Médecins de la Grande Guerre
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La vie
généreuse de Louise de Bettignies Louise de Bettignies était née le 15 juillet 1880. Sa mère était une Mabille de Poncheville.
Originaire du Hainaut, les seigneurs de Bettignies avaient longtemps dépendu de
la couronne de Charlemagne. Le bisaïeul de Louise, Léon-Maximilien de
Bettignies, avait épousé la fille de François-Joseph Peterink
de A la déclaration de la guerre Louise était à nouveau en France et habitait
Lille. Elle envisageait à cette époque de devenir carmélite mais l’invasion
l’obligea à surseoir à ses projets.
L’heure nécessitait en effet une autre sorte de dévouement et Louise s'engagea comme volontaire dans l'hôpital créé par Mme Féron-Vrau à Lille. Elle y soigna
de nombreux Allemands qui louèrent ses
bons soins ! Il faut dire que
Louise était avantagée par rapport aux autres volontaires par son aisance à parler la langue germanique. En fait, Louise était polyglotte. Elle avait appris l'anglais au Girton
College d'Oxford en 1906 à l'âge de 26 ans. Ensuite, elle
étudia l'italien en séjournant près de Milan chez les Visconti. Sa connaissance
de l'allemand provenait d'un séjour de quelques semaines à Cologne puis à Lemberg
chez le comte Mickiewicz. Plus tard encore, elle acquit de bonnes connaissances
du tchèque en Bohême chez le prince Carl
Schwarzenberg-Worletz. Pour terminer son
apprentissage, elle séjourna au château
d'Holeschau, en Autriche chez la princesse Elvira de
Bavière. C'est à cet endroit qu'elle eut
l'occasion de s'entretenir avec
l'archiduc François-Ferdinand qui lui proposa de devenir l'éducatrice de ses
enfants à condition de renoncer à sa nationalité
française. C'était évidemment trop demander à une patriote comme Louise ! Toujours
dans ce même château, elle eut l'honneur de jouer aux échecs avec le Kromprinz Rupprecht de Bavière.
Cette rencontre lui sera très utile un
peu plus tard comme nous le verrons dans les lignes qui suivent! Louise était
une jeune femme de petite taille mais d’une énergie peu courante. Sportive,
elle était bonne cavalière, vaillante au golf, excellente nageuse et endurante
à la marche. Elle était sûre d’elle-même ; ses yeux pétillaient de malice
et sa belle chevelure opulente et
brune rajoutait à son très fin
visage un charme très particulier. Quand Lille fut occupé par les Allemands, Louise arrêta son travail
d'infirmière pour se consacrer à une tâche tout aussi importante: aider les
habitants de Lille à communiquer avec leurs parents et soldats se trouvant dans
Après ce séjour en Angleterre, elle reprit le bateau pour Beaucoup d'autres collaborateurs furent d'un courage à tout épreuve, il y eut par exemple le chef électricien Marsille qui tenta de rétablir la liaison téléphonique
souterraine entre Lille et Armentières où se trouvaient les alliés. Marsille se fit
désigner pour travailler dans une brasserie proche de l'endroit où avait été
coupé le câble. Bien que surpris deux fois par l'ennemi, il renoua le fil mais
celui-ci ne put hélas servir longtemps. L'abbé Pinte quant à lui consentit à
rétablir le poste TSF de l'institut technique de Roubaix avec le matériel que
Louise alla chercher en Angleterre! Et
puis il y avait aussi les dizaines d'observateurs du trafic ferroviaire. A Roubaix,
Madame Levengle logeait dans une maison qui dominait
la cour de chargement des voies. A l'étage en-dessous, ses deux fils notaient
les coups frappés suivant un code convenu. A Haubourdin, gare qui commandait le
front de l'Artois, Mlle L'Hermite à la tête d'un groupe que dirigeait l'abbé Chavatte, rendit d'énormes
services. Parmi les femmes qui l'entouraient, Léonie Vanhoutte tint une place
prépondérante. Cette jeune femme lui sera d’une aide précieuse pour porter d’innombrables courriers. Louise avait aussi organisé à Lille un bureau
pour ceux qui désiraient rentrer en France libre. Il en fut ainsi du capitaine
de Marguerie qui, par après, avec le grade de
commandant gagna Louise effectuait un voyage chaque mois à Folkestone. Elle se servait pour
ses messages d'un papier de soie format papier à cigarette et avec une plume
fine on parvenait à y écrire plus de deux mille mots dans un alphabet spécial.
