Médecins de la Grande Guerre
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Le
plus grand complexe hospitalier de tous les temps se trouvait à Etaples-sur-Mer. En 1915 les Anglais transformèrent une étroite
bande de terrain à proximité du petit port de pêche d’Etaples situé au sud de Boulogne,
en un immense ensemble d’hôpitaux militaires, d’entrepôts et de centres
d’instruction destinés à assurer les arrières de leurs unités qui combattaient
sur le front des Flandres et de Les hôpitaux furent construits avant les camps
d’entraînements. Le 7 avril, 1915 s’ouvrit le premier d’entre eux,
« l’hôpital Général n°18 » et à la fin du mois de juin se trouvait à
pied d’œuvre le personnel destiné à travailler dans plus de 12 hôpitaux
militaires. Les hôpitaux initièrent les soins d’abord dans des tentes avant de
disposer des baraquements de bois. Au plus fort des activités du camp on compta
environ vingt hôpitaux militaires dont le plus vaste comptait 3 000
hospitalisés. Au total, Etaples comptait plus de 20.000 lits d’hôpitaux.
Au cours
du mois de juin, trois casernes d’infanterie commencèrent à fonctionner tandis
que onze autres étaient en construction avancée. Au plus fort de ses activités,
le camp d’Etaples compta 40 casernes appelées IBD (Infantry Base Depot). Entre
juin 1915 et septembre 1917, plus d’un million d’officiers et d’hommes de
troupe passèrent par les IBD avant de rejoindre le front. Aux casernes et
hôpitaux, on ajouta des hôpitaux vétérinaires des dépôts, une blanchisserie,
des champs de tir, des camps de police et de détention etc..
Plus de 100.000 personnes représentaient
l’effectif du camp pendant son fonctionnement optimal. Le camp ressemblait à
une ville de dimension importante mais dotée d’une caractéristique
unique : ses habitants ne s’y installaient jamais pour très longtemps :
jour après jour, des vagues de milliers d’hommes arrivaient au camp d’Etables
et succédaient à celles le quittaient.
Les
hôpitaux avaient chacun leur spécificité ainsi l’hôpital d’isolement s’occupait
uniquement des cas qui impliquaient des maladies infectieuses. L’hôpital
Général N°51 s’occupait des maladies vénériennes et le N°24 des prisonniers
allemands. Dans un autre hôpital, on s’occupait des Cafres (ethnie
sud-africaine).
Les blessés et malades d’Etaples provenaient
donc de tout le Commonwealth. Les cafres
arrivèrent dans la région au nombre de 1.400 pour construire et entretenir un
immense dépôt de munitions à Dannes. Ils faisaient partie du South African
Native Labour Contingent ou en abrégé SANLC.
Lorsque ces hommes ne travaillaient pas, ils étaient confinés dans des
camps spartiates entourés de fils barbelés. Recrutés sous des contrats d’un an,
ils furent remplacés par des ouvriers chinois faisant partie du Chinese Labour
Corps. En 1918, il y avait 3 000 Chinois à Dannes, mais seule la compagnie
n°159 était basée à Etaples. Les prisonniers allemands étaient aussi soignés à
Etaples car au nombre d’environ six mille, ils occupaient sept camps de
prisonniers situés aux environs du camp. Organisés en compagnie de travail de
500 hommes, ils travaillaient comme manœuvre dans les chantiers de l’armée.
Les hôpitaux d’Etaples avaient pour but de
consolider le traitement déjà effectué dans les hôpitaux de l’avant ; on
opérait donc peu à Etaples mais le traitement des plaies grâce à la méthode
Carrel-Dakin était fort utilisé. Cette
méthode mise au point à l’hôpital de l’Océan en Belgique était fondée sur
l’humidification permanente des plaies par un produit désinfectant à base
d’hypochlorite. En absence d’antibiotiques, cette méthode permit une réelle
avancée thérapeutique et évita de nombreuses amputations.
Les femmes du camp étaient environ 2.500 et
avaient leur propre hôpital quand elles devaient être hospitalisées. La plupart
étaient des infirmières « QUAIMNS » c'est-à-dire appartenant au
Queen Alexandra’s Imperial Military Nursing Service (service infirmier
militaire et impérial de la reine Alexandra) ou des volontaires « VAD »
appartenant au Voluntary Detachment off the British Red Cross. Parmi les « VAD » se
trouvaient des conductrices d’ambulance qui travaillaient sur le site d’Etaples
mais qui transportaient aussi les blessés jusqu’aux navires-hôpitaux mouillés à
Boulogne. Toutes ces jeunes femmes étaient soumises à une discipline très
stricte et n’avaient pas le droit de se mêler à leurs homologues masculins même
durant leurs congés (un demi-jour par semaine et un jour par mois). En 1917,
une troisième catégorie de femmes apparut à Etaples, les « WACC » du
Women’s Auxiliary Army Corps. La plupart des « WACC » travaillaient
comme cuisinière ou dans les cantines mais certaines d’entre elles
travaillaient comme jardiniers et entretenaient les tombes de guerre. Le corps
des « WACC » fut rebaptisé en 1918 en « QMAAC » (Queen
Mary’s Army Auxiliary Corps).
