Médecins de la Grande Guerre
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Le Diary
de Miss Winch, première matrone de l’hôpital l’Océan En dédicace à Mrs Marainne Ewence, épouse Kohuch , valeureuse infirmière de l’air pour porter secours à la population clairsemée des immensités du Saskatchewan. Introduction En juin 2005, je reçu d’une
infirmière anglaise travaillant au Canada, Mrs
Marianne Ewence épouse Kohuch,
un mail me relatant qu’elle avait reçu
d’un membre de sa famille éloignée un diary (journalier),
ayant autrefois appartenu à une
infirmière de l’Océan. Malheureusement, nulle part sur ce carnet ne se trouvait mentionné le nom de l’auteur.
Mrs Marianne Ewence eut la gentillesse de m’envoyer
une copie de ce diary anonyme. Ce fût avec grand
intérêt que je parcourus les notes d’une infirmière anglaise ayant eu de grandes
responsabilités pendant les premiers mois de l’existence de l’hôpital l’Océan.
Malheureusement, ne possédant pas avec certitude le nom de cette infirmière, je
ne me décidais pas à publier ce document sur mon site internet. En 2015, soit dix ans après ma correspondance avec Marianne Ewence, en découvrant le diary d’une autre infirmière anglaise ayant travaillé, elle aussi, à l’hôpital l’ Océan, Elsie Fenwick, j’obtins enfin la preuve que l’ agenda anonyme que j’avais reçu en copie, provenait de Miss Winch, première matrone de l’hôpital l’Océan. En effet, Elsie Fenwick, relate le départ de la première Matrone, Miss Winch, avec détails et ces détails correspondent exactement à la description que nous donne notre infirmière anonyme de son propre retour en Angleterre après sept mois passés à l’Océan. Vous trouverez donc ci-dessous la traduction que j’ai effectuée du diary de Miss Winch. Ce diary est celui d’une « dirigeante » qui ne laisse pas beaucoup de place à ses émotions contrairement à Elsie Fenwick qui livre beaucoup de ses sentiments sur le sien. Pour compléter le diary de Miss winch, j’ai ajouté, en italique, une partie traduite du diary d’Elsie Fenwick. Le lecteur pourra ainsi confronter le vécu d’une Matrone avec celui d’une simple infirmière. Ces deux journaliers assemblés nous donnent des détails poignants sur la vie des infirmières anglaises à l’hôpital l’Océan. On y retrouve avec détails les nombreux liens qui unissaient certaines infirmières anglaises ave la Mission militaire britannique sous la direction du Prince Alexander de Teck[1]. On y retrouve la conduite énergique de la matrone lors de l’incendie d’une partie de l’hôpital mais aussi la description de l’enterrement de Madame Depage. Les infirmières anglaises décrivent aussi les rares excursions qu’elles font en dehors de la Panne et c’est l’occasion pour elles de décrire la grande pauvreté des habitants et réfugiés belges des villages avoisinants le front. Emouvant aussi la lutte journalière que mena l’infirmière Fenwick contre cette maladie terrible que fut la gangrène gazeuse. Anecdotes plus amusantes, on s’aperçoit de la grande importance des « Tea time » pour maintenir le moral des infirmières anglaises. Surprenantes notamment, ces heures de réception sur la péniche occupée par une ancienne actrice américaine, Sarah Wilson[2] et par une célèbre correspondante de guerre anglaise, Maxine Elliott[3] qui consacrèrent plusieurs mois à distribuer de leur barge aménagée en entrepôt, vivres et vêtements aux réfugiés belges. Le séjour de Miss Winch à l’Océan se termine par un événement qui scandalisa toutes les infirmières de l’Océan : l’intrusion criminelle d’un soldat dans la chambre d’une infirmière. Les deux infirmières en parlent abondamment. Quelques jours après cet évènement, la Reine remercia la matrone de ses bons services lors d’une entrevue la veille de son départ, mais le cadeau donné par la Reine laissa un brin d’amertume dans le cœur des infirmières anglaises…Tant d’efforts pour si peu conclura Mrs Fenwick ! Puisse cependant cet article publié juste cent ans après le séjour de Mrs Winch à l’hôpital l’Océan, rappeler et conforter la reconnaissance des Belges aux infirmières anglaises qui soignèrent nos soldats ! Que devint Mrs Winch après la Grande Guerre ? Nous n’en savons rien et ne possédons aucune photo la représentant. Pour ce qui est de Mrs Elsie Fenwick, nous en savons un peu plus. Cette lady avait 42 ans quand elle arriva comme stagiaire infirmière (« Probationer ») à l’Océan. Cette femme mariée, était issue de la haute bourgeoisie anglaise : son père était banquier et elle habitait un manoir dans le « Rutland ». Avant la Grande Guerre, elle côtoyait des membres de la Famille Royale et nombre de diplomates. Elsie Fenwick retrouva nombre de connaissances dans la légation de la Mission Britannique de La Panne , ce qui lui permit de continuer en Belgique une vie demi-mondaine qui la distrayait de son travail pénible à l’hôpital. Je ne sais ce qu’elle devint après son séjour à l’Océan. Dr Loodts P. Mars 2015 Le Diary
de Miss Winch complété par celui de Miss Fenwick Quitté Victoria le 22 décembre 1914. Miss G me vit partir. Je me sens un peu
triste. Bonne journée jusque Folkestone. Voiture Pullman. Lunch. Je suis assise
à côté d’infirmières en route pour Le Touquet. Agréable traversée. On arrive à
Calais. Très seule. Pas de lit, seulement une chambre prise par quelqu’un
d’autre. Deux lits à mettre suggère l’hôtelier ! Je dois demander à la
Lady de partager sa chambre. Ainsi fis-je et trouvai la lady amie avec une
autre dame épouse d’un Médecin qui
allait justement partir à La Panne dans quelques jours. Ainsi, elle accepta de
partager sa chambre avec des matelas de paille inconfortables. Déjeuner en
ville. Je pars seule en tram à l’institut Jeanne d’Arc pour rencontrer Mrs
Kirk-Patrick qui me signale que je ne pourrai pas atteindre La Panne demain.
Aussi, elle me suggéra de téléphoner au Dr Depage. Après beaucoup d’hésitations, je le fis.
Celui-ci me dit d’arriver le plus vite possible. Voyager
en voiture prendrait trois heures de voiture. Mon chauffeur très dévoué
obtint mon passeport malgré de grandes difficultés. Il me donna des sandwichs,
œufs, biscuits pendant le trajet. (…) J’arrivai vers 17 heures. Tout le monde
était content de me voir. Thé puis au lit vers 21h30. Bruits de bombardement.
Par la fenêtre, sur la mer un horizon
éclairé par la lune est source de tranquillité mais les bruits de bombardement
nous rappellent la réalité des combats. Nous restons sur le balcon un bon
moment. (…). Deux étages pour recevoir les patients. Nous marchons partout, trouvons
et perdons notre chemin pour finalement trouver un endroit superbe dans les
dunes. Des soldats partout comme des sentinelles à chaque mètre. Nous avons une
villa isolée pour les cas infectieux, quelques villas pour le logement des
infirmières. Le dernier étage de l’hôpital est réservé aux infirmières. Très
difficile d’arranger tout cela. A midi, je vis dans le lointain deux aéroplanes
par la fenêtre du dernier étage. Un zeppelin était chassé par l’un deux. Une
fusillade le jour de Noël semble pourtant impossible. Les décorations de Noël
dans le salon proviennent de Londres. Quelques jouets. Une table roulante décorée
de cadeaux pour les soldats donnés par quelques aristocrates. Le Prince Léopold
en donna. A l’heure du thé, je suis
assise à côté de lui et de madame Depage ainsi que quelques autres membres de
la direction. Il sert les mains des infirmières. Tous semblent plutôt tristes.
Un espion est suspecté. Je sors un peu. J’attends le jour suivant. Jour de
congé. Les chambres se remplissent avec huit admissions heureusement des cas
peu graves. Beaucoup de regret de ne pas avoir
continué. Beaucoup d’incidents intéressant se sont passés. J’ai dû m’occuper
rapidement de cinq entrées. Quelques cas de gangrène. 4 tétanos, 6 suspects de
scarlatine (trois certains). A peu près 560 admissions, 70 décès. Quelques
revues de troupe à l’extérieur de l’hôpital. Funérailles de trois soldats. Deux
militaires décorés par le Roi. Beaucoup de visites de la Reine. Quelques
taubes au-dessus de l’hôpital. Il y a 15 jours, des bombes furent lâchées sur
La Panne et un homme et un cheval furent tués. Dans l’après-midi, une femme,
fille d’un médecin fut tuée, des hommes et des femmes blessés dont un homme qui
mourut à l’admission, une femme trépanée qui va bien. Beaucoup de navires de
guerre, ces derniers 15 jours. 17
Février (Diary Elsie Fenwick) Nous
avons roulé jusque l’hôpital de La Panne, un grand hôtel couvert entièrement de
la Croix-Rouge. J’étais terrifiée à l’idée de prétendre être une
infirmière mais la Matrone (Miss Winch)
savait que nous n’étions pas ce que nous prétendions. Nous fûmes introduites
dans son bureau et elle fut tout-à-fait charmante. Elle nous montra tout
l’hôpital – très beaux couloirs – mais seulement des petites chambres pour deux
patients chacune, ce qui rendra notre travail plus lourd. Après, elle nous
montra la villa où nous résiderons, à cinq minutes des dunes où nous avons
promené et où se trouvait des réfugiés d’Ypres ; un cordonnier, sa femme
et ses deux enfants… (….) Quel affreux moment, au lunch, quand 40 infirmières
nous explorèrent du regard (…) C’est
curieux de penser que nous sommes
seulement à 7 miles de la ligne de feu. Nous avons des boys scouts et un
menuisier pour arranger notre chambre et pendre nos effets comme nous le
voulions. Tout est vraiment sympa
et à l’exception des quantités de soldats partout avec trous
mitrailleuses placées à l’extérieur de notre villa ainsi que les bruits des
canonnades qui nous fait trembler, tout
pourrait nous faire penser que nous sommes sur une jolie côte française avec de magnifiques plages et
dunes. 26
Février (Diary Elsie Fenwick) (…)
Une pauvre femme est conduite dans notre étage et vint d’être trépanée. Je
reste avec elle toute la soirée. Ont aussi été tués un enfant et deux femmes.
Beaucoup de blessés nous sont amenés la nuit passée, à peu près 40. Il y a eu
une bataille à Nieuport à 6 miles d’ici. Samedi
27 Février (Diary Elsie Fenwick) Je suis heureuse dans le département
avec Sister Ashford et nous nous débrouillons bien.
