Médecins de la Grande Guerre
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L'expédition de l "Anna" (Photos Francis De Look, texte Smeers Raymond, Loodts Patrick) En décembre 1916, un Liégeois, M. Jules Hentjens, avait appris que le pilote du remorqueur allemand Anna, était un batelier alsacien qu'il avait lui-même remorqué sur la Meuse avant 1914. Cet homme s'appelait Joseph Zilliox et avait été enrôlé malgré lui dans l'armée du Kaiser. Les deux hommes se rencontrèrent et Joseph Zilliox , décidé de passer en Hollande, consentit à emmener des passagers sur son bateau. Malgré les dangers auxquels s'exposaient les organisateurs de pareilles entreprises, M. Hentjens convaincu de la bonne foi de Zilliox, prévint discrètement quelques amis dont M. Paul de Pollignie et M. Jean Thonnart, professeur à l'Académie des Beaux-arts de Liège. Comme c'était alors par milliers que se comptaient ceux qui désiraient aller s'enrôler dans les rangs de l'armée belge, les organisateurs de l'expédition eurent bientôt inscrit une quarantaine de jeunes gens et le départ fut fixé au 4 décembre dans la nuit. Ce soir là, Zilliox mêla à la boisson de son mécanicienn et de son aide un soporifique qui les endormit pendant quelques heures. Grâce à cela, 42 personnes purent s'embarquer à bord de l'Anna sans être remarquées et, à minuit, le remorqueur se mit en route vers Maestricht où il parvint sans encombre. M. Jean Thonnart, professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Liège, l’un des organisateurs de cette équipée, raconta cette épopée dans le journal "La Volonté" en date du 1° janvier 1932. (Ce journal aujourd'hui disparu, défendait les intérêts desVolontaires de la guerre 14-18): Après de multiples tâtonnements, le départ est fixé au 5 décembre 1916. Le remorqueur « Anna » qui devait servir au passage est amarré à Devant-le-Pont. Toutes les précautions sont prises. L’Alsacien Joseph Zilliox et Paul de Pollignie dit « Arthur » semblent indécis ; les bateliers prétendent, en effet, que les eaux sont trop basses et que jamais nous ne passerons. Moi, j’ai pleinement confiance ; quelque chose me dit que l’on doit réussir, et je décide l’Alsacien à venir avec moi relever le niveau de la Meuse à l' écluse de Visé. Après une marche pénible par les champs, les jardins et les chemins détournés nous arrivons près de la maison de l’éclusier. A l’aide d’une longue perche, nous sondons le fleuve : il a 2 mètres 24 de profondeur, alors que notre « Anna » ne jauge que 1 mètre 90 avec chargement ; nous devons passer, l’Alsacien est de mon avis, donc l’expédition est décidée. Nous ouvrons l’écluse d’amont très tranquillement ; puis dans la nuit noire, m’orientant je ne sais trop comment, je finis par retrouver la maison où l’on conspire. Paul de Pollignie ne sait cependant encore quel parti prendre mais moi je suis décidé. Je divise mon monde en trois groupes et je pars avec le premier groupe pour l’embarquement. Tout est calme, seules les lumières du nouveau pont allemand mettent des points lumineux dans la nuit. Je marche lentement en tête de mon peloton silencieux ; sans encombre nous arrivons au bateau où l’Alsacien nous attend, puis je retourne, toujours par le chemin des champs, chercher le 2e groupe. J’ai une telle confiance et je me sens si bien en sécurité dans cette zone interdite que je décide de conduire ensemble le 2e et 3e groupe. Malgré le grand nombre de personnes se suivant dans de mauvais chemins de halage, tout se passe dans le calme le plus absolu. Paul de Pollignie passe le dernier sur la frêle planche qui nous relie à la rive. Mais arrivé sur le pont du remorqueur, l’Alsacien m’explique que dans la cabine arrière un des boches se remue et ne semble pas du tout anesthésié comme il aurait dû l’être par la boisson ingurgitée. Rapidement, nous décidons de faire descendre les passagers dans la partie centrale du remorqueur réservée au charbon et au chauffeur. Et à la grâce de Dieu : il faut agir ! Nous retirons la planche qui nous unis à la berge et nous poussons le bateau au milieu du bief. Paul de Pollignie est près de moi à l’avant du bateau. En ce moment, une forme blanche émerge du capot arrière, c’est le boche qui s’est réveillé et qui vient