Médecins de la Grande Guerre
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Gaillon et sa Région aux côtés de la Belgique 1914–1918 Jean Baboux Jean-Louis Breton Patrick Loodts Isabelle Masson-Loodts France Poulain Les Belges dans la région de Gaillon Des paysans belges qui chaque année venaient travailler dans les fermes de la région se réfugient naturellement dans les exploitations qu'ils connaissent. Certains resteront en Normandie la paix revenue. Beaucoup d'exploitations du Vexin par exemple sont tenues aujourd'hui par les descendants de ces ouvriers agricoles venus alors dans notre pays. D'autre part, un certain nombre de réfugiés belges viennent travailler à l'usine Rémy d'Aubevoye qui produit alors de l'amidon de riz. Cette manufacture avait été ouverte en 1891 par le Belge Édouard Rémy dont l'usine principale se trouvait à Wygmael-lez-Louvain. Lors de l'invasion, puis 1'occupation des Flandres. les employés se replient en Normandie pour participer à l'effort de guerre. L'usine qui en 1914 emploie quelque 250 ouvriers voit ses commandes augmenter d'une manière importante. Le Belge Édouard Rémy Le château de Gaillon est connu pour avoir accueilli pendant la Grande Guerre le centre d'instruction des sous-lieutenants auxiliaires d'infanterie (le CISLA). En 1914, l'armée belge est très mal préparée, elle est en pleine mutation et elle manque de tout, le nombre des officiers est en nombre insuffisant (3 200 officiers seulement pour 220 000 soldats) l'effectif des sous-officiers est en rapport. Après les durs combats de l'été et la bataille de l'Yser, l'armée belge est dans un triste état, elle a perdu 413 officiers en août, 439 en septembre, les soldats sont en guenilles, il faut réorganiser l'armée, la rééquiper, former de nouveaux cadres. Le 15 janvier 1915, le CISLA ouvre à Gaillon, dans le château prêté par l'armée française, ancienne annexe du 74e régiment d'infanterie basé dans la caserne Pélissier de Rouen[1]. Plusieurs CISLA s'ouvrent au même moment. À Gaillon chaque contingent compte 280 élèves sous-officiers ayant un niveau d'études équivalent au bac français. La formation est difficile et accélérée, elle dure six mois, équivalant à une instruction militaire de deux ans en temps de paix. Les élèves sont envoyés ensuite au front et ils ne touchent leurs galons qu'après avis favorable de leur chef au feu. Les derniers élèves sortent le 31 janvier 1919. Près de 3 500 élèves sous-officiers ont été formés au CISLAde Gaillon. Il est possible d'évoquer ici quelques soldats belges qui ont fréquenté cette école. Ainsi l'avocat Pierre Ryckmans (1891-1958) qui accomplit l'essentiel de sa carrière en Afrique. Pierre Ryckmans arrive à Gaillon en juillet 1915 et y reste quatre semaines en obtenant le grade d'adjudant pour repartir au front le 8 août 1915. Il suit l'école du soldat et l'école de compagnie qui constituent l'essentiel du programme d'instruction de sous-lieutenant auxiliaire. Les cours combinent théorie et pratique, l'accent étant mis sur cette dernière. Elle s'effectue sur un terrain inculte gracieusement prêté par un propriétaire voisin. Les élèves reçoivent un enseignement sur le fusil, la mitrailleuse, la topographie, la comptabilité de campagne, le régime disciplinaire, le code pénal. René Glatigny (1892-1918) est instituteur. Il est à Gaillon de février 1918 au 31 juillet 1918 ; il est tué lors de l'offensive de la fin de l'été 1918. Firmin
Bonhomme, né en 1898, participe à la dernière cession ; en octobre il est
atteint de la grippe espagnole, il est soigné à Vernon et il sort guéri en novembre.
En janvier 1919, il quitte Gaillon et commence des études de médecine. Les rapports
entre les Belges et les Français La présence massive d'une
communauté étrangère dans notre région entraîne à réfléchir sur les rapports
qui ont existé entre les Belges et les Français. Le regard constamment tourné
vers la Belgique, les réfugiés mais aussi les soldats ne songent qu'à rentrer
dans leur pays libéré. A Bonnières une tendance des Belges
à rester entre eux éloigne évidemment les Français. Dans notre région la
pratique religieuse depuis longtemps est devenue minoritaire, alors que les
Belges restent des paroissiens assidus ; cela surprend les populations locales.