Ces messages étaient ensuite cousus dans l'ourlet d'un sac à main ou d'un
vêtement, roulés autour d'une baleine de corset, glissés dans des cheveux,
mêlés au tabac d'une cigarette, mis dans le creux d'un bouton ou d'un talon de
soulier. Quand le rapport était court, Louise mouillait et retirait l'étiquette
d'une boîte d'allumettes, posait le pli et la recollait, mais un policier
garda un jour le tout pour allumer sa pipe. Le service Alice
parvenait aussi à écrire des centaines de mots avec une encre sympathique sur des cellophanes transparents collés sur
les verres d'une paire de lunettes! Sa
ruse la plus curieuse fut de reproduire un plan sur la partie non imprimée d'un
vieux journal allemand, brûlé au milieu et tâché de graisse. Pour décourager
tout fouilleur, elle enveloppa dans ce journal une vieille paire de chaussures à l'aspect peu
appétissant! Entre Lille et Bruxelles, Louise
circulait comme professeur de littérature
munie d'un passeport spécial et d'un gros dictionnaire franco-allemand
dans lequel étaient souvent glissés quelques fins papiers. Elle se fit aussi
vendeuse de lapins ou de fromages mais c'était sans compter sans sa distinction
naturelle qui risquait de la faire trahir. Un jour une brave femme lui dit
" C'est bien facile de voir, qu'avant la guerre Mademoiselle ne vendait
pas de fromages". Cette phrase fit réfléchir Louise qui abandonna les
déguisements trop peu en accord avec sa nature profonde! L'efficacité de Louise était tout simplement surprenante car les
renseignements parvenaient aux alliés en 24 heures. Quand elle apprit par un de
ses agents la venue de l'empereur Guillaume
à Lille, elle fit savoir aussitôt le jour, l'heure, le numéro du quai où
s'engagerait le train. Celui-ci, entré en gare de Fives,
fut bombardé par quatre avions anglais qui malheureusement ratèrent leur cible.
Pour se rendre en Angleterre et remettre ses précieux renseignements,
Louise traversait Bouchaute, le dernier village avant la frontière était bien
gardé. Avant d’arriver au bourg, la route était coupée par la voie ferrée et ne
pouvait franchir celle-ci au passage à niveau que les habitants du village. A
quelques mètres de la barrière, il fallait dételer les véhicules devant
l’estaminet d’Edmond Hollander. Les passagers étaient
ensuite cachés dans la paille jusqu’en pleine nuit. Durant la relève nocturne
de la garde, toutes les deux heures, la garde descendante s’en va réveiller la garde montante dans le
poste et cela dure quelques minutes. Toutes les deux heures le passage à niveau
reste quelques instants sans surveillance et c’est à ce moment qu’il faut passer !
Le passage reste cependant très dangereux surtout lorsque la lune est
pleine ! Le chemin de fer franchi, avec son passeur, Louise traversait alors le
village puis les polders pour atteindre
Philippine en Hollande et son auberge "An der Swan" où elle pouvait
prendre quelques heures de repos avant de continuer son voyage. Plus tard ce fut Alphonse Verstappen qui devint son passeur favori. Le chemin vers la
hollande emprunta alors un autre chemin. Alphonse fit franchir la frontière à plus de
450 soldats français, belges et Anglais.