prendre l’air sur le pont pour lutter contre les influences du narcotique ; il lui semble très étrange que son bateau ne soit plus amarré. Nous n’y prenons garde, et le boche se tait. Je me suis couché sur le pont avant, de Pollignie est près de moi ; J’arme mon revolver pour parer à toute éventualité. Heureusement, car le boche qui s’est ressaisi se précipite vers moi, mais je n’ai pas même le temps de le viser, l’Alsacien l’a terrassé et lui a entouré la tête de son veston ; de Pollignie lui saute à la gorge, puis pendant que je lui maintiens les mains ; le malheureux hurle et râle pitoyablement, de Pollignie desserre son étreinte, et l’Alsacien lui promet la vie sauve s’il consent à passer avec nous en Hollande. Le boche, qui venait de voir la mort de près, accepte sans discussion ; nous le descendons à fond de cale et je lui laisse une garde avec consigne de l’abattre au moindre mouvement de rebellions. Dans les environs, les sentinelles allemandes n’ont sans doute rien entendu, car elles continuent leur lente promenade, inconscientes du drame qui vient de se passer. Mais il y a encore deux boches sur le bateau. Pour éviter toute nouvelle surprise, nous les éveillons, le canon du revolver sur la tempe et, bon gré mal gré, ils acceptent de passer avec nous en Hollande ; Le chef de l’équipage boche, malgré que je le sente encore hostile, donne sa parole de se tenir coi, une garde, revolver au poing l’empêcherait d’ailleurs de faire un mouvement. Nous sommes maintenant maîtres du bateau. L’Alsacien va chercher trois barques qu’il amarre aux flancs de l’Anna. Pendant ce temps, notre chauffeur s’évertue à faire monter la pression dans la chaudière, mais il ne s’y connaît pas du tout. Nous n’avons plus de temps à perdre. Je retourne près de l’Allemand à moitié étranglé, toujours haletant, et je lui intime l’ordre de venir reprendre son poste de chauffeur. La crainte le fait céder. Il se met aussitôt à la besogne et obtient un feu magnifique ; la pression commence à s’élever. De Pollignie, M. Collette et moi, nous revêtons les capotes grises des « feldgrau » du bord et, fusil en bandoulière, nous commençons la manœuvre. L’Alsacien est à la barre. Très doucement, nous entrons dans le sas de l’écluse. Nous refermons la porte amont et nous ouvrons les fenêtres d’eau ; mais, soit que celles-ci, ouvertes trop rapidement, aient été la cause de remous violents, ou bien ai-je donné trop peu d’amarre au bateau, toujours est-il que celui-ci vient écraser avec fracas, contre le mur de l’écluse, la barque attachée à son flanc droit. Les sentinelles allemandes de la rive assistent à cette étrange manœuvre de nuit, sans sourciller, sans un mot, sans un geste. Nous ouvrons maintenant la porte aval et enlevons les amarres. La pression de la chaudière est de dix atmosphères. Impassible, l’Alsacien donne le signal du départ. Nous quittons doucement l’écluse et nous voici en pleine Meuse. Déjà le nouveau pont de Lixhe est dépassé, l’allure s’accentue et bientôt nous filons sur l’eau glauque. Les lumières du poste frontière semblent accourir vers nous. Mon fusil d’une main, ma montre de l’autre, je suis couché à l’avant du bateau, et je m’évertue à ne penser à rien. Tout à coup, une immense étincelle jaillit : il est 5 heures 27 du matin, le câble électrique est coupé : une deuxième étincelle plus faible se produit, c’est le câble protecteur qui cède également. L’Alsacien pousse un cri de joie et lance des imprécations vers les Allemands que l’on voit courir sur la berge ; à ce moment l’hélice s’enroule dans le câble qui vient d’être rompu et brise le gouvernail. L’Anna file cependant toujours. Les Allemands qui commencent sans doute à se rendre compte de ce qui se passe, nous éclairent de leurs projecteurs mais ne tirent pas. Heureusement pour nous, le remorqueur s’en fut tout seul s’immobiliser dans la vase à une trentaine de mètres de la rive hollandaise où nous débarquions en poussant des hourras frénétiques. Zilliox revenu plus tard en Belgique comme attaché au service d'espionnage des Alliés, fut arrêté, condamné à mort et exécuté à la Chartreuse de Liège le 25 juillet 1917. M. Hentjens put se soustraire aux recherches de la police allemande, en se rendant en