Médecins de la Grande Guerre
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Le général Jacques de Dixmude Les parents d’Alphonse
Jacques habitaient Vielsam. L’enfant naquit
le 24 février 1858 et parce qu’il était de santé délicate, Alphonse fut
confié par ses parents à son grand-père maternel car ce dernier habitait Stavelot, qui contrairement à Vielsam, disposait d’un médecin. Adolescent, il fut mis en pension à Louvain pour les trois dernières
années de ses humanités chez les Pères Joséphistes
au collège de Premier terme au Congo Le
8 mai 1887 le lieutenant adjoint d’Etat-Major Jacques
s’embarque pour le Congo pour assurer la
direction des Transports, de « Je me vois parfois mêlé à des histoires
dangereuses. C’est ainsi que tout dernièrement j’ai dû faire la guerre et livrer
combat toute la journée à plus de trois cents sauvages, qui poussaient des
hurlements féroces. Je n’avais que six soldats avec moi, très braves il est
vrai, mais je l’ai échappé belle tout de même, et je vous garantis bien que mon
cœur faisait fort toc-toc quand j’ai entendu des balles siffler à mes oreilles.
J’ai pu descendre le fleuve en canot la nuit et je suis revenu à Boma pour
hâter l’envoi de renforts, de sorte qu’au point du jour nous étions de nouveau
sur le théâtre de la lutte avec des forces imposante cette fois, presque tous
les blancs de Boma et toute la force publique. Nous avons âprement combattu,
mais je suis revenu victorieux. » Un an après son arrivée au
Congo, il cherche à s’évader de son bureau et obtient d’être envoyé dans le Haut-Congo
dans le territoire des Bangala. Il remonte le
fleuve pour atteindre la station des Bangala commandée par Van de Kerckoven. De cette station il effectuera diverses missions avant de rejoindre Deuxième terme au Congo Jacques
retourna en Afrique en 1891 cette fois pour le compte de la ligue anti-esclavagiste.
Il avait pour mission de prêter secours au célèbre capitaine dont il importe ici de dire
quelques mots. Le cardinal Lavigerie, fondateurs des Pères blancs, avait lancé
un appel solennel en vue de combattre les esclavagistes en Afrique. La création
de la ligue anti-esclavagiste suivit son
appel et un des premiers volontaires à
vouloir partir combattre fut le
capitaine français Joubert. Cet officier était un véritable personnage hors du
commun ! Il avait commencé sa carrière militaire, âgé de 18 ans, comme
Tirailleur Pontifical (Zouaves Pontificaux). Il participa à Le capitaine Joubert En
1891, Jacques rejoint donc Zanzibar puis
Dar es Salam où il recrute 700 porteurs. Le voilà, maintenant à la tête d’une
colonne de 3000 personnes car chaque porteur emmène femmes et amis avec eux ! Il possède
comme adjoints Docquier, Vrithoff
et Renier. Le 7 septembre c’est l’arrivée à Tabora puis le vendredi 16 octobre, trois mois après le
départ de la côte, Jacques fait son entrée à Karéma
au bord du lac Tanganyka. Par là même, les troupes
armées par Rumaliza, un des grands razzieurs de la
région, se trouvent disloquées, et le capitaine Joubert qui défend les
populations locales contre les esclavagistes délivré de l’encerclement. Jacques traverse le lac en canot pour saluer
le brave capitaine et crée ensuite un
nouveau poste fortifié qui deviendra Albertville.
Les esclavagistes cependant déplacent
alors leur centre névralgique au nord du
lac et transforment ce pays en désert. « Depuis
quatre mois, plus de dix mille Wabembés ont été
enlevés et transportés à Udjidji pour être exportés.
