait la presque
totalité de l´hôpital et l´on y découvrit le cadavre en putréfaction d´un
cheval ! On avait construit dans la cour intérieure des réservoirs pour
les réserves d´eau, mais ils étaient
placés près des latrines temporaires édifiées au moment ou les hommes souffraient
de dysenterie …La cour intérieure était d´une saleté répugnante et …..tenait
lieu de refuge aux rats qui pullulaient
dans l´hôpital. La dame à la lampe On peut diviser la mission de Miss Nightingale en
Crimée en deux périodes : L´hiver 1854 – 1855 pendant lequel Florence parvint à imposer ses idées et la période s’étalant du printemps
1855 jusqu´à son retour en Angleterre pendant l’été 1856.
Durant cette deuxième période, la jalousie des fonctionnaires succéda à la gratitude et Florence souffrit de l´impression d’avoir échoué. Seuls
les soldats, les « sans grades », continuaient naturellement à l’adorer. C’était bien compréhensible !
Florence avait montré une activité
extraordinaire aux chevets des blessés et avait respecté la promesse qu’elle avait faite de ne jamais
laisser mourir un homme seul. Méprisant les risques de contagion pour elle-même, elle assista plus de deux
mille mourants au cours de ce terrible hiver ! Par son continuel et incroyable apostolat au sein de la troupe, Florence réussit
aussi à influencer positivement le moral des soldats en les empêchant de boire, en les encourageant à correspondre
avec leurs femmes et en les aidant à
accepter la souffrance avec une certaine sérénité. Cette attention continuelle aux soldats ne constituait pas
pour Florence un fardeau. Le pire, dira- t-elle, était le travail administratif ! Il
n´y avait en effet personne pour tenir efficacement son secrétariat et l’aider
dans sa très volumineuse correspondance journalière.
Non seulement il y avait les multiples rapports qu’elle se faisait un devoir de
rédiger mais il y avait aussi toutes les lettres qu’elles écrivaient au nom des
soldats et infirmières illettrés ainsi
que le courrier de remerciements et de demandes destiné à l´oeuvre du Don. Les donations privées
amenaient une tâche administrative
supplémentaire à Florence qui ne put
refuser le contrôle de la distribution
de dons souvent inutiles ou inadéquats. Jamais donc, comme les soldats eux-mêmes le constatèrent, la lampe de
Florence ne s’éteignait soit qu’elle était assisse à son bureau ou bien au chevet de ses
soldats ! Ce fut avec le Dr John Hall, chef
du Service De Santé du Corps Expéditionnaire que Florence éprouva les plus grandes difficultés. Florence écrivit
à ce propos « On a beaucoup parlé de
nos sacrifices et de notre héroïsme .La
véritable humiliation, la véritable épreuve, Cher Mr Herbert, c´est d´ avoir affaire avec des
hommes qui ne sont ni des gentlemans, ni des hommes d´affaires, ni des hommes
de cœur et dont l´unique but est éviter tout blâme ». Déjà, elle avait écrit à Lord Ranglan en décembre 1854
« je ne peux pas m´empêcher de
penser que le Dr Hall considère nos offres d´assistance comme une insulte à sa
compétence ». Le Dr Hall avait été blâmé pour un scandale sur les
mauvaises conditions du transport des blessés et avait était forcé de relever son
collaborateur le Dr Lawson qui était premier médecin sanitaire de Balaclava,
mais peu de temps après, les intrigues aidant, le Dr Lawson fut nommé médecin
en chef de la caserne - hôpital. Malgré la mauvaise administration, les activités de Florence se rend à Baclava Florence décida
se rendre en Crimée à la suite de bruits qui circulaient sur le comportement fâcheux des infirmières.
Le Dr Hall considérait cependant qu´elle
n´avait aucune autorité sur Malgré cette opposition, son débarquement, le 5 mai, dans le port de
Balaclava fit sensation : « Le
spectacle étonnant d´une amazone traversant Balaclava en compagnie d´une foule
de gentlemen dont plusieurs en uniformes étincelants, produisit un effet
extraordinaire …de vibrants hourras s´élevèrent ». Le lendemain, elle
fut reçue avec hostilité et même grossièreté à l´Hôpital Général de Balaclava. Au
Château-Hôpital, elle considéra les nouveaux plans pour les cuisines puis
décida le remplacement des infirmières
responsables. Ce fut durant cette visite que Florence se sentit subitement indisposée et s´évanouit. On diagnostiqua la
fièvre de Crimée et elle fut transportée au bateau. Pendant plus de deux
semaines, Florence oscilla entre vie et mort. La nouvelle de son état critique
se répandit et entraîna inquiétude et consternation parmi les soldats. La réaction en Angleterre ne fut
pas moindre. Lord Ranglan se rendit à son chevet et télégraphia ensuite à la
reine Victoria le bulletin de santé de Florence. Les autorités médicales lui
proposèrent de rentrer en Angleterre mais Florence refusa et décida de se reposer à Scutari. On voulut alors la
renvoyer sournoisement en Angleterre. La
ruse fut éventée par Mr Bracebridge.
Celui-ci découvrit que le bateau, choisi
par les Dr Hall et Dr Hadley médecin en
chef du Château Hôpital, ne faisait pas escale à Scutari mais se rendait directement en Angleterre ! Florence
dut finalement solliciter l’aide de Lord
Ward qui accepta que son yacht la reconduise à Scutari où elle parvint dans un grand état de
faiblesse. Florence s´installa alors dans la jolie demeure de Mr
Sabin, à côté du Bosphore. Pendant les
semaines qui suivirent, elle se reposa au milieu d’amis qui essayèrent de la distraire le mieux possible. Malheureusement, au cours de sa convalescence, Lord Ranglan mourut, et fut remplace par le
général Simson homme intransigeant qui
considérait qu’il était indigne dans sa situation de s´occuper des affaires hospitalières.