Hollande un mois plus tard par le même moyen, mais d'autre Belges furent impliqués dans cette affaire et sept d'entre eux furent fusillés: MM. Camille Henrotte, Clément Lecocq, Jean Lejeune, Jacques Lelarge, Adrien richter, Henri Watelet et Godfried Wiertz. On voit à quoi s'exposait en secondant nos jeunes gens qui voulaient aller défendre leur partie! L'expédition de l'atlas V La seconde échappée par voie fluviale eut lieu quelques jours plus tard. Dans la nuit du 3 au 4 janvier, profitant de la crue de la Meuse, 107 personnes, dont deux dames qui allaient rejoindre leurs maris, purent se rendre à Eyden à bord du remorqueur Atlas V. Comme en décembre, ce fut M. Jules Hentjens qui organisa ce départ. Pour garder cet exploit dans la mémoire de la postérité, un important pont de Liège fut appelé du nom d' Atlas V. Le temps cependant continue à faire son oeuvre car bien peu de Liégeois connaissent encore l'exploit ancien caché derrière le nom de l'Atlas V qui mériterait sans aucun doute de revivre dans un étonnant film d'aventure... La stèle commémorative en souvenir de l'Atlas V. (Photo F. De Look) De cette rive, sous l’occupation ennemie, le 3 janvier 1917, à minuit, profitant d’une crue des eaux, partit l’Atlas V, remorqueur commandé par son capitaine Jules Hentjens, promoteur de cette expédition qui emportait vers la Hollande, outre son équipage, 103 passagers dont 94 recrues pour le front. Signalé dès Argenteau, poursuivi par un auto-canot qui sombra dans son sillage, L’Atlas V éventra le pont-rails de service sous Visé, arracha la chaîne et les fils électrisés formant barrière, coula un ponton monté et armé de mitrailleuses, échappa à une intense fusillade et aborda victorieusement à Eisden ( Hollande) à une heure. Tel est le texte que vous pouvez lire sous le mémorial de l’Atlas V scellé dans le garde-fou du pont portant le même nom pour rappeler un des plus beaux exploits réalisés par des civils au cours de la guerre 1914-1918. Le Capitaine : Le vaillant capitaine Jules Hentjens est né le 13 février 1883 à Herstal, quai du Bassin dans la maison Delaveux. Son père était maître-batelier. En 1916, il a 33 ans, est marié et père de trois enfants. Déjà, dans le milieu des affréteurs et des pilotes de Meuse, il est réputé pour son audace, son endurance et la hardiesse de ses idées. Jules Hentjens mourut le 2 août 1938 à l'âge de 55 ans. Le bateau : L’ATLAS V à quai. Un remorqueur appartenant à la firme Gilman : 5 M 50 de large, 23 M 50 de longueur, 3 M 50 de hauteur de soute et 35 HP de force motrice. L’Atlas V nécessitant des réparations importantes et de longues durées quitte le port de Renory et est amarré en amont de l’écluse Sainte-Foy. Les Allemands paieront les frais pour la remise à neuf du bateau soit une somme de 8.500 frs. Le remorqueur « Atlas V » amarré en face du café Warnier à Eysden (Hollande). (Livre d’Edouard Dehareng, "L’odyssée du remorqueur Atlas V" – Imprimerie Wagelmans à Visé) Cloche François Chaudoir.
1781 Bronze - Pas de battant Rectorat du Sanctuaire de Banneux Notre-Dame À l'origine fondue pour la petite
chapelle de Méry (Esneux), cette cloche fut vendue au
début du xxe siècle au profit d'une
nouvelle cloche plus grosse. En 1908, la société d'affrétage
Gilman Frères l'acquit pour la placer sur un de ses remorqueurs, l'Atlas IV. À la vente de l'Atlas V dans les années 1930, la famille Gilman récupéra la cloche. Après l'avoir proposée sans succès à différents couvents et paroisses, André Gilman, un des descendants, en fit don, entre 1964 et 1969, au Sanctuaire de la Vierge des Pauvres à Banneux. Elle est aujourd'hui suspendue au mur d'angle de l'enclos Saint-Joseph proche de la maison de Mariette Beco. L’odyssée de l'Atlas V racontée par Raymond Smeers: ( d'après les renseignements fournis par Jean Hentjens, fils du capitaine) Au début de la première guerre mondiale, de nombreux jeunes hommes franchirent la frontière hollandaise pour se soustraire aux contraintes de l’occupant. Certains rejoignirent les combattants en France, d’autres se rendirent en Angleterre. Jules Hentjens étudiait un projet important et audacieux : remplir un remorqueur plus grand que l’Anna et favoriser l’émigration d’un grand nombre de recrues. Plusieurs raisons le forçaient à ne pas tarder pour réaliser ce plan magnifique : -
