Médecins de la Grande Guerre

L'abbaye de Valloires (France) : un ancien hôpital militaire belge

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L'abbaye de Valloire (France) : un ancien hôpital militaire belge

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Le lieutenant général médecin, Armand Dejardin, premier commandant qui dirigea l'hôpital.

Le commandant médecin, Louis De Tournay, second commandant qui dirigea l'hôpital.

Gravé dans le mur. (Photo F. De Look)

Gravé dans le mur. (Photo F. De Look)

Nom du soldat (De Vrin), son bataillon (le troisième chasseur à Pied) et son numéro de matricule (57 697). (Photo F. De Look)

Le sergent De Vrin

De Vrin à la 3ième compagnie des mitrailleurs à Autingues-Lez-Ardes

Magnifique peinture réalisée en 1916 par le Belge Baillière

Vue de L'Abbaye de Valloires.(Photo F. De Look)

Le cloitre. (Photo F. De Look)

Ici on voit encore la peinture bleue mise par les Belges pour « éloigner les moustiques ». (Photo F. De Look)

Le long de l'Abbaye. (Photo Dr Loodts)

Cour intérieure de l’abbaye. (Photo F. De Look)

Cour intérieure de l’abbaye. (Photo F. De Look)

Correspondance (carte de Jozef Deruyck)

Correspondance (carte de Jozef Deruyck)

Correspondance (carte de Jozef Deruyck)

Courrier envoyé de l’Hôpital Militaire de Valloire vers l’Hôpital Militaire de Cabourg (carte de Jozef Deruyck)

Courrier envoyé de l’Hôpital Militaire de Valloire vers l’Hôpital Militaire de Cabourg (carte de Jozef Deruyck)

Préventorium de Valloires – Classe des garçons. (Les Editions d’Art Yvon)

Les jeunes dans l’ancien réfectoire des Moines. (Les Editions d’Art Yvon)

La prière au tour de l’Autel. (Les Editions d’Art Yvon)


L'abbaye de Valloire (France) : un ancien hôpital militaire belge



Le sergent De Vrin



Vue de L'Abbaye de Valloires.(Photo F. De Look)

       Je découvris l'abbaye de Valloires durant les vacances de Pâques 2OOO[1]. Ma visite n'était pas due au hasard. Ce vénérable endroit de toute beauté, situé dans la vallée de l'Authie, petit fleuve côtier entre Picardie et Artois, avait servi d'hôpital militaire belge[2] durant la Grande Guerre et j'avais résolu de m'y rendre dans l'espoir de retrouver quelques souvenirs des soldats belges qui y avaient séjourné. Les bâtiments, notamment le cloître et la chapelle, pouvaient être visités et c'est avec une certaine impatience que j'attendis l'heure de la visite guidée. Je ne fus pas déçu : une  guide aussi enthousiaste que compétente  me présenta ce qui subsistait de l'époque où des médecins belges et leurs patients  occupaient l'abbaye. Il y  avait notamment une magnifique peinture représentant le  chœur de l'abbatiale réalisée en 1916 par  le  Belge Baillière A. et,  choses beaucoup plus modestes, des traces de la peinture bleue appliquée par les Belges sur  les murs et  colonnes du cloître qui avait servi  de salle d'hospitalisation. Anecdote amusante rapportée par ma guide : la couleur bleue avait sa raison d'être dans un hôpital : elle était considérée à l'époque comme un bon moyen de faire  fuir les moustiques...



Le cloitre. (Photo F. De Look)

       Ces quelques souvenirs précieux  représentaient  cependant  bien peu de choses quand il fallait évoquer le séjour de centaines des soldats belges à Valloires. Les Belges n'avaient-ils pas laissé à la postérité d'autres souvenirs ? J'avais remarqué, gravés sur le long mur qui séparait  le jardin de l'abbaye de la route nationale, d'innombrables graffitis qui  témoignaient  des hommes et des femmes qui avaient côtoyé ces lieux. Peut-être s'en trouvaient-ils quelques uns  écrits par les soldats belges ?  A deux reprises, j'examinais ces innombrables  inscriptions dont certaines remontaient au 19e siècle. Des centaines de touristes et d'amoureux  avaient voulu  laisser à Valloires un souvenir pour la  postérité mais, pour une raison inconnue et à mon grand dépit, aucune ne semblaient  provenir des soldats belges ! 