Je ne sais à combien d’individus ces captures ont coûté la vie ; mais ce
que je puis affirmer, c’est que la région qu’ils occupaient est transformée en
un désert où des milliers de cadavres putréfient l’atmosphère. Et tant que
tribu, les Wabembés peuvent être biffés de la
carte. » Voilà ce que constate Jacques qui décide de poursuivre la lutte
malgré ses moyens limités. Avec cinquante fusils, il traverse le lac pour
combattre Rumaliza, qui séjourne à Udjidji. Hélas quand
il arrive il n’y a plus d’esclaves. Le marché est vide et le pavillon allemand
est hissé. Que faire ? Jacques
revient sur ses pas pour constater qu’en son absence ses adjoints ont subi l’assaut
des esclavagistes. Docquier, Vrithoff,
Renier, avec cent hommes ont résisté mais l’héroïque Vrithoff a succombé. « Je renonce à dépeindre
notre déchirante émotion », écrivit Jacques. Le capitaine Joubert et ses 8 enfants Un
renfort est attendu et Stairs et Delcommune
lui font savoir qu’ils approchent à grandes étapes pour l’aider. Ils ont déjà
opéré leur liaison avec le vieux Joubert. Il est grand temps car la position d’Albertville semble intenable.
Les esclavagistes ont construit un fort devant la station pour l’assiéger plus
facilement. D’Europe, Jacques n’attend plus rien. Rien n’en peut venir. Son
parti est pris. Il a avec lui quatre
cent cinquante hommes. Il réfléchit, dresse son plan, combine les efforts. Delcommune assurera la défense du fort. Joubert, avec Diderrrich et 150 hommes, fera diversion sur son flanc
droit pour distraire l’ennemi. Lui-même avec toutes les pauvres troupes qui
restent disponibles, contournant la redoute, se rue sur le fort arabe, le cerne
douze heures durant, jusqu'à reddition complète de tous ceux qui ne se sont pas
enfuis. Peu après cette victoire, il apprend que la presse belge le critique.
Il demande des canons qui n’arrivent pas et ne sait plus à quel saint se
vouer ! « Indépendamment de la déloyauté, de la fourberie des gens
auxquels je me suis heurté dès le début, il y a, -et c’est là le plus pénible
pour moi- le manque absolu de précisions dans les intentions qui émanent de
ceux qui pourraient me donner des ordres. Personne dans les sphères
gouvernementales, pas plus qu’à Et
avec ironie, Jacques résume le paradoxe
auquel il doit répondre : « Empêchez
la traite mais laissez en paix les razzieurs ! Tâchez d’établir une douane
mais n’embêtez pas les trafiquants. C’est à peu près comme si on vous disait de
manger un œuf sans en entamer l’écaille ». Amer, Jacques attend son retour en Belgique avec impatience. Il
prolonge cependant son terme de quelques
semaines et finalement revient vers la
côte par le Nyassa et le Zambèze. Le 23 juin 1894, il était de retour à Bruxelles. Troisième terme en Afrique : Embarqué
à Anvers, le 6 août 1895, il arrive à Boma le 20 août. Une fois de plus, rien
n’est prêt. Cette aventure, il la connaît. Il s’emporte. Voilà un voyage qui
s’annonce mal. Pas d’ordre précis, quelques indications sans valeur. Lorsqu’il
apprend, le 26 août qu’il est désigné pour commander le District du Lac Léopold
11, il s’apaise. La besogne est délimitée, nette. Le but est concret. Il écrit
à sa fiancée : « J’ai
été passé trois quarts d’heure dans la petite église de Boma et j’ai été très
heureux de dire notre chapelet, en pensant à toi. Je suis certain qu’à la même
heure, à la même minute, tu en faisais autant de ton côté, et qu’en ce moment
précis, nos prières, unies dans un même élan, sont monté »s auprès de
celui qui est le plus grand dispensateur de tout et qu’il n’oubliera pas ses deux enfants qui
s’aiment et qui souffrent d’être séparés. La prière console beaucoup, et je
bénis le ciel de m’avoir conservé la foi dans laquelle m’ont élevé mon vieux
grand-père, mon pauvre oncle Alphonse et mes chers parents, malgré l’existence
trop mouvementée que j’ai eue en compagnie de tant de camarades qui ne croient
ni en Dieu ni à diable. Je reviens toujours aux bons principes qui ont bercé ma
jeunesse. Je suis heureux de constater la douce et salutaire émotion, quand je
retrouve ici, à tant de centaines de lieues du village natal, de bons prêtres,
enseignant les mêmes bons principes, avec une douceur évangélique, et que je
puis assister au même Saint Sacrifice, célébré dans un rythme identique. » Jacques multiplie les
tournées d’inspection dans la forêt. Il doit aussi pacifier les insoumis. « Un jour, raconte Jean-Marie de Buck
dans la biographie qu’il consacra à notre héros, Jacques en reconnaissance le
long du fleuve, débarque avec ses gens pour faire du bois. Quelques indigènes,
qu’il n’avait pas aperçus, mais qui l’observaient, décochent sur lui et sur ses
boys, quelques flèches. Il est atteint par l’une d’elles. Il l’arrache et
devine qu’elle est empoisonnée. Il sait que le poison opère dans le quart d’heure.