Les policiers « boches » recherchaient, parmi les bateliers,
quels étaient ceux qui auraient pu prêter leur concours à l’évasion de
l’Anna. Prévoyant autant que téméraire, il avait paré à toute éventualité. Ne négligeant aucun détail, le capitaine avait estimé à quelques centimètres près le passage du remorqueur sous le pont de service que les Allemands avaient construit en aval de Visé. Il avait fait placer des plaques de fer et des couvercles de caisses à charbon autour du gouvernail pour protéger le pilote. Il s’était même assuré le concours d’un suppléant, Charles Balbour, cantonnier des ponts et chaussées, qui en raison de ses fonctions, connaissait bien le cours de la Meuse. Le départ fut fixé d’abord au 24 décembre mais la Meuse avait grossit de façon extraordinaire et il eut été impossible de passer sous les ponts ; il fallut attendre une légère diminution de la crue. Escomptant le moment favorable mais redoutant une trop grosse baisse des eaux, Jules Hentjens décida le matin du 3 janvier 1917 que l’on partirait le même jour à minuit. Les Allemands de leur côté, jugeant qu’était venue l’heure pour l’atlasV de reprendre le service, à la même date du 3 janvier Hentjens reçut des ordres de la direction allemande (Hafenamt). Il répondit : « Je vous donne ma parole de Belge que demain, à 8 heures, j’aurai levé l’ancre ». Il fallait donc faire diligence : mettre les machines sous pression, et venir s’amarrer dans la Meuse même, en amont du tir Communal. Il fallait aussi aviser et rassembler rapidement les volontaires et leur donner les dernières instructions. Les rendez-vous avaient lieu en divers points de la ville, à partir de 8 heures du soir. C’est à ce moment-là seulement que la plupart d’entre eux apprirent comment et à quel endroit ils devaient s’embarquer. Ce fut donc en l’espace de trois heures environ que les 107 passagers se glissèrent le long des quais de la Meuse, sans attirer l’attention des sentinelles, pour disparaître à l’intérieur de l’Atlas V. C’est un fait merveilleux et presque incompréhensible que les factionnaires allemands postés à l’écluse du canal, à l’endroit même où la plupart des recrues devaient passer, n’aient pas remarqué ces noctambules suspects. On s’étonne de même lorsque l’on constate que les sentinelles du Jardin du Tir, à proximité du remorqueur, ne se soient pas aperçues de ce mouvement insolite à des heures aussi tardives. Ne faut-il pas en rendre hommage à l’habileté, à la discrétion et l’ingéniosité des organisateurs ? Il était près de minuit lorsque les factionnaires de l’écluse de Coronmeuse durent quitter leur poste pour être remplacés par d’autres. C’est à ce moment-là que l’Atlas, qui était à pression maxima et machine en état de marche ( soins qui furent assurés par le mécanicien Jean Job), se laissa aller au fil de l’eau jusqu’en aval du Tir, afin qu’aucun bruit ne fut perçu du poste allemand, et alors, il fit doucement un tour sur lui-même et prit le courant violent de la Meuse. La manœuvre avait été accomplie sans bruit, la crue du fleuve permit une fugue tellement rapide que la vigilance de l’ennemi ne fut éveillée que bien loin au-delà du pont de Wandre. Celui-ci étant assez bas, l’espace pour la taille du remorqueur étant tout à fait juste, le matelot, Raoul Longueville entra dans la cheminée afin que celle-ci fut baissée bien à fond. Il semble qu’il ne fut aperçu ni dans la longue traversée d’Herstal, ni du côté de Jupille, et ce fut à Argenteau que le capitaine entendit le sifflement des premières balles. Il s’en fallut de peu que le bateau n’arrivât en Hollande sans que les nombreux postes chargés de veiller sur les deux rives de la Meuse se fussent doutés du fameux tour que les Liégeois leur jouaient. Cependant l’ennemi disposait de puissants projecteurs. Ce fut de la rive gauche, probablement du côté de l’ancien fort de Pontisse, que les rayons lumineux éclairèrent l’Atlas V et le suivirent sur tout son parcours, permettant ainsi aux mitrailleuses de diriger un feu incessant sur le bâtiment flottant qui faisait du 45 à l’heure. Des balles atteignirent les flancs du remorqueur ainsi que les tôles qui entouraient