Les instructions données par Miss Nightingale ne lui furent donc pas soumises
et ce fut ainsi que les dernières recommandations de Florence ne furent pas
suivies. L’état des cuisines de
Balaclava ne fut pas amélioré et le Dr Hall au lieu de relever l ´incompétente
Miss Weare, la nomma même directrice du
Monastère-Hôpital ! Nouveau moment difficile pour
Florence, ses fidèles amis, les Bracebrigde décidèrent de retourner en
Angleterre. Le 28 juillet, ils partirent en même temps que Florence
retournait travailler à Florence avait engagé une certaine Miss Salisbury pour
s’occuper de l’œuvre du Don. Cette
dame profita de sa position dans son unique
intérêt et ensuite calomnia Miss
Nightingale en envoyant des lettres
diffamatoires en Angleterre. Ce courrier parvint à Mary Stanley. Florence parla
de cette affaire avec le général Storks, nouveau comandant en chef et Miss Salisbury, malgré ses suppliques, fut
renvoyée en Angleterre. Ce renvoi ne fit
qu’aggraver la situation car une fois retournée au pays, Miss Salisbury contacta
Mary Stanley et s’en alla avec celle-ci déposer une plainte officielle contre Florence au
Ministère de Tante Mai au secours de sa
nièce Un grand réconfort aida cependant Florence : sa
chère Tante Mai vint la rejoindre à Scutari le
16 décembre. Tante Mai fut
horrifiée par « le réseau d’ intrigues partisanes, la constante opposition,
les sources d’irritation, le manque de courtoisie dans lesquels Florence était obligée de vivre ». Au début de octobre Florence se rendit à nouveau en Crimée où Florence retomba
malade et dut rester au Château-Hôpital. Après une semaine de repos,
elle retourna au travail. Le Dr Hall la
regardait sans respect comme si elle n’était
qu’une aventurière, et Florence entre dans la
légende Malgré toutes les difficultés Florence tint bon dans
son entreprise car elle savait que le pays était avec elle. Une légende vivante
était née en Angleterre : la sienne, celle de l’odyssée de la « dame à la lampe »
à Sur elle
circulaient poèmes et chansons et
elle figurait déjà représentée en
cire au Musée Toussaud. Un Comité se
forma, créé par son ancien prétendant, Mr. R. Monckton Milnes, et par Sidney
Herbert, afin que Florence puisse bénéficier d’une reconnaissance officielle de
son pays. Comme l’argent affluait de toutes parts, on décida de créer une
« Fondation Nightingale »
dont Florence s’occuperait dès
que possible. La reine Victoria décora Florence de la croix de Saint George, ce
qui emplit de joie et d’orgueil sa mère et sa sœur ! Toutes ces marques de louanges
et de reconnaissances n’avaient cependant pas beaucoup de signification
pour l’intéressée qui avant tout désirait que sa position en Crimée soit mieux
définie. Son objectif principal était la réforme des conditions de vie du soldat
et pas seulement l’amélioration des soins aux malades militaires. Florence se
considérait véritablement comme la mère
de 50.000 enfants ! Dans cette optique, elle était parvenue à ouvrir une
petite salle de lecture (mai 1855) et se battit pour pouvoir disposer d’un instituteur
pour les soldats illettrés. Elle arriva à
obtenir des autorités la mise en place de procédures qui permettaient aux
soldats envoyer de l’argent en Angleterre et en septembre 1855 elle ouvrait, grâce à des
fonds privés, des foyers récréatifs. La promiscuité et l’ivresse avaient disparu au prix d’un travail véritablement titanesque. Florence cependant, si elle avait réussi d’améliorer les conditions de vie des soldats,
essuyait des échecs en ce qui concernait ses idées médicales : le
successeur du Dr MacGrigor réduisit les
fonctions des infirmières, le dépôt ne fût plus employé et pour compliquer le
tout, deux infirmières furent accusées d’immoralité. Les responsables du
désastre de l’hiver 1854-55 furent même promus et cela juste avant que D’autre part, l’intendant Général, Mr Fitzgerald,
rédigea un rapport confidentiel sur
Florence rempli d’accusations. Florence ne put pas se défendre car on ne lui
donna pas accès à l’original de ce
rapport. La coterie Hall-Fitzgerald –Bridgeman étaient donc sur
le point de gagner son combat contre Florence mais in extremis, grâce aux
démarches en Angleterre du Colonel Lefroy qui avait été envoyé en octobre 1855 en mission secrète pour
enquêter sur la situation de Florence en Crimée, Florence obtint une claire définition
de ses responsabilités dans les Instructions
Générales publiées le 16 mars 1856. Ce fut une grande victoire morale pour Florence mais celle-ci survenait tardivement et jusqu’à la fin de la guerre le 29 avril 1856 et cela malgré les Instructions Générales, le docteur Hall
et l’intendant Fitzgeral continueront à faire
de sa vie un enfer par de continuelles mesquineries, grossièretés et calomnies. Le retour de Florence Quand on commença à rapatrier les troupes, Florence s’occupa
personnellement du rapatriement de ses infirmières et elle leur demanda de ne
faire aucune déclaration à la presse lors de leur retour. En juillet, le dernier patient quitta Le retour de Florence se passa dans l’ombre
malgré que le désir de la nation qui voulait passionnément lui rendre hommage. Du côté britannique, elle constituait
en effet la seule grande figure qui émergeait d’une
guerre sans gloire. Cependant, découragée, hantée par tout ce qu’elle avait vu
et vécu (73% de huit régiments balayés en six mois), elle refusa tout accueil
bruyant. Florence quitta Scutari le 28 juillet et voyagea incognito avec tante Mai pour regagner
son foyer de Lea Hurst. « Des figures héroïques
émergent de la guerre de Crimée :le soldat et l’ infirmière. Pour l’un comme pour l´autre
une transformation s’opéra à leur égard
dans l’opinion publique et pour l’un comme pour l’autre ce fut l’œuvre de Miss
Nightingale. Plus jamais le soldat britannique ne serait considéré comme une
brute avinée, la lie de la terre. Il était désormais le symbole du courage, de
la loyauté et de l’endurance. Elle enseigna
aux officiers, et aux fonctionnaires à traiter les soldats comme des
chrétiens. Jamais plus l’infirmière ne serait représentée sur les traits d’une
mégère éméchée et peu farouche. Miss Nightingale avait marqué la profession
d’infirmière de son sceau. Jane Evans et son buffle, Florence, on l’oublie trop souvent, changea l’image du soldat anglais qui, pour les
officiels, n’était qu’une brute intraitable et alcoolique. Elle enseigna par
son exemple aux officiers et fonctionnaires « à traiter les soldats comme
des chrétiens ». Florence continue de se
battre en Angleterre Après avoir vécu cet enfer, toute joie humaine lui
était étrangère. Florence s’attaqua à ce qu’une telle tragédie (75% de
mortalité en six mois dans les troupes de Crimée) soit dans le futur désormais
impossible. Elle exigea donc une réforme
du système sanitaire de l´armée britannique. Sa volonté de fer, son scrupuleux
sens de l´honneur, et sa persévérance s’accrûrent
aux détriment des traits doux de son caractère qui disparurent peu à peu. Peu importait
finalement car Florence n´aspirait plus à la sympathie et acceptait
une certaine solitude. Consciente que sa
position à la fois de femme et d’héroïne nationale rendait difficile ses