Elle est si gentille et j’aime ça. Nous avons une pauvre petite religieuse qui
a été blessée par un obus pendant qu’elle se promenait seule dans le jardin du
couvent de Furnes. L’obus coupa son bras près de l’épaule et cassa l’autre qui
est quasi hors d’usage et ainsi la pauvre
doit être nourrie etc… et, de plus, elle a une
trentaine de blessures dues à des shrapnels sur tout le corps et pourtant… elle est si gentille… Nous
avons aussi neuf soldats, deux femmes, et une petite fille à surveiller. Je ne
suis plus traitée comme moins que rien (un peu de boue !). 10
Mars (Diary Elsie Fenwick) Une belle journée et je bénéficie de ma
seconde demi-journée de libre depuis mon arrivée. Nous passons le temps à
ranger puis allons prendre le thé à la Mission avec le Duc de Sutherland, le
Prince Alexander de teck et Mr Johnnie Baird et un beau marin, le lieutenant
Denys Charles Gerald Shoppee de la Royal Navy. Nous
quittons la Mission avec un poêle à huile à notre grande satisfaction car nous
avons été frigorifiées les dernières nuits malgré deux couvertures, un sac de
couchage, et un pyjama en flanelle. 11
Mars 15
Beaucoup de canonnades provenant de nos bateaux. Riposte de l’ennemi. 14
Mars 15 Enorme bombardement de la part des
bateaux en face de Nieuport. Le contre-feu de l’ennemi est intéressant à
regarder. Dans les dunes, les soldats continuent à jouer sur le sable au
football.
Beaucoup de travail pour préparer les nouveaux blocs d’hôpitaux acquis
de la firme Harrods. Le matériel jusqu’ici coûtera 4000 livres. J’ai besoin de
120 infirmières supplémentaires et ce sera difficile de les obtenir. J’en
demande 30 en Amérique et 29 au Canada. Dr Depage et Madame De Birckdorf sont allées à Paris pour ramener des instruments.
9 infirmières nous quittent pour un repos en Angleterre. Deux américaines
inexpérimentées nous sont envoyées par Mrs. G. (…) 15
Mars
Terrible canonnade toute la nuit. Tremblements et choc jusque dans
l’hôpital. Flashs sur Nieuport-Bains. La journée beaucoup de tirs. Pas de
bateaux en vue aujourd’hui. Un sous-marin a
détruit un navire anglais. Mrs Amherst nous dit au-revoir. Sister
H. suspectée de Scarlatine. Aussi un cas suspect de tétanos au deuxième étage. Sister G au lit avec un rhumatisme. Une admission en salle
d’op. Rien d’excitant. 16
Mars Un
soldat atteint de tétanos décède. RAS. Quelques tirs dans l’après-midi. Un
soldat admis. 17
Mars
J’ai eu deux entrées cette nuit 18
Mars Sa
Majesté vient décorer 4 hommes. De Depage revient de Paris. Un enfant écrasé
par le tram meurt de tétanos. 19
Mars
Trois officiers français admis la nuit passée suite à l’éclatement d’une
bombe. Ils essayaient d’ouvrir une bombe. L’un perdit trois doigts .Maladresse.
(…) 19
Mars (Diary Elsie Fenwick) Madame
de Glos (une petite dame Russe qui aide à l’hôpital
les après-midis) nous prend Aline et moi pour aller rendre visite à la barge de
Sarah Wilson et de Maxine Elliott. Maxine Elliott est une actrice américaine très connue. Ils
ont aménagé une barge sur laquelle
flotte un drapeau américain.(…) Il y a là un très beau salon, une salle
à manger et un grand magasin où sont entreposés une masse d’habits, des sacs de
farine, des patates, oignons et ainsi ils nourrissent les réfugiés infortunés
de tout le secteur. Ils hébergent même une famille de cinq dans une carriole et une famille de neuf dans
une cabane de jardin. 20
Mars Rien
de très spécial. 21
Mars
Bombe d’un aéroplane sur un bateau. Thé avec deux Anglais provenant de
Dunkerque 22
Mars
Couvre-feu à 8 heures du soir en relation avec les bombardements. 14
soldats gravement blessés. 23
Mars 20
lits au pavillon N°1 prêt pour un éventuel rush. Dr Haland
de retour de la villa des pavots. La Reine vient visiter le pavillon. Des
bombes sont encore tombées sur La Panne. Pas de dégâts. 24
Mars
Quelques visiteurs pour visiter les patients de l’hôpital. 24,
25 Mars (Elsie Fenwick) Deux
jours calmes, pas de nouvelles entrées de scarlatine mais quelques civils
blessés qui arrivent de Pervyse qui a été bombardé par les Allemands. Une
famille entière : le père meurt sur la route, la mère meurt sur la table
d’opération. Ils ne lui donnèrent même pas l’anesthésie au chloroforme. On
coupa ses cheveux et on la laissa attendre une demi-heure, alors on chercha la
balle sans rien. Elle laisse un bébé de trois semaines avec un pied en
moins ! Le Prince Alexander de Teck et le Major Baird viennent me voir et
m’invitent à dîner mais je refuse de sortir car quand je suis fatiguée cela
doit être pour tout le monde. Jeudi 25 Pervijse bombardé. Deux femmes décédées et un bébé
d’une semaine. J’ai été conseillé de fuir. Le mari de l’une travaillait à
quelques miles de là …(…) Vendredi 26 Mars Furnes bombardé à nouveau.
Deux femmes dont une enceinte et de 4 garçons admis. Les deux garçons seront
amputés des jambes. L’un d’entre eux est en très mauvais état : blessé à
la poitrine la figure et le nez très gravement blessés. Terrible ! Le
Major Gordon est venu et Sister Grant est partie pour
le Palais royal et le prince Léopold a été opéré. Vendredi 26 Mars (Diary Elsie Fenwick) Le Prince Alexander,
Major Baird et le Duc de Sutherland, Capitaine Tyrell,
Mr Shoppee et un autre homme vivent dans la Mission
britannique dans un grand confort : un excellent cuisinier, deux réfugiés pour
leurs vêtements, et six servants. Prince Alexander, Major Baird et le duc de
Sutherland nous emmènent faire une promenade sur la plage, un peu trop à mon goût car j’avais aux pieds mes
beaux souliers ! Beaucoup de civils arrivent à l’hôpital
car Furnes est bombardé. Parmi ceux-ci une mère qui allait avoir un bébé dans
un mois. Samedi 27 mars Sir St Clare
est arrivé avec le Major Gordon. L’opération se révèle satisfaisante. Le Roi
est venu décorer l’officier. Dimanche 28 mars Quelques avions, beaucoup de canonnades.
Trois soldats qui occupaient une villa proche admis à l’hôpital. En examinant
une bombe ennemie qui explosa subitement, un homme fut tué, deux autres
blessés. L’un d’entre eux avait un bras arraché et le visage terriblement
atteint ainsi que les deux bras et deux jambes. L’autre était atteint au visage
et au cou. En soirée, message de St Idesbald pour
dire que Miss Scott est tombée et qu’elle s’est blessée à la poitrine. Dr Mallock vint la voir et constata deux côtes cassées. Elle
est admise à 21 heures et plâtrée. Deux accidents aux doigts ont causé beaucoup
de discussions. Plusieurs se sont passés plus tard. Sister
Richmond et Sister Galt
partent pour Londres. Un cas suspect de typhoïde est transféré. Visite du
British Supérieur Officer, le Major Walt ainsi que du
Major Beard. Je visite avec eux l’hôpital. Thé avec les amis de Sister C. et de Sister Fyfe. Lundi 29 mars Rien de spécial. La Reine vient. Jeudi 30 mars Madame Sharpin
et mademoiselle Crane partent. On ouvre la Villa Belle Vue pour les infectieux.
Deux scarlatines provenant de la villa
« De Paard ». Madame Deerman souffre de rougeole. Mercredi 31 Mars Le
docteur W et son épouse revienne avec Wallace ainsi que des lettres et
« stores » du numéro 9. Des obus d’avions sont tombés
tout près de la buanderie. Madame « Decies »
qui travaillait à la première société de « bienfaisance » arrive. Huit
admissions. Jeudi 1er Avril Rien de spécial. Sister Grant retourne. Peu après une grande explosion
retentit : sans doute l’explosion d’une mine. Vendredi Saint 2 Avril Bonne journée-tout est
calme. Un cas de diphtérie admis à la villa Belle Vue. Samedi 3 Avril Cinq nouvelles nurses
Belges sont arrivées venant de Londres. Une nurse est allée à Dunkerke pour acheter des fleurs pour le service religieux
du lendemain et madame « Morel » revient de chez elle à partir de
Calais. Dimanche de Pâques, 4 Avril
Journée bien remplie. Le salon est préparé pour la messe. Les
arrangements sont faits par N. Wilkens. Pas de
musique (on n’a pas de partitions). N. Wilkens dirige
les chants. Dans le personnel
assistant à l’office, il y avait des gens du Ministère belge. Le prince Alex de
Teck est venu. Chaque chose fut très satisfaisante. La collecte est faite pour
le Chapelain, le Révérend Streatfield. Sa Majesté
vint à l’hôpital pendant le service. Elle offrit des fleurs, cigarettes
chocolat et tabac aux patients du premier et deuxième étage. Elle laissa sur ma
table un bouquet de violettes dédicacé. Ensuite elle revint encore l’après-midi
pour les étages trois et quatre et laissa des fleurs pour le personnel. Il y a
un concert dans le nouveau pavillon pour les hospitalisés capables de se
déplacer. Je dîne avec le Docteur Depage et le restant du personnel de la
villa. (Diary Elsie Fenwick) Nous
avons un charmant office dans le salon. Une personne de Dunkerque, toutes les
infirmières anglaises et la Mission britannique étaient présents. La matrone
avait dressé un magnifique autel (…) Lundi 5 Avril Le Ministre Belge arriva et présenté. Remerciements.
Major Walt et Capitaine F. sont aussi venus.
Rien d’excitant Mardi le 6 Avril Le Prince Léopold est présenté aux régiments du 11e et 12e
de Ligne. On a regardé le défilé et
aperçut le Roi et la Reine à distance. Le Roi vint dans l’après-midi décorer le
Commandant ( ???). Mercredi 7 Avril Rien de spécial. Le
docteur et Madame Janssens sont partis en congé. On reçoit les béquilles
(prothèses?) destinées à Monsieur Knowles. On changea
les horaires des nurses pour le service de nuit. Visite de Mrs Hay. Un cas de
tétanos admis est décédé. Discussions sur l’emploi des anesthésiques. Jeudi 8 Avril Visite du
« Belgian Fund People ». Miss Allen a promis beaucoup de choses. Thé au
deuxième étage. Fin du nettoyage du printemps et fête de la Saint-Albert avec
plusieurs festivités. Vendredi
9 Nouvelle Sister :
G. H. W. « Envoi de Grant ».
Le Ministre part demain. Cérémonie d’adieu avec tenue de sortie. La nouvelle Sister a laissé ses bagages au Havre. Samedi 10 Avril Major Gordon arriva.
Madame
Morelle retourne. Une nouvelle Sister arrive. Madame Tersten
arrive pour dix jours d’observation. Dimanche
11 Avril Le
colonel Bridges blessé à Nieuport un shrapnel éclaté légèrement dans l’épaule
au niveau de la tête de l’humérus. Il est envoyé en chambre au troisième étage.
Je suis allée promener dans l’après-midi dans les dunes à Oostdunkerke.
Très excitant ! Je longe la route jusqu’au tranchée et approche à moins
d’un mile des tranchées ennemies. Je suis obligée de faire demi-tour car
l’ennemi, chaque après-midi, bombarde la route où nous sommes. Je rencontre des
officiers armés qui disent que personne ne vient jamais jusqu’ici et que l’on
doit nous en retourner immédiatement.