le capitaine et son aide. Des mitrailleuses lancèrent des volées qui se bornaient cependant à soulever des gerbes d’eau dans les flots de la Meuse. Jules Hentjens, gouailleur, à chaque coup de feu, à chaque détonation n’avait à la bouche qu’un joyeux défi : « Trop petits, les amis ! » Mais les passagers de l’intérieur qui, ne voyant rien, entendaient cependant la fusillade ne se trouvaient pas à l’aise. Toutefois ils gardaient pleine confiance, encouragés par les plus vaillants d’entre eux ; le calme le plus complet régna constamment parmi eux. De nouvelles alertes devaient cependant les mettre encore à une dure épreuve avant qu’ils eussent atteint le but de leur équipée. Hentjens savait que les barrages du fleuve étaient couchés, il n’ignorait pas que la Meuse, au moment de ses grandes eaux avait assez de fond du moment qu’il évitait certains îlots aux approches de Hermalle, d’Argenteau et de Visé, mais tous ceux qui connaissaient la violence du courant de la Meuse à la période des crues, les bateliers surtout, dont la compétence savait apprécier les dangers auxquels l’Atlas V s’exposait, ne pouvaient que trembler au souvenir de la course vertigineuse d’un bateau qui emportait en pleine nuit un si grand nombre d’hommes. Un auto-canot le poursuivit mais coula dans son sillage. Une difficulté sérieuse devait se présenter : l’Atlas V allait rencontrer, en aval du pont de Visé, un pont de service construit par les Allemands. A la rigueur peut-être et par temps calme, si les eaux n’eussent pas été agitées, si le cours n’en avait pas été si rapide et si l’on eût eu le temps de passer avec lenteur, il eût été possible au remorqueur de glisser sous une travée de ce pont, mais le capitaine ne pouvait même pas penser à des précautions et il lui était particulièrement agréable d’espérer que son bateau violemment entraîné, se précipitant avec une vitesse qui le rendait irrésistible, réussirait encore un beau coup en culbutant le pont de l’ennemi. Il fonça droit sur une des arches, arrachant l’un des piliers et faisant céder le pont sur une longueur de 20 mètres. La violence du choc avait été telle que le remorqueur fit un recul. C’est alors que les passagers bousculés à l’intérieur, s’apercevant d’un changement d’allure, mais n’en comprenant pas la cause, crurent que leur dernière heure avait sonné. Quant au Capitaine, resté maître de son gouvernail sans avoir endommagé notablement son remorqueur, il poursuivit sa course, heureux et fier de la « belle ouvrage » qu’il venait de faire pour l’ennemi : madriers, rails, poutrelles en fer et mitrailleuses placées sur le pont ayant disparu dans la Meuse. A quelques centaines de mètres de la frontière hollandaise, l’ennemi prévoyant avait placé sur la Meuse un radeau-phare. Le téléphone avait prévenu les postes de cette région, la course affairée des sentinelles et des autres soldats avait réveillé les derniers villages que la Meuse arrose avant d’entrer en Hollande. Toute la population frontière fut terrifiée en entendant le crépitement des balles dirigées contre le bateau « fantôme ». Les sentinelles ont pris place sur le radeau qui se trouve là pour garder le passage de la Meuse. Hentjens a vu l’obstacle, il se dirige droit vers le radeau, le bouscule et le culbute. En un clin d’œil tout a disparu : mitrailleurs et mitrailleuses son engloutis ! Restait à l’extrême limite de la frontière belge, un câble électrique et des chaînes traversant la Meuse dans toute sa largeur. C’était une dernière barrière à franchir. De nouveau, la violence du bateau poursuivant sa course à toute vitesse rompit le câble et les chaînes mais encore une fois le choc fut terrible et les passagers de l’Atlas éprouvèrent une de ces émotions qui font croire à la fin dernière. Il était une heure environ. L’Atlas avait quitté Liége vers minuit et la fusillade des Allemands continuait. Tandis que la sirène du remorqueur retentissait comme un cris de triomphe et de victoire, une bonne partie de la population d’Eisden, première commune de Hollande, était sur pied. La foule sympathique acclamait les passagers qui débarquaient sains et saufs après cette folle randonnée. Ces derniers dans une joie délirante, se sentaient enfin libre et respiraient à l’aise après avoir failli étouffer, entassés qu’ils étaient dans les flancs du remorqueur. Ils déploient le drapeau belge, ils chantent la Brabançonne. Ils sont 107 : parmi eux il y a deux femmes et deux enfants.