En 1915, il passa de Bruxelles en Angleterre des fonds russes destinés à
établir une fabrique de munitions. Arrêté par les hollandais qui ne badinait
pas avec leur neutralité, il choisit de se réfugier en Angleterre et s'engagea
dans l'aviation jusqu'à la fin de la guerre. Après la guerre il devint mineur
près de Charleroi. Il habitait à Beersse sur les
bords du canal d'Anvers à Turnhout. Le troisième mardi de chaque mois, venant de Lille elle montait à Bruxelles
dans la carriole à bâche du boulanger Auguste Heylin.
Près de Vorsselaer, elle retrouvait Alphonse. Par les
bois, ils rejoignaient ensuite le canal qu'il traversait puis arrivaient à Beersse où il fallait traverser le pont gardé par deux
sentinelles. Madame Verstappen allait à leur
rencontre et revêtait Louise d'une longue blouse de couleur comme en portaient
les ménagères. Elle roulait alors ses cheveux en chignon serré et mettait dans un panier à lessive sa jaquette
et son chapeau. Les deux femmes passaient alors le pont, chacune tenant une
poignée du panier. En cas de surveillance accrue, Alphonse faisait passer le canal à Louise
grâce à deux barques improvisées avec des baquets à lessive dirigés par une
perche. Dans des circonstances exceptionnelles, Alphonse pouvait aussi faire traverser le canal par un boyau souterrain rempli de détritus et de
rats. A Den Hout, de l’autre côté du canal, Louise
pouvait se reposer et se sécher dans le petit estaminet que tenait Alphonse. Louise dans toutes ses pérégrinations avait
l'habitude de ralentir Alphonse car à chaque fois qu'elle rencontrait sur son
chemin une chapelle ou une croix, elle
s'y arrêtait toujours pour s'y recueillir quelques instants. "C'est
plus fort que moi dit-elle un jour à Alphonse,
quand même je serais tuée, il faut que je fasse un bout de prières." Le soir Alphonse et Louise reprenaient la route et passaient devant la
colonie pénitentiaire de Merkplas transformée en caserne où logeaient les
troupes allemandes chargées de la surveillance de la frontière. Trois cents mètres plus loin,
il restait à franchir la frontière que
l'on franchissait en sautant fossés et haies touffues. Une fois la patrouille rodait dans les
parages et ils durent faire un détour et passer un gué, Alphonse portant Louise sur ses épaules!
Vers juillet 1915, les Allemands
installèrent le fil électrique et Louise le passa à cet endroit deux ou trois
fois avec un cadre en bois isolé électriquement grâce au pneu de bicyclette qui
le recouvrait. De l'autre côté des fils il fallait encore faire cinq kilomètres à pied en
Hollande pour atteindre Baarle. A cet endroit Louise
prenait le train pour Rotterdam, La courageuse espionne vécut des
quantités de situations qui pouvaient la faire jeter en prison. Son assurance
naturelle exceptionnelle, son audace lui permettait de se tirer d'affaires sans
trop de difficultés Un jour qu’elle était descendue à une gare précédant
la frontière franco-belge, des soldats allemands rassemblèrent tous les voyageurs pour un contrôle d'identité. Louise avait le
manchon de son parapluie rempli de plis. On lui demande de passer dans la pièce
à côté pour y être fouillée. Elle s'adressa à la femme qui allait la fouiller.
"Madame je voudrais passer à côté, mais c'est très sale, pourriez-vous me
garder un instant ce manchon? La femme le prit sans méfiance et le posa à côté
d'elle sur une table. Quand Louise revint de la fouille, elle la remercia avec
effusion…reprit son manchon et sortit! Une autre fois elle est arrêtée par un espion allemand à Lille et conduite
au poste de police. L'espion affirme avoir aperçu Louise dans le bateau de Douvres à Rotterdam!