Rencontrai un gentil soldat zouave qui expliquait les différents bruits des
fusils. On en a entendu quelques-uns et leurs sifflements lorsqu’ils nous
effleuraient. Plusieurs avions étaient visés et sur le chemin du retour par le
village de Oostdunkerke rempli de soldats. On avait
alors une grande envie de thé et je demandai si c’était possible d’en avoir. Un
soldat nous emmena jusqu’à un affreux endroit où les soldats étaient abrités,
très sal, sombre et puant. Nous allions juste nous asseoir quand vint le
colonel du régiment de la Première division des Zouaves qui très fâché nous
demanda ce que l’on faisait là. Nous lui dîmes que nous étions très
« fatiguées ». Cela l’attendris et il nous demanda alors de prendre
le thé avec lui. Nous l’accompagnons avec le sourire, ne sachant néanmoins pas
si nous allions recevoir du thé ou être enfermées ! En fait cet homme était très correct car il
envoya ses hommes chercher du thé qui
nous fut présenté avec des biscuits. Lui et un autre officier qui nous
rejoignit nous expliqua que nous étions les premières femmes vues depuis
longtemps et même pas sa femme qui avait pourtant envie de le retrouver sur
place !! Nous nous remettons en route mais nous ne sommes pas autorisé à
retourner par les dunes car il y avait des tirs provenant de la mer. Beaucoup
de tirs aussi dirigés vers les tranchées desquelles beaucoup de soldats revenaient
avec l’air hagard. Nous apercevons des maisons endommagées par les bombes. Retour
à 19 h30 épuisées. La marche dans le sable est épuisante et nous avons marché
12 of 14 miles. Lundi
12 avril
Beaucoup de Taubes. Maxine Elliott est arrivé
et j’ai été conviée pour le thé. Madame « Pierman »
est revenue de sa quarantaine. Deux nouveaux docteurs. Une nouvelle Sister belge. Rien
de spécial (Diary Elsie Fenwick) Maxine Elliott arrive dans l’après-midi et donna de beaux
habits à tous les réfugiés de notre étage. Terriblement gentil de sa part. Elle
me raconte qu’elle n’a pas eu un seul mot de remerciement pour tout ce qu’elle
fait, de la part de la reine ou d’autres. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de
gratitudes dans ce pays. Mardi
13 avril Concert
dans le nouveau pavillon pour les patients civils et militaires au profil des
enfants des soldats. Concert donné par
le régiment du 2e de ligne. Très bon. Plusieurs patients sont admis
dont un ambulancier britannique blessé par une bombe sur la route de Furnes. Mercredi
14 avril Huit blessés graves. Deux pilotes venant
de Dunkerke. La femme du colonel Brigdes
est venue. Rien d’autre
d’important. Reçu une belle boîte de
chocolat du major Watts. (…). Docteur Gody. Très fort bombardement nocturne. Jeudi
15 avril Je
suis partie pour une longue promenade à Furnes, là où je m’étais dit que je
n’irais jamais mais la tentation était trop forte par cette magnifique journée
ensoleillée. Nous sommes à douze à faire cette promenade le long de la route de
Furnes quand tout d’un coup nous apercevons un aéroplane descendre dans un
champ tout près. Nous le rejoignons à travers champ et nous constatons l’avion
abîmé. Nous prenons des photos. L’équipage est sain et sauf. Nous continuons
vers Furnes. La destruction et la désolation sont indescriptibles. Sur la
grand’ place tout est fermé sauf une pharmacie. Après être resté là un certain
temps, nous nous apercevons que le pharmacien nous prend pour des cinéastes
faisant un reportage. Toutes les
maisons, magasins, banque, palais de justice, église : tout est fermé, la
plupart fort endommagés. Sacs de sable, mortier, paille etc. obturent les
ouvertures des caves, où nous supposions que des gens vivent. Des carreaux
brisés partout, des grands trous dans les toits et les murs. L’ennemi avait bombardé
à 9 heures. Un homme nous appela pour regarder à travers ses fenêtres brisées
dans ce qui avait été un café : les tables, les verres du bar : tout était
en miettes. Nous avons continué vers le grand collège qui était avant le
bombardement utilisé par le Dr Munro comme hôpital
qui était appelé le Belgian Field’s
Hospital.
Maintenant le bâtiment n’était
plus employé, dans la cours que comme poste de secours. De grands pans de murs
étaient en morceaux avec des débris de fenêtre partout. Nous sommes
montés : il y avait un plafond et un plancher totalement effondrés. Cela
s’était passé lundi passé. Le docteur et les ambulanciers, six au total
habitent toujours là dans une grande salle à l’aspect désolé munie de
quatre lits des tables, des chaises et beaucoup de poussières. En bas, dans la
cave, ils opèrent en cas de nécessité les blessés avant de les transférer vers
les hôpitaux. Nous avons continué vers l’église : l’air glacial en
rentrant dans l’église nous prit à la gorge. Les chaises étaient renversées
partout, toutes les fenêtres en morceaux, et il y avait un grand trou dans le
toit et juste en-dessous sur le sol. Les orteils et les doigts d’une statue en
marbre étaient cassés. Nous sommes ressortis au milieu des éclats de ciments et
de shrapnels qui jonchaient le sol. Juste tout près de Furnes des fermettes et
leurs habitants, maris et femmes étaient devant leurs portes comme si rien
d’important ne s’était passé et nous regardaient comme si nous débarquions
d’une autre planète. Nous avons acheté quelques biscuits dans un sale magasin. Nous
avons essayé d’avoir des boissons, mais il n’y avait que de la bière !
Nous sommes retournés par une autre route très jolie en passant par un
aérodrome sur lequel atterrissaient plusieurs avions. Avons vu des
« Taubes » au moment où nous étions en train de traverser les dunes.
Sommes rentrés très fatiguées. Gros bombardement pendant la nuit. Vendredi
15 avril (Diary Elsie Fenwick) Sister Ashford et moi avons un patient envoyé avec la plus
affreuse cuisse écrasée jamais vue, tous les tissus du genou à la cheville sont
pris par la gangrène. Nous trempons la cuisse dans un bain de peroxyde. Ce fut
un dur travail nous sommes à bout… Vendredi
16 avril Le
Roi envoya un grand œuf de Pâques en chocolat rempli de petits œufs pour 15
patients qui les apprécièrent beaucoup. On a pris des photos. Un petit bébé a
été amené par Miss Fyfe et souffre d’une appendicite
avec péritonite. Le bébé est opéré mais il est en mauvais état. Les parents
sont très malheureux. Deux nouvelles infirmières. Peu de patients... Gros
bombardement et mort du bébé. Samedi
17 avril Rien de spécial, peu de patients. Sa
majesté est venue. Télégramme de la Croix-Rouge envoyé pour toutes les
infirmières. Dr Depage parla à Sa Majesté qui va écrire pour garder tout le
personnel. Fort bombardement pendant la nuit. (Diary Elsie Fenwick) Nous déjeunons au « Mish » Le colonel Fairholme
était là, il est l’attaché militaire auprès des Belges et je l’ai connu à Marienbad. La guerre ne l’a pas fait maigrir ! Prince
Alexander, Capitaine Bridges, major Baird et son frère sont là (…) Le
roi vient décorer un des hommes de notre annexe. Pas de tralala, il vint juste
d’épingler la décoration ADC en disant quelques mots. Tous les Anglais viennent
voir le colonel Bridges qui est
maintenant mieux. La duchesse de Sutherland, le capitaine Fitzgerald et Diana Wyndham et le major Tyrell tous
sont présents. Ils visitent tous l’un après l’autre mon annexe et sont très
contents. Je pense à mes patients surpris qu’une simple infirmière puisse avoir
autant d’amis comme ceux-là ! Dimanche
18 avril Office à 11 heures. Madame Townsend
a offert les fleurs. Un cas suspecté d’oreillon envoyé à la villa Belle-vue. Nous avons pris le thé dans les dunes. Huit
enfants blessés à Coxyde suite à un bombardement
aérien. Heureusement ce sont des blessés légers. Le chauffeur a dit qu’il avait
vu à travers ses lunettes que c’était un de nos avions qui bombarda par
erreur.
Dans la soirée, nous fêtons Pierre et André (les enfants du Dr Depage)
qui vont au front demain avec des gros fusils pour riposter aux Allemands Lundi
19 avril Les
garçons sont partis le matin. Nous leur
avons jeté des fleurs du balcon. Grosse canonnade tirée de Nieuport sur des
bateaux. Des obus sont tombés dans la
mer à environ 100 yards. Un hydravion a inspecté les bateaux dans l’après-midi.
Séance de photo dans le salon. Mardi
20 avril
Notre groupe est photographié par un abbé venant de Calais. Des
nouvelles villas sont mises à la disposition du personnel. On espère qu’elles
seront très confortables. Mauvais cas de gangrène rentré puis décédé. Suis monté
me coucher à 22 heures, rappelée à 11 heures : 50 patients arrivent,
évacués de l’hôpital civil d’Ypres. Ai préparé le pavillon : 27 autres
sont arrivés à 5 heures du matin et ont dormi avec les autres sur des lits dans
le pavillon. Ces gens paraissaient pauvres et misérables. Certains étaient très
vieux. Il y avait aussi une petite fille.
D’autres arriveront plus tard. Gros bombardement la nuit qui semble se
rapprocher de nous. Mercredi
21
Encore plus de civils venant d’Ypres et des blessés. . . Gros
bombardement Jeudi
22
André arrive. Des enfants sont transférés au pavillon. Encore des
blessés. Vendredi
23
Beaucoup de bombardement. Arrivée du Major Gordon et de Monsieur Devigne, de Madame Vanderwildt et
du professeur Eiger. Nous dînons avec Dr Depage à la Villa. Samedi
24 Beaucoup de blessés jours et nuit. Nous
avons écrit à plusieurs infirmières de venir et nous avons préparé 50 lits dans
le deuxième pavillon. (Diary Elsie Fenwick) Toue
la nuit et tout le jour, canonnade intense. Les blessés affluent. Notre annexe
est remplie. Un pauvre homme arrive tôt mais décède rapidement sur le brancard
dans sa chambre mais le Dr Jansen le serra avec un tourniquet et l’envoya
d’urgence en salle d’op d’où il revint avec un bras en moins. J’étais très
triste lorsque je dû le laver. Il me
demanda pourquoi je ne lavais pas sa main gauche ! Je ne pus rien lui
répondre ! Dimanche
25 Perte d’Ypres. Beaucoup de combats. Une mine
marine a explosé le long de la berge. On compte dix tués. Beaucoup arrivent
gravement blessés. Grande évacuation. Beaucoup d’admissions au pavillon 2. Quarante lits sont prêts pour de nouvelles
admissions cette nuit. Lundi
26 Jour très occupé. 30 civils sont
évacués. Triste à voir : vieilles personnes et enfants sont envoyés par le train. Ils restèrent dans le
train de 6 h30 jusqu’au lendemain midi.
Encore 12 civils arrivés de nuit et huit soldats munis d’armes lourdes.