rapports avec les autorités, elle chercha à tout prix l´anonymat. Ayant
toujours devant ses yeux le but à atteindre, elle évita de paraître en public
pour essayer volontairement de mettre
fin à son aura de star afin que les autorités puissent se tourner vers elle en
vertu de ses seules compétences scientifiques en matière de santé. Elle trouva à nouveau un précieux allié dans son ami
Sidney Herbert. Le plan de Florence pour obtenir une réforme du service de
santé était d’abord d’obtenir la
constitution d’une Commission d´Enquête dont les futurs membres auraient
été choisis parmi ses amis et collaborateurs en Crimée (Ulloch , McNeill ,
Lefroy…) Le 21 septembre Florence fut invitée à Balmoral pour s´entretenir avec Elle quitta Ecosse pour se rendre à sa demeure
londonienne de l´hôtel Burlington, et se mit tout de suite à dresser sa liste
de candidats pour - Le Dr Farr, véritable pionnier de la science statistique,
Dr Sutherland, grand expert en hygiène, ami intime et médecin personnel de
Florence. - Du côte militaire : Sir Henry Storks, Colonel
Lefroy, Dr Ballfour, le précieux Dr Alexander et surtout son cher Sidney Herbert qui accepta la
présidence de Le champ d´action de Florence connut là une nouvelle période de découragement
jusqu’à ce qu’enfin on autorise la commission à siéger pour la première fois le
5 mai 1856. Un rapport capital L´effort qu´elle dû fournir fut énorme : elle travaillait jour et nuit pour Dans ce travail, Florence examinait les causes du
désastre de Crimée en citant des faits, des chiffres alignés dans des tableaux
et des diagrammes et en démontrant que l´hôpital s’était avéré plus meurtrier
que le champ de bataille. Mais la partie plus importante de son travail
résidait dans ses considérations sur les conditions sanitaires en temps de
paix et dans son analyse statistique des différences entre les soins dont jouissaient les civils et
militaires. Elle visita des institutions civiles et militaires en
prenant tous les moyens de transport inimaginables jusqu’à se rendre à pied, ce
qui était considéré comme très inhabituel pour une femme de sa condition !
L´activité de Florence était extraordinaire: elle
coordonnait les faits, les classifiait et en tiraient des conclusions qu’elle
communiquait à ses interlocuteurs. De
nombreuses personnes témoignèrent de la force et de la clarté qui animaient son
intelligence, de sa puissance de travail
ainsi que de ses autres qualités. À la tête de ce « petit ministère de la guerre »
se trouvaient Florence, Sidney Herbert
et le Dr Sutherland. Ce dernier avait fait la connaissance de Florence en Crimée et
depuis lors était devenu un véritable partisan
de Florence au point de lui consacrer énormément de temps et de renoncer à sa carrière.
Il travailla à ses côtés pendant toute la durée de Florence exigeait plus encore de son ami de toujours
Sidney Herbert. Elle alla jusqu’à minimiser les plaintes de santé de celui-ci et
qui malheureusement se révélèrent être
les symptômes d´une maladie mortel. Sans
doute Florence qui se trouvait en grand état de faiblesse exigea-t-elle des
autres ce qu’elle exigeait d’elle-même : la ténacité dans le travail quoi
qu’il en coûte. Le 7 août 1857,
Sidney Herbert écrit à Lord Panmure en lui recommandant prendre des mesures destinées
à protéger le Gouvernement en remédiant à certaines choses avant que le Rapport n’ arrive devant la Chambre. A
cet effet, il lui proposa de créer quatre sous- commissions dont il serait l´unique président et qui
auraient le pouvoir de - Remédier à l´état sanitaire des casernes. - Fonder un département de statistiques de l´armée. - Créer une école de médecine sanitaire. - Rénover le service sanitaire de l´armée, réviser le
régime des hôpitaux , et promulguer un nouveau décret relatif à la promotion
des médecins sanitaires. Toutes ces sous-commissions augmentèrent encore le
travail de Miss Nightingale qui s’occupait aussi de Quand le mois Février 1858, mère et sœur menacèrent de
venir à Londres pour toute la saison, elle
dut cependant avoir recours à une crise de nerfs pour qu´elles renoncent à leur
projet. La pression familiale
sur Florence diminua peu après parce
que Parthe s’était fiancée et allait devenir Lady Verney. La préparation de cet
événement occupa l’esprit de ses proches et permit à Florence de profiter
d’un peu de solitude. Tante Mai à nouveau
au secours de Florence Tante
Mai pour aider Florence qui avait du mal à retrouver sa santé s´installa à Burlington
avec son genre Mr Clough qui devint le servant et messager de Florence. Tante et
nièce s´adoraient véritablement. En Novembre 1857, Florence se sentit si mal en
point qu’elle donna des instructions sur
son enterrement car elle désirait être
ensevelie en Crimée. Elle se remettra peu à peu mais, toujours faible, elle
travaillera étendue dans son divan. Comme les travaux des sous-commissions
n’aboutissaient pas à des mesures pratiques, Florence utilisa les médias en
envoyant des projets d’articles aux journalistes qui les faisaient paraître
sous leur propre signature. En février 1858, le Gouvernement tomba et avec lui
Lord Palmerston et Lord Panmure. Ce dernier fut remplacé par le Général Peet qui nomma le Dr Alexander
directeur général du Service de Santé Britannique. Le Dr Andrew ayant pris sa
retraite et le Dr Hall avait été éloigné, la coopération allait donc pouvoir
remplacer l´obstruction, ce qui relança le travail des sous-commissions. Au printemps 1858 Florence trouva un nouveau collaborateur dans la
personne du capitaine Douglas Galton , brillant officier du Génie, expert en
infrastructures, et époux de Marianne Nicholson, sa cousine qu’elle avait
autrefois tant chérie. Pendant tout l´été 1858 Florence resta à
Burlington qu´elle quitta seulement pour des cures de santé ponctuelles. Elle interdit à Harriet Martineau, féministe radical
et éditorialiste du Daily News de se
servir de ses notes pour ses articles. Quand en 1857 éclata en Inde la révolte des Cipayes,
Sidney Herbert empêcha Florence de s'engager. Florence entreprit alors, suite à
la lecture de rapports inquiétants au sujet des conditions sanitaires de
l´armée en Inde, de demander à ce qu’une autre Commission fût créée. Lord Stanley, son admirateur et ami, fut nommé
Ministre pour les Affaires d´Inde en 1858, et En août 1858 Alexis Soyer, le brillant diététicien qui
avait accompagné Florence en Crimée, mourut. Il avait collaboré à la
sous-commission concernant les casernes et un de ses derniers gestes fut
d’inaugurer, le 28 juillet, sa cuisine modèle à la caserne Wellington. Le courageux Sidney Herbert en voit de toutes les couleurs Sidney Herbert n´allait pas bien du tout, et Florence
se montra peu sensible à ses souffrances. Dès le mois de janvier, il s’était
mis à souffrir de névralgies et de douleurs dans les tempes et Miss Nightingale
lui recommanda d’imbiber un morceau d’ouate de chloroforme et de camphre et de
l’inhaler profondément. Il suivit ses prescriptions, en abusa et s’en rendit
malade ! En fait, jamais Miss Nightingale
n’éprouva de considérations pour les souffrances de ses collaborateurs car elle
même était persuadée d’être très malade et de travailler sur son lit de mort !