Ces quinze minutes écoulées, il saura s’il doit vivre ou mourir. Il donne
l’ordre aux noirs de reprendre le travail, prend son chronomètre d’une main,
son chapelet de l’autre et se met à le réciter. Le quart d’heure écoulé, le
verdict est clair : il vivra. Ce chrétien était un de ces gentlemen dont
Maurois dit quelque part, qu’ils n’ont pas de nerfs. » Après trois ans, Jacques a
transformé le district du lac Léopold II. Il s’embarque à Boma pour Anvers le
27 juillet 1898. Il peut enfin retrouver sa fiancée et fonder le foyer rêvé mais en 1902 il accepte
de repartir comme chef de mission d’études du chemin de fer du Katanga. Quatrième séjour en Afrique comme chef de mission
d’études du chemin de fer du Katanga Jacques s’embarque à
Naples sur le Kronprinz le 1er décembre 1902.Il laisse en Belgique sa femme et
ses deux enfants. Encore une fois, tout est à créer, il est sans escorte,
presque sans argent, sans bagages et sans armes. Ses instruments, il doit les
acheter. « C’est un peu le
sort commun de souffrir, et, à la fin d’une existence, je crois que lorsque
l’on additionne les jours où l’on a souffert et ceux où l’on a été réellement
heureux, la différence n’est pas souvent en faveur de ces derniers. En ce qui
nous concerne, nous personnellement, nous sommes occupés à traverser une
période d’épreuves excessivement pénibles, mais c’est dans l’adversité que les
caractères se trempent. Sortons vainqueurs de l’épreuve actuelle et tout ce qui
pourra arriver dans l’avenir, ne sera plus que des bagatelles que nous saurons
surmonter en jouant. J’ai souvent, moi aussi, mes moments d’abattement, mais je
fais tout mon possible pour les surmonter et j’y parviens. Je pense aux mérites
que nous nous sommes imposé, mais dont chaque jour diminue d’autant la durée.