(d'après " L'Atlas V", sans nom d'auteur, Ed. imp Vonnêche, fils Liège 1930) En plus des quatre membres d’équipage, on dénombre 5 herstaliens (Goderniaux Jules – Lambrecht Jacques, médecin-oculiste – Moray Joseph – Mottard Gaston – Pâque Jules) , 4 habitants de Vottem, 32 Liégeois, mais aussi des passagers venant des environs de Namur, Bruxelles et Tongres. Sur le sol hollandais où ils débarquent, les fugitifs sont chaleureusement accueillis au café Warnier. Réconfortés et remis de leurs émotions, ils sont dirigés vers la demeure d’un compatriote, un industriel du nom de Watrin (1) qui leur procure gîte et couvert. A Liège, des les premières heures de la journée du 4 janvier 1917, la nouvelle de la miraculeuse réussite était connue. Les autorités allemandes se trouvaient grandement marries de s’être laissé refaire de si magistrale façon. Toute la « Polizei » fut mobilisée. Le propriétaire de l’Atlas V fut obligé par l’armée allemande de se rendre à Eisden pour y reprendre possession de son bateau et le ramener à Liège où il arriva quatre jours plus tard. En 1930, il naviguait toujours comme remorqueur sur la Meuse. La famille Hentjens fut évidemment suspectée, l’épouse et la sœur du capitaine arrêtées. Elles subirent des condamnations très lourdes variant de 10 à 13 ans de prison. Un des fils du capitaine, Edmond, alors bébé, vécut six mois en détention avec sa maman. On arrêta notamment Mme de Laminne, MM. Pirlot, Derwa, l'abbé Lemmens et d'autre prêtres. Ils furent condamnés, quelques semaines plus tard, à des peines sévères. Anecdote : quand une famille de héros disloquée par la guerre se retrouve réunie par le plus grand des hasards sur une route! Madame Jules Hentjens, l’épouse du capitaine de l’ « Atlas V » Le 11 novembre 1918, c’est l’Armistice, Madame Hentjens et sa belle-sœur sont libérées. A pied, elles empruntent la route vers Liège se partageant leur précieux fardeau, le petit Edmond. Madame Goesels, une condamnée à mort qui milita dans les rangs de la « Dame Blanche » les accompagne. Le même jour, Jules Hentjens franchit la frontière à Petit Lanaye et rentre au pays. A Liège, il rencontre le curé de la paroisse St Antoine, l’abbé Borguet qui lui résume la situation. Après s’être enquis du sort de ses enfants internes au pensionnat, il se dirige vers Bruxelles à la recherche de son épouse, de son fils et de sa belle-sœur. Le hasard qui fait parfois bien les choses les réunit sur la route au-delà de la commune d’Oreye. L'épopée de l'Atlas V au cinéma et en littérature L’épopée de l’Atlas V, outre son succès littéraire, connut, à deux reprises, les honneurs du cinéma. En 1925 fut tournée une première version muette. Les rôles importants avaient été confiés à des artistes herstaliens notamment Alice Bodson de la rue Petite-Voie, Nicolas Adam de la rue du Crucifix et, dans le rôle d’un officier allemand, Guillaume Espreux. La projection de ce film eut lieu rue Hoyoux, n° 153, dans la salle Herstal-Palace, exploitée à l’époque par la famille Lambrecht. Une seconde version, titrée « Passeur d’hommes » fut mise en chantier en 1937, par la firme Sobel Films, production Neveu et Geunis. Le remorqueur appartenant à la famille Savelkoul fut choisi pour simuler l’Atlas V. Les prises de vues débutèrent le 24 juin. Monsieur Pierre Savelkoul, une moustache appliquée sous le nez « à l’aide de sirop vieux système » (sic), remplit, à merveille et à s’y méprendre, le rôle du capitaine Hentjens. Il était assisté par ses fils Edouard et Hubert, l’un machiniste et l’autre mécanicien. Cette séquence stupéfia les cinéastes, dans la mesure où elle ne nécessita qu’une seule prise de vues. Partant de l’île Monsin, les hommes du génie, placés placé sous le commandement du major Van Gool se rendirent, avec leurs bateaux, jusqu’à l’île de Franche Garenne à Hermalle-sous-Argenteau, point de départ de leur participation à l’action du film. Dans la distribution, on relevait les noms de Constant Remi, Blanchette Brunoy et Gustave Libeau. Le film sortit