Médecins de la Grande Guerre
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Le Dr Duivepart Père né à Rotterdam Dr Duivepart : né à Gand le 07 juin 1887. Marié sans enfants. Etudes de médecine à l’université de Gand et de Bruxelles. Médecin au front en 14-18, plusieurs fois décoré. Exerça la stomatologie à l’hôpital de Schaerbeek. En 1940, s’exile dans le
midi à Gaïac (Tarn), il se consacre alors à la peinture. La plupart de ses Après la guerre, habita et exerça comme indépendant au 55, avenue des Celtes à Schaerbeek. Décédé à Woluwe-Saint-Lambert en 1956 et enterré à Woluwe-Saint-Lambert dans la pelouse d’honneur du cimetière. Renseignement fournis par le professeur Levi, neveu de ce médecin par sa mère. Le Dr René Duivepart peint par L. Henderijkx. (collection Dr Loodts) Par le Docteur Duivepart René Mon congé en Bretagne Au Front – Septembre 1917. Première page du récit. (dessin Dr René Duivepart) J’ai attendu, mon Ella, que les photos prises en Bretagne lors de mon congé, soient achevées, pour essayer de te donner ici le plus possible de mes impressions. Puisque j’ai, hélas, de nouveau voyagé tout seul, si loin de toi, je vais tenter de te faire voir et ressentir ce que j’ai vu et ressenti. Il me semble atténuer ainsi un peu la dureté du sort. 22 août – Départ de paris, à 8 heures. Le paysage quelconque, rappelle tantôt le Brabant par ces collines doucement ondulées, tantôt la Meuse, par les bords boisés et fertiles de la Loire. Vers le soir, les moulins préhistoriques et les coiffes des femmes, nous annoncent la Bretagne. Mon camarade et moi, arrivons à Vannes, chef lieu du Morbihan, à 6 heures du soir. Descendons à l’Hôtellerie du Dauphin et départ immédiat pour visiter « ce qu’il y a à voir. » Peu de chose en somme. Petite ville de province aux rues étroites et tortueuses. Une ou deux vieilles portes vestiges, des remparts d’antan. Seule une construction m’attire par son style original et nouveau pour moi. C’est la « maison de la Prébende » ce qui veut dire propriété de l’Episcopat. Nous rentrons pour dîner. Que c’est joli et gracieux d’être servi par des jeunes bretonnes en costume du pays ! Ces mains habiles et discrètes nous changent beaucoup des grosses pattes des ordonnances. Nous nous sentons bien loin de ce kaki horripilant par sa monotonie. Ici j’éprouve plus fort ce qui me manque depuis trois ans. 23 août – Nous partons au matin à 8 heures sur le petit bateau faisant le service dans le golfe. En quelques minutes l’étroit canal s’élargit en côtes basses, tantôt boisées, tantôt arides ; par-ci par-là une anse gracieuse renferme un petit port de pêche. Devant nous une île, nous la contournons, nouvelle île qui nous bouche l’horizon, verrons-nous cette fois l’océan ? Plus loin peut être…non pas encore. Le golfe en renferme une infinité. La tradition populaire prétend qu’il y en a autant que de jours dans l’année. Le temps est superbe, la mer prend des tons magnifiques de vert émeraude, l’eau est transparente. Quel calme dans nos pauvres têtes. – Après une heure de navigation, nous débarquons à l’île des Moines. Il paraît que « la Belge » habite plus haut, près du moulin. Nous nous engageons dans d’étroits sentiers dont les haies faites de pierres de taille amoncelées, laissent déborder une végétation magnifique. A un coude de la route, nous tombons face à face avec Hélène Van Dooren et son gosse. Elle allait à Vannes mais diffère son voyage. Une maison de pêcheur aux murs épais et carrelage rouge, l’abrite. Elle me fait promettre de venir ici avec toi et d’autres jeunes ? Nous déjeunons dans un petit restaurant Breton. Le menu est amusant. Comme boisson du cidre, toujours du cidre, fait de pommes, un peu