Je pense aussi et surtout à la récompense qui nous attend, si nous savons la
mériter. Et nous saurions la mériter. Et notre bonheur sera d’autant plus grand
et notre joie d’autant plus grande, que nous l’aurons payée plus cher. » Sa mission d’exploration
est un succès et Jacques arrive avec ses
relevés à répondre aux principales questions qui se posent pour l’établissement
de la future ligne ferroviaire. L’enthousiasme des ses chefs à son égard est
tel qu’on lui demande de ne pas rentrer directement en Belgique mais de
profiter de son voyage de retour pour faire le relevé topographique du grand bassin
du fleuve Kasaï Jacques de Dixmude lors de son quatrième terme en Afrique De retour en Belgique, il
rejoint son régiment à Hasselt. Promu major au 13e de ligne, le 26
juin 1907, il est nommé u an après commandant en second de l’Ecole militaire. Il
y restera quatre ans de 1908 à 1912. Puis après fut désigné pour commander à
Liège le 12e de ligne. La guerre lointaine ou imminente ne faisait
plus aucun doute. Le lieutenant-colonel
Jacques connaissait les défauts de notre armée due au déplorable système de recrutement dit de
remplacement, qui ne fut abandonné qu’après 1909 et qui avait doté l’armée de beaucoup d’éléments très
mauvais. La loi néfaste de 1902, qui marque l’apogée de l’antimilitarisme,
avait abouti à un véritable désastre au point de vue des effectifs. Les
« congés interruptifs » rendaient l’instruction à peu près
impossible. L’immixtion de la politique dans les affaires militaires décourageait
les meilleurs officiers. Ce ne fut qu’à partir de 1911, peut-on
dire, que l’on revint à des conditions normales. Mais il ne faut pas oublier
que l’armée de campagne, était formée en majeure partie des classes de la mauvaise période (de 1906 à 1913). Elles
arrivaient donc avec toutes les faiblesses
de la période funeste ; instruction incomplète et sommaire, manque
de discipline, manque de cohésion. Comment allait se comporter l’armée et
particulièrement le 12e de Ligne composé d’éléments très peu
entraînés ? La bataille du Sart-Tilman En août 14, la guerre
éclate. Le colonel Jacques, secondé par ses officiers dont plusieurs ne
sortirent pas vivants de cette fournaise, établit le 5 août son poste de combat au centre même de la
clairière de Sart-Tilman qui domine Liège. Une partie de ses troupes furent
lancée vers L’armée belge reflua sous
Anvers puis par trois fois sortit
d’Anvers pour semer le trouble dans les rangs ennemis. Lors de la seconde
sortie d’Anvers, le 12 septembre, le 12e
sous le commandement de Jacques attaqua l’ennemi à Haecht.
Le 12e fonça droit devant lui. Le colonel Jacques, raconta un
témoin, fit avancer le drapeau, qui,
déployé, arriva en première ligne. Lui, il ramassa un fusil, cria un
ordre. Sous les balles des mitrailleuses, il chargea à la tête de ses troupes. La progression
demeura ensuite lente mais l’espoir d’une victoire restait réel. Hélas vers 16h 15, un courrier survient et
ordonne la retraite. La place forte d’Anvers ne tint tête à l’ennemi que jusqu’au mois
d’octobre. Le 6 octobre l’ordre de retraite fut donné à toutes les divisions. Le
10 octobre, le 12e atteignit
Nieuport. Pas le tempos de se reposer pour les pauvres soldats du régiment obligé d’ organiser une solide
position défensive le long de l’Yser. Le 13, il creuse des tranchées à Schoorbakke et à Pervyse ; le 14, il cantonne à
Dixmude ; le 15, il établit une solide ligne de remblais à Nieuwcapelle ; le 16, il aménage la rive droite de l’Yser ;
le 17 et 18, il cantonne sur place et travaille jour et nuit à approfondir, à
consolider des ouvrages qui, tout fragiles qu’ils apparaissent doivent coûte
que coûte endiguer la marée ennemie qui dans quelques heures va brutalement
déferler. La bataille de Dixmude Le 20 octobre Jacques et son régiment occupe la tête de
pont de Dixmude, il installe son poste de combat à l’Hôtel de Ville, sur Les deux jours suivants,
les 22 et 23 octobre, le régiment est relevé et ne participe plus effectivement à la défense
de Dixmude. Non pas, certes, qu’il fût au repos. La ruée des Allemands sur la
ville se faisait, d’heure en heure, plus pressante. En hâte, il fallait creuser
de nouvelles tranchées le long de la route de Pervyse à Dixmude. Ces moments là
furent aussi effroyables que le feu roulant de la veille et de l’avant-veille.
