Médecins de la Grande Guerre
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Le Docteur Reimond De Beir (1879 – 1945), médecin du camp de
Zeist. Auteur :
Dr.Paul- Bernard Mattelaer Le docteur Reimond De Beir était un brillant médecin de famille installé à Westkapelle
quand il partit, le 11 septembre 1914,
se réfugier avec sa famille à Soesterberg, près de Amersfoort en
Hollande. Quelques semaines après son installation, le Dr De Beir eut l’occasion d’observer, sans doute avec un
certain étonnement, l’exil de centaines de milliers de ses compatriotes venus le rejoindre en terre
hollandaise : un véritable flot de réfugiés et de soldats coupés de leur
retraite vers l’Yser déferla à travers la frontière dans les jours qui
succédèrent à la prise d’Anvers par l’ennemi le14 octobre 1914. Les soldats
belges furent considérés en Hollande, selon les conventions internationales qui s’appliquaient à un pays
neutre, comme prisonniers de guerre et ils
furent rassemblés dans des camps d’internement souvent improvisés
dans de vieilles casernes. Comme les
autorités hollandaises éprouvaient des difficultés à trouver des médecins qui
comprennent à la fois le flamand et le wallon, ils firent appel aux médecins belges qui se trouvaient parmi les
réfugiés. C’est ainsi que le docteur De Beir fut nommé officiellement médecin du camp au camp d’internement de
Zeist, près de Soesterberg et Amersfoort
Le docteur De Beir, né à Uitbergen en 1879, avait été
un étudiant très brillant à l’université de Gand. Il était polyglotte et avait
milité au sein du cercle « Rodenbach’s vrienden » pour la reconnaissance
de la culture flamande et l’emploi du néerlandais comme langue
d’enseignement à l’université de
Gand. En 1905, il s’était installé comme médecin de famille à Westkapelle près
de Knokke et en 1908 il épousa la fille
d’une riche hôtelière Berthe Baervoets.Cette famille possédait le « Grand
hôtel Des Bains » à Heist s/mer et
un important commerce de bois à Bruxelles. La famille Baervoets
vivait en été à Heist et passait l’hiver
à l’avenue Molière d’Uccle. La future
épouse du docteur De Beir avait fréquenté dans son adolescence les opéras de
Bruxelles. Comme beaucoup des clients de l’hôtel étaient des Allemands, les parents Baervoets avaient
jugé bon d’envoyer leurs enfants étudier
dans une école secondaire en Allemagne. Berthe devint vite une
excellente artiste qui chantait Schumann et jouait au violon. La famille Baervoets
parlait le dialecte flamand et le français : elle constituait un exemple
typique d’une certaine francisation
des Flamands «Nouveaux Riches ». Au contraire de sa
femme, le docteur De Beir, on l’a vu plus haut, était un adepte du « Mouvement
Flamand ». Après l’invasion de
Le camp de Zeist, dont le commandant était le capitaine Stoett qui devint rapidement l’ami
du Dr. De Beir, comprenait plus de 10.000 soldats. Comme la plupart avaient fui
Anvers, après la chute du port, ces soldats
qui n’avaient pas pu rejoindre l’ Yser furent nommés « les filets d’Anvers ». Une
vie de chien les attendait dans les camps. Un aumônier nota: “les soldats, traités comme des criminels,
sont logés derrière de hauts murs d’une immense caserne entourés de fils
barbelés et sévèrement gardés par des
soldats hollandais armés jusqu’aux dents”. La sous-alimentation et la maladie causent une importante morbidité et une
mortalité non négligeable parmi les militaires emprisonnés. Entre octobre et décembre le docteur De Beir
et son confrère examinèrent 11.305 patients. Les sacs de foin qui constituent
les matelas des prisonniers, sont régulièrement mis au feu pour éliminer des
insectes. Chaque rat capturé est récompensé. Un ami du Dr. De Beir, Monsieur Omer
Buyse,avant la guerre ancien directeur des écoles du Travail à Charleroi et
directeur de l’Enseignement Industrielle et des Beaux-Arts à Bruxelles, fut
témoin de l’abnégation du médecin et le surnomma « le Bon Samaritain ». Le 5
novembre, à cause d’ une querelle de fraude, une rébellion éclata dans le
camp. La répression fut sévère : 11
soldats belges moururent. Après la guerre, le docteur De Beir, installé à Knokke, reçut en consultation
beaucoup de militaires du camp de Zeist, en quête d’un certificat médical. A la
fin de l’année 1914, beaucoup de civils rentrèrent en Belgique. Du million de
Belges fuyant leur patrie pour
Le docteur De Beir était un grand amateur d’art
,,jouait au piano de la musique contemporaine de Debussy et fréquentait les artistes. Un de ses patients aux camps
n’était autre que le soldat Rik Wouters,
interné le 18 octobre 1914 dans le camp d ‘internement d’Amersfoort et le 2
novembre au camp de Zeist. Déjà durant la bataille d’Anvers, ce merveilleux
artiste peintre souffrait de céphalées rebelles.Sa femme Nel Deurickx qui était
en même temps son modèle s’était
installée à Amersfoort, non loin
de Zeist pour se rapprocher de son mari. Elle écrivit dans son cahier des notes: “Le docteur du camp (Dr.De Beir) lui donna un stock d’Aspirines et d’autres
médicaments”. Nel demanda par
l’intermédiaire du docteur de Beir au capitaine
Stoett un régime de faveur pour son mari, ce qui fut accordé. Rik Wouters fut nommé ordonnance du Capitaine. Cette faveur
lui donnait la permission de quitter le
camp de Zeist du matin jusqu’au soir dans un rayon de Le lendemain des funérailles, Nel, l’épouse de Rik
Wouters, envoya une lettre émouvante au docteur De Beir.