acide, un peu fade. Crevettes énormes, roses, exquises. Raie au beurre noir avec pain. Puis légumes ressemblants à des cornichons chauds, ensuite une pomme de terre cuite à l’eau ; une par personne, fruits. - Je prends une gentille photo d’Hélène en costume du pays, coiffe en dentelle blanche, robe en velours soie et satin noirs. Tablier en soie mauve brodé de fleurs de la même couleur. Costume de deuil me diras-tu. Ici c’est la mode du pays, car la mer y est méchante. Nous allons voir un lit breton ou armoire à deux étages dans laquelle on couche. Puis visite au bois des Regrets, où nous trouvons une petite source qui attire les jeunes filles. Elles y jettent une épingle ; si celle-ci pique dans l’eau par la pointe il n’y a pas de chance de mariage dans l’année. Heure du départ. Adieux charmants. Nous rentrons à Vannes au soleil couchant. Vite au lit car le train par le 24 août à 5 heures. Nous voulons voir aujourd’hui Concarneau. Arrivée à 8 heures à Rosporden. Pas de correspondance avant midi. Nous ne regrettons pas du tout le temps perdu. La petite ville à l’intérieur du pays est peu visitée par les touristes. Jolie par sa vieille église et ses étangs calmes, elle nous intéresse par ses naturels du plus pur breton. Nous passons dans la rue : des têtes apparaissent aux portes et disparaissent comme dans une trappe. Nous entendons des oh ! Et des ch ! Je veux photographier des femmes qui font la causette en balayant la rue. Elles filent dans les maisons comme si elles avaient vu le diable. Les gosses poussent des hurlements. Voici la sortie de l’école, quarante gamins nous suivent partout. Autre bonne histoire. Nous demandons le chemin. On nous questionne : « savez-vous lire ? » Je réponds : « un peu » Départ pour Concarneau, à midi. Arrivée à deux heures. Cette fois-ci c’est la Bretagne, comme nous la connaissons par les peintres. Grand port de pêche. De nombreuses barques au repos portent étendus des filets à sardines d’un bleu ciel admirable, les mailles sont excessivement fines. Une population de pêcheurs grouille le long des quais. Les hommes vêtus de bleu ou d’ocre coiffés d’un béret basque. Les femmes se groupent pour vendre ou acheter du maquereau. Grand caquetage, elles parlent toutes à la fois. Pourquoi seraient-elles différentes ici ? Au centre du port s’élève un îlot entouré de fortifications : la ville close. Voici un coin du port et de ses remparts. L’eau se retire, le soleil de plomb dessèche les boues du fond qui répandent une odeur nauséabonde. Grand caquetage, elles parlent toutes à la fois. (dessin du Dr Duivepart) Je suis fatigué et conseille pour cela à mon copain de visiter seul le château de Keriolet. Je ne veux rien savoir. Je le suis en traînant le pied, car notre but se trouve au haut d’une colline, dominant la ville. Voici heureusement un parc magnifique aux ombres fraîches. Après un peu de repos, nous visitons le château, transformé en musée départemental, après avoir été restauré par une princesse russe. Trop de restaurations ont fait un ensemble ressemblant plutôt à un pavillon en stuc d’une exposition. Quel musée ! Un portier au fond de culotte rapiécé et aussi breton qu’imperturbable nous fait circuler dans cet incroyable bric à brac. Voici successivement, le lit de la tragédienne Rachel, en satin bleu, un morceau de pain du siège de Paris, une volière du XVeme siècle, une collection de coiffes bretonnes, des monnaies romaines, des statuettes de saints « en bois » et enfin dans la chapelle, un jugement dernier aux détails pornographiques. – Le portier parle : « Voici la chambre du Comte de Chaubord, lit Henri II, tapisserie etc..etc….il n’y a jamais logé… ! » Nous le quittons sur ce mot mélancolique. Nous