Florence ne témoigna aucune admiration à
Sidney Herbert de son vivant ; par contre après sa mort, elle en fit un véritable dieu qu’elle
regretta et chérira jusqu’à la fin de sa
propre existence. Sidney accepta à contrecœur le Ministère de Malgré toutes les victoires des
« réformistes », l´absurdité de l´organisation du ministère de La tâche écrasante provoqua durant l’été de 1859 une
nouvelle dépression chez Florence malgré
le grand dévouement de Tante Mai et de son neveu Clough. Tante Mai se trouvait
depuis deux ans auprès de Florence pour la soigner et le mari de tante Mai et
son mari réclamait sans cesse son retour !! Il en était de même pour son
neveu Clough qui servait de secrétaire à Florence et dont l’épouse restait
seule la semaine pour s’occuper de ses enfants. Florence étend son travail
aux hôpitaux civils En 1859, son travail s’étendit aussi aux hôpitaux
civils. Elle avait une expérience inégalée dans ce domaine car Florence avait visité au cours des treize années une multitude
d’hôpitaux situés non seulement en Angleterre mais aussi sur le continent. Elle
décrivit en détail les nouveaux principes qui devaient guider la construction
d’un hôpital dans un livre: ´Notes sur
les hôpitaux´, et y développa la thèse, alors révolutionnaire, que le taux élevé
de mortalité dans les hôpitaux était évitable. Pour enrayer la mortalité dans
les hôpitaux, il ne suffisait pas de prier ou d’offrir sa vie en sacrifice. Il
fallait une meilleure aération, d’autres égouts et un plus haut degré de
propreté. Suite à sa publication, des plans sur la construction
des nouveaux hôpitaux lui furent soumis en pas seulement pour l´Angleterre. La princesse
de Prusse, la reine de Hollande et le roi de Portugal demandèrent son avis. Florence continua son étude sur les hôpitaux en écrivant
des rapports sur toutes les nouvelles techniques
dans le domaine des adductions d’eau et du chauffage. Elle écrivit des
centaines de lettres à des plombiers, ingénieurs, entrepreneurs. Elle rédigea
des nouveaux formulaires qui devaient
servir de modèles et servir de manière unifiée à tout hôpital permettant ainsi
de faire des études comparées. L’unique délassement de Florence consistait à écrire ses
pensées philosophiques. Elle publia ´Suggestions
for Tough´à la fin de l’année 1859. Ce fut un échec littéraire mais ses
écrits lui apportèrent l´amitié et l’abondante correspondance de Benjamin
Jowett, célébrité pleine d’originalités, qui essaya même d’épouser Florence ! L’école d’infirmière de
l’hôpital Saint Thomas Florence influença les projets de construction d’un nouveau Hôpital Saint Thomas dont le médecin en chef, Mr Withefield et
l´infirmière- major devinrent ses
fidèles amis. Les En 1859, elle publia
un autre livre ´Notes sur l´art de
soigner´, pour instruire les femmes sur la santé de leurs enfants et leur
maisonnée. Cette fois, l’ouvrage connut
un succès retentissant et on le
traduisit en plusieurs langues. Ce livre
ne traitait pas seulement des soins
physiques, hygiène et nutrition mais aussi des aspects psychologiques et
sociologiques du nursing. C’est dans ce livre que Florence régla leur compte à
quelques idées bien ancrées dans la société victorienne. « Aucun homme, pas même un médecin, ne trouve de meilleurs
qualificatifs pour définir ce que devrait être une infirmière que ceux-ci : docile
et dévouée. Cette définition conviendrait aussi bien à un porte-faix ou même à
un cheval. Elle serait insuffisante pour un policeman ». « L’idée semble
communément acceptée, par les hommes et même par les femmes, qu’il suffit
d’avoir éprouvé un chagrin d’amour et de se sentir incapable de faire autre
chose pour devenir une bonne infirmière » Florence
cependant refusa toujours de
figurer dans le rang des ´féministes´. Elle s’attaqua même dans ses « Notes sur
l’Art de Soigner » au « jargon sur le droit des femmes » : « Gardez-vous des deux jargons actuellement à la mode »
écrit-elle, « le jargon sur les droits des femmes qui les presse d’égaler
les hommes en tout, y compris dans les professions médicales et autres,
simplement parce que ce sont des professions d’hommes, sans se soucier de
savoir si elles conviennent aux femmes ; et le jargon qui presse les femmes
de ne rien entreprendre de ce que font les hommes, simplement parce qu’elles
sont des femmes et qu’il faut leurs rappeler à leurs « devoirs de
femmes », et parce que « ceci est un travail de femme » et ceci
un « travail d’homme » et qu’il y a » des choses qu’une femme ne
devrait pas faire », affirmations toutes gratuites, rien de plus. » Créer l´Ecole
de Infirmières ne fut une tâche facile. Il fallut vaincre l’opposition du
chirurgien-chef du Saint Thomas, Mr J F South. D’autre part, bien que Florence était
l´instigatrice et l’organisatrice de la future Ecole, elle en refusa la direction car elle se trouvait en trop mauvaise santé
et « invalide ». La direction
fut alors confiée à Mrs Wardroper qui resta pendant vingt-sept ans à ce poste
et contribua pour une grande part au succès remporté par cette institution. Le 24 juin 1860, l´Ecole Infirmières Nightingale
débutait avec 15 candidates. Florence était au courrant de tout ce qui se passait
et supervisait personnellement les rapports mensuels de Mrs Wardroper qui consistaient
en des « notes morales et techniques »´ très détaillées.