Les soldats ne pouvaient s’échapper du camp
pour se rendre dans la petite ville d’Etaples qu’exceptionnellement. Les deux
ponts qui y menaient, l'un au-dessus de
Le camp d’Etaples fut soumis à des
bombardements par l’aviation allemande pendant la deuxième partie de l’année
1917 et pendant le début de 1918. Etait particulièrement visé le viaduc
ferroviaire au-dessus de la rivière Canche.
La vie des soldats à l’entraînement était
particulièrement pénible. Ils manœuvraient toute la journée au nord du camp
dans des terrains qu’ils appelaient l’arène, « the bull ring ». Les
instructeurs étaient souvent très brutaux et surnommés les
« canaris » à cause du bandeau jaune qu’ils portaient au bras. Ce
sont les « canari » qui prenaient en charge les nouvelles troupes dès
qu’elles débarquaient à Boulogne et qui leur faisaient parcourir immédiatement
en marche forcée la distance entre Boulogne et Etaples. Il ne fallait pas plus
de 15 jours pour que les recrues haïssent leurs instructeurs. Il n’est pas
étonnant que ce soit à Etaples qu’une des plus importante mutinerie de l’armée
impériale éclata le 9 septembre 1917. Cette révolte survint avec l’arrestation
d’un artilleur Néo-zélandais. Un grand nombre de soldats assiégea le siège de
la police militaire et une « casquette rouge » (redcap de la military police)
fit feu au-dessus des manifestants et blessa mortellement le caporal W.B Wood.
Les policiers ne trouvèrent leur salut que dans la fuite. Dans les jours qui
suivirent les soldats voulurent à plusieurs reprises pénétrer sans permission
dans la ville d’Etaples et il y eut de nombreux heurts jusqu’à ce qu’une force
d’intervention de 2.300 hommes rétablisse l’ordre. 54 hommes passèrent en cours
martiale et un soldat fut exécuté pour mutinerie : le caporal Jesse Short,
un vétéran des tranchées qui avait servi le 26ème Régiment des
Fusiliers du Northumberland. Short avait déclaré de « con » un
officier ajoutant qu’ « il n’y avait qu’une chose à faire avec ce salaud,
c’était de lui passer une corde au cou et le jeter dans la rivière ». Passé en
cours martial, il présenta des excuses, mais des officiers prétendirent que les
hommes avec qui se trouvaient Short avaient brandi des drapeaux rouges. Cette
allusion ne porta pas la cour à la clémence et le malheureux fut exécuté à
Boulogne le 4 octobre 1917. Une légende
veut que le principal meneur de la mutinerie ait été le soldat Percy Toplis qui
réussit à fuir et à se cacher jusqu’en 1920 l’ année où il fut abattu par la
police en Angleterre après avoir tué un chauffeur de taxi. C’est seulement en
1979 que l’on commença à déchirer le voile de silence sur la mutinerie et cela
grâce à la parution à Londres d’un ouvrage de William Allison et Johne Fairly
intitulé Toplis the Monocled Mutineer. Ce livre fut fortement contesté car il
précisait que la mutinerie avait été extrêmement grave et alla jusqu’à
compromettre l’offensive du Maréchal Haig contre l’armée allemande à
Passendaele. On devrait en savoir plus en 2017 quand les archives de
Le paysage entre Boulogne et Etaples consistait
en un défilement pendant trente kilomètres d’hôpitaux militaires, de camps de
prisonniers et de cimetières. Ce premier paysage de France aperçu par les
recrues anglaises à leur arrivée sur le continent était particulièrement
déprimant !