revoilà dans la fournaise de la route ; c’est la saison des mures ; heureusement car il fait sec. Nous reprenons le train à 4 heures pour Quimper, grosse ville de province, aux casernes multiples et à la cathédrale gothique très élégante. Le portier du musée. (dessin du Dr Duivepart) 25 août. – Départ à 8 heures pour visiter l’Odet. ~la plus belle rivière de France – dit l’affiche de la gare. Ce n’est pas flatteur pour les autres. Certes la rivière, aux bords boisés et rocailleux et s’élargissant parfois en lacs imposants, est jolie. Un bel estuaire termine l’excursion, gâtée par une pluie « à seaux ». Nous voilà donc à Beuodet. A la plage de sable fin, fait suite, une falaise peu élevée. La mer est basse et découvre de gros rochers couverts d’algues. Pareilles à des bras immenses arrachés à des bêtes d’un autre monde, certaines, longues de 5 à 6 mètres, ont un bord festonné du plus bel effet. Nous voilà après dix minutes de marche, à travers les rochers glissants, à l’extrémité de la baie. Je trouve entre les rochers un petit lac ou mieux un aquarium naturel. Je reste assis longtemps ici et contemple le fond couvert de multiples couleurs d’algues. Ici du rouge sang ou pourpre, là du jaune citron, plus loin du vert criard. Voici une anémone de mer pareille à un chrysanthème ; elle est si jolie que je veux la toucher comme un gosse. La fleur s’anime, retire rapidement ses pétales et disparaît entre deux rochers. Pfft… l’éclair noir d’un poisson égaré, sillonne l’eau pour se réfugier de l’autre côté. Voici de petits coquillages, jaune citron, rouges et verts, mauves. Que c’est beau tout çà ! La voix de mon ami me rappelle l’heure du départ. Nous embarquons. A ce moment une chaloupe traverse l’estuaire et vient accoster tout près de nous. Comme tu le vois le bonnet des femmes du pays est plutôt cocasse. C’est un de mes étonnements, car le nombre de variétés est infini. Je ne pourrai pas te les décrire car il me faudrait un livre. Sujet d’observation inépuisable il y en a un pour tous les adjectifs ! Minuscules, grandes, élégantes, disgracieuses, simples, cocasses, il y en a pour tous les goûts te dis-je. Ce type de femmes rappelle le midi. Yeux noirs, cheveux de geai, nez aquilin « Le front large et bombé, me rappelle l’expression « têtu comme un Breton ». Retour sans encombre à Quimper. Nous partons le 26 août pour la merveille de France, « La pointe du Raz » (prononce Ra). Ici je m’arrête et je songe que ma plume va me faire défaut. Jamais je ne trouverai les mots, nécessaires pour te faire voir, cette mer unique, ces rochers immenses. Je suis heureusement meilleur photographe que plumitif. Cela compensera un peu ceci. Un cabriolet préhistorique part d’Audierne, où le train nous a conduit. Nous suivons le guide, vieux pêcheur breton, entre les rangées de pierres de tailles entourant des prairies arides. La pluie tombe et donne une impression lugubre à ce paysage de mort sans un arbre, sans un oiseau. Un peu d’herbe rare, microscopique comme de la mousse voilà tout ce qui rappelle la vie. Comprends-tu maintenant pourquoi cette province s’appelle : Finistère ? (Fin de la terre). Tu verras dans la suite la deuxième raison plus importante. Nous voilà brusquement au bord de la falaise. Quel spectacle ! Des rochers de soixante mètres descendent à pic vers la mer. La houle est forte, un élégant liseré d’écume borde les rochers. A droite et à gauche, la brume estompe le paysage de rêve. Orientons-nous. Je suis à la droite de la pointe du Raz où j’ai pris les deux photos que voici. Est-ce beau ? Nous marchons vers le cap en longeant l’abîme. Pas de parapet, les touristes ont tracé un sentier qui se trouve quelquefois à un mètre de