Florence alla même jusqu’à demander le journal que chaque élève était tenue de
rédiger. En sortant de cette école, les infirmières
s´engageaient à ne pas accepter de situations privées mais à occuper des postes dans les hôpitaux dont
elles s’efforceraient de relever le niveau tant du point de vue des soins que
du point de vue moral. A la fin de 1861, on créa aussi avec les fonds de En février 1860, un grand collaborateur de Florence,
le Dr.Alexander, mourut brusquement d’une hémorragie cérébrale. Cette mort
était due en partie à la constante opposition qu’il avait rencontré pour mener
à bien les recommandations de Florence, une personnalité
pas toujours facile ! Au début de l´été 1860, tante Mai décida que c´était
son devoir retourner dans sa famille. Cette décision fut accueillie avec une
profonde amertume par Florence. Pourtant en 1857, Tante Mai était venue
l’assister parce que Florence se considérait comme mourante et elle
était restée auprès de sa nièce pendant deux ans ! Malgré ce grand
dévouement, Florence ne pardonna pas son
départ ! Tante et nièce ne se revirent plus avant quarante ans et toute
correspondance entre elles cessa ! Ce fut Hilary Bonham Carter qui remplaça tante Mai à partir du Juin 1860. Miss Nightingale se
sentait cependant toujours très affaiblie et passait ses journées au lit.
Sidney Herber venait chaque soir lui rendre visite. Sidney n’était pourtant pas
bien et endurait un vrai calvaire : « chaque
jour où j’additionne le Ministère de La mort du courageux Sidney
Herbert En Janvier de 1861 le projet de réforme du Ministère
de Sidney Herbert mourut le 2 août, et son dernier
murmure fut « pauvre Florence, notre
tâche reste inachevée »… Florence fut anéantie par le chagrin car la base de
son existence s’effondrait. « Il emporte ma vie avec lui »
dira t-elle ! Florence ne montra cependant pas la moindre trace de remords,
elle qui s’était cependant comportée si durement avec Sidney ! Sa douleur,
son deuil avait des caractéristiques pathologiques car elle prit à l’égard du
défunt une attitude possessive à tel point qu’elle se refusait à admettre
qu’une veuve pût être plus à plaindre qu’elle ! Florence demanda à Mr Gladstone de continuer la tâche
de Sidney mais celui-ci ne s’engagea à rien et, déprimée, Florence quitta
Burlington et se retira à Hampstead. Sidney Herbert a laissé peu de traces. A l’époque où
il fut au pouvoir se dessinaient de grandes promesses qui n’aboutirent à
presque rien. Bien des années devaient se passer avant de voir les réformes
proposées par Miss Nightingale et par lui devenir des réalités. Une partie de
son œuvre fut sabotée par ses successeurs et bien des améliorations proposées
devinrent avec le temps dépassées ou soit oubliées. Cependant le nom de Sidney
Herbert est indissociablement lié à l’œuvre de Florence Nightingale. Cette
personnalité hors du commun mériterait certainement qu’une école d’infirmiers
porte son nom ! Florence reste très écoutée La mort de Sidney Herbert lui fermait la porte du
monde officiel et son activité en faveur de l´armée prenait fin, mais d´autres
champs d´action attendaient encore Florence. Malgré ses crises
d’évanouissements, d’extrême faiblesse, et de nausées à la vue de toute
nourriture, on lui demanda son aide pour l’organisation des hôpitaux et des
soins aux blessés dans le conflit américain qui allait plus tard s’appeler guerre de
Sécession. Florence entretint alors une importante correspondance avec les
Etats du Nord en réponse à leurs demandes. En novembre 1861, elle accepta d’abandonner sa maison
de Hampstead pour la maison de South Street propriété de son beau frère, mais elle s ´obstina à vouloir
vivre seule. Le 12 du même mois, monsieur Clough mourait à Florence et la famille
de celui-ci reprocha à Florence d’avoir
trop exigé de son secrétaire. Vers la fin du mois de Novembre, l´Angleterre fut sur
le point de rentrer en Guerre avec les Etats-Unis et Lord de Grey pria Florence
de l´éclairer sur les dispositions sanitaires à
prendre pour le corps
expéditionnaire (elle s´informa de la vitesse moyenne des transports par
traîneau et calcula le temps qu´il faudrait pour faire franchir aux malades les
grandes distances. Elle dressa des plans pour l´établissement de relais contenant les réserves nécessaires. Elle
étudia également la question de l´équipement et recommanda de distribuer aux
soldats des peaux de buffle à la place de couvertures…) Grâce à l´intervention du prince consort, la
guerre fut finalement évitée. La douleur et le chagrin qui habitaient Florence se
transformèrent en une furie de mépris et de dégoût pour son propre sexe qu’elle
qualifiait de frivole, stupide et égoïste. Elle se plaignait de n´avoir pas
rencontré une femme qui ait changé un iota à sa vie pour l’amour d’elle ou de
ses opinions au contraire d’hommes qui avaient su consacrer leur vie à sa
cause ! A Noël 1861, elle se trouva fort malade mais elle se rétablit
à nouveau. Sa solitude l’éprouve : « Je crois que ce dont j’ai le
plus souffert au cours de ces derniers trois mois d’extrême faiblesse, c’est de
ne pas avoir auprès de moi un être qui m’adresse une parole de réconfort , ou
qui puisse même me citer un fait intéressant. Je suis heureuse de voir se
terminer un jour qui ne reviendra plus,
plus heureuse encore de voir s’achever une nuit, et plus encore d’arriver à la
fin d’un mois. » Florence retrouva une partie de son influence au sein
du Ministère de Florence à nouveau dans un combat capital pour
améliorer l’état de santé de l’armée des Indes On se souvient que Sidney Herbert avait laissé un