Aujourd'hui de l’immense camp militaire, il ne
subsiste plus qu’un énorme cimetière militaire où plus de 11.000 hommes
reposent face à la mer après avoir vainement espéré survivre à leur évacuation
du front dans des conditions souvent effroyables et à leur
hospitalisation. Parmi tous ces hommes,
repose un soldat qui ne possède aucun compatriote à ses côtés : il est Belge et
sa pierre tombale est unique dans l’immense nécropole car elle est ornée d’un
drapeau aux couleurs noir, jaune et
rouge. Il s’agit du brigadier DeGendt. J’ai voulu en savoir plus sur l’unique
Belge qui repose à Etaples par les 11.000 soldats de l’empire britannique. Son
dossier matricule qui existe toujours au service de documentation du musée
royal de l’armée nous apprend son histoire.
De Gendt
François a été rappelé en juillet 1914 au 9e Régiment de Ligne. Il
était le fils unique d’une dame ayant élevé seule son enfant. François fut
blessé au tout début de la guerre et hospitalisé à l’hôpital militaire d’Anvers
le 6 septembre 1914. On perd ensuite sa trace jusqu’au 1/5/15. Qu’advint-il de
lui pendant cette période ?
Parvint à suivre les troupes belges quittant Anvers pour rejoindre l’Yser ?
Fut-il interné en Hollande ou se cacha-t-il en Belgique le temps de sa
convalescence ? Personne ne pourra plus répondre à cette question. En 1923, les
autorités militaires belges refuseront à sa mère qui en a fait la demande la
décoration posthume de la médaille de l’Yser arguant du fait que nulle part on
retrouve trace de sa présence derrière
l’Yser en octobre 1914. La maman demandait-elle cette décoration parce qu’elle
possédait du courrier de son fils qui lui racontait la bataille de l'Yser ?
Elle n’eut en tout cas pas l’occasion de faire valoir ses arguments : la
lettre du Ministre de
Si le doute subsiste quand à la participation
de François De Gendt à la bataille de l'Yser, il put en tout cas rejoindre par
ses propres moyens Calais où il fut réintégré le 9/2/15 dans les rangs de l’armée
et cela au Groupe Parc Automobile de Réserve. Le 15 avril 1917, il est
mentionné comme faisant partie du Corps des transports du Cabinet du Ministre
de la guerre au Havre. Le 6 juin de la même année, il devient brigadier moto et
le 15 juin brigadier convoyeur. François De Gendt sillonnait donc les routes de
France pour le Ministre de Le brigadier Degendt François est mort dans un
hôpital réservé aux soldats Allemands. Il fut le seul Belge enterré dans
l’immense cimetière d’Etaples et qui était réservé aux soldats du Commonwealth.
Nous lui rendons hommage sans oublier sa maman ! Puissent quelques-uns de
ses compatriotes avoir aujourd'hui une pensée pour lui ! Dr P
Loodts. Source : 1) « Le camp
Britannique d’Etaples » par Douglas Gill et Julian Putkowski Editions du
Musée Quentovic d’Etaples. 2) « Les
mutins » par W.Allison et J.Fairley, Edité par les amis du Musée de L'arsenal de construction automobile (A .C.A.) Un des ateliers de réparation de l’arsenal de construction automobile (A.C.A.). François De Gend y fut affecté en 1917.
La reconstitution, ou plutôt la constitution des services automobiles si importants dans les
armées modernes ne présentait pas moins de difficultés que la reconstitution de l’artillerie.
Au moment où la guerre éclata, la Belgique, en fait de matériel automobile, ne possédait à peu
près rien. Heureusement, dans ce pays actif, laborieux et d’esprit très moderne, l’automobilisme
était fort répandu et la réquisition des voitures qui fut ordonnée le jour même de la
mobilisation, mit immédiatement à la disposition du ministère de la Guerre un grand nombre de
véhicules. Seulement, ces véhicules étaient presque tous des voitures de tourisme, quelques
camions de livraison, très peu de camions lourds, enfin un certain nombre de voitures
hétéroclites, tel ce corbillard qui, par une ironie du sort, suivit l’armée en retraite dans
toutes ces vicissitudes et que j’ai vu remiser, macabre et grotesque, dans la réserve de
Sainte-Adresse.
Aussi bien pour le ravitaillement que pour le Service de Santé, tout cela était loin de
pouvoir rendre tous les services qu’une armée moderne est en droit d’attendre de
l’automobilisme.
