Le dernier Ange blanc : l'histoire de Florina Flamme
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Florina Flamme, 1917
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Florina Flamme, 1917
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Florina, on le voit sur la photo de sa carte d'identité de l'armée d'occupation, était devenue une jeune femme sûre d'elle, fière et sans doute revendiquant une émancipation légitime.
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Camille Pirotte, sergent-major au 4ème Régiment du Génie, le mari de Florina.
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La Princesse Astrid lui rend visite, à Gembloux, le 12 novembre 1998.
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Florina Flamme, janvier 1999. Elle montre la photo que lui a offerte la princesse Astrid le 11 novembre 1998.
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L'auteur du site avec Florina Flamme
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Florina Flamme, 1917
Florina Flamme est née le 10 mai 1892. Elle est âgée
de 22 ans quand éclate la guerre. Son papa, Oscar Flamme est militaire de
carrière, né en 1869, sous-officier au 2° régiment d’artillerie. Décédé à
Leuze le 12 mai 1936, le faire-part mortuaire parvenu jusqu’à nous, renseigne
les fonctions militaires qui furent les siennes: « Ex-chef Moniteur
Général du 2° Régiment d’Artillerie, Adjudant de Matériel Pensionné ».
Difficile de dire aujourd’hui en quoi consistait le job d’un Moniteur Général
dans un régiment d’artillerie mais quoi qu’il en soit, la fonction et le grade
de ce sous-officier étaient suffisamment importants pour qu’il puisse
bénéficier des services d’un soldat qualifié d’« ordonnance ».
L’adjudant Oscar Flamme participa t-il à l’un ou l’autre combat précédant la
retraite de l’Armée à Anvers ? Ce qui est en tout cas certain, c’est
qu’il se trouvait dans la métropole le 15 septembre 1914 et en bonne compagnie
puisque son épouse était à ses côtés. En fait foi, un document officiel de la
ville d’Anvers attestant que De Becker Marie née le 25 mars 1869, épouse
Flamme (adj de matériel) est autorisée de quitter la ville pour se rendre à
Leuze afin d’y aller chercher sa fille. Ce document nous fait donc supposer
que Florina était restée au domicile familial sans doute pour permettre
d’abord à la maman de se rendre compte des risques éventuels qu’il y avait à
séjourner en famille dans la ville forteresse d’Anvers. Vraisemblablement les
parents de Florina jugèrent les risques acceptables et les autorités qui
faisaient, semble-t-il, grande confiance en la position fortifiée d ’Anvers
autorisèrent le regroupement familial. On connaît la suite de
l’histoire :la fuite « in extremis » de l’Armée dont les
premiers éléments atteignirent l’Yser le 14 octobre. Parmi les femmes et les
enfants qui parvinrent à suivre cet exode, deux femmes l’une de 44 ans,
l’autre de 22 ans s’estimèrent certainement très heureuses d’avoir pu
reconstituer leur famille derrière le front.
Derrière leur dernier rempart, les soldats belges ne
connurent pourtant aucun répit car ils durent immédiatement se transformer en
terrassiers pour résister aux assauts allemands : le 18 octobre les
combats s‘engagèrent et inaugurèrent la fameuse bataille de l’Yser. Quant aux
malades et blessés, ils posèrent un fameux problème de
logistique .... Plus de neuf mille blessés provenant d’Anvers furent
en effet évacués sur Ostende où convergèrent en outre les 3 à 4.OOO blessés et
malades en traitement à Gand, Eecloo et Ypres. Les ambulances (hôpitaux) du
littoral n’étaient aménagées que pour 2000 patients ; il fallut donc
aménager des installations précaires pour 10.000 autres patients. Toutes les
localités à proximité d’Ostende furent occupées mais dès le 13 octobre l’on
reconnut l’impossibilité de prendre plus longtemps appui sur Ostende pour les
soins aux patients et en 16 heures, du 13 au 14 octobre, tous les malades et
blessés en état de voyager furent enlevés d’Ostende et transportés dans les
Iles Britanniques ou recueillis dans les hôpitaux de la côte française. Cette
évacuation ne se fit pas sans mal car souvent le voyage était effectué à fond
de cale ou dans des wagons à marchandise. La plupart des trains de blessés
s’arrêtèrent à Dunkerke d’où les transports les plus disparates acheminèrent
des milliers de blessés vers Cherbourg et les ports anglais de la Manche. Le
séjour à Dunkerke était précaire ; on n’y retint que les blessés qui
n’auraient pu, sans risque de mort supporter le voyage jusque Calais ou
l’Angleterre. Ils y étaient soignés par le personnel médical de nos hôpitaux,
déjà arrivé quelques heures plus tôt par bateau .