la chute. La mer par en dessous, la pluie par au-dessus, ronge le roc, et le chemin remonte plus haut d’année en année. D’énormes pierres nous barrent la route, la pluie les a rendues glissantes. Nous avançons en titubant, aveuglés par la pluie, secoués par le vent du large. – Une minuscule barque est suspendue au flanc du rocher. Le guide nous explique que c’est là le port des pêcheurs de langoustes. Une embarcation longe le bord, elle est toute en dessous de nous, je vois à peine les hommes. La photo ne peut pas malheureusement te donner cette impression d’immensité qui nous écrase. Après un quart d’heure d’escalade, nous atteignons l’ « Enfer de Plogoff ». Le guide engage ceux qui ont le vertige à ne pas tenter la descente. Il enlève ses sabots, je me débarrasse de l’appareil et du manteau. Nous voilà partis à quatre pattes. Je place les pieds et les mains où il le fait. Cela va tout seul. Nous descendons quasi à pic pendant cinquante mètres. Quand je m’arrête, en face de moi se dresse, me cachant la moitié du ciel, un seul rocher immense plus noir que les autres sans aspérités et vertical. Il mesure 90 mètres en hauteur. Vers le bas s’ouvre un tunnel de trois mètres de large sur dix de haut perçant la pointe à jour et permettant de voir déferler la mer de l’autre coté. La grande houle de l’atlantique entre avec frénésie des deux cotés du tunnel. Les deux masses d’eau s’entrechoquent avec un bruit énorme. Tout là haut mes compagnons sont tout petits. Nous remontons sans encombre. Puisque cela va bien, nous décidons de faire le tour de la pointe. La pluie cesse, mais le vent redouble, quelques fois nous nous couchons pour ne pas être renversés. Nous voici à l’extrémité. Le spectacle est superbe. Nous voyons l’atlantique à 90 mètres de haut, un îlot battu par les flots furieux s’estompe dans la pluie. Plus loin encore, le phare de la Pointe. Enfin tout au coin, l’Ile de Sein aux mœurs étranges. Les femmes ont des voiles noirs comme les nonnes. Les rues, paraît-il, ont un mètre de large. Seul un petit bateau à voile relie ses habitants à la côte. Nous ne pouvons pas la visiter car, par gros temps, il faut attendre parfois 8 à 10 jours avant de rejoindre la terre ferme. La pointe a trente mètres de large ; nous la contournons. Quelques fois dix centimètres permettent au pied de se reposer au-dessus de 80 mètres de vide. Je suis le guide à quatre pattes, sur le ventre, comme je peux. – Nous reprenons l’autre versant pour rentrer à l’hôtel, plutôt fatigués. Ma capote pèse vingt kilos, mes bottes sont flasques, comme si j’étais tombé à l’eau. La patronne de l’hôtel me prête un pantalon, j’enfile des vieilles savates et tout va bien. Quelle journée ! Pilleurs d'épaves de la Baie des Trépassés Il fait trop beau pour partir ce soir. Un guide nous conseille de visiter le lendemain 27 août, la Pointe du (Vau ?). Partis à huit heures, nous tournons le dos à notre itinéraire et remontons vers le Nord. La Baie des Trépassés est ainsi appelée parce que les débris des naufrages sont ramenés là par les courants du large. Toutes les maisons du pays sont construites avec les matériaux trouvés sur la plage. Du haut de la falaise, je vois des petits points circulants le long de la vague. Les guetteurs sont là, jour et nuit. Le guide s’agite, il vient de voir un baril flottant entre deux eaux. Ceux d’en bas n’ont encore rien vu. Brusquement, ils se débarrassent de leurs pantalons et se précipitent à l’eau. Le guide se hâte, car tous ceux qui sont présents lors de la prise, participent à la distribution. C’est la coutume. Les pilleurs de naufrages n’aiment pas le douanier, tu dois le comprendre. Ils roulent la barrique sur la grève. Nous arrivons