terrible héritage en créant une Commission sanitaire aux Indes. Le projet
d´amélioration des conditions sanitaires de l´armée aux indes prit une part de
plus en plus grande dans les activités de Florence car elle s’aperçut qu’il
n’existait à ce sujet aucune documentation fiable. Déjà, au début de 1859, pour avoir de données et
informations de première main sur lesquels pouvoir travailler elle élabora un
questionnaire et envoya une ´Circulaire
d´Enquête¨ dans tous les postes
militaires aux Indes. Elle demanda aussi toute la réglementation locale au
sujet de hygiène et de l’administration sanitaire de chaque poste. A mesure que
les réponses arrivaient, Florence assistée des docteurs Farr et Sutherland, dépouillait les informations. Toute
cette documentation avait une immense valeur parce que aucune inspection officielle
n’avait jamais été faite aux Indes. Quand le dépouillement fut terminé,
Florence rédigea ses remarques sous le
titre ¨Observations par Miss Nightingale´ Les données statistiques étaient effrayantes et prouvaient
le sacrifice d’une compagnie par régiment tous les vingt mois
aux Indes´ soit une mortalité de 69 /1.000. On l´attribuait cette mortalité au climat, mais ce n’était
qu un facteur mineur ajoutés aux
conditions désastreuses dans lesquels se trouvaient les camps : aucun
système d´égouts, aucune système de potabilisation de l’eau, de trop rares installations sanitaires, l´alcoolisme, pas
des foyers récréatifs ou sportifs, des latrines effrayantes. Les baraquements
étaient surpeuplés car l’on considérait que l’on pouvait sans réel inconvénient
entasser 300 hommes par chambrée. Généralement pendant la saison chaude, les
soldats étaient consignés au quartier de 8 h00 du matin à 5 heures du soir et
ils n’avaient rien à faire, rien à lire, aucun but. En outre, les soldats
dissimulaient leurs maux de crainte d’être envoyés à l´infirmerie car celle-ci
n’était souvent qu’un simple toit posé sur des pieux. Les malades étaient lavés
et soignés par un coolie payé quatre roupies par mois et qui s’empressait de prendre
la fuite lors d’une épidémie de choléra. Quant au matériel, il était tout à
fait insuffisant : il n’y avait qu’un tub et une cuvette pour 100 hommes ! Florence proposa sans succès que l’on crée un
Département d´Hygiène chargé d’élaborer et d’appliquer les réformes nécessaires
au sein du Ministère de l´Inde. En 1863, elle fut beaucoup plus écoutée par le
fait que le nouveau vice-roi des Indes, Sir John Lawrence, devint son ami.
Florence qui n’avait jamais été en Indes devint une spécialiste des questions
indiennes tant elle possédait le prodigieux pouvoir d’absorber, de retenir, de
comparer la masse énorme de faits qu’elle avait patiemment obtenus en envoyant
son questionnaire détaillé à chacun des postes militaires de l’Inde !
En janvier 1864, assistée de Dr Sutherland et du Dr Farr
et de l´ingénieur Rawlison, Miss Nightingale rédigea ses ¨Suggestions concernant les travaux sanitaires nécessaires à l´amélioration des conditions de vie dans les
postes militaires aux Indes¨, c´etait le premier statut sanitaire apporté a
l´Inde. Malheureusement ses suggestions ne se transformèrent
pas rapidement en réalisations concrètes sur le terrain ce qui fit à nouveau
sombrer Florence dans des crises de ressentiment et de désespoir. Pour la
première fois de sa vie elle commençait
à douter d’elle-même et se sentiment la montrait quelque fois humble et
troublée. Ecrivant à Madame Clarkey en mai 1885, elle se compare même à un
vampire qu aurait sucé le sang de Sidney Herbert et de Clough. Florence déménagea au 35 de South Street et c’est dans cette
demeure qu’elle apprit le 6
septembre 1865 la nouvelle de la mort de son amie Hilary Bonham Carter. Le caractère de Florence devint plus amer. Elle était clouée
au lit depuis quatre ans et souffrait de douleurs dorsales intenses. La lecture
de la littérature qu’elle avait recommencée,
l´étude du grec et la compagnie de ses chats lui apportaient quelques
consolations. Florence travaillait avec un chat enroulé autour de son cou et
jusqu’à six de ces bêtes circulaient dans sa chambre! Au cours de l´automne 1865, Florence se disputa avec
son collaborateur, le Dr Sutherland, l’accusant
d’être moins disponible en ayant accepté d’effectuer des missions de
surveillance du choléra à Alger, Malte et Gibraltar. Florence admirait les
capacités de ce collaborateur mais elle lui reprochait ¨le
vague de ses pensées et l´insouciante de sa conduite ¨. Pour Florence, le
docteur Sutherland n’était pas assez ponctuel et disponible et de surcroît désordonné ! Elle était en outre, irritée
par sa surdité. Le docteur Sutherland, malgré les reproches, se montra toujours
très patient envers Florence et jamais il n’éprouva de rancune envers elle. En 1866, au moment où
le Parlement se mit en vacances, Florence quitta Londres pour visiter
ses parents. Florence n´était plus retournée chez elle depuis neuf ans. Un appartement
de six pièces fut mis à sa disposition. Florence travailla sans arrêt, ne
voyait personne et ne sortait de sa chambre que pour se rendre auprès de sa
mère avec qui elle restait fort critique. Quand elle revint à Londres, Florence dut faite face à
une nouvelle qui l’humilia : Sir Lawrence avait accepté le projet de loi qui prévoyait de faire de
l’administration sanitaire des Indes un Sous-Département du département des
prisons ! En 1867, Florence occupa une grande partie de son
temps à rédiger un rapport pour Sir John
Stafford Northcote résumant le
travail effectué par Mais le prix dont elle dut payer ce succès fut élevé.