Au commencement de la guerre, il est vrai, quand l’armée belge opérait sur son territoire,
l’admirable réseau de chemins de fer qui couvre le pays, et que complète le réseau de chemins
de fer vicinaux, rendait le service de ravitaillement automobile moins indispensable qu’il ne
l’est devenu depuis : les voies ferrées suffisaient à tous les gros transports. Mais,
aujourd’hui, il n’en est plus de même, et dans l’immense travail de réorganisation et de
reconstitution militaire auquel le gouvernement belge s’est consacré depuis son installation
sur le sol français, le service automobile est un des plus importants. Les dépôts, les
magasins, les centres d’approvisionnement de l’armée belge sont, en effet, disséminés dans
tout le nord-ouest de la France, assez loin en arrière du front. Le réseau ferré qui les
dessert est loin d’être aussi serré que le réseau belge, et il doit être en outre, non
seulement utilisé pour les besoins de l’armée belge, mais aussi pour les besoins de l’armée
française et de l’armée anglaise.
Il fallut d’abord courir au plus pressé, et dès l’installation du gouvernement au Havre, il
fit l’acquisition, en Angleterre et en Amérique, d’un grand nombre de camions spécialement
aménagés pour le transport des approvisionnements militaires, tant en vivres qu’en munitions.
Mais comme il était nécessaire de viser à l’économie autant qu’à la promptitude, on songea
immédiatement au moyen de faire donner le meilleur rendement possible aux voitures
réquisitionnées.
C’est alors que furent créés les ateliers et le parc de réserve de l’A.C.A. De l’aveu unanime
de tous les officiers et de tous les ingénieurs étrangers qui ont visité ces vastes
installations créées cependant avec des moyens de fortune, elles constituent un véritable
chef-d’œuvre d’organisation industrielle.
Les ateliers de l’A.C.A. ne se contentent pas de faire aux autos en service les réparations
courantes et de se tenir toujours prêts à fournir à toutes les machines les pièces de rechange
indispensables, ils s’emploient aussi à transformer les voitures de tourisme, dont en disposait
en grand nombre, en camions et en voitures d’ambulance, à refaire des voitures neuves avec
plusieurs voitures hors d’usage. Rien n’est perdu à l’A.C.A. Aussitôt qu’un véhicule avarié
lui est envoyé, on le démonte. S’il est réparable, on le répare. Sinon, on classe les différentes
pièces utilisables qui serviront à faire des machines nouvelles. Quand aux pièces brisées,
elles sont envoyées à la fonderie que le ministère de la Guerre a créée près du Havre, et qui
fournit le métal aux ateliers.
Ce qui rendait le problème extrêmement difficile au point de vue technique, c’est la
multiplicité des types de voitures que la réquisition avait mises à la disposition de l’armée
belge. Il y en avait de toutes marques : belges, françaises, anglaises et…allemandes. En
conséquence, impossibilité de se procurer certaines pièces de rechange, d’autant plus que les
usines françaises et anglaises étaient absorbées par les commendes de leur propre gouvernement.
La direction de l’A.C.A. se résolut donc à fabriquer les pièces elles-mêmes. Des
machines-outils furent immédiatement achetées en Angleterre et en Amérique, et il n’est pas un
élément de n’importe quelle voiture automobile que l’usine de Sainte-Adresse ne soit maintenant
en état de fabriquer.
L’usine de Sainte-Adresse ! C’est à dessein que j’emploie ce mot, car c’est véritablement une
usine que cet établissement militaire, où tout est soigneusement contrôlé comme il convient
aux organismes d’État, mais où tout fonctionne, non selon les règles administratives
nécessairement un peu lourdes, mais conformément aux principes de bonnes gestions industrielles.
Le personnel est presque entièrement militaire ; il n’y a que quelques rares ouvriers civils
qui, presque tous, vont être militarisés conformément à l’arrêté-loi qui appelle sous les
drapeaux tous les Belges de dix-huit à quarante ans. Mécaniciens, monteurs de pneus, ébénistes
et tapissiers – car l’A.C.A. comporte également des ateliers de carrosserie – ont été recrutés
parmi les mobilisés, et sont soumis à la discipline militaire. Mais, à cela près, ils
travaillent comme à l’usine, non sous les ordres de gradés mais sous les ordres de contremaîtres
dont l’autorité ne dépend pas du nombre de galons qu’ils portent sur leur manche, mais de leur
compétence technique et de leur habileté professionnelle.
Aussi, dans ces ateliers improvisés, installés dans des baraquements construits à la hâte,
tout marche-t-il avec une régularité parfaite.
C’est avec un étonnement qu’on a pu voir là comment on transforme une limousine avariée en une
merveilleuse voiture d’ambulance, comment avec de vieux pneus crevés, on fait des pneus neufs,
comment de deux châssis faussés on fait un châssis nouveau. Bref, ce service improvisé en
pleine guerre est arrivé non seulement à répondre à tous les besoins du front belge actuel,
mais aussi à préparer les réserves nécessaires à une avance éventuelle. |