Peinant du matin au soir, ils réussissent cependant à élever une digue entre
l’envahisseur et eux. Dans la soirée de 23 octobre, ordre formel de remonter en
première ligne. On a besoin de tout ce qui reste disponible. Ce repos de deux
jours ne fut qu’un long labeur. Les 22 et 23 octobre, l’ennemi avait continué à
bombarder Dixmude, mais avait suspendu toute attaque d’infanterie. Les deux
jours qui vont suivre vont être marqués par un bombardement qui sera
particulièrement violent au cours de la nuit du 24 au 25. Dans la nuit du 24 au
25, le premier bataillon signale qu’il a repoussé 11 assauts dont plusieurs à
la baïonnette. Le 2ème en a arrêté 15 !
A l’aube du 25, le général Meiser malade, remet son commandement au colonel
Jacques. Nouvelle et écrasante responsabilité. Elle ne l’effraie pas. Il aimait
répéter : « La responsabilité, ça n’existe pas. Il ya des responsabilités ». Cette
distinction de bon sens lui calmait les nerfs. Dans la nuit du 25 au 26, un fort contingent allemand, un peu moins
qu’un bataillon, parvint à traverser
l’Yser à la faveur de l’obscurité pour se retrouver derrière nos
lignes ! La situation est tragique
mais l’ennemi est circonscrit et doit
fuir ou se rendre ! Après cette nuit mouvementée, le 12° est relevé et
rejoint « Quand l’eau eut grimpé des chevilles
aux jambes, des genoux à la ceinture, et du ventre à la poitrine, les Allemands
ne purent plus se dégager de la vase glaciale, prisonniers du marais, cibles
vivantes, cramponnés aux affûts embourbés des bouches à feu, désormais muettes,
de nombreux Germains en grappes furent fauchés par le tir vengeur et
impitoyable de nos fantassins et de nos artilleurs ; frappés à mort, ils
glissaient sous l’eau boueuse, puis disparurent pour toujours ». (Général
Pontus) Récompensé pour ses
talents de chef, Jacques devient général de brigade, ce qui ne l’empêche pas de
rêver de la paix comme le prouve cette lettre adressée à son
épouse : « Je serai heureux de
voir arriver ce jour qui mettra fin à toutes ces horreurs, qui permettra de
nous réunir d’une façon définitive. Que de fois mon pauvre cœur n’a-t-il pas
saigné au spectacle lamentable des pauvres ménages fuyant par les grandes
routes ; des pauvres, avec des petits gosses, traînés sur des brouettes,
ou plus grands, traînant leurs pauvres jambes et courbés sous le fardeau de
leurs pauvres nippes ramassées à la hâte. Misère de misère ! Si je
n’attrape pas une maladie de cœur de tous les serrements qu’il a éprouvés, cela
va bien. Tu me connais assez pour savoir combien j’aime les pauvres et surtout
les petits crottés innocents. Des autres misères du champ de bataille, je ne
dirai rien pour le moment. Cela me fait mal aussi quand je vois mes braves
soldats mal arrangés comme cela arrive parfois. Ce sont de si braves enfants et
on leur demande tant d’efforts, qu’ils supportent avec un stoïcisme tel, que
nul ne pourrait les dépasser pour autant qu’on les égale dans n’importe quelle
nationalité. Il n’y en a aucune qui approche la nôtre ». Le général Jacques est un être
extrêmement sensible. Son aura, sa force vient qu’il ne cache rien de ce qui
anime sa volonté comme l’explique son biographe, Jean-Marie De Buck : « Les vrais chefs sont ainsi, tout d’une pièce, ne réservant pas
pour l’intimité ce qu’ils jugent être le meilleur stimulant de leur vie
publique. Ils ne font pas deux parts. Cette dualité, ce dédoublement leur
paraîtrait une malhonnêteté, une faiblesse qui répugne à leur caractère.