près d’eux. Pareils à des fous, ils s’arrachent les ongles pour ouvrir leur trouvaille, l’un gratte le bord avec un couteau, l’autre essaie d’écraser le fond par un morceau de rocher. Enfin une planche cède. Il grogne « Coir ! » C’est de la cire blanche. Ils vont garder le tonneau et vider son contenu dans la mer, parce qu’ils ne peuvent pas vendre du « Coir ! ». Reprenons la marche, nous escaladons le versant opposé de la grève et longeons la côte. Les rochers forment des anses naturelles coupées par des petits caps contre lesquels la mer s’abat furieuse. Il est dix heures ; j’ai trouvé un joli coin et renvoie le guide. Nous allons pouvoir faire tout à notre aise, nos adieux à l’atlantique, puisque onze heures n’ont pas encore sonné. Quel dommage de quitter pareil spectacle ! Une heure de marche jusqu’à Glenain, où après avoir vainement chercher à manger, nous trouvons une voiture pour Audière. Regarde plutôt quand je dis une voiture. Cette caisse montée sur roue, déchirée, rapiécée, aux trous bouchés par des quignons de paille, nous amènera tout de même après de multiples essais de trot, à Audierne. Heureusement, sinon nous perdions 24 heures, car le voyage est long puisque nous quittons le Finistère pour rejoindre les confins de la Bretagne : Le Mont St Michel. Nous arrivons à Brest à 21,30 heures ! Ici un petit trou dans notre voyage car nous n’avons pas pu nous arrêter à Douarnenez. Dans la gare de cette ville, un officier de gendarmerie nous demande nos papiers car dit-il « Les Boches ont tous les trucs ! » On ne pourrait être plus aimable. Nous lui servons nos congés en lui disant : « Un papier pareil ne prouve rien, puisque les Boches peuvent en imprimer de pareils en deux heures. » Il en est tout bleu le pauvre Pandore, et nous a laissé partir, lui qui se voyait déjà décoré… Nous quittons Brest le lendemain 28 août à 6 heures. Nous regrettons de ne pas voir le panorama du Port car il fait encore nuit. Tant pis, nous sommes déjà bien heureux comme cela. Une voiture pour Audière. (dessin du Dr Duivepart) Arrivés à Dinan nous déjeunons rapidement et descendons vers la vieille ville qui dégringole petite et coquette vers la Rance, jolie rivière. Tout a fait le Luxembourg, paraît-il. Ici commence le repos et la fin de nos tribulations. Le bateau ne part qu’à cinq heures. Expression consacrée : nous flânons comme des collégiens, nous louons une barquette en attendant le départ de la vedette (ou bateau à essence) qui va nous conduire à Dinard et à St Malo. Beaucoup de Dames, quelques uniformes. – En quelques minutes la rivière s’élargit rapidement en un large estuaire. Le paysage est grandiose, après quelques instants déjà, les rives s’éloignent et tantôt s’élargissant tantôt se rétrécissant, le cours d’eau nous offre un sujet d’admiration continue. Bientôt le petit canal de Dinan devient un estuaire imposant. Le temps fraîchit la mer est proche : de petites lames soulèvent le bateau. Enfin là-bas, entre de petites îles, nous saluons l’océan. Cette fois-ci nous dansons pour tout de bon. Le bateau roule et tangue, l’eau éclabousse le pont. Les dames poussent des cris d’orfraie. L’une d’elle doit se coucher à terre. Aie ! J’ai l’estomac coupé par une barre. Mal de mer ! Aurais-je ou n’aurais-je pas ? Les lames deviennent énormes, elles nous lancent en l’air et nous retombons en plongeant, cela quatre à cinq fois de suite. J’ai l’impression de la balançoire. Aurais-je ou n’aurais-je pas. Quelques instants de répit ; nouvelle suite d’escalades et de chutes. Décidément le spectacle est trop grand pour s’occuper du mal de mer. Un merveilleux coucher de soleil me vaut cette photo-ci. Que c’est beau ! A droite de l’estuaire, se montre