simultanément dans les salles du Caméo et du Carrefour, le 31 décembre 1937. La famille Savelkoul obtint deux invitations gratuites ! Elle dut attendre le 8 février 1938 pour toucher la somme de 3.177 frs 50, montant dû pour sa collaboration au tournage du film. (1) Une famille peu banale: les Watrin Joseph Watrin est né à Grivegnée en 1857. Il s’établit en Hollande avec sa famille. Homme d’affaires avisé, il se trouve rapidement à la tête d’une entreprise prospère. Dès la déclaration de la guerre, sa bourse et sa demeure sont à la disposition des patriotes franchissant la frontière. Lorsque est créé le « Dubbeltje Belge » une de ses filles, Joséphine, devient un membre très actif de ce comité d’aide aux futures recrues pour le front. La famille au grand complet y collabore. Une pièce, très rare aujourd’hui, adressée, en reconnaissance, à Melle Watrin Joséphine par l’œuvre de « Secours et d’Alimentation » sera offerte à la Société Royale « Les Amis du Musée Herstalien » par les petits enfants Watrin. Un de ceux-ci, Monsieur Watrin Henri expliqua en 1988 dans un document l'origine de l'installation de sa famille en Hollande et l'accueil incroyable que celle-ci fit aux Belges débarquant de l'Atlas V: C’est à Eisden (L.H.) en effet, que nos grands-parents s’installèrent dès leur mariage. Outre le foyer qu’ils désiraient fonder, ils créèrent ce qui devint par la suite, l’importante fabrique familiale : la Tonnellerie V. Watrin et fils. Mon grand-père, tonnelier de son état dirigea son entreprise d’une poigne de fer jusqu’à sa mort. Nos grands-parents réussirent donc leur double but…car, parallèlement huit enfants naquirent de leur union. Les enfants grandirent et connurent très tôt les rigueurs d’une éducation toute imprégnée des vertus prônées en permanence par leurs Wallons de parents ! Probité, civisme, patriotisme, et j’en passe, devinrent les leitmotivs qu’ils inculquèrent à leur progéniture. « NOS ESTANS DES WALLONS , N’ EL ROUVIS MAYE ! » (Nous sommes des Wallons, ne l’oubliez jamais). Dès l’invasion allemande, c’est donc tout naturellement, que cette « tribu » de Wallons se dévoua corps et âme afin d’aider leurs malheureux compatriotes. La maison devint rapidement le rendez-vous des réfugiés passant par Eisden. Le « DUBBELTJE BELGE » fut l’une de leurs activités. Ma mère et ses sœurs en furent les principales animatrices, sans en avoir cependant le monopole ! Nombreux furent en effet les Hollandais qui se dévouèrent sans compter. Mais arrivons…, enfin, à l’anecdote, motif de cette lettre, et reparlons de l’incroyable odyssée du remorqueur Atlas V. Je ne tracerai pas l’historique, d’autres avant moi s’en sont parfaitement chargés et avec quel talent ! Arrivons-en tout simplement à l’abordage à Eisden. Pays neutre et ami. De ce glorieux bateau, criblé de balles, véritable passoire flottante, émergea l’héroïque commandant, son valeureux équipage et son précieux contingent de réfugiés tous plus morts que vifs, transis et affamés… Ils furent illico conduits par une escorte de villageois enthousiasmés, jusqu’à la maison familiale. Malgré l’heure tardive, nos grands-parents et leurs enfants étaient près à recevoir dignement leurs hôtes. Amphitryons d’occasion, ils préparèrent de mémorables fricassées au lard, festin que nos affamés dévorèrent, les larmes aux yeux…Le café, le pèkèt arrosa ce repas rabelaisien, mémorable « grande bouffe » ! On en parla longtemps après, de Liège à Maastricht… Bien des années plus tard, ça devait être en 1934-1935 ? et j’avais 7 ou 8 ans. Ma mère et moi rendîmes visite à un vieux marinier. Il habitait près de l’église Ste-Foi, juste en face de la fonderie de canons. Coiffé de sa légendaire casquette, très ému, il nous étreignit à nous étouffer ! Je me souviens qu’il appela ma mère « sa chère Joséphine ». La chère Joséphine, rouge de plaisir, me dit ; regarde bien m’fi, c’est lui le fameux commandant de l’Atlas…Jamais je n’oublierai cette rencontre. Si ma mémoire est fidèle, il devait s’appeler Hentjens ! Je n’en suis plus très sûr ? Pardonnez-moi Watrin H. N.B. : La tonnellerie familiale à son apogée, vers 1900, occupa plus de 100 ouvriers, tous recrutés par le grand-père dans la CITE ARDENTE ! …Mon grand-père, originaire de Grivegnée, Wallon à 100%, n’accepta jamais de parler autre chose que son wallon natal…Il tolérait le français, à la rigueur ! Il accepta plus tard que ses enfants en âge d’école, parlent le néerlandais !