Louise va sans doute être arrêtée quand elle décide alors de s'adresser directement à un
officier: - Je suppose que l'on ne va pas me laisser ici toute la nuit! J'ai été arrêtée
par un inconnu parce que prétend-il je ressemble à une personne qu'il a vue su
un bateau, je n'y peux rien et c'est bien désagréable pour moi! L'officier réfléchit et finalement l'autorisa à quitter le poste pour loger chez une Française qu'il
connaissait. Le lendemain, l'officier,
encore sous le charme de Louise, lui proposa même de la conduire en véhicule à Gand où il devait se rendre!
Louise accepta de tenir compagnie à
l’officier et prit même soin de remettre deux cent francs à son
sauveur avant de continuer sa route vers Le réseau Alice permit plusieurs fois la destruction des canons qui tenait
le secteur de Lille. Quand French hésita d'attaquer la position des Aubers,
Louise pu rencontrer un soldat sous l'uniforme ennemi qui était Alsacien. Ce
dernier parvint à lui livrer l'ordre de bataille de Au début septembre, le major Cameroun prévint Louise d'être sur ses gardes:
des bruits de trahison circulaient. Elle accepta le conseil du major d'aller se
reposer quelques jours en France libre, au Touquet, chez belle-sœur. C’est là qu’elle
ressentit la prémonition de sa capture ; en quittant sa famille, elle leur dit "Embrassons
nous bien, j'ai fait le sacrifice de ma vie, nous ne nous reverrons plus! » Quelques jours après, Louise apprit
l'arrestation de sa compagne Léonie Vanhoute mais
néanmoins, elle continua ses activités habituelles. Après avoir pris
réception du courrier pour l'Angleterre, elle se mit en route pour passer le poste frontière de Froyennes. Tournai n'était pas loin mais il fallait franchir le poste
frontière à hauteur du café du "Canon d'or" qui servait de bureau
pour les sentinelles allemandes. Cette fois là, un ordre vint bouleverser les
plans de Louise « Aujourd'hui, on ne passe pas, il faut rentrer là
pour la fouille » ordonna la sentinelle!
Dans l'estaminet se trouvait
" On enferma ensuite Louise à la prison de Tournai puis dans celle où se trouvait déjà Léonie Vanhoutte.
L'instruction commença. Les Allemands
firent un rapprochement entre le réseau de
Louise et celui de Léonie inculpée pour passage d'hommes et de lettres car
ils avaient trouvé dans les papiers des deux femmes une adresse identique :
64 rue des Aduatiques, à Bruxelles. Evidemment les
deux femmes, chacune dans leur cellule, prétendirent ne pas se connaître mais l'ennemi
rusa en introduisant dans la cellule de
Louise une détenue qui se nommait dit-on Ladrière et
qui, en réalité, avait été achetée par les Allemands. Ladrière
se fit passer aux yeux de Louise pour une prisonnière ayant fait partie du
réseau d’Edith Cavell. Elle se vanta de pouvoir délivrer un message de
Louise à un autre détenu. Louise tomba
dans le piège en lui remettant un
message qu’elle rédigea pour Léonie ! Ladrière remit alors le pli aux autorités de la prison, ce qui
permit de prouver le lien incontestable entre
Louise et Léonie! Léonie fut alors
réinterrogée. Ayant passé six mois de privation en prison, elle avoua
finalement toutes les activités du réseau Alice, persuadée que Louise ne se taisait
plus! Le 16 mars 1916, les deux amies
furent jugées et condamnées à mort.