St Malo, entouré de remparts et surmonté élégamment par la flèche en dentelle transparente de sa cathédrale. Plus près de nous St Servan. A gauche et sur la hauteur, Dinard et ses hôtels fastueux. En face la mer bleue et verte, parsemée d’îlots roses et mauves surmontés de la masse grise de vieux chateaux-forts. Un ciel orange et pourpre couvre ce luxe de couleurs d’un dôme lumineux. Que c’est beau ! Fini le mal de mer ! Cette féerie est trop captivante et je songe : Si Ella voyait ça, comme je serais heureux ! Qui sait peut être plus tard…..Espoir, petite lumière bleue, factice, dans un avenir incertain, si trouble. Assez de philosophie car demain le 29 août – Je dois encore te montrer le Mont St Michel. Après trois heures de voyage sur de petits chemins de fer aussi poussifs que locaux, l’imposant spectacle se dresse devant nous. Sur une grève immense, désert de sable blanc, jaillit un énorme rocher, où, pareilles à des coquillages, se collent les maisons. L’Abbaye élégante et compliquée, surplombe le village et se termine par une flèche fine qui achève à 173 mètres de haut, la ligne gracieuse du Mont. Sur le quai, nous attendent une nuée de servantes d’hôtels qui crient toutes à la fois. Une seule porte, située au-dessus de la petite croix, donne accès au village. Nous voici dans une petite rue tortueuse, dépareillée par d’innombrables affiches. Une femme nous guette tous les cinq mètres et nous vante les splendeurs de son menu, ses « apéritifs de premier choix » ou ses « souvenirs du Mont » caquetage énervant. Que nous sommes loin ici de la sauvage grandeur de la Pointe du Raz. Après déjeuner (demander les omelettes de la mère Poulard) nous grimpons à l’Abbaye, c’est très zillerthall. Très imposant certes mais trop restauré et trop vide. Le mot zillerthall est dur, peut-être mais il est dû je crois, a cet aspect de marchandises qui nous obsède. Vers quatre heures on nous annonce que la « mer monte » ici je te dois une explication assez longue. Tu sais peut-être que la différence de niveau entre la haute et la basse mer est partout de 4,50 mètres environ. En trois endroits du globe, (Australie, Ecosse et Mont St Michel) l’eau monte à 12,50 mètres or ici la grève est uniforme et plate, de sorte que l’eau se retire à douze kilomètres environ. Donc, à marée basse, le Mont paraît s’élever d’un désert de sable, ensuite l’eau doit monter très rapidement, lors des fortes marées, à la vitesse d’un cheval au galop, paraît-il : c’est faux, elle fait de deux à huit kilomètres à l’heure. C’est de dire que l’on ne s’aventure pas impunément sur la plage traîtresse. Brusquement entouré d’eau de toutes parts, le voyageur est perdu sans retour car l’eau ne s’avance pas comme un rideau, tout d’une pièce. De la tour où nous sommes, nous la voyons au travail. Traîtreusement un bras d’argent s’avance sur le sable, à quelques kilomètres un autre flot se glisse. Voilà une immense presqu’île formée. L’isthme diminue. Les deux bras se referment. Voici une île, un îlot puis plus rien. Tiens, mais là il se fait la même chose. De sorte que, rapidement, toute la plage disparaît, tout calmement sans vague, en douceur. Ce phénomène intéressant m’a fait oublier, l’histoire amusante du guide qui nous a piloté dans les grandes salles. C’est le type parfait du concierge de la légende. Il s’arrête au milieu d’une place, attend que tous les visiteurs soient arrêtés autour de lui et sert son petit boniment « colonnes hautes de…style…siècle » Demi-tour et départ, arrêt brusque comme s’il avait oublié quelque chose « Il est à remarquer Mesdames et Messieurs que si les moines étaient de bons artistes, ils étaient aussi de parfaits artisans » Il y a quarante ans