       Un an plus tard, le 5 mai 2001, j'eus l'opportunité de retourner une nouvelle fois à Valloires. A l'invitation du Président de  l'Association de Valloires, Monsieur J. F. Camus, je donnai ce jour là une conférence bien à propos  sur la  "Présence des belges en France pendant la guerre 14-18". Ce  séjour fut en quelque sorte providentiel car, durant celui-ci, je fus conduit  par le plus grand des  hasards à reprendre des  recherches qui débouchèrent sur un résultat inespéré. Les circonstances de cet évènement méritent d'être racontées : la conférence avait été prétexte à un magnifique week-end de détente pour  mon épouse, un couple d'amis et moi-même. Quand le terme de notre escapade approcha, nous dûmes nous résoudre à plier bagages et à  quitter nos magnifiques chambres d'hôtes situées dans le quartier de l' "Abbé" . Nous convînmes alors de nous retrouver, nos valises faites, devant la  porte de l'hôtellerie afin de nous dire au revoir. Arrivé le premier sur les lieux convenus et après plusieurs minutes d'une vaine attente,  je pris le parti d'examiner à tout hasard  les murs extérieurs de l'église abbatiale qui s'élevait à proximité... Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, derrière la végétation qui cachait  le mur ouest de la nef, les mots gravés "Yser" et "Anvers". Il n'y avait aucune confusion possible : Je venais  de découvrir les souvenirs cachés, dont j'avais pressenti l'existence, des soldats belges hospitalisés dans l'abbaye. Une joie peu banale m'envahit en même temps que  l'impression fugace mais réelle qu'il n'y avait dans cette découverte aucun hasard et  que ces inscriptions avaient été écrites pour être lues ce jour même. Un lien venait de s'établir entre deux générations d'hommes que séparaient plus de 80 ans. L'une des inscriptions attira plus spécialement mon attention : elle  était aussi complète qu'une carte d'identité militaire car elle renseignait outre le nom du soldat (De Vrin), son bataillon (le troisième chasseur à Pied) et son numéro de matricule (57 697).



Nom du soldat (De Vrin), son bataillon (le troisième chasseur à Pied) et son numéro de matricule (57 697). (Photo F. De Look)

       Mon ami m'ayant rejoint ainsi que nos épouses, nous éprouvâmes devant ces mots gravés une grande compassion  pour ce compatriote qui surgissait du passé. Quelques instants après, avec une grande émotion  nous informèrent une guide de l'abbaye de notre découverte. Après l'avoir conduite devant l'inscription, nous la laissâmes quelques instants stupéfaite et émerveillée avant de lui dire adieu :  il  temps de retourner au pays...

       Sur la route qui nous ramenait en Belgique, mes pensées me ramenèrent encore vers  les soldats belges blessés de Valloires et vers nos amis français qui les avaient accueillis. J'entrevis aussi  pourquoi, l'année précédente,  je n'avais pas découvert des inscriptions de nos soldats sur le mur du jardin : les blessés belges en convalescence n'étaient sans doute pas autorisés à s'éloigner des bâtiments ! Certains d'entre eux  jetèrent alors leur dévolu  sur les murs extérieurs de l'abbatiale  beaucoup  plus accessibles  car situé  à  30 mètres du cloître dans lequel ils étaient hospitalisés...

       Le souvenir laissé par le Belge De Vrin  prit en août 2001 une dimension encore plus précieuse  grâce au  dossier militaire du blessé belge De Vrin  que nous avons retrouvé aux Archives du Musée de la Guerre  à Bruxelles. Désormais, nous pouvons  découvrir  quel fut  le visage et la  vie du soldat qui se cache sous l'inscription gravée en 1917 et redécouverte en 2001. 



De Vrin à la 3ième compagnie des mitrailleurs à Autingues-Lez-Ardes

       De Vrin Gustave est né à Anvers le 15 juillet 1890 et y exercera le métier d'agent de change. Le 15 mars 1915, à l'âge de 24 ans,  il rejoint Calais, s'engage et est incorporé au C.I.M. d'Autingues (côte d'Opale) dans lequel il restera un mois avant de rejoindre le C. I. M. d'Oye pour y recevoir  la formation complémentaire de mitrailleur. Gustave est décrit comme un homme d'un mètre 69, aux yeux bleus, aux cheveux blonds et portant une mouche à la joue droite. Le 14 août 15, sans doute malade, il est envoyé un mois en convalescence au camp du Ruchard qu'il quittera le 17 juillet 1915 pour rejoindre le  3e chasseur à pied. En décembre 1916, il passe au 6e chasseur à pied. Le 9 janvier 1917, il est blessé et évacué sur l'ambulance de l'Océan (Hôpital militaire belge situé à La Panne). Le 10 janvier 1917, un médecin de cette formation médicale transmet au Commandant du 6e chasseur l'avis de présence de Gustave à l'hôpital en mentionnant la nature exacte de la blessure : "Plaies pénétrantes au niveau de la partie moyenne de la face externe de la jambe gauche, éclats restés. Plaie superficielle cuisse gauche."

Il est fait mention dans son dossier militaire "qu'étant aux tranchées en C 6 , il a été gravement blessé à la jambe gauche et à la cuisse par des éclats d'obus qui l'ont atteint en pénétrant par la porte de l'abri."