Assister à une messe militaire au premier rang de l’assemblée ; se
confesser devant son Etat-Major au plus fort d’un
combat dont certains ne reviendront pas ; exiger qu’on mette en lieu sûr
les ciboires d’une église bombardée ; saluer un des nombreux calvaires qui
ornent les carrefours des routes flamandes ; être parrain de confirmation
d’un soldat qui désire accomplir ses devoirs religieux, tout cela pour Jacques
est naturel, d’une simplicité enfantine (....) ». La bataille de Merckem Le 17 avril 1918, on
retrouve le général Jacques commandant la 3.D.A devant Merckem. Les Allemands donnent l’assaut et les Belges vont transformer leur
résistance en victoire. Jean-Marie de Buck nous décrit ci-dessous les
péripéties de cette bataille. « A 8 heures, après une vigoureuse préparation d’artillerie,
l’ennemi attaqua sur le front de la 3.D.A. en certains endroits , supérieurs en
nombre, l’allemand parvint à s’établir dans quelques postes avancés, dont les
occupants blessés , décimés, à bout, ne pouvaient plus lutter. Il progressait,
de poste en poste, malgré le feu intense de l’artillerie et de mitrailleuses
belges. Après avoir pris Kippe, il avança par bonds
vers les postes de Il était 11h du matin. La brèche tant redoutée
était ouverte. La digue rompue laissait passer le flot qui s’y engouffra. Toute
une brigade allemande, en hurlant chargea nos positions, qui prises de revers
et d’enfilade, étaient impitoyablement décimées. Un ouvrage tenait encore
magnifiquement. Son nom est dans tous les mémoires: l’ouvrage Mazeppa. Là, les
allemands décontenancés par un violent tir d’artillerie et par les
mitrailleuses du 12e, hésitèrent et s’arrêtèrent. Malgré le repli des
troupes auxquelles son sort semblait lié, Mazeppa tient Bon. Rien ne put
vaincre cet entêtement, cette mâle énergie, dont notre armée avait, en des cas
aussi désespérés, donnés tant de preuves. Cet îlot, au centre de cette mer
déchaînée, résista à plusieurs assauts, qui tous vinrent mourir, brisés,
fauchés impitoyablement par des tirs successifs dont la précision n’avait
d’égale que la violence. Un peu après 11h, la
pression ennemie devint si forte qu’elle parut un instant irrésistible. Mais
ici se produisit une circonstance qui brisa pour les Allemands toute
possibilité d’attaque. Le front de la 3 D.A qui n’avait cédé en somme que sur
un point, s’était légèrement incurvé. Massés, entassés dans cette poche, pris
de flanc et de revers, les Allemands, brisés dans leur élan ne pouvaient ni
avancer, ni reculer. Il leur avait fallu quatre heures d’un combat meurtrier
pour qu’une de leur division sur un front de deux kilomètres et sur une
profondeur de Il était 12H30. Les
troupes de la 3 D.A. attendaient le moment de contre-attaquer. Reprendre les
ouvrages perdus au cours de la matinée n’était pas une mince affaire. Britannia devait être reconquise coûte que coûte. Mais que
l’on se souvienne de l’état du terrain, pilonné par les obus de gros calibre,
troué d’entonnoirs presqu’infranchissables et rempli de boue où l’on enfonçait
jusqu'à la cheville et parfois jusqu’au genou. Le sort de la journée dépendait
cependant de cette contre-attaque, qui, au moins, avait l’avantage d’un objet
bien défini. Cela ne traîna pas. Ce qui au cours de la matinée avait été presque
impossible, une heure et demie de combat suffit à le réaliser. Vers 1h30, Britannia et tous les ouvrages qui en dépendaient étaient
au pouvoir des troupes héroïques qui s’étaient dévouées à les reprendre. Rien n’avait pu briser leur progression. Cette position, qui commandait
une grande partie du secteur, une fois reprise, les autres, Ashhoop,
les fermes Verte, l’Hermine, Honoré, le Jesuitengoed,
rentrèrent le soir en notre pouvoir. Vers 23 heures, toutes les positions étaient
définitivement reconquises ». Le général Jacques
victorieux écrira à son épouse : « La division s’est
distinguée hier en administrant une bonne raclée aux boches qui étaient venus
nous attaquer.(…) Notre grand chef a eu l’amabilité de venir aujourd’hui
m’apporter ses chaleureuses félicitations et notre chère petite Reine, venue à
quelques kilomètres de mon Q.G assister à une fête, m’a fait appeler pour
m’adresser aussi ses félicitations pour nos braves soldats. Tu comprends si je
suis heureux... » (Jacques) L’après-guerre Le Général Jaques
participera à l’assaut final de nos troupes le 28 septembre 18 pour libérer la Belgique. Après la guerre, le plus
populaire de nos généraux s’en fut sur le Rhin en garnison. Le 22 septembre 19, il fut désigné pour accompagner nos souverains aux Etats-Unis.