qu’il sort cette réflexion toute personnelle. Le guide du mont St Michel. (dessin du Dr Duivepart) 30 août. – Faut-il terminer en disant que les journées heureuses, n’ont pas d’histoire ? J’avais espéré que notre dernier jour se passa sans secousses, à flâner et à faire la sieste sur la plage de Dinard. Cela nous a réussi en tous points. Sans nous lasser d’admirer le splendide panorama que nous avions sous les yeux, j’ai pu pour ma part rester enfin un peu sur place, car la bougeotte de mon compagnon était plutôt un peu excessive. Nous voilà au bout de nos pérégrinations et de mon long récit. J’y ai mis tout mon cœur, et si ma plume m’a quelques fois fait défaut du moins cela excusera ceci. J’ai parfois été un peu long c’est parce que bien souvent, j’ai cru vraiment que je n’étais pas seul et cette conversation écrite m’a un peu consolé dans ma solitude affreuse. Je suis sur que pour cela même, ton cœur excusera ces imperfections, comme il l’a fait pour les miennes. Quelques travaux de recherches éffectués par le Dr Duivepart après la guerre. Extrait de la Revue belge de stomatologie, n° 2, 1931. UN MOYEN PRATIQUE DE REMINERALISATION Par Le Docteur R. DUIVEPART. Tous ceux d’entre nous, que le problème de la reminéralisation passionne, ont constaté les résultats inconstants donnés par les spécialistes à la mode. Thérapeutique médicale. Tome II. Aliments médicaments. 1930. Masson & Cie, éditeurs. Extrait de la Revue belge de stomatologie, N° 4, 1932. Revitaminons Par Le Docteur R. DUIVEPART Stomatologiste. Mes dernières observations ne faisant que confirmer les résultats décrits dans mon petit article
paru dans le numéro de juin 1931, je crois utile de revenir encore sur les résultats surprenants
que les stomatologistes, spécialement, obtiendront avec la décoction de céréales. Quel est l’intérêt de la décoction pour le stomatologiste ? Les résultats cliniques que je me suis permis de soumettre à l’appréciation des confrères dans
le numéro de juin 1931 de la Revue Belge de Stomatologie n’ont fait que confirmer
l’incontestable supériorité du mélange, par la persistance des beaux résultats. Passons au point de vue pratique. Là aussi je crois avoir réalisé un progrès depuis la parution du premier articulet. Les paysans donnent,paraît-il, de l’avoine germée à leurs poules, et ils savent ce qu’ils font
les paysans…..
Un reproche la recette est trop compliquée, toutes les mamans n’aiment pas perdre leur temps et
préfèrent donner un autre médicament. BIBLIOGRAPHIE : Dr L. Delattre, Bulletin de la Croix Rouge de Belgique, n° de décembre 1931 et
de décembre 1932. Journal Belge de RADIOLOGIE DENT INCLUSE PAR TRAUMATISME PAR LE Dr Duivepart, Stomatologiste (Bruxelles). Voici un cas qui intéressera, je l’espère, aussi bien les radiologues que les stomatologistes et
les confrères pratiquant la médecine générale. Il était prudent, vu l’âge du patient et les aléas de l’intervention, de pratiquer une
anesthésie générale. En plaçant l’ouvre- bouche, l’incisive droite se détache spontanément, sans
que l’instrument ne l’ait touchée ! J’essaie, en présence du Docteur G. Galand, d’extraire la
dent. Elle disparaît au premier attouchement ! Le fond de l’alvéole est béant. Où est le corps
du délit ? Dans le sinus ou dans le tube digestif, après être passée par le cavum ? C’est cette
hypothèse qui semble la bonne, car une radio de la tête faite vingt quatre heures après
l’intervention, donne un résultat négatif. La radiographie (fig. 2) montre, actuellement, après deux mois, la persistance de la cloison médiane et la disparition des rebords alvéolaires à la hauteur des deux incisives centrales enlevées.
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