Les habitudes alimentaires constituent également un élément de différenciation
pour cette population étrangère, à une époque où les Français restent très traditionnels
pour tout ce qui concerne la nourriture. Aujourd'hui, comme les Belges, nous
avons l'habitude de consommer des plats d'origine maghrébine, italienne ou
espagnole, voire plus exotiques encore, mais durant la Belle Époque le peuple
reste attaché à des nourritures très régionales. Le pain au levain des
Français, base de l'alimentation ouvrière ou paysanne, ne convient pas aux
Belges. La langue, même pour les Wallons dont l'accent entraîne des
plaisanteries, constitue un élément discriminatoire ; les Flamands, surtout
ceux qui ne sont guère allés à l'école, ont évidemment beaucoup de difficulté à
se faire comprendre. Les Français qui entendent parler cette langue gutturale
imaginent avoir affaire à la « race haïe des Allemands » et plus d'un Belge flamand
a été traité de « Boche du Nord ». Les débits de boisson ont connu ici comme
partout des bagarres entre Français et Belges qui sous l'effet de l'alcool
devenaient violents et vindicatifs. Mais globalement les rapports entre
Français et Belges sont excellents. Personne dans notre pays n'a oublié le
rôle en 1914 de l'armée belge, tous reconnaissent que les réfugiés sont de «
rudes travailleurs » qui ne rechignent pas à la tâche et acceptent des emplois
parfois ingrats délaissés par les Français. Ainsi les Belges jouissent d'un
prestige qu'il est difficile aujourd'hui d'appréhender. Nous voyons de nombreux
mariages entre jeunes Belges et jeunes filles françaises. Ainsi à Vernon, nous avons cinquante-sept
mariages franco-belges durant ces années[2]. Après la guerre le prestige dont jouit
la Belgique qui a retrouvé toute sa souveraineté reste important : sans
détailler, signalons à proximité l'existence d'une cité-jardin construite dans les
années vingt à cheval sur les communes d'Aubergenville et d'Épone.
Cette ville est dénommée « Élisabethville ». La façade de la chapelle Saint Thérèse d’Elisabethville avec la statue du cardinal Mercier A partir d'une place sur
laquelle se dresse un monument prônant l'amitié franco-belge, partent des rues
en éventail. La cité comprend l'avenue d'Ypres, l'avenue de Liège, l'avenue de
Dixmude, le boulevard de Bruxelles, le boulevard Albert 1er. L'église
Sainte-Thérése, en béton, présente une façade décorée de la statue du cardinal
Mercier[3]. Les
personnes intéressées peuvent contacter le Président de l’association, Monsieur
Yves Domergues, qui leur donnera tous les renseignements nécessaires. [1] Après la fermeture du centre de détention pénitentiaire en 1901, l'armée utilise le château comme caserne. Deux compagnies du 74e RI (Rouen) - c'est-à-dire 500 hommes environ - séjournent par roulement au château de Gaillon. Après la déclaration de guerre en août 1914, l'essentiel du régiment est envoyé sur le front et les locaux de Gaillon sont disponibles et peuvent être prêtés à l'armée belge. [2] Prenons l'exemple de Victor van Kets, né le juillet 1892 dans le Brabant flamand à Nieuwrode. Mobilisé en 1914, il est blessé au combat et envoyé en France à Valognes, Rouen, Saint-Aubin-lès-Elbeuf, Calais et Dieppe. Il arrive en décembre 1915 à Port-Villez. Pendant son séjour il rencontre une Vernonnaise, Yvonne, qu'il épouse en 1917 ; le couple établi dans la région aura 18 enfants. Cf. Kylian van Keyts, « D'où viennent les Belges de Vernon ? », Le Démocrate vernonnais, 16 sept. 2015. [3] Le cardinal Mercier (1851-1926), archevêque de Malines, primat de Belgique, demeuré en Belgique, il fut la grande figure de la résistance nationale belge face à l'occupation allemande pendant la Grande Guerre. Son prestige était immense à la libération du pays. |