Les treize mois qu’elle avait passés, enfermée à South Street à travailler nuit
et jour la laissaient plus souffrante que jamais. Monsieur Rathbone, Agnès
Jones et Florence dans leur combat pour une réforme des soins dans les hôpitaux
pour indigents En 1861, Mr William Rathbone, armateur , négociant de
Liverpool, altruiste et compatissant, grand philanthrope qui en 1859 avait
fondé à ses frais l´Assistance aux
Malades et Indigentes, demanda l´aide de Florence pour réaliser son projet.
Il s’agissait de former à ses frais un
corps d´infirmières qui soigneraient les pauvres à domicile. Florence obtint de l´Hôpital Royal
de Liverpool la création d´une école pour former des infirmières dont un
certain pourcentage serait réservé à Hôpital. D’autre part, monsieur Rathbone voulut aussi aider l´Hôpital de l´Asile de Liverpool. Comme dans
tous les hôpitaux de ce genre, les quelques soins que l’on donnait aux malades
étaient administrés par des indigentes à peu près valides, pour la plupart des
prostituées et des ivrognes. Le 31 janvier de 1864, monsieur Rathbone fit un premier geste en faveur de la réforme
pour les hôpitaux d´indigentes : il demanda à Miss Nightingale de convaincre le Conseil de
Paroisse, qui gérait l’hôpital de
l’asile, d’accepter une équipe d’infirmières diplômées dirigée par une
infirmière-major. Après de longues discussions, l’autorisation fut accordée en mars 1865 et, deux mois plus tard, seize
infirmières arrivèrent avec à leur tête comme infirmière- major Miss Agnès Jones qui était « la meilleur et la plus chère disciple de
Miss Nightingale ». Miss Agnès, jeune, riche, spirituelle et bien
élevée, avait voulu suivre les pas de Florence qu’elle admirait. Elle se montra
une femme exceptionnelle et parvint à améliorer les conditions de vie et les
soins des 1300 malades de l’hôpital. En
1868, Miss Nightingale plaça dans son
livre « Good Woods » un
récit du travail accompli par Agnes Jones sous le titre de « Una et le lion ». Le lion
symbolisait les malades indigents que
devait soigner Agnes, « ces malades
plus difficiles à apprivoiser que des lions » écrivit-elle. Agnès
avait déjà travaillé dans les plus grands hôpitaux de Londres mais elle avoua
qu’avant d’arriver à Liverpool, elle ignorait ce qu’étaient le vice et le péché !
A Liverpool, les salles de l’hôpital de l’Asile étaient un véritable
enfer et les hordes d’indigents malades semblaient vivre comme des bêtes.
L’ivrognerie était générale, les malades portaient la même chemise pendant sept
semaines, la literie n’était changée et lavée qu’une fois par mois… C’est suite à l’expérience de Miss Agnès Jones que Florence
s’efforça de faire changer la législation sur l’assistance publique. Oeuvrant
toujours selon la même procédure, elle rédigea des formulaires reprenant un
questionnaire complet qui furent envoyés en février 1865 à tous les hôpitaux et
infirmeries des hospices du district métropolitain de Londres. Ayant collecté
les résultats, elle réalisa alors un projet de réforme. Le plus urgent était pour Florence de pouvoir changer
l´état d’esprit qui rendait possible la misère dans les hôpitaux d’hospice.
Miss Nightingale essaya donc de convaincre la société anglaise de considérer
les indigents en mauvaise santé comme des malades méritant le respect : ´devant la souffrance il n´y a plus ni bien
ni mal, ni valeur ni non- valeur, ni ami
ni ennemi. Celui qui souffre a atteint une région au delà de toute
classification humaine et tout jugement moral, et sa souffrance même lui donne
tous les droits.¨ Administrativement, son projet de réforme était basé
sur trois points essentiels : a) Les malades, fous, incurables et enfants
doivent être soignés séparément dans des institutions spécialisées. b) Nécessité d´une administration centrale
unique. c) L´organisme administratif doit jouir d´une
existence autonome et de fonds fournis par des taxes générales et non par des
fonds paroissiaux. Après de nombreuses tergiversations, le projet de
Florence fut traduit partiellement en un décret le 8 février sous le titre « Loi d´Assistance Publique Métropolitaine ».
Le regard critique de
Florence sur les soins aux accouchées Florence comme à l’habitude ne se reposa pas sur ses
lauriers. Au cours de l´été de 1867, elle se replongea dans les questions
sanitaires aux Indes et parallèlement à ce travail elle s’attela aussi à
découvrir les causes de la mortalité infantile dans l’école de sages-femmes du
Kinsg´s Collège. Une épidémie de fièvre puerpérale s’était déclarée et avait
nécessité la fermeture provisoire de l’institution. Florence découvrit à cette
occasion qu’il n’existait aucune statistique de mortalité à la naissance et à
nouveau elle entreprit de réaliser une grande enquête. Les institutions se
montraient peu disposées à collaborer mais il sembla à Florence que les taux de
mortalité était plus élevés dans les maternités qu’à domicile et cela même lorsque
les futures mamans accouchaient dans des endroits extrêmement misérables. Le
travail de Florence donnera lieu à un livre qu’elle éditera sous le titre « Notes préliminaires sur les maternités ».
Miss Nightingale était arrivée à la conclusion que l’emploi de petites
salles séparées était la meilleure défense contre une mortalité trop élevée
chez les femmes en couches. A l’époque où elle écrivit cette plaquette, il s’en
fallait encore de dix ans avant que survienne l’ère des grandes découvertes en
bactériologie. La mort d’Agnès Jones La mort de la précieuse Agnès Jones, en février 1868,
à la suite d´une épidémie de typhus à l´Hôpital de l´Asile de Liverpool fut une
catastrophe pour Miss Nightingale. Agnès Jones s’était littéralement usée au
travail ; elle n’était jamais couchée avant une heure et demie du matin et
elle se levait à cinq heures et demie. Florence s’occupe
d’irrigation et ordonne de laisser les fenêtres ouvertes en Inde En mars 1868, les libéraux reprirent le pouvoir, et
l´ascension de Mr Gladstone au ministère de la guerre réduisit quasi à néant
l’influence de Florence. Cependant Lord Napier, devenu gouverneur de Madras,
fut un ami enthousiaste et adepte des propositions de Florence. Sous ses
directives, on parvint à faire accepter des infirmières dans les hôpitaux
indiens. Comme à l’accoutumée Florence essaya de percevoir les conditions
premières nécessaires à une bonne santé publique. Ce fut ainsi qu’elle étudia
et encouragea l’irrigation à grande échelle pour permettre aux Indiens de
manger à leur faim ! Beaucoup de recommandations de Florence furent appliquées
mais parfois il arrivait qu’elle se trompât car, n’étant jamais allée aux Indes, ses connaissances étaient malgré tout
théoriques! L’exemple le plus frappant d’une de ses méprises fut quand elle
demanda de laisser les fenêtres ouvertes la journée pendant la saison chaude.