Après la séance où la sentence fut prononcée, Léonie et Louise purent enfin s'embrasser et parler librement quelques
instants. Pour prolonger la conversation, Louise, en parlant allemand, pria le chauffeur qui devait les reconduire à la
prison de faire un détour pour donner à
leur conversation un peu plus de temps: "Ne rentrez pas trop vite, il ya
six mois que nous sommes en prison!" Le chauffeur se montra bon pour les deux condamnées à mort et obtempéra au souhait de Louise. Le 23 mars,
la peine de mort fut commuée par Von Bissing en détention perpétuelle, sans
doute parce que le meurtre de Miss Cavell était trop récent pour rééditer pareille
forfaiture! Louise séjourna encore un mois à Saint-Gilles avant
de rejoindre la prison de femmes de Siegburg non loin de Cologne. L’enfermement ne lui avait pas
enlevé son âme rebelle et elle se fit
vite remarquer en protestant de la coexistence des prisonnières politiques
avec celles de droit commun ! Elle
obtint gain de cause dans cette affaire ! Le
régime de prison était extrêmement dur à Siegburg. Louise raconta avoir vu une jeune femme contrainte, malgré les
températures très basses de l’hiver, de
répandre avec un seau tout un tonneau de vidange sur le jardin. Elle succomba
peu après. Une autre qui vomissait du sang était obligée à travailler à la
briqueterie. Quand une prisonnière tombait malade, le médecin se contentait de
prendre son nom et lui disait "sortez" après avoir parfois prescrit
ses uniques remèdes qui consistaient en aspirine
ou en éther. Louise fit un nouveau scandale dans la prison quand elle refusa de
travailler à assembler des munitions. On l'enferma alors au cachot 48 heures puis on lui supprima
toute correspondance, livres, journaux. Louise ne changea pas pour autant d'opinion. On lui retira alors ses habits
civils pour la vêtir du costume de prisonnières : une robe de coton brun clair
et un fichu. On la jeta ensuite dans une
cellule glacée ou pendant deux jours elle grelotta de froid. Finalement les
autorités renoncèrent à faire fabriquer par les prisonniers politiques des
munitions mais la santé de Louise ne se remit jamais de cette victoire
chèrement acquise. Pour aggraver le tout, peu de temps après, le typhus fit ses ravages dans la prison et
Louise fut contaminée. Léonie Vanhoutte la
soigna avec dévouement. Le calvaire de Louise, hélas, ne s’arrêta pas là
car bientôt apparut un abcès entre deux
côtes, à l'endroit où elle avait reçu le coup de crosse au « Canon d'Or ».
Il fallait une intervention. Le 15 avril un jeune chirurgien l'opéra dans
l'infirmerie qui venait de servir aux typhiques, un local sans lumière et sans
feu! La plaie opératoire ne voulut pas guérir et, le 25 juillet, Louise fut
transférée à Cologne au "Marien-Hospital"
tenu par les sœurs de Saint-François. Sur sa demande elle reçoit la visite d’un
père Jésuite, le Père Cadow qui obtint avec peine de
la voir sans témoin. Dans une petite chambre, Louis montre au prêtre sur la
table ce qu’elle a aimé : une photographie de sa mère, son chapelet,
au-dessus un petit drapeau français, une image pieuse sur laquelle son confident,
le père Boulengé avait écrit « Aimer dieu c’est
bien, travailler pour lui c’est mieux, souffrir pour sa cause, c’est la
perfection ». Louise aime converser avec le Père Cadow
et lui dira au sujet de ses juges : « Ils n’étaient pour moi que des
malheureux, obligés d’exécuter une consigne qui était leur devoir. » Le 17 septembre, on rappelle le prêtre. Louise lui dit « Mon Père, je sens que
c’est la fin ». Elle meurt après avoir reçu l'extrême –onction. Ses beaux
cheveux furent coupés pour être envoyés à sa mère. Les sœurs l'ensevelirent au
petit cimetière de Westfriedhof. Après l'armistice
les vainqueurs occupèrent les rives du Rhin et le 20 février 20, en grande
pompe son corps fut extrait de la terre allemande. Les troupes font la haie, un
cortège se forme à la porte de Venloer avec en tête
la musique du 19ème régiment du Midlesex.