On imagine aisément que pour réaliser toutes ces
évacuations, on dut rechercher toutes les bonnes volontés disponibles. Et les
premières trouvées furent évidemment les femmes et les filles de nos officiers
et sous-officiers qui avaient pu suivre l’Armée. D’abord auxiliaires dans les
évacuations, ces dames furent alors engagées dans les multiples hôpitaux qu’il
fallut créer dare-dare. Dans la seule ville de Calais 18 hôpitaux étaient en
activité au début de 1915 et ce nombre devait encore augmenter dans les années
qui suivirent. C’est donc de cette façon, que Florina fit ses premières armes
comme infirmière. On imagine qu’elle dût suivre des cours donnés par la
Croix-Rouge pour régulariser sa situation mais qu’elle apprit son métier
surtout sur le tas... Ces jeunes filles de bonne famille durent se faire à la
discipline des hôpitaux. Elles étaient solidement encadrées, pour ne pas dire
surveillées et éduquées par une terrible « matron », infirmière -
chef souvent d’origine anglaise. Et de plus comme si cela ne suffisait pas, il
y avait pour beaucoup de jeunes filles la surveillance discrète de leurs
propres mères qui servaient dans le même hôpital. Je ne sais pas si ce fut le
cas pour notre Florina. A l’occasion je lui poserai la question ! En tout
cas, ce fut le cas pour Madame de Hollogne, infirmière en même temps que sa
mère à l’hôpital de Port - Philippe près de Calais et qui fut membre de notre
association jusqu'à son décès survenu le 29 avril 98. Quant à Florina, elle se
trouvait dans l’hôpital de Calais, appelé « Continental » peut-être
parce qu’il se trouvait dans les locaux de l’hôtel du même nom. Comme
Madame de Hollogne, Madame Florina Flamme se rappelle des terribles
bombardements. Calais était en effet un objectif tout désigné aux raids
aériens des escadrilles ennemies. Moins que Dunkerke, sans doute, mais dans
une mesure sensible encore, Calais connut par nuits claires, la hantise des
bombardements aériens. Nos installations sanitaires, noyées dans
l’agglomération subirent le sort commun : l’hôpital de la Porte de
Gravelines, fut touché plusieurs fois.
Mais continuons l’histoire de Florina. Dans ses
archives, on retrouve un sauf conduit datant du 30 septembre 1915, et
l’autorisant à se rendre de Calais au Havre pour « y rester ,accompagnée
de sa mère Debecker Élisabeth 45 ans ». Difficile après autant d’années
de savoir pourquoi, Florina dut se rendre au Havre. S'agissait - il d’une
nouvelle affectation ? Au dépôt des réformés du Havre à moins que cela
soit dans un hôpital proche ? A moins qu’il n’y ait une autre
explication. Un document me donne une piste. Il s’agit d’une note de frais
réclamée à Florina en 1957 en échange d’un extrait de mariage. Cette note nous
spécifie que Florina s’est mariée à Le Havre Graville le 27 septembre 1917
avec Pirotte Camille. Camille, c’est la grande histoire d ‘amour de
Florina, ce beau et grand militaire elle l’a rencontré et l’a sans doute
soigné dans son hôpital à Calais. Camille a été gazé et blessé au coude
(peut-être lors du premier emploi des gaz de combat fin avril ou début mai
1915, lorsque des unités belges se portèrent au secours des Britanniques
attaqués pour la seconde fois dans le saillant d’Ypres ). Sans doute après
trois ou quatre mois d’hospitalisation à Calais a-t-il été muté à la ville du
Havre dans le dépôt des réformés. Fin septembre, notre infirmière amoureuse
semble donc avoir la permission de rendre visite à l’élu de son cœur à moins
qu’elle ait obtenu une mutation près de son fiancé. Quoiqu’il en soit, congé
ou mutation, sa maman l’accompagne pour ce voyage ....
Mais revenons au fiancé de Florina, Pirotte Camille.
Né le 25 02 1893, c’est un tout jeune homme de 21 ans, d’un an le cadet de
Florina, quand débute la guerre ! Malgré son jeune âge, Camille qui
appartient au 4° régiment du Génie gravit les échelons à toute vitesse et
devient un des plus jeunes sinon le plus jeune sergent-major de l’armée belge.