Ce fut dans l’Inde un grand éclat de rire car chacun savait d’expérience que
fermer les persiennes était la seule manière de garder un peu de fraîcheur
vitale à l’intérieur. Avec les années, Florence apprit à vivre dans une
atmosphère moins fiévreuse et vers les années 1870 elle décida de restreindre
ses activités et de se consacrer à l’organisation de son école dans l’hôpital
St.Thomas. A partir de 1872, elle se fit une règle de connaître personnellement
chaque élève ! Elle dut aussi se consacrer à ses parents alors âgés et
souffrants. En 1874, son père mourut et
Florence dut s’occuper nuit et jour de sa maman
devenue aveugle dans sa propriété de Lea Hurst. Les années septante de Florence furent endeuillées par
la perte de tous ses amis qui avaient lutté auprès d’elle. Elle trouva de la
consolation chez Miss Paulina Irby qui depuis son enfance avait été inspirée
par Miss Nightingale et qui avait passé toute sa vie à adoucir les souffrances
des populations de Bosnie et d’Herzégovine, luttant pour échapper à la
domination turque. Florence parvint cependant toujours à conserver la haute
main sur son institution. Lorsqu’elle se rendait à Londres, elle entretenait de
constants rapports avec les infirmières et les stagiaires et surtout elle leur
écrivait constamment. Lorsqu’une jeune fille devenait une de ses élèves, elle
ne l’abandonnait pas même au terme de ses études. Par exemple, lorsque Miss
Torance fut nommée directrice de l’hôpital de Highgate, Miss Nightingale lui
écrivit une centaine de lettres au cours de la première année et reçut à peu près le même nombre de réponses. Jamais elle ne
cessait, dans ces lettres de rappeler à ses infirmières l’angle spirituel de
leur vocation, d’insuffler en elles, non seulement le sens élevé de leurs
devoirs, mais celui de la présence de Dieu.
Florence puisait un grand réconfort en compagnie de
ses jeunes élèves et infirmières. Le spectre d’une vieillesse solitaire,
« d’une affreuse solitude » la hantait, et dans le « torrent
d’infirmières » venant dîner, dormir, prendre le thé, lui demander
conseils et lui exposer leurs difficultés, elle retrouvait cette chaleur
humaine dont elle avait été privée. Le 2 février 1880, la maman de Florence
s’éteignit paisiblement à l’âge de 92 ans. Florence s’était dévouée à son
chevet pendant plus de cinq années, cinq
années qui semblèrent à Florence comme étant
les plus difficiles de sa vie. Miss Nightingale avait connu beaucoup de
ressentiments face à sa mère et à sa sœur Parthe. Les années passées à soigner
Fanny lui enlevèrent peu à peu ces pénibles ressentiments. Un changement se fit
en elle et sa bonté, la parfaite bonté qui l’animait pendant sa jeunesse, lui
revint. En 1881, elle se réconcilia avec sa tante Mai et elle retrouva des
liens normaux avec sa sœur qui lui
réservait en permanence une chambre dans
sa demeure de Claydon. C’est peu après que Miss Nightingale retrouva encore une
fois encore de l’influence au Ministère de L’obstination de Miss Nightingale portait
cependant des fruits d’années en années des fruits toujours plus
abondants et en 1885, le gouvernement
soutint de toutes ses forces le corps infirmier qui accompagna le Corps Expéditionnaire parti délivrer le
général Gordon encerclé à Khartoum. Ce fut une grande satisfaction pour Florence
qui, par ailleurs, au cours des dernières années de sa vie retrouvait un
meilleur état de santé. La vieillesse de Miss Nightingale Si la vie n’avait pas toujours été très douce pour
Miss Nightingale, elle lui offrait dans sa vieillesse des compensations. On la
traitait avec une déférence presque religieuse et pour des millions de femmes
du monde entier elle était devenue le symbole d’une ère nouvelle. A
partir de 1896, elle ne quitta plus sa maison de South Street et se cantonna dans sa chambre à coucher mais
son intelligence restait vigoureuse : le ministère de la guerre la
consultait encore et elle conservait des
relations avec l’Inde en correspondant avec le vice-roi Lord Elgin ! En 1898, elle relut Shakespeare et prit de nombreuses
notes malgré sa vue qui faiblissait. En 1901, l’obscurité se referma sur elle.
Elle se rattacha à la vie en se faisant lire le Times chaque jour ou encore un
chapitre d’un de ses livres préférés « La vie difficile » de Théodore
Roosevelt. En 1906, elle ne fut plus capable d’apprécier les lectures ou
récitations et elle restait pendant des
heures immobile, ses mains croisées paisiblement sur la couverture. Et alors qu’il n’était plus au pouvoir du
monde de lui plaire ou de la blesser, une pluie d’honneurs se répandit sur elle…
Miss Nightingale s’éteignit le 13 août 1910. Elle s’endormit vers midi et ne se
réveilla pas. Elle avait vécu 90 ans et trois mois. Dans son testament, elle
offrait son corps pour la dissection ou l’examen post-mortem, dans l’intérêt de
la science ! . Bibliographie Cecil
Woodham-Smith. Florence Nightingale
.Traduit de l’anglais par Jane Fillion. Albin Michel, 1953. Dr Krebs Japy. Florence Nightingale, sa vie et son œuvre.
Préface de Mlle Chaptal. A. Poinat, Editeur, 4 rue Antoine Dubois, 1932, Paris Marie De Vivier. La dame à la lampe, collection marabout
junior, série mademoiselle, N°8 |