Des soldats portent des grandes couronnes de fleur. La famille est représentée
par son frère l'abbé de Bettignies. Des généraux suivent le cercueil: le
général Desgouttes, commandant en chef des armées du
Rhin, le général anglais Fuller, le général belge Michel. Dans l'église Saint Géréon, l'aumônier
français évoque ses vertus puis ce sont les discours devant le wagon
funéraire. Le 16 mars, la cérémonie s'achève à Lille avant le transfert à Saint-Amand
ou une foule immense s'est donnée rendez-vous au seuil
de l'église Saint-Maurice. Dix ans plus tard, en novembre 1927, c'est
l'inauguration du monument érigé sous la présidence de la générale Weygand,
face aux remparts de Lille. Qu’est devenue Léonie Vanhoutte : quelques semaines après la mort de
Louise, elle rentra libérée en France et fut décorée de la croix de guerre en
1919. Un journaliste, Antoine Rédier mena une enquête
pour reconstituer la vie du réseau Alice. Léonie fut interrogée et accompagna
Antoine Rédier durant son investigation. Le livre D’antoine Redier « La guerre des
femmes » d’armes » fut édité en 1924 et Léonie se maria
finalement avec son biographe en juillet 1934. A la fin des années trente, un film
« Sœur d’armes » de Léon Poirier, basé sur le livre d’Antoine Rédier,
rappellera l’aventure patriotique de Louise et de Léonie. Dr Loodts Patrick Biographie -
Hélène
d’Argoeuves, Louise de Bettignies, Editions Plon
Paris, 1938 -
Antoine
Redier, La guerre des femmes, Editions de la vraie
France, Paris, 1924 -
Léon
Poirier, « Sœurs d’armes » Photographies du film, Tours Maison Mame, Paris, 1938 -
Jean-Marc
Binot, Héroïnes de la grande Guerre, Fayard, 2008 Monsieur Pierre Coulon raconte : Il y a deux ans, je suis allé interviewer un vieux monsieur dont la mère a été emprisonnée à Siegburg pour avoir caché des soldats français se trouvant derrière les lignes allemandes. Voici un extrait de cette interview. "Ma mère est partie en train en Allemagne accompagnée par deux soldats allemands. Elle est arrivée à la prison de Siegburg. La directrice de la prison où il n'y avait que des femmes dont beaucoup de Belges l'a accueillie. Qu'est-ce que vous avez fait pour arriver ici ? J'ai caché des soldats français pris derrière les lignes. Madame, je vous félicite, à votre place, j'en aurais fait autant. En allant à sa cellule, elle a vu des prisonnières qui allaient et venaient car elles travaillaient ; certaines faisaient le service, s'occupaient de la nourriture. Elle s'est mise à pleurer. Les autres détenues lui ont remonté le moral. Deux jours après, on vient la chercher pour empiler des briques chaudes, quasi brûlantes, qui sortaient de la fabrique pour les mettre en tas. Elle a fait ça pendant plusieurs mois et en a attrapé des varices et un ulcère dont elle a souffert toute sa vie. Ils ont estimé qu'elle ne pouvait plus faire ça. Elle s'est retrouvée à vider les pots de chambre de toutes les cellules. Elle ne pouvait pas causer aux prisonnières. Tous les mois, les prisonnières recevaient un colis américain de 5 kilos. Elle a ainsi eu accès au cachot de Louise de Bettignies, la grande héroïne française. Elle avait fait de l'espionnage. Elle était au cachot, au pain et à l'eau et dans un sous-sol pas chauffé. Elle était dans une misère effroyable, mais ne voulait pas céder aux Allemands. Elle ne voulait ni travailler, ni leur obéir. Vous allez vous faire mourir, lui disait ma mère. Ayant accès à toutes les cellules, avec les colis américains (il y avait sinon tout juste de quoi survivre) ça les aidait. Elle a demandé aux détenues, un sucre, un morceau de chocolat, un petit gâteau. Elle mettait ça dans sa poche. Tous les jours, elle cachait cette nourriture dans le papier toilette. Louise de Bettignies est quand même morte là-bas, de froid." |