Un cas de tétanos admis à la villa Belle-Vue. Mardi
28 Matinée fort occupée. Quatre infirmières
supplémentaires venant de l’hôpital pour le pavillon. Beaucoup de difficultés. J’ai préparé
l’évacuation de 52 civils. (Diary Elsie Fenwick) Très
occupée, pas de temps pour penser ! Nous avons un homme avec une balle
dans le crâne et il repose inconscient toute la journée. On le laisse ainsi
pour l’observer en se demandant ce qui va lui arriver ! Un autre a sa
cuisse arrachée à l’articulation. Je dois le tenir. Ils le coupent comme si
c’était un petit morceau de viande. Dr Depage est un boucher mais il fait son
possible. Un autre homme a une balle dans le cou. Tout cela est affreux et ils
nous disent civilisés ! Mercredi
28 Toute
la journée nous essayons d’évacuer des civils.
Gosse pagaille. Deux marins
britanniques qui servent les gros canons de Nieuport sont arrivés : l’un est blessé à
l’abdomen et l’autre à l’œil, à la jambe et au bras (. . . . .).
Ils étaient sur le train blindé pour « déterrer » l’artillerie
forte ennemie. Sa majesté vient rendre visite. Jeudi
29 Très occupée. Sister
Galt a attrapé les oreillons. Sister
Richmond va avec elle à la villa Belle-Vue. Pénurie
de personnel. Nous désirons continuer à travailler dans le pavillon 2. Sa
Majesté est à nouveau venue. Nous avons appris que Dunkerke
avait été bombardé avec quelques dommages. Nous ne savons pas si c’est un
bombardement terrestre ou naval mais il ne fut pas aérien. 52 civils du
pavillon sont évacués. C’est triste !
Mer
(agitée) cette nuit : Un zeppelin passe au-dessus et est bombardé directement
au-dessus de l’hôpital. Le Roi vient.. Vendredi
30 La Villa Pasc
est prête pour le personnel. Sa Majesté est venue. Intense bombardement. (Diary Elsie fenwick) Terrible
effervescence à l’hôpital et je suis effrayée de voir notre pauvre homme mourir
avec sa cuisse en moins. Il est si brave homme ! Samedi
1er Mai Beaucoup
d’obus à Dunkerke. Sa Majesté est venue. Sister Hunter et Sister Wynat reviennent de
Londres avec deux nouvelles infirmières. Elles sont arrivées vers 12 heures. Dunkerke se trouve dans un terrible état. Beaucoup de
difficultés pour être traversés. Beaucoup de réfugiés proviennent de Poperinge.
Ypres est en très mauvais état. Madame Morel est revenue. Sister
Sherrys et d’autres sont parties pour Boulogne à 6. 30. On nous dit que trois
bombes ont éclaté à La Panne. Dimanche
2 Mai Le révérend Streatfield
est arrivé. Je suis trop occupée pour aller au service car le Dr Depage
inspecte le pavillon. Sister De Bourneveille
a des éclats extraits par le Dr Depage.
Deux nouvelles infirmières. Nous dînons au Continental avec Messieurs Sergent,
Townsend, Lemans etc.
Dîner d’adieu pour le Dr et madame
White. Mademoiselle Macnaughton vient de terminer un
livre sur la guerre que j’ai bien aimé. (Diary Elsie Fenwick) Nous
recevons deux hommes avec des balles dans leur crâne. Tous les deux conscients
mais l’un parle à peine dans que l’autre parle mais a tout son côté gauche
paralysé. Le soir, ce dernier est emporté à la salle d’op. Je l’accompagne.
L’opération est trop grave et pendant que l’on explore trop profondément le
cerveau, ils coupent une artère et mon blessé meurt sur la table. C’était
horrible et pendant ce temps Sister Ashford était
avec le deuxième blessé qui mourrait à l’étage lui aussi. Tout était déprimant
au plus haut point. Lundi
3 Mai Beaucoup
de civils dans la nuit. 20 sont évacués. J’ai été invitée par le Dr Depage au
drink d’adieu donné en l’honneur du Dr et de madame White. Des instruments
nouveaux ont été présentés : bien faits. Intense bombardement. Mardi
4 Mai 06 Départ
des White. Dr Depage part pour quelques jours à Londres. Nous lui demandons
d’aller voir Mrs Gordon. Un homme s’est noyé pendant qu’il nageait tout près
d’ici ! Mercredi
5 Mai Rien
de spécial. Rumeurs sur un prochain bombardement. Sa Majesté est venue. Jeudi
6 Mai Sa Majesté
est partie pour Londres. On a suggéré de faire un plan pour les cas d’un
bombardement de l’hôpital : il n’y a pas de solutions satisfaisantes.
Depage parti (je dois faire le plan demain). Trois officiers au Palace
m’invitent à la table 18. Après, visite à la villa Magtar
et coucher à 10 h 30. Canonnades dans la nuit. Six blessés. Vendredi
7 Mai Rien
de spécial : seulement un patient admis. Le Roi est venu décorer un marin
britannique. Samedi
8 Mai 1915 On nous annonce la perte du Lusitania
sur lequel se trouve madame Depage. Le
docteur était en ville à sa rencontre. Trop affreux ! Annonce contradictoire
puis nouvelle confirmée, vraie, si triste ! Intense bombardement dans la
nuit. Un brancardier malade est admis à la villa Bellevue. Dimanche
9 Mai Télégramme
du Queenstown : le corps est retrouvé. Les garçons ont été cherchés.
Spectacle pathétique. Le brancardier envoyé à la villa est suspect de méningite
cérébro-spinale et des précautions sont prises pour l’entourage. Terrible
combats toute la nuit avec beaucoup d’éclairs venant de la ligne de front et beaucoup
de bruit. On ne peut pas imaginer quelque chose de si terrible : 58
blessés arrivent et sont évacués dans le pavillon 2. Il n’y a pas assez de
personnel : nous envoyons un télégramme en Angleterre. Grande évacuation. Lundi
10 Mai Le bombardement continue. 28 blessés entrants. Très occupée. (Diary Felsie Fenwick) Un
peu jour mais nous avons reçu des blessés toute la nuit et je me dépêche
d’aller trouver les trois nouveaux. L’un est terriblement mal, un obus à
travers la nuque et le visage en grande partie emporté ! C’était affreux
et grâce à dieu, il mourut en une heure. Les deux autres sont moins atteints.
Nous passons la matinée à évacuer six blessés de notre annexe à peine guéri
mais nous avons besoin de place pour des nouveaux blessés. Mardi
11 Mai Une infirmière venant de Dunkerke arrive de l’hôpital de Dunkerke
temporairement fermé. D’autres vont
venir. Dunkerke à nouveau bombardé (Diary Elsie Fenwick) Un
jour très occupé et deux de nos traumatisés crâniens meurent. Les lits à peine
vidés sont remplis à nouveau et tout est oublié ! C’est très
horrible ! Ils admettent les nouveaux arrivants et maintenant nous avons
55 lits remplis et seulement Sister Ashford, Allan,
Harrison, Wallace et moi-même. C’est un travail très dur et personne d’entre
nous ne sait s’asseoir un moment sauf pendant les repas. C’est la même chose à
tous les étages et chacun est fatigué au plus haut point Mercredi
12 Mai Dr Herlang et
Mademoiselle Simmont se marient. Très discrètement. (…).
Avons attaché avec des couleurs anglo-belges et nous donnons le cadeau aux mariés. Ils sont partis pour Paris. Beaucoup d’admission. Le Dr Knockholds
est venu dire qu’il promettait d’envoyer d’autres infirmières temporairement. (Diary Elsie Fenwick) Un homme Léopold arrive dans notre
annexe avec un éclat à travers le corps. Il est envoyé par Dr Jansen de la salle d’op avec peu d’espoir de survie.
Mais nous travaillons avec toutes nos forces avec de l’huile camphrée, caféine
et salines jusqu’à en devenir malade de le voir… mais il va mieux. Un
officier nous est apporté avec un éclat à travers un œil. La moitié de sa face
est emportée, l’épaule déboitée, son bras cassé et une plaise à la cuisse. Il
meurt grâce à Dieu. Un autre avec les deux cuisses brisées puis amputées meurt
aussi. Nous avons deux mauvaises hémorragies au soir mais elles vont maintenant
bien. Nous avons reçu la garde d’une chambre de trois pour gangréneux. Un des
trois a sa cuisse amputée et je crains que les deux autres n’aient le même sort ! Jeudi
13 Mai Rien
de spécial : 10 admissions. André est parti pour le front. Temps venteux Vendredi
14 mai Quatre viennent de Dunkerque pour une
aide temporaire (Diary Elsie Fenwick) Pauvre
Madame Depage coulée avec le Lusitania après avoir collecté des fonds aux E-U.
quel tragédie pour le pauvre vieux Dr Depage qui est juste parti pour la
rejoindre et qui maintenant revient après-demain avec le corps Samedi
15 mai Mon
anniversaire !!! Il n’y a que le calendrier pour me le rappeler : la
journée est affreuse. Un télégramme du Dr Depage signalant qu’il amène la
dépouille mortelle de Madame Depage. J’ai commandé des fleurs et passe mon
après-midi a confectionner des couronnes, des croix etc…
5 h 30 nous quittons ambulance pour nous rendre à la gare de Dunkerke. Il y a aussi deux docteurs, madame Morel, Lippens, Jansen, de Spuelling,
l’aumônier Wygaels. Nous arrivons à la gare ; un
petit abri drapé et orné de fleurs et de couronnes placées n’importe
comment ! J’améliore le tout, je fixe les bougies sur un tableau !
L’attente est affreuse et quand ils arrivèrent, ce fut si triste ! Pauvre
docteur Depage. Pierre et Lucien paraissent fort marqués, on laisse le cercueil
couvert de fleurs. Le soir, nous nous rendons chez le Dr Depage. Il avait l’air
bien et travailla normalement le lendemain. Dimanche
16 Je parts pour une longue promenade dans
l’après-midi, nous passons St Idesbald et les abris
en bois construits pour le quartier de la Première Division des Zouaves. Six hommes sont là dans un petit jardin
en avant et deux enfants du voisinage jouent là, mascottes des soldats. On boit
un verre de liqueur avec eux pour leur faire plaisir ; je prends quelques
photos, et sur le chemin du retour nous prenons notre thé. Messe le soir par le
révérend Swan (…). Sister Watkins
garnit l’autel avec des fleurs offertes par un brancardier .Cela paraît beau.
Très amusant le pilote timide qui fait la collecte en oubliant de passer
partout. C’est moi qui avait arrangé tout (Dans
notre promenade nous sommes passés au milieu des fusillades dans les dunes
pendant que les taubes apparaissaient à
l’horizon : un son des plus assourdissants !!) Aux
environs de 22 heures, je regardais par la fenêtre quand je vis un éclair dans
le ciel comme une étoile très brillante. Je regardai et cela se répéta. Alors j’entendis
le bruit d’un avion que je ne pouvais voir. Les projecteurs se dirigèrent alors
vers le ciel… Je suis allé dormir ! Le lendemain matin, à l’aube, la Sister me raconta qu’il y avait eu un zeppelin à cinq
heures du matin qui volait très bas et très proche. On a pas tiré dessus et je
ne comprends pas pourquoi. Tout le reste est calme et je n’ai pas entendu de
bombardement. Lundi
17 Rien
de spécial Mardi
18 Les Américains arrivent (24) Journée
calme très venteuse. Je me rends à l’hôtel Teirlinckx pour un dîner d’adieu
pour le Dr (Moltens ?) et les Sisters S. et R. Dîner agréable. (Diary Elsie Fenwick) Léopold
est rétabli mais nous avons réceptionné un cas de gangrène, le plus grave qui
soit survenu dans l’hôpital et il n’est pas mort immédiatement. On l’opéra
aujourd’hui. C’était horrible mais nécessaire pour sauver sa vie et, c’est un
si beau jeune homme qui souffre affreusement. Il y a peu de chance qu’il s’en
sorte. Mercredi
19 Les Américains arrivés hier ont laissés
une grande partie des bagages derrière eux et ceux-ci sont arrivés aujourd’hui.