Le
16 Juillet 1916 Mon Cher Monsieur De Beir, Combien votre
hommage ému m’est allé au cœur je ne
saurai vous dire. Les mots je ne les ai
pas tous compris mais cette langue de Dans ces
moments là j’étais tellement calme et même Rik mort je ne pouvais pas
pleurer. Les jours suivants non plus, de
temps en temps quelques larmes puis c’était tout mais ce cortège ces soldats cette
Brabançonne et le corps de Rik qui glissait si doucement vers la terre c’était
pour moi le choc le plus affreux La
grande la vraie séparation en terre d’exil, à l’Etranger et je pensais à Rik
qui si souvent espérait rentrer guérir chez nous. Mon Cher Monsieur De Beir,
voulez vous remercier tous les camarades du camp de Zeist, pour leur si
cordiale attention Dites leur combien
elle m’a émue profondément et que je leur souhaite à tous le retour dans leur
foyer le bonheur de vivre près de leur femme et de leurs enfants. car la mort en exil est une double mort. Je
ne puis pas vous dire plus vous connaissez
assez les artistes pour savoir comment ils sentent. Dites pour moi ce que mon coeur reconnaissant
sent mais ne peut exprimer.
(signé)
Mme. Vve. Wouters. A partir de 1915 la vie devient plus régulière pour la
famille De Beir. Sa femme lui donna un quatrième enfant. Un de ses bons amis Omer
Buyse avait conçu deux villages pour les
membres de la famille des militaires internés: le village
« Elisabeth » à Amersfoort et le village « Albert » à
Zeist. Ces villages réalisés avec l’aide des ouvriers soldats des camps
contiennent des maisonnettes pour la famille des militaires emprisonnés, un
centre sanitaire, administratif, religieux, scolaire, hospitalier,un théâtre,
un cinéma, et des magasins. Il y avait
même une académie artistique. Un de ces élèves, nommé Pascal mais non
répertorié réalisa un portrait
remarquable du docteur De Beir. Le 3 novembre 1914 le politicien Frans Van Cauwelaert
visita le camp et fit la connaissance du docteur De Beir. Cet homme était connu par tous les Flamands
pour son « Programme Minimum » dans lequel il réclamait la néerlandisation,
dans le cadre des institutions belges, de la justice, de l’ armée et de l’
université de Gand. Ce Programme se distanciait de celui des Flamands du Front
(Fronters) et évidemment de celui des activistes (Collaborateurs). Le docteur
De Beir était modéré mais il n’hésitait pas à
défendre les intérêts de la culture flamande. C’est ainsi qu’il écrivit
à Van Cauwelaert sa rage d’avoir lu une critique acerbe du poète flamand Hugo
Verriest parue dans le journal
francophone l’Echo Belge du 5 août 1916 !
De Beir écrivit
à l’intention des soldats du front un livre intitulé « Manuel du
Brancardier » et « Eerste Hulp bij Ongelukken » avec
une préface d’ Omer Buyse et illustrée de 184 figures dessinées par son
ordonnance brugeois Leo Poppe. En 1916 il organisa une exposition “Soins pour enfants
en paroles et en images”. La princesse de Mérode honora de sa présence
le vernissage de l’exposition. De Beir organisa maints récitals du piano .Il fit
connaître aux Belges réfugiés la
musique contemporaine comme celle de
Claude Debussy. Il fait la connaissance
du peintre suisse François Gos, qui fit
un portrait de son fils dans le style « cubiste » Entre-temps un vieil ami du docteur,
l’architecte Huib Hoste de Bruges, s’ installa aussi à Zeist. Hoste
et De Beir découvrirent ensemble en Hollande le style révolutionnaire, dit “De
Stijl « de Piet Mondrian et de Theo Van der Doesburg et deviennent des
grands adeptes de ce mouvement constructiviste.
Omer Buysse prit l’initiative de construire un grand mémorial: le
« Monument Belge » comme éloge à l’aide néerlandaise aux réfugiés
belges. Le
docteur De Beir conseilla Omer Buyse et
l’Administration d’Amersfoort de prendre comme architecte Huib Hoste. Les bas-reliefs furent conçus par le peintre suisse
François Gos et le jardin fut dessiné par l’architecte paysagiste L. Van der Swaelmen
(1883-1929). En octobre 1916 la commune d’Amersfoort donne son
accord pour élever le monument belge sur
le plus haut point
de la colline d’Amersfoort. En 1918, ce grand monument moderniste fut
terminé. Mais à cause des difficultés diplomatiques après la guerre, le
Monument ne sera inauguré que le 22 novembre 1938 par le Roi des Belges et Quant à la
famille De Beir, elle ne reçu la
permission de quitter Réf. :P.B.Mattelaer,Dokter Reimond De Beir,arts te Knokke
(1879-1945).Deel1, Jeugd,Westkapelle
en Holland (1879-1919).Cnoc is ier,Jaargang van de Heemkring
Knokke,nr.39,2002,p.34-52. L’Auteur est
le Petit-fils du Dr.R. De Beir. Adresse : Lorkendreef,11 8200 Brugge |