       Gustave soldat exemplaire, est proposé le 18 janvier 1917 pour  une citation à paraître dans les O. J. D. (ordres journaliers divisionnaires) :

       "Soldat d'une conduite exemplaire, a toujours donné à ses camarades sur lesquels il possède un grand ascendant moral, l'exemple de la bravoure au feu et du calme devant le danger, a été grièvement blessé aux tranchées par éclats d'obus".

       Cette proposition de citation est jugée favorable par son commandant de compagnie qui écrit :

       " Ce soldat par sa conduite aussi bien au cantonnement qu'aux tranchées, a toujours donné entière satisfaction à ses chefs. Par son instruction comme par son patriotisme, il exerçait une grande et saine influence sur ses camarades."

       Hospitalisé pendant près de trois mois  à l'hôpital l'Océan, il est autorisé à partir  le 27 mars 17 en convalescence à l'abbaye de Valloires.  En mai 1917, Gustave est décoré de  la Croix de Guerre (A.R du 17 05 17) et est muté au C. I. A. d' EU d'où il rejoindra finalement  en août 17, le S. A. T. B. H.[3] dans la ville du Havre. Il restera dans cette unité  jusqu'au 26 août 1919, date de sa  mise en congé sans solde. Gustave aura donc effectué vingt mois de présence au front et vingt-cinq mois de présence à l'arrière, ce qui lui vaudra deux chevrons de front, vingt mois d'allocations à 75 francs, soit 1.500 francs et vingt-cinq mois d'allocations à 50 francs soit 1.250 francs. Il rentrera en possession de cet argent le 12 août 1921.

       Après la guerre, Gustave se mariera avec Gabrielle Janssens qui lui donnera deux enfants. Gustave décédera prématurément le 17 septembre 1930 d'une péritonite. Sa veuve écrira le 20 octobre 1931 au Ministre de la défense nationale cette lettre émouvante :

       Monsieur le Ministre,

Je soussignée Janssens Gabrielle veuve de De Vrin Gustave, volontaire de guerre (...), prend la respectueuse liberté de solliciter de votre bienveillance a titre posthume la décoration d’ou médaille des volontaires de guerre à laquelle paraît-il j'ai droit. Je vous serais très reconnaissant Monsieur le Ministre de bien vouloir m'accorder cette faveur, ayant deux enfants auxquels je voudrais laisser autant de beaux et bons souvenirs de leur père que possible.
Veuillez agréer... 

       Le sergent De Vrin[4] fait maintenant partie de l'histoire de l'abbaye de Valloires qui, depuis la révolution française, entretient des liens privilégiés avec la Belgique[5].

Dr Loodts P.



Le long de l'Abbaye. (Photo Dr Loodts)

 



[1] L'abbaye de Valloires est un endroit véritablement merveilleux. Blottie dans la merveilleuse vallée de l'Authie, elle jouxte un merveilleux jardin installé sur sept hectares et d'une richesse botanique exceptionnelle. N'hésitez pas à y  séjourner. Vous y logerez dans une des six chambres d'hôtes toutes ornées de boiseries magnifiques et situées dans le quartier jadis réservé à l'abbé.
Renseignements : Association de Valloires, 80120 Argoules  Tel   033 22 29 62 33, Fax 033 22 23 91 54

[2] 4.563 Belges y furent hospitalisés

[3] La signification de ces initiales ne m'est  connue que partiellement; le S provient de Service, le B. H. signifie Base du Havre.

[4] Le sergent De Vrin a des descendants en Belgique. Nous espérons pouvoir les rencontrer prochainement et compléter cet article.

[5] Valloires fut en effet vendue en 1817 à une société religieuse dite des "Basiliens" fondée par  Joseph Leleux et qui s'était d'abord installée à Fort-Lillo en Belgique. Les Frères Basiliens cultivèrent les terres environnant l'abbaye. Ils allaient vendre leur récolte dans les marchés où ils étaient facilement reconnaissables grâce à leur costume fait d'une blouse de toile bleue, d'un bonnet de même couleur. En 1870, les jeunes Basiliens partirent à la guerre et n'étant plus assez nombreux pour entretenir l'ensemble des bâtiments, ils acceptèrent en 1880 l'installation d'un orphelinat agricole qui dura jusqu'à 1901.  Après cette date, l'abbaye fut sauvée de la démolition in extremis par son classement par les Monuments Historiques. Les lieux restèrent vides pendant sept ans jusqu'au moment où en 1914 les Belges  y créèrent un hôpital militaire. Après la guerre en 1922, une infirmière dévouée Mademoiselle Papillon créa dans l'abbaye un préventorium pour des enfants menacés par la tuberculose. Elle fut aidée dans cette tâche par deux demoiselles belges originaires de Charleroi, les sœurs de Kegel qui se dévouèrent durant toute leur vie pour les enfants de Valloires.



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