J’ai dû me presser ; impossible d’aller au travail ! Soirée d’adieu à
la Villa Pax. On tire sur La Panne. Un obus tombe tout près de l’église. Nous
fabriquons des couronnes pour l’enterrement demain. Je prends des arrangements. Beaucoup de tirs la nuit et une
rumeur de bombardement dans le lointain. (Diary Elsie Fenwick) 26
infirmières américaines et 10 docteurs sont arrivés et j’espère maintenant que
nous aurons maintenant plus de congés. Jeudi
20 Mai Funérailles :
les infirmières dans leur uniforme de service sont autour du cercueil. Nous
allons à l’église à dix heures et avec quelques autres infirmières nous plaçons
le cercueil. Dr Depage et ses garçons suivent. Les infirmières sont placées à
gauche et les hommes en uniforme à droite. Très belles fleurs ! La Reine
arrive à 11 heures. La célébration est impressionnante. Madame Groiza a chanté. La Reine est partie. Quatre Belges, 4
Britanniques, Quatre Danois, quatre Américains prennent position de chaque côté
dans le chœur. Les autres en rang sont
six à l’avant, six à l’arrière. Des civières sont placées de chaque côté
du cercueil et recouvertes de draps pour recevoir les couronnes, les croix, les
paniers et bouquets de fleurs. 56 au total provenant de la famille, des
médecins, des brancardiers etc. Vingt minutes de marche à travers les rues où
se tient rassemblée la foule. (Très impressionnant) puis nous nous dirigeons
dans les dunes tout près de la Villa du Dr Depage. Là, une dune, avec un enclos
en bois à quelques mètres de la mer qui l’a prise, abrite les restes de Madame
Depage. Les infirmières formèrent un cercle, des fleurs furent déposées tout
autour sous un soleil lumineux. Les docteurs M et W quittent les dunes. Le
reste de la journée est calme. (Diary Elsie Fenwick) Un
glorieux et chaud jour d’été, le seul que nous ayons eu jusqu’à présent. Ce fut
une terrible journée avec les funérailles de madame Depage. D’abord nous avons
marché 2 miles jusque l’église où se tint un service d’une heure. Pauvre Dr Depage
et ses garçons qui paraissent si affectés. La Reine parut tout en noir et sa
dame de compagnie aussi… mais… avec des bottes blanches ! Beaucoup de
généraux et soldats et tout cela était très triste. Nous sommes allés habillées
avec notre tenue de service et nos voiles et avons formé une sorte de garde
d’honneur. 50 d’entre nous, en rang de six devaient porter les couronnes jusque
dans les dunes où elle fut enterrée. Elle repose sur une proéminence et l’idée
est qu’elle sera plus tard transportée à Bruxelles. Les couronnes étaient
jolies mais c’était très dur de les porter au moins une demi-heure et j’étais
crevée comme la plupart d’entre nous. Au retour nous reprenons immédiatement le
service. Nos blessés vont très mal et nos deux cas vont de mal en pis, ne nous laissant pas une
minute de répit. Finalement notre pauvre gangréneux doit quitter notre annexe
car il empêche les deux autres de dormir. Il était si malheureux et, …moi
aussi. Vendredi
21 Je suis allé à la villa
du Dr Depage qui voulait remercier le personnel pour sa sympathie. Très
pathétique. Quelques canonnades. (Diary Elsie Fenwick) Un très beau jour et nous partons tous
avec la plupart des tristes objets que nous avons transportés hier (les
couronnes) jusque la demeure du Dr Depage où il nous accueillit et fit un petit
speech pour nous remercier. C’est un homme cassé et si triste ! Notre
cas de gangrène est encore plus grave et j’allais le voir malgré le fait qu’il
n’est plus mon patient. Je ne pus le soigner et il fut descendu pour être pansé
mais on trouva sa cuisse si laide qu’ils décidèrent de l’amputer. Pauvre homme,
il était pratiquement mort et mourut pendant l’anesthésie au chloroforme. C’était
un beau grenadier et je fus fort affectée, plus que pour n’importe qui. Il
mourut tellement courageusement. Léopold va mieux, ce qui nous donne un jour
plus facile. Samedi
22 Mai Inspections
autour des pavillons, je mets des choses en ordre. Beaucoup de choses abîmées. Sister Grant part pour le pavillon 3. Tea
time à la villa Pasc avec deux marins et Madame Macnaughton. Nous attendons 22 infirmières canadiennes.
Elles arrivent à 11 heures. Dimanche
23 Mai 1915 J’interroge
les infirmières. Elles sont placées dans différents pavillons. Récolté don de
50 Francs pour les blessés. Le Prince Alexander vient au service. Le Révérend
Swan – non apprécié. Lundi
24 Mai J’ai
travaillé au Pavillon. Dîner
avec Miss Scott, plusieurs taubes nous survolent. Lettre de Mrs G. me demandant de
revenir. Ai demandé à Mr Grant de parler à Dr Depage. Le Roi vient. Un homme
est décoré. Mardi
25 Mai Dr
Depage décide que je ne peux pas partir. J’ai écrit à Mrs G. Sister Fenwick et Sister Scholon partent pour
l’Angleterre pour 15 jours. Beaucoup de taubes. J’ai eu beaucoup de patients
ces derniers jours. Mercredi
26 Mai Je
prends possession d’une chambre au premier étage comme bureau. Rien de nouveau.
J’écris à Madame Gordon. Télégramme de la British Red
Cross rappelant en Angleterre Walton et Firth. La Reine en Visite au pavillon. Jeudi
27 Mai
Très venteux. Sister Fay
malade. Chant improvisé par les soldats en l’honneur de la proclamation de
l’Italie qui rejoint les rangs alliés. Vendredi
28 Mai Le
major Gordon arrive et me conseille de rester. Il ira voir Mrs G. et
probablement l’emmènera pour quelques semaines. Gordon déjeune avec Depage. Les
hommes de Harrods nous quittent. Tea time à la villa Sansoucis. Un major canadien nous communique qu’il a perdu
sa femme et son fils sur le Lusitania (Major Ross of Riley). Mrs Fyfe emporte un bébé. La Reine vient. Samedi
29 Mai
Walton et Firth nous quittent. Deuxième thé pour tout le Staff. Visite
de la Reine. 15 admissions cette nuit. Dimanche
30 Mai Beaucoup
de visiteurs provenant de Dunkerke etc… Service dans la villa Pasc.
3 Q/C Sadie Bagot arrive et cherche son
pavillon ; deux officiers anglais au tea time et
16 patients provenant de Dixmude et des environs. Calme, peu de mitrailles. Lundi
31 Mai Madame
Groiza donne un concert pour les blessés. La Reine
vient après avoir visité les pavillons. Mardi
1er Juin Plusieurs
patients donnent ne fête pour leur départ. Villa Pasc.
Sister Gifford part pour Paris. Un Zeppelin nous
survole autour de 7h30. On dirait qu’il vole lentement mais en réalité il va
très rapidement. On le canonne et il se dirige vers l’Angleterre. Grande
agitation pour l’entendre à nouveau. Il revient le matin à 03 h oo. Deux nouvelles infirmières. Mercredi
2 Juin Matinée
fort occupée. Une lady vient du Belgian Fond.
Promenade dans l’après-midi. Dix d’entre-nous partons pour la campagne
arborisée et ornée de fleurs roses tout autour. Quel repos après tant de mois
sans verdure ! Nous arrivâmes à une ferme et demandâmes du thé. Les
occupants nous en offrent. Il y avait là trois dégoûtants garçons, un chien, un
homme invalide qui fut blessé et avait séjourné à l’hôpital, 6 hommes sales de
la ferme à une table à l’autre côté de la petite cuisine. La femme saisit un
couteau à pain sur le palier, essuya celui-ci sur elle, puis coupa le pain et
le beurre assis à la table des hommes. Un homme pris un morceau sur l’assiette
et immédiatement elle l’obligea à le remettre. (…). Ils firent un délicieux
café et une omelette. Nous eûmes une bonne tasse après quoi ils nous demandèrent seulement 15 centimes à
chacun que nous avons transformé en cinquante centimes. Nous sommes retournés à
Furnes par un véhicule civil. Nous eûmes alors la pluie et purent observer des
taubes qui étaient canonnés sans succès, puis nous vîmes un autre avion, cette
fois britannique, avant d’arriver à la maison saines et sauves. Jeudi
3 Juin Très
occupée pour essayer de terminer le travail au pavillon. Rien à signaler. Vendredi
4 Juin Quelques
patients rentrants. Visite de ( ????) du Belgian
Fund Folk qui nous promet de l’aide. Samedi 5 Juin La princesse de Ligne avec son fils et sa fille visite l’hôpital et dînent avec Dr Depage dans sa villa. Le Prince est un délicieux garçon de 20 ans. Sa sœur est âgée de 16. Ils me promettent de me prendre pour aller jusque Cap (????) quand je pourrai fixer une date… Dîner distrayant. Dimanche 6 Juin Le Dr Depage n’est pas bien.
Pas de rapport. Matinée tranquille. Incendie à partir d’une machine à gaz à 9 h
00 du soir. Je venais de quitter le pavillon Albert Elisabeth il y a cinq
minutes et je me promenais avec Sister Ross et
Wilkinson, quand une sentinelle attira notre attention sur de la fumée sortant
du pavillon. Nous y retournâmes et vîmes beaucoup de fumées. Dans le pavillon,
il y a 27 patients. Nous discutons avec le médecin et conseillons l’évacuation
des patients d’un des deux côtés. D’abord il refuse mais ensuite les flammes
apparaissent. Les lits d’un côté sont tirés. Les infirmières aidées par les
ordonnances des médecins et par des brancardiers font traverser aux patients
tout le pavillon pendant que des flammes s’élèvent très haut et avec fureur.
Une chaîne est formée pour amener des seaux d’eau. Terrible chaleur. Les vitres
cassent. Je conseille d’évacuer aussi l’autre côté. Le médecin responsable
donne l’ordre d’évacuation. Le linge et d’autres choses sont évacués. Les
patients sont déposés sur le sable dehors en attendant que je trouve une
meilleure alternative. Je me dirige vers le bâtiment principal où je trouve là
la confusion la plus complète. Les patients ont été évacués dans leurs lits ou sur
des brancards. On monte et descend ce
qui obstrue les escaliers. Toutes les infirmières sont présentes. Je me tiens en haut des escaliers et refuse le passage.