En octobre 21, il est envoyé en mission militaire aux Etats-Unis. Le 11
novembre il assistera à Washington à l’inhumation du Soldat Inconnu. « Nos morts, dit-il, ne nous
demandent ni larmes ni regrets, mais ils veulent, de toute leur mystérieuse
puissance, que nous sentions leur âme palpiter dans la pierre de leur
monument ; que nous soyons dignes d’eux ; que nous refassions à leur
image vénérée, une Belgique meilleure encore, plus grande, plus unie, plus
pitoyable aux humbles et aux déshérités, plus éprise de justice et de liberté
que celle pour laquelle leur chère cité et eux s’offrirent en
holocauste » Les derniers
moments du général Jacques Le général Jacques après
avoir animé par sa présence une réunion au Cercle Colonial de Courtrai rentra
chez lui fiévreux. Il fut forcé de s’aliter pour ne plus jamais se relever. Quelqu’un
qui l’a connu de près pendant sa maladie, écrivit : « L’empreinte de tout
ce qu’il a enduré pour ses hommes, pour ses petits soldats, pendant cette
période terrible, était restée, forte, douloureuse, dans son esprit et dans son
cœur. Je ne l’ai jamais constaté avec autant de netteté que durant cette courte
maladie. Dès qu’il s’endormait, il était saisi par des cauchemars évoquant
l’affreuse guerre. Il ne voyait que tranchées, sacs de terre, soldats luttant
et mourants, et lorsqu’il s’éveillait, cela le poursuivait encore et il
suppliait qu’on le délivrât de ces souvenirs obsédants et cruels. Il demandait,
pour s’en distraire, qu’on lui lût un chapitre de l’Imitation. Puis quand
le délire le reprenait, il disait l’une ou l’autre phrase brève, hachée où se
reflétait sa mentalité, toute sa tendresse et admiration pour les petits et
pour les humbles : Le lieutenant général Jacques de Dixmude Il faut être bon pour le peuple ! Ne brusquez pas les hommes ! On ne fera jamais assez pour les petits soldats. Enfin,
quelques mois avant sa mort, voici ce qu’il répondait à quelqu’un qui
l’interrogeait sur sa prodigieuse popularité : - Si dans la vie on sait créer cette passion,
cette ferveur qui transforme un subordonné en un collaborateur fanatiquement
dévoué, on est un chef ; - Mais comment, mon
Général, obtenir ce zèle si précieux ? - Par l’amour...Fais-toi
aimer de ceux que tu commandes. - Et quand
m’aimeront-ils ? - Lorsqu’ils seront
convaincus que tu les aimes toi-même. C’est là le suprême secret des grands
conducteurs d’hommes. Il mourut à l’aube du 24
novembre 1928 âgé de 70 ans Dr Loodts P Source : Jacques
de Dixmude, Jean-Marie de Buck, Collection Durendal, Paris-Bruxelles
1933 |