Médecins de la Grande Guerre
Accueil - Intro - Conférences - Articles
Photos - M'écrire - Livre d'Or - Liens - Mises à jour - Statistiques
Gueules Noires et Gueules Cassées solidaires dans le malheur en 1934 Cette histoire incroyable et dramatique fut trop vite oubliée. Quelques éléments épars me permettent d’en reconstituer la trame. Le dimanche 13 mai 1934, quatre chorales de mineurs dont le Royal Cercle choral de Frameries participent à Paris au Palais des Sports à un hommage aux gueules cassées. Les bénéfices du spectacle donné à cette occasion sont par ailleurs destinés à les aider. Un grand Namurois dirige la chorale de Frameries à Paris. Il s’agit de René Barbier[1]. Ironie de l’histoire, ce jour de joie pour nos mineurs à Paris va être dramatiquement gâché deux jours après par une affreuse explosion minière en Belgique au pays borain, plus exactement au Fief de Lambrechies à Pâturages. L’ingénieur Carroy, le chef des héroïques sauveteurs. Dans ce site minier, vers 19h50, le 15 mai, un coup de grisou se produit quelques minutes à peine avant la remontée des mineurs. Monsieur Roland, Mr Baluwart ingénieur et deux chefs-porions descendent au fond. Tout de suite à l’étage 821, l’ampleur de la catastrophe apparaît : les chariots sont cabrés, renversés, troués, un brouillard gris flotte. Le corps d’un homme est en feu et les secouristes arrivent à éteindre les flammes mais la victime Léon Blondel d’Eugies avait cessé de vivre. Partout règne un silence de mort, l’équipe est persuadée qu’il ne peut y avoir de survivants et par manque d’oxygène doit s’empresser de remonter en surface. Après avoir fait rapport au directeur, les secouristes redescendent une deuxième fois. Elie Cornez et cinq ouvriers se joignent à eux. Un blessé est retrouvé vivant mais hélas, succombera le lendemain de ses blessures. Le lendemain, commence la remontée des cadavres. Une partie de l’équipe de sauveteurs restera plus de trente heures au fond jusqu’au 17 mai à 9h30 du matin. Monsieur Sottiaux, ingénieur du corps de mine, oblige ces hommes épuisés à remonter. Mais, à peine ceux-ci à l’air libre, un deuxième coup de grisou survient et le tue ainsi que de nombreux sauveteurs dont le directeur des travaux Allard et l’inspecteur ouvrier Delorgne. On continue cependant le sauvetage jusqu’à midi, heure à laquelle il est décidé d’abandonner la mine, car de nouvelles explosions sont encore à craindre. Au moment où l’on envisage de combler les puits avec des terres, le signal de remonte fonctionne une dernière fois et le nommé Léon Cornez sort de la cage sans une égratignure. Ce rescapé ultime, resté de nombreuses heures inconscient, n’avait pas été aperçu par les secouristes car il se trouvait dans une galerie isolée. Se réveillant, il avait pu à tâtons rejoindre le puits et faire fonctionner le signal de remonte. On transporte le corps du jeune ingénieur Sottiaux. Au total le double coup de grisou coûtait la vie à 57 hommes : 42 ouvriers et 15 sauveteurs. 31 corps ne purent être ramenés dont ceux de 10 sauveteurs. Le Roi Léopold se rendit le premier jour de la catastrophe sur le site. Le pays tout entier se trouva bientôt sous l’emprise de cette catastrophe. Le jour de l’enterrement des victimes, l’on vit une délégation des Gueules Cassées de Paris apporter un hommage suprême aux Gueules Noires qui étaient venus chanter[2] pour eux deux jours auparavant et dont certains avaient péri dans la catastrophe. Il en était ainsi pour les deux frères Cousin qui avaient changé de pause pour ne pas perdre de journée de travail suite à leur voyage à Paris ! Louis cousin, un des deux frères, 47 ans, deux enfants, avait été traversé de part en part par le marteau dont il se servait ! Une édition spéciale de « Soirées », magazine hebdomadaire rendit compte des funérailles : « Ceux qui hier soir,
devant les portes fermées de la mine déserté, attendaient encore atterrés
quelques nouvelles impossibles des 32 morts laissés au fond du puits sinistre,
ont abandonné leur attente désespérée. Tout le borinage, endimanché comme le
peuple s’endimanche pour les fêtes et pour les enterrements, accourt par tous
les chemins qui mènent à Pâturages. Des étrangers, amenés par des centaines
d’autos, de motos, ou de vélos de tout le pays grossissent la foule silencieuse
qui coule vers le village dont le nom est sut routes les lèvres depuis quatre
jours. Les familles les plus favorisées , si on peut parler de faveur, ont
repris leurs morts, Deux cercueils seulement seront portés par les camarades en
bleus casqués de cuir, de la chapelle ardent e à l’église. Dans la masse
confuse et serrée, qui garait la place et la grand-rue, on distinguait les
hauts-de-formes des officiels délégations de Les « Gueules cassées » de France apportent leur suprême hommage à ceux qui deux jours avant de mourir venaient à Paris chanter pour eux. Ce reportage pompeux
idéalisait sans aucun doute le travail dans nos mines. Un paragraphe d’un
article se trouvant dans le même
magazine sous la signature de Maurice Hankard le
relativise en quelques mots ! « Nous ne sommes pas
assez respectés »… Telle fut la plainte émouvante que, sur le carreau même
de Lambrechies, un mineur laissa échapper devant le
Roi, comme s’il voulait soulager son cœur et porter sa souffrance devant la
nation toute entière. Dr Loodts P. [1] René, Auguste, Ernest, Barbier
est né à Namur le 12 juillet 1890 et décède
à Ixelles le 24 décembre 1981. Il fut un célèbre musicien et compositeur
wallon. Nommé en 1920.
[2] Les chorales chantèrent notamment la complainte de Solvay : Et
soudain l’air chargé de vapeurs suffocantes Pèse
plus lourdement sur les fronts accablés Et
des souffles de feu glissent leurs flammes lentes Dans
les poumons brûlés Un
fracas de tonnerre Eclate
et fait trembler la terre Le
grisou. Par le choc, brisées, Les
voûtes croulent, entraînant Sous
leurs masses de géant Les
victimes ensevelies. Ecoutez,
les pleurs, les cris Des
pauvres ensevelis. Hélas…la
mort impitoyable, Poursuivant
son œuvre effroyable. Ne
rendra pas ceux qu’elle a pris. Mais
déjà dans les cœurs meurtris Renaît
la divine espérance. Lève
ton front avec fierté. Mineur,
ton sang versé, tes sueurs, ta souffrance Germeront
pour la vie et pour l’humanité |