J’envoie des infirmières partout pour savoir combien de patient sont encore aux
étages. Il y en a environ six. Je stoppe
le passage aux étages sauf pour les hommes qui se rendent sur le toit avec du
sable. Je traverse vite ma chambre et emporte ma ration de biscuits et les
cigarettes. Je donne enfin l’ordre d’envoyer dix infirmières à chaque étage
pour refaire les lits quand les patients reviendront. Je me tiens sur
l’escalier, pour autoriser à une personne à la fois… Beaucoup de difficultés
pour maintenir l’ordre mais je reste ferme. Tout le monde est de retour au lit
vers minuit. Je pars à la villa Depage puis je visite l’extérieur de l’hôpital
et m’arrange pour fournir de quoi reloger chacun dans un abri sûr. Tous les
patients s’en sortent sain et sauf. Pas de blessés sauf, seulement deux
évanouissements à cause de la fumée, un blessé au crâne, une contusion au dos. C’est terrible de regarder les ruines
de notre si beau pavillon. Je veux retourner au lit mais la chambre est
impossible à occuper à cause d’une ouverture. Sable et couverture partout. Très
fatiguée et pas du tout contente. Finalement je trouve un lit au cinquième
étage et m’endors rapidement épuisée Lundi 7 Juin Quel chaos. On ne sait pas par
où commencer. Tout est nettoyé et remis à sa place. Sa Majesté vient. Dans
l’après-midi j’aide à préparer le pavillon Everyman.
On évacue les débris de vitres. Les lits sont tous intacts. Le pavillon est
prêt pour le soir. Je vais à la villa américaine. Mardi 8 Juin Très malade. Je remonte dans
mon lit, indifférente à tout ce qui pourrait se passer sur terre. Je dors quasi
toute la journée. Je me sens mieux dans la soirée. Mercredi 9 Juin Rien de
spécial. Thé le soir dans la villa Pasc. Jeudi
10 Juin Sa majesté et le Prince et la
Princesse Alex de Teck viennent. Gens très agréables. Ils visitent deux étages.
Dîner avec Dr Depage. Le major Gordon arrive. Lettres et cigarettes de Madame
Gordon. Miss F et Miss Gordon retournent et disent que l’offensive devrait
être menée ! Vendredi 11 Juin Longue conversation avec le
Major Gordon. Thé à St Idesbald dans la super villa Hort. 14 patients la nuit. Samedi 12 Juin Thé de départ. Photos pris de
la villa Pasc. Sister
Bruce, Dickonson et Rusk nous quittent demain.
Beaucoup de canonnades cette nuit. J’ai regardé du 5ème étage. Gros
éclairs sur Dixmude, Ramskapel et sur les autres
régions de la ligne de feu. 15 admissions cette nuit. 21 durant la journée. Au
front des tranchées auraient été prises. Dimanche 13 Juin J’accompagne Madame Scotts qui retourne à l’hôpital de Cabourg. Petits
pavillons de 28 lits. L’ensemble comporte 300 lits. 30 infirmières. Je n’ai pas
été favorablement impressionné. Les conditions sont plutôt de 3ème
catégorie. Le staff aussi et, les patients semblent non soignés. Un anglais
semble découragé et est renvoyé à Ypres. Je suggère à une des infirmières qui
va à Londres de prendre contact avec sa famille. Il me remercie et me montre
une lettre de sa tante très pathétique. J’essaierai de le prendre à La Panne et
de là nous conduirons à travers une jolie région jusque l’Etat-Major
Général belge afin d’obtenir un laissez-passer. Nous sommes stoppés par une
procession catholique (Saint-Sacrement). Un reliquaire est exposé sur un côté
de la route. Le chemin est orné de drapeaux suspendus aux fenêtres. Des petites
filles en rouge et les garçons en blanc. Les acolytes sont en robe rouges avec
des surplus blancs. Tous chantent. Il a des vieillards pathétiques et de petits
enfants. Les vieilles femmes et jeunes filles sont endimanchées. Rares jeunes
hommes et quelques soldats. On se demande combien ont des maris, pères et
frères qui combattent à quelques miles de
là. Nous regardons et admirons. Juste sur notre droite dans une ferme faisant
face au reliquaire, se trouvait une vielle femme peut-être paralysée et
incapable de prendre part à la procession, à genoux devant sa chaise, récitait
le rosaire. Plus loin, nous arrivâmes à la vieille église, très pittoresques
par ses fleurs poussant dans les interstices des murs et par ses roses parsemant le porche. Les
vieillards en font le tour. Une très vieille femme disparut dans l’église en
pénétrant par une des portes. Nous pensâmes à dessiner cette scène. Un prêtre
aux cheveux blancs et sales écoutait la confession d’une d’entre elles,
apparemment trop vielle pour chanter. Notre tableau perdit bientôt de son
charme et notre intérêt disparut. Nous retournâmes au canal et appelâmes Maxine Elliott qui possédait une barge pour distribuer de
la nourriture et des vêtements aux réfugiés. Un endroit délicieux avec
cuisine-salon et des petites lampes, quatre lits et de plus il avait des
cigarettes et du thé délicieux. Tout cela était
très gai. Nous retournâmes vers 6h30, fortes canonnades pendant la nuit.
Monsieur Grous reçut un télégramme lui annonçant que
sa petite fille était décédée à Bruxelles. Il est incapable d’aller annoncer la
nouvelle à sa femme. Tout cela est trop triste ! Visite du Colonel Bridges
qui parait très en forme. Lundi 14 Juin Tirs d’artillerie toute la
nuit. Quelques admissions. Mardi 15 Juin RAS Mercredi 16 Juin Ditto Jeudi 17 Juin 7 infirmières et le Dr Hunt
arrivent de Londres ayant connu beaucoup de difficultés pour débarquer. Vendredi 18 Juin J’installe les infirmières dans
les pavillons. Journée calme Samedi 19 Juin On entend les combats. Concert
au village pour B.R.C. donné par les soldats. Dimanche
20 Juin Messe au salon pour les blessés. Trop à
dire en les voyant arriver boitant, estropiés. Dans
l’après-midi je m’en vais pour une longue promenade dans les dunes jusqu’ Oostdunkerke. J’arrive auprès de fermes pour essayer
d’avoir du thé ou du café mais il n’y a
rien d’autre que de la bière. Nous partons plus loin jusqu’à une auberge
flamande. Etant dimanche, elle est fermée. Discussion avec la patronne endimanchée.
Sur la marche nous demandons un café, ou alors quelque chose de moins rare
comme de la bière ou du vin. Nous
rentrons tous les 9 et commandons du pain et du beurre et des œufs sur
le plat. Dans l’arrière-salle du bar, se tiennent les fermiers. Des verres de
bière sont commandés et beaucoup s’installent dans un coin pour jouer aux
cartes. Intrigué par notre présence, immédiatement arrive une vielle dame qui
s’assied en face du bar et croise les doigts autour de son volumineux ventre.
Avec un menton proéminent, elle nous regardait la bouche ouverte (je pris son sourire béat pour de l’admiration). Dans
une chaise à côté d’elle, se tenait un petit enfant de six ans, exacte réplique
de sa tante. Quand nous eûmes presque fini, la dame nous fit un peu de café, le
plus délicieux. Le sol est à nu. Une bonne pensée pour les dames dans les mains
desquels nous avons vu le café se moudre. Nous eûmes un bon goûter qui nous
coûta à chacune un franc. Dr H. donna à la patronne un demi- sou. A son plus
grand plaisir, elle garda le change en disant « souvenir souvenir » et nous continuâmes notre promenade à
travers le village. Avec des maisons endommagées et quelques-unes complètement
détruites, on pouvait entendre des bruits de bataille tout près. Ainsi nous
entendions même le souffle des obus. Bientôt nous fûmes stoppé par un officier
qui parlait un peu l’anglais et qui avait été envoyé à notre suite par l’Amiral
qui de son abri nous avez vus passer. Il nous demanda de ne pas aller plus loin.
Nous rentrâmes plus fatigués que prévu. Heureusement nous fumes pris en charge
par un camion allant à Coksyde… Nous arrivâmes vers
21 heures très fatigués. Lundi
21 Juin Très
beau jour. Certains vont nager tôt le matin. Quatre infirmières nos quittent.
Un officier Belge arrive. Je viens panser un aumônier protestant. Je viens
juste d’entendre que son frère avait été tué. Je suis bouleversée et triste
pour lui. Je l’envoie à Lady Bagot …. Mardi
22 Juin Canonnades
dans la nuit et tôt le matin. Furnes et Dunkerke
bombardées sévèrement. 8 blessés provenant de Furnes. Beaucoup de dégâts faits
à Dunkerke. Madame Roddings
nous arrive après avoir passé la journée dans une cave de Dunkerke.
Le chapelain de Dunkerke doit venir demain pour
l’office. Je prépare le salon. Deux infirmières en congé pour une demi-journée
ne sont pas rentrées. Rien à faire sinon attendre jusqu’au matin. Coup de
téléphone de Hoogstad d’où elles ont dû passer
la nuit car Furnes était bombardée et leur route devenue impossible. Le
chapelain est resté la nuit. Mercredi
23 Juin Service
du matin à 11 heures. Chapelain très bien. Bon sermon. Le chapelain reste pour
le lunch et pour le thé. Le Prince et la Princesse Alexandre de Teck viennent
en visite. Charmants. Envoie un album à signer. Jeudi
24 Juin RAS.
Visite de la Reine au Pavillon British Vendredi
25 Juin Je suis informée très tôt au matin qu’un
homme est entré dans la chambre d’une infirmière qui dormait dans la villa. Je
pars investiguer cette affaire. L’infirmière est naturellement choquée et
raconte qu’elle s’est éveillée entre 01 h 30 et 01 h 45 par du bruit. Elle se
redressa sur les coudes et immédiatement un homme posa sa main sur son visage.
Elle essaya de crier, mais à chaque fois, il essaya d’empêcher ses cris en
l’étouffant en serrant sa gorge. Ils roulèrent par terre. Deux Sisters de la chambre voisine essayèrent alors d’ouvrir sa chambre
ils ne purent le faire et dans la panique pensant que la porte était bloquée
elles essayèrent de passer par la porte de service. L’homme se redressa près de
la fenêtre tandis que Sister H. pu s’échapper dans la
chambre voisine. Mr. Croux et Mister
Sultan dans la villa voisine entendirent le tapage et se rendirent dans la
villa des infirmières où ils trouvèrent l’homme caché sous le lit. Une
sentinelle fut appelée et arrêta l’homme. Le Dr Jansen examina l’infirmière et
lui prescrivit de la morphine. Elle avait plusieurs marques sur le visage, une
petite contusion sur le nez et elle se plaignait de sa gorge qui avait été
serrée. Dr Jansen la revit encore par après. L’enquête est réalisée dans
l’après-midi par 6 officiers, le prisonnier et deux témoins. Toutes les
auditions sont prises sous serment. La
déposition de l’homme consista à dire qu’il avait regardé les différentes dames
de la villa se déshabiller pour la nuit et cela des dunes. Puis il avait
attendu la nuit jusqu’à ce que tout soit devenu calme pour essayer de pénétrer
dans une chambre. Il trouva une barrière dans le jardin qu’il employa comme
échelle, la plaça contre la véranda et enleva ses souliers et monta prenant
avec lui un petite morceau de cordage avec lequel il avait l’intention de lier
les mains si nécessaire. Quand il rentra dans la chambre, il la regarda dormir
une demi-heure. Se déplaça enduite pour saisir une bougie mais en se faisant
fit tomber quelque chose. Ce fut ce bruit qui réveilla S avec effroi. Il essaya
de l’empêcher d’hurler et fut surpris de sa résistance. Quand il entendit le
remue-ménage et le bruit de personnes qui arrivaient, il s’en trouva paniqué et
se cacha sous le lit (il disait qu’il avait l’habitude d’aller dans les
chambres des infirmières). (…) Les officiers après avoir pris les
dépositions orales de Sister Ross et Sister Loader et écrites de Sister
Harrison, quittèrent les lieux en disant qu’ils reviendraient le lendemain pour
dire à Sister Harrison quel serait la sentence. Comme
je partais le mardi suivant, le docteur pensa qu’il était sage de confier ce
qui s’était passé à d’autres personnes que moi. J’envoyai un message à la
Mission britannique. Le Colonel Tyrell arriva.