Quand il est hospitalisé vraisemblablement en 1915, il est âgé de 22 ans et
Florina en a 23. Il est Chevalier de l’Ordre de Léopold et décoré de la Croix
de Guerre et de l’Ordre de St- Georges de Russie. Vraisemblablement, les
fiancés de 1915 se côtoieront encore pendant de nombreux mois avant de pouvoir
se marier. Ils souffrent sans doute de ne pouvoir se voir qu’au rythme des
permissions trop rares dont ils bénéficient, l’un dans son dépôt, l’autre dans
son hôpital. Mais enfin avec de la patience, tout s’arrange et le 27 septembre
1917, les deux jeunes gens se marient au Havre. Des faire-parts sont imprimés
et envoyés. On y lit ces mots émouvants : « Vu les
circonstances actuelles, la cérémonie sera célébrée dans
l’intimité » Les menus sont écris à la main. Il y a d’abord le
consommé tapioca, suivi de l’entrée qui consiste en langue sauce piquante et
civet de lapin, le plat consiste en poulets du Mans et en Haricots Maître
d’hôtel. Pour terminer, il y a le fromage et une pièce montée. On boit du
blanc Contillac, Pemmard, St Estèphe, Champagne .. Je ne sais pas où
demeura le jeune couple après son mariage. Vraisemblablement ils ne quittèrent
pas les environs du Havre car. Florina possède encore dans ses archives une
carte d’identité de l’Armée Belge, Etablissements d’Artillerie du Havre
(Graville), signée par l’autorité le premier mai 1918 et mentionnant la
fonction d’infirmière de Florina. Il est donc vraisemblable qu’après son
mariage, notre héroïne travailla comme infirmière pour les militaires Belges
hospitalisés dans un établissement dépendant de l’Artillerie Belge. Quoi
qu’il en soit, Florina resta au service de son pays. Au cours de son travail,
elle eut l’occasion de rencontrer la Reine Elisabeth .
Enfin, quand vint la fin de la guerre, le jeune couple
suivit l’armée Belge en Allemagne. Florina y travailla comme infirmière
dans la garnison d’Aix -La-Chapelle .
Florina, on le voit sur la photo de sa carte d'identité de l'armée d'occupation, était devenue une jeune femme sûre d'elle, fière et sans doute revendiquant une émancipation légitime.
Bientôt, la naissance d’un petit garçon rompit la
routine du couple et compléta une famille heureuse comme tant
d’autres... Malheureusement, le petit garçon qui donnait tant de joie à ses
parents est atteint à l’âge de sept ans de méningite. Les médecins se
désolent, la maladie est fatale, l’ère des antibiotiques n’est pas encore
commencée. Camille et Florina s’arment de courage ; ils doivent
survivre à ce chagrin et continuer à s’aimer.
Aujourd’hui Florina se souvient. Elle est dans sa 107
année d’existence et réside dans une séniorie de Gembloux. Le 12 novembre 1998
la Princesse Astrid l’honora de sa visite. Mais chaque fois qu’un visiteur de
marque vient la voir, elle persiste à croire que c’est pour l’histoire de son
héros de mari qu’on désire la rencontrer et non pour son propre passé.
Florina, comme tu a su rester modeste ! ! ! Il y a 84 ans,
Florina se penchait sur le visage d’un beau jeune homme, un valeureux soldat.
Pour les soldats blessés ou malades, les infirmières étaient « leurs
anges blancs » Camille eut la chance de conserver son ange blanc
pendant de nombreuses années. Il mourut en 1956, il y a de cela 43 ans. Si
vous rencontrez Florina, regardez la bien, écoutez la s’émouvoir en racontant
son histoire d’amour. Une merveilleuse histoire avec un homme beau et
courageux , avec un petit garçon si attachant. ..une histoire
d’amour unique comme toutes les histoires d’amour mais née dans les
souffrances de la grande guerre. Mais attention, Florina ne vit pas que dans
le passé, quand elle s’adresse à ceux qui lui sont proches, au personnel qui
la soigne, à ses visiteurs, on ressent fortement et pour longtemps
l’impression tenace qu’elle s’intéresse à vous, que son cœur veut
encore vibrer au diapason des joies et des souffrances des autres ,même si ces
derniers ne font plus partie de l’univers dans lequel elle a vécu si
longtemps, comme si, à travers le temps et les lieux, elle avait su percevoir
ce qui constitue la partie insécable de l’homme, sa richesse étrange,
incomparable et immuable: sa soif d’aimer et d’être aimé! Et si Florina
était vraiment un ange blanc, le dernier ange blanc ? Un ange né au 19 °
siècle, ayant vécu au XX° et s’apprêtant à affronter le 21° siècle...
Florina Flamme est décédée à Gembloux dans l’intimité le 11 février 2.000 à
l’âge de 107 ans.
Florina Flamme, janvier 1999. Elle montre la photo que lui a offerte la princesse Astrid le 11 novembre 1998.
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