J’expliquai ce qui était arrivé. Il confirma que c’était la meilleure des
choses d’agir vite avec le moins de bruit possible. Toutes les baignades sont
stoppées etc…. Je parlai à la direction et Mrs G. et Ross arrivèrent
pour prendre ma place très énervées de devoir reprendre cette affaire juste au
moment où je m’apprêtais à quitter mes fonctions. Nous avons eu des tas de
choses à nous dire avant de pouvoir très tard enfin regagner nos lits. (Diary Elsie Fenwick) Un
terrible scandale et excitation à l’hôpital car une infirmière de notre étage a
été attaquée pendant la nuit. Elle était dans une villa à côté de la nôtre et
seule dans une chambre. Un soldat grimpa par le balcon, la cogna et la fit tomber
et essaya de la violer. Heureusement les infirmières de la chambre voisine
surgirent. Il se cacha sous le lit et fut pris. La pauvre infirmière n’était
pas belle à voir et très choquée. Je pense que l’homme sera condamné par la
cour martiale pour quelques années. Je pense à tout ce qui aurait pu nous
arriver car Aline et moi avons vécu seules pendant des semaines dans une villa
sans même un concierge. Samedi
25 Juin Vu
Ross puis conversation avec S. Harrison qui est fort malade après la morphine.
Dans l’après-midi les officiers ont terminé l’enquête. Mrs. Harrison déclare
qu’elle ne peut penser que nous pourrions terminer sans qu’elle ait un
représentant britannique. Donc, je demande au colonel Tyrell
de venir et le rendez-vous est fixé à 10 heures du matin le jour suivant. Je
lui conseillai de considérer cela comme acquis et de ne rien dire de cela. Mrs.
G. va à Dunkerke pour voir Mrs. Knocker qui se trouve dans un petit hôpital. Dimanche
27 Juin Mrs.
G., Ross et (???) mangent avec Pa (Depage). Mrs. G. , Wallace Oxley et Bill ont un souper avec Mrs. Fenwick and ( ???). Cela me réjouit beaucoup. Entendu
des rumeurs signifiant que la direction désire donner un souper aux nouveaux
arrivants. Lundi 28 Juin Encore l’enquête. Signé
une déclaration de Sister Harrison. Le colonel Tyrell très bien. Sister Harrison
a beaucoup de difficultés pour comprendre. J’ai une longue conversation avec
elle. Je lui dis que je voudrais voir Mrs Fletcher, la chef de la Croix-Rouge
Britannique à Boulogne. Je lui conseillai de retourner chez elle et
j’obtiendrai sa permission jeudi. Les officiers s’excusent et me remercie pour
l’aide apportée. Je dîne avec PA (Depage). Nous entendons Madame Groiza chanter ; je donne mes adieux. Au lit
tard ! Mardi 29 Juin Je quitte à 11 heures. Les infirmières
sont si gentilles. J’ai une collection de messages de toutes ! Mrs G.
remettra cela en Angleterre. Je reçois des messages avant d’être debout. Je
dois me rendre avec Dr Depage au Palais. Je n’avais pas envie d’y aller mais je
le fis ! J’ai été remerciée très gentiment etc…
Elle me donna sa photo dédicacée. Il manquait un cadre et elle me dit de
remettre la photo au major Gordon qui trouvera
un cadre comme pour les autres… Large photo de groupe sur la plage… Quantité
d’au-revoir. Difficile de faire mes bagages mais j’y arrive au dernier moment.
Quelques regrets. Sentiments mêlés. Très enthousiaste à revoir la famille. La voiture de Depage me
conduit à Calais. Belle journée. Arrivée après deux heures. Hôtel maritime.
Repas excellent sur une faim de loup. Belle chambre. B arriva autour de 4 H 30
paraissant fatigué. J’allai voir pour mon passeport. Dîner à 7 h 30. Au lit
vers 10 h, bain magnifique. (Diary
Elsie Fenwick) Un triste jour car Miss Winch la
matrone, nous quitte. Tout semble si terne sans elle. Une demi-heure avant son
départ elle alla chez la Reine et nous nous réjouissions qu’elle reçoive
quelque chose de joli. Je fus déçue lorsqu’elle revint avec une photo de la
Reine dédicacée mais non encadré. Si peu alors qu’elle se donna corps et âme
pour les Belges pendant 7 mois et
qu’elle fit des miracles. Peuple ingrat ! Tout cela pour rien ! Mercredi 30 Bon service. Lit défoncé.
Déjeuner au lit à 10 heures. Encore des sorties pour l’obtention des
passeports. Lunch puis une autre promenade. Thé dans la chambre dans un verre.
Promenade. Dîner avec Jack Souther. Au lit à 10 h 30. Jeudi Déjeuner à 9 heures puis
départ en voiture jusque Boulogne. Je suis à l’hôtel Folkestone. Excellent
lunch. J’ai vu madame Fletcher dans l’après-midi. Elle me conseille de raconter
au chef de la Croix-Rouge à Londres. Dîner chic. Vendredi Le bateau m’emporte cet
après-midi à 16 heures. Très excitée !
Vendredi 9 Juillet (Diary Elsie Fenwick) Un beau jour et pas trop à faire
jusqu’au moment cet après-midi ou l’on nous amena un cas abdominal terriblement
mal. Sister Campbell et moi l’avons alors soigné très
tard toute la soirée et nous l’avons remis dans un état un peu meilleur. Samedi 10 Juillet (Diary
Elsie Fenwick) Notre homme ne va pas mieux et j’ai passé toute la journée à
essayer de le sauver, mais je crains que ce soit sans espoir car la gangrène a
commencé. Dans
l’après-midi un officier anglais, la capitaine Knight nous est amené dans notre
couloir avec une affreuse blessure à la hanche. Il était en poste sur un canon
anti-aérien à Nieuport et un obus explosa tout près de lui. Le Prince Alexander
et le major Baird viennent le voir et nous demandent de venir dîner ce soir. C’est
la meilleure chose à faire pour faire sortir de nos têtes les horreurs de
l’hôpital. (…). Dimanche 11 juillet (Diary
Elsie Fenwick) Le pire jour des horreurs. Le premier de
tous mes beaux hommes que j’ai soigné avec tant de cœur meurt. (…) . Trop triste. Et en plus notre officier
anglais qui souffre maintenant de gangrène et je ne peux rien faire… Lundi 12 juillet (Diary
Elsie Fenwick) Notre pauvre Capitaine Knight meurt sur
la table d’opération, la seule chance de survie était l’amputation de sa cuisse. Trop triste. Mardi 13 juillet (Diary
Elsie Fenwick) Un beau jour et toutes les infirmières
anglaises doivent aller aux funérailles du Capitaine Knight à Adinkerke à 3
miles d’ici. La cérémonie se passa d’abord dans le salon et le cercueil
recouvert du drapeau de l’Union Jack avec à son sommet sa veste kaki, des
couronnes atout autour provenant des Belges et des Anglais. Le chapelain
anglais vient de l’aéroport anglais de Dunkerque et fit une belle célébration.
Ensuite nous marchâmes en procession jusqu’à Adinkerke. Il y avait au complet
tout son régiment anti-aérien de Nieuport et le cercueil reposait sur un caisson
d’artillerie. Il fut enterré à côté de ceux qui décédèrent à l’hôpital. Rangée
après rangée, des simples croix noires portant juste leur nom et pas plus que
cela. Alors Maxine Elliott fut très gentil et envoya
son véhicule pour nous et nous emmenèrent la matrone Miss Hughes pour aller
prendre le thé sur la barge et cela distraya tout le
monde. Jeudi 15 juillet (Diary
Elsie Fenwick) Un beau jour et rien à
faire, aussi, Aline et moi, prenons notre demi-jour de congé et Maxine Elliott fut terriblement gentille en venant nous
chercher dans sa voiture. Nous sommes partis pour Steenkerke
où Madame Knocker et madame Chislom
vivent dans une cabane en bois ! Quelle saleté ! Malheureusement
elles n’étaient pas là mais nous entrâmes quand même dans leur camp. Je n’ai jamais
vu une chose si sale malgré le fait qu’il y avait plusieurs soldats comme
servants. Leur idée est de surveiller cinq blessés qui ne sont pas assez
gravement atteints pour être évacués mais ils sont gardés dans une sale pièce.
La chambre à coucher des deux femmes était minuscule et leurs deux lits défaits
et encore moins de miroir, mais j’ai entendu qu’elles avaient du bon temps en
étant attachées à l’armée belge. Comme elles étaient là depuis des mois, on
aurait pu penser qu’elles auraient embelli les lieux. Nous retournâmes par Furnes encore plus
endommagée depuis notre dernier passage. Nous vîmes là Lady Dorothie
Feilding[4],
assez mignonne petite chose et elle était en jupe !! Elle vit à Furnes sans
une autre femme, du moins le dit-elle !! Nous retournons ensuite pour le
thé à la barge et nous rentrons à la Panne juste pour le souper. Samedi 31 Juillet (Diary Elsie Fenwick) Juste avant le lunch, un aviateur
Anglais appelé Capitaine Liddell[5]
nous fut apporté avec une jambe en très vilain était. Je vis aussi
l’observateur qui se trouvait avec lui, Monsieur Peck, un malotru, mais ils
firent preuve d’un grand courage dans un
vol extraordinaire. Ils étaient en train
de voler sur Bruges quand un aéroplane allemand se trouva au- dessus d’eux et
donc ils ne purent le voir et c’est ainsi qu’il reçut une balle dans la jambe.
Il perdit connaissance et l’aéroplane descendit de 1000 pieds ce qui ramena sa
conscience suffisamment pour réaliser le danger. Il appuya alors avec sa main
sur sa cuisse blessée pour réaliser un looping. L’observateur lui dit qu’il
voyait alors un terrain d’atterrissage et il parvint à atterrir à Furnes. Après avoir immobilisé
sa cuisse lui-même, il fut transporté jusqu’ici. Il est très mal mais j’espère
qu’il se rétablira. Jeudi 5 Aout (Diary Elsie Fenwick) J’ai reçu le plus
grave cas jamais eu auparavant. Je suis partie en salle d’opération et trouva
ses jambe écrasées et réduites en morceaux par un obus et ils doivent les
couper le plus haut possible. Il reçut l’anesthésie dans le rachis mais pas de chloroforme
et il souffrit une grande partie de l’intervention en criant après sa maman. Ce
fut le haut le cœur pour mettre ce paquet informe sur le brancard. C’était un
petit gars de 19 ans, fils unique. Le pauvre petit gars, Alfred va mieux
mais c’est une pitié de le voir me demander toute la journée ce qu’il en est de
ses jambes et pourquoi elles lui font tellement mal et quand il sera capable de
retourner dans son régiment. Nous le laissons pour qu’il trouve par lui-même
les réponses. Une autre soirée horrible dans la salle d’opération quand il est
pansé. Il hurle de douleur et je ne sais pas comment il supporte cela. Samedi 8 Août (Diary Elsie Fenwick) Une journée charmante
et j’ai passé une délicieuse matinée sur le sable. L’après-midi j’ai été en
salle d’opération pour un cas affreux touché par un shrapnel dans les cuisses
et l’abdomen. Le Dr Depage opéra pendant deux heures après quoi il fut
transporté terriblement mal. Il vécut de 6 heures à 9 heures du soir et je
crois n’avoir jamais vécu trois heures aussi épouvantables que cela, le blessé
agonisant pendant trois heures tout en luttant contre la mort. Le pauvre petit gars avec ses
amputations va un peu mieux et il est si bon et brave. Jeudi 12 Août (Diary
Elsie Fenwick) J’étais en train de parler au Prince Alexander
et au Major Baird quand arriva Sister Campbell pour
dire qu’un terrible cas de traumatisme abdominal était en salle d’opération. Je
descendis et restai auprès du Dr Depage effectua la plus terrible opération pendant
2 heures et demie. Il était perforé de balles. Il n’eut pas sa chance et décéda
sur la table. J’étais fatiguée. Jamais encore, je n’étais rentrée si tard, je
me jetais sur mon lit, malade de la vie que je menais et de la guerre. Vendredi 13 Août (Diary
Elsie Fenwick) Belle
journée mais je déteste tout et me sent fort dépressive tout en souhaitant
regagner mon chez-moi. Je suis triste de voir la jambe du capitaine Liddell aller mal et nous devrons sans doute l’amputer mais
nous espérons encore. Samedi 14 Août (Diary
Elsie Fenwick) Pendant l’après-midi un aéroplane
allemand jeta quatre bombes en ville et blessa deux soldats, en tua un, et tua
une mère et deux petites filles. Ils furent transportés dans l’hôpital et moururent.
Une des petites filles avait les deux jambes arrachées et c’était une pitié de
voir le docteur la tenant dans ses bras dans sa petite robe blanche parsemée de
sang et la conduisant ainsi vers la salle d'opération. Lundi 16 Août (Diary
Elsie Fenwick) Mon gars à la double
amputation est si merveilleux car si bon et si brave. Le pauvre Capitaine Liddell
ne va pas bien. Mardi 17 Août (Diary Elsie Fenwick) Un triste jour, Capitaine
Liddell devra être amputé après-demain .C’est la
seule chose encore possible pour sauver sa vie. C’est triste après deux
semaines de soins pour rien ! Dans l’après-midi Prince Alexander pour
le décorer de la V.C. C’est splendide mais c’est triste de le féliciter sachant
que sa jambe est condamnée et qu’il ne le sait pas ! Chacun ressent cela
comme de la fumisterie mais il fut malgré tout si heureux. Jeudi 19 Août (Diary
Elsie Fenwick) Un triste jour, celui de l’amputation du
Capitaine Liddell Vendredi 20 Août (Diary
Elsie Fenwick) Capitaine Liddell
est très mal Samedi 21 Août (Diary
Elsie Fenwick) Capitaine Liddell
est si mal que la mission anglaise a envoyé un télégramme à sa mère. J’espère
qu’il vivra, c’est un si gentil jeune homme. Le Capitaine Liddell décèdera
hélas le 31 Août. [1] Prince Alexander de Teck (1874-1957) Jeune officier il participa à la seconde guerre des Boers (1899) où il se distingua. En 1914, commandant un régiment, il prend part aux premiers combats de l’armée britannique lors de la Première guerre Mondiale. En 1915 il est nommé lieutenant-colonel et est mis à la tête de la Mission Britannique auprès du Roi Albert à La Panne. Il deviendra par après gouverneur de l’Afrique du sud puis au moment de la seconde guerre mondiale gouverneur du Canada. A ce titre il eut une influence primordiale sur le déroulement de la Deuxième Guerre en encourageant le Canada à transformer sa petite armée en une armée puissante et moderne. L’effort de guerre du Canada fut en effet prodigieux. [2] Lady Sarah Wilson, (1865 – 22
Octobre 1929), née Lady Sarah Isabella Augusta Spencer-Churchill, fut la
première femme correspondante de guerre
quand elle couvrit en 1899 la guerre des boers en 1899 pour le compte du Daily
Mail. Ses reportages sur le siège de Mafeking tenu
par le colonel Baden-Powell et qui tint tête pendant plus de 200 jours aux
boers sont restés célèbres. Durant la grande Guerre, elle se porta volontaire à
la Croix-Rouge pour apporter des soins aux blessés en France puis en Belgique
tandis que son mari le Lieutenant colonel Gordon Chesney
Wilson, oncle de Wiston Churchill, combattait avec
ses Royal Horse Guards sur l’Yser. Son mari tué à
l’ennemi le 6 novembre 1914 (il repose en Belgique au cimetière militaire de Zillebeke), Sarah décida de cependant de rester sur le
front et, avec l’actrice américaine Maxine Elliott, se
consacra aux réfugiés belges grâce à leur dépôt de vêtements et de vivres
entassés dans une barge au bord de l’Yser. [3] biographie de Maxine
Elliott (source Wikipedia
) Née en 1868, Jessie Dermott est
séduite à l'âge de quinze ans, en 1883, par George McDermott, un avocat
de 35 ans duquel elle devient enceinte. Il se marient, vraisemblablement en 1884. Selon sa nièce,
Diana Forbes-Robertson, elle abandonne (ou perd) le bébé et ce qu'il arrive
ultérieurement du père est inconnu. Après avoir pris
le pseudonyme de Maxine Elliott, elle approche
différents producteurs de théâtre. Elle fait ses débuts sur scène au Palmer's de New York le 10 novembre 1890,
dans le rôle de Felicia Umfraville
de la pièce The Middleman de Henry Arthur Jones. Son succès est
rapide. En 1895,
elle est engagée par le producteur Augustin Daly
qui, en l'espace d'un an, la fait jouer dans onze pièces différentes, dont sept
créations et quatre œuvres de Shakespeare. En 1901, pour une production
du Marchand de Venise, elle peut se permettre
de négocier un cachet de 200 dollars par semaine et la moitié des
bénéfices au-dessus de 20 000 dollars. Le 28 septembre 1903, son apparition dans Her Own Way
au Garrick Théâtre de Broadway, dans une production de Charles Dillingham,
lui assure un triomphe : la pièce part en tournée en 1905 à Londres
et le roi Édouard VII demande à ce que la comédienne
lui soit présentée. Maxine Elliott s'est entre-temps mariée le 20 février 1898 avec le comédien
Nathaniel « Nat » Goodwin avec lequel elle
se produit aux États-Unis et à l'étranger. Elle divorce en 1908. Elle devient alors
proche du financier John Pierpont Morgan.
Celui-ci lui donne de judicieux conseils d'investissement qui l'enrichissent
considérablement. Morgan l'aide par ailleurs à financer l'ouverture de son
propre théâtre à New York, le Maxine Elliott's Theater, dont la première production la présente
en vedette dans The Chaperon (Le Chaperon). Certaines biographies laissent
entendre, sans en apporter la preuve, que la comédienne aurait entretenu une
liaison avec le banquier septuagénaire. En 1913,
Maxine Elliott fait ses débuts au cinéma muet.
Elle tourne successivement
Slim Driscoll, Samaritan, When the West Was Young et A Doll for the Baby. En 1917, elle signe pour The Fighting Odds et The Eternal Magdalene avec Samuel
Goldwyn. Il ne subsiste aucune pellicule, excepté pour The Fighting Odds conservé au Gosfilmofond, les archives russes du cinéma[réf. nécessaire]. Peu avant la Première Guerre mondiale, la comédienne a
une liaison avec le champion Tony Wilding,
numéro un mondial du tennis en 1912 et 1913, de treize ans son
cadet. Quand il s'engage dans l'armée britannique, elle se rend en Belgique
où, de février 1915 à mai 1916,
elle loue une péniche et parcourt les canaux pour distribuer nourriture et
vêtements aux réfugiés (pour ce service, elle est décorée de l'Ordre de la Couronne
belge). (voir photo de Maxine elliott
sur sa barge : http://chroniclingamerica.loc.gov/lccn/sn85042242/1915-02-12/ed-1/seq-2.pdf
. Wilding est cependant tué au front, sur les champs de bataille français. En 1920,
après les représentations de Trimmed in Scarlett, Maxine Elliott annonce son retrait de la scène. Elle a
cinquante-deux ans. Très riche, elle partage son temps entre les États-Unis et
la Côte d'Azur
où elle fait construire par son compatriote Barry Dierks, en 1932, une des plus
importantes villas de Golfe-Juan, le château de l'Horizon. Elle y reçoit toutes
les célébrités de l'époque : Lloyd George,
le duc et la duchesse
de Windsor, Winston Churchill, Noël Coward sont des invités réguliers. Elle meurt à
Cannes le 5 mars 1940 âgée de 72 ans. [4] Lady Dorothy Feilding (1889-1935) Cette femme devint célèbre en s’engageant comme conductrice d’ambulance pour porter secours aux blessés belges à Furnes en octobre 1914. Elle effectua d’innombrables trajets en ambulance allant chercher les blessés à la ligne de front pour les conduire ensuite à l’hôpital de Furnes. Par son courage elle devint fut ainsi la première femme à obtenir la « Military Medal for bravery” Elle reçut aussi la croix de Guerre des Français et l’Ordre de Léopold II de la part de la Belgique. [5]
Biographie du Capitaine Liddell : Liddell étudia au Stonyhurst College,
Lancashire et au Balliol
College, Oxford, où il
acheva une formation en zoologie. Il s’engagea à l’âge de 26 ans et
devint capitaine au 3rd Battalion, The Argyll and Sutherland
Highlanders (Princess Louise's),
British Army.
Il passa 43 jours consécutivement dans
les tranchées commandant la section mitrailleuse et fut décoré de la Military
Cross pour sa conduite
à Le Maisnil. Il joignit ensuite l’aviation ( No.
7 Squadron, Royal
Flying Corps) et fut ensuite décoré de la VC. Le 31 juillet 1915, pendant un vol de
reconnaissance sur le front belge, il
fut touché par un tir de mitrailleuse et gravement blessé à la jambe droite. Il
demeura quelques instants inconscient mais par un effort immense parvint à
retrouver le contrôle de son avion malgré le fait que celui-ci soit descendu de trois mille pieds. Son
aéroplane en feu, il réussit cependant à atterrir. Il mourut à l’hôpital
l’Océan le 31 août à l’âge de 27 ans. Il est enterré dans le cimetière du St
Esprit à Basingstoke. Voici ce
qui est gravé sur le mémorial qui lui est consacré : IN MEMORY OF CAPTAIN J. AIDAN LIDDELL, V.C., M.C. PRESENTED
BY HIS BROTHER OFFICERS OF THE 3rd (RESERVE) BATTALION. |