…Mais uniquement comme troisième langue…NOS ESTANS DES WALLONS EDON ! NEL ROUVIS MAYE…(nous sommes des wallons n’est-ce pas, ne l’oubliez jamais) Le grand-père s’éteint à Eisden en 1920. Après la guerre, Joséphine, sa fille, devenue veuve, rentre au pays et se remarie. De cette union avec un liégeois, naissent une fille et un garçon. Le fils, Henri, auteur de la lettre, s’établit, après son mariage, à Pepinster. Signalons pour terminer que la descendance de Jules Hentjens est restée dans la commune d'Herstal. Les Herstaliens peuvent peut-être déplorer qu’aucune rue, avenue ou place publique ne porte le nom du vaillant capitaine de l’Atlas V, Jules Hentjens. Le pont Atlas en 2003. (Photo F. De Look) Autre témoignage. La nuit du 3 au 4 janvier 1917, A BORD DE L’ATLAS V. Lettre de M. Jacques Lambrecht, oculiste, rue Hoyoux, 209 à Herstal qui faisait partie de cette célèbre odyssée qui fut remise par M. Jules Pâques. Elle contient le récit du dangereux voyage et les impressions de son auteur. « Depuis longtemps, l’expédition est projetée. On attend pour le départ, le moment propice, c’est à dire les inondations de la Meuse. Le 3 janvier 1917, tous les passagers reçoivent l’ordre de rejoindre le remorqueur, amarré près de l’écluse car celui-ci, réquisitionné par les Allemands doit quitter Liège pour Namur à 4 heures du matin. Coûte que coûte, il faut donc risquer l’aventure cette nuit. L’embarquement commence à 5 heures de l’après-midi. Il est 8 h 30 lorsque avec mes amis nous avançons silencieusement dans le vent, la bruine et l’obscurité le long du tir communal. Nous approchons de l’écluse ; une silhouette noire se découpe sur le ciel gris : c’est l’Atlas V, celui qui sera notre sauveur. Nous prononçons le mot d’ordre : qué novelles, va-t-on so Nameur ? (quelles nouvelles, va t’on sur Namur) Nous glissons sur la planche en nous servons du guide mains et nous disparaissons dans la cabine arrière. Déjà sont entassés une trentaine de concitoyens attendant anxieusement le départ. Il y en a autant dans la cabine arrière. Les arrivées se font plus rapides, le dernier se présente à 10h15. Tandis que les Allemands du poste voisin à 50 m de nous dormaient à poings fermés, notre machine ronflait et dans le fond du remorqueur, les cœurs de 103 Belges battaient à l’unisson, enivrés par l’espoir d’une prochaine délivrance. Un bruit spécial se produit… « on part ». Non c’est une fausse alerte. Ce sont les tôles d’acier que l’on amène sur le front pour protéger les pilotes. Tout à coup le signal est donné. Les visages s’illuminent. Je consulte ma montre : il est 11 h 33. Les amarres sont levées. L’Atlas glisse silencieusement jusqu’au milieu de la Meuse. Adieu ville de Liège. La sentinelle allemande du tir communal ne nous remarque pas. Lorsque nous avons parcouru à peu près 200 m, la machine est mise en marche. Un des voyageurs faisant l’office de vigie, risque un œil par une fente et nous signale les différents points de repère. Après un long détour, nous sommes au voisinage de la maison Piquet. Dans notre cabine, nous sommes éclairés par une petite lampe fumeuse ; les uns assis, les autres debout. Dans un lit , un des voyageurs dort paisiblement. Tout le monde parle à voix basse, mon vis-à-vis s’éponge, mon voisin prend une pastille de menthe. Un autre divise une orange et fait la distribution. Un 3e presse un citron. Toutes ces odeurs se mêlent aux vapeurs chaudes venant de la salle des machines. Il fait étouffant. Dans un coin, un petit groupe boit à la même « plate ». Notre vigie signale « Pont de Wandre ! ». A ce moment plus un mot ; chacun retient son souffle. Le pilote arrête la machine pour ne pas donner l’éveil aux sentinelles ennemies. Nous franchissons ainsi le premier écueil. Lorsque nous l’avons dépassé de 100 mètres, j’entends le capitaine donner l’ordre « en avant ». L’Atlas glisse sur l’eau. « Houillère de l’Espérence…houillère d’Abhooz, moulin d’Argenteau ». La sentinelle allemande, l’arme à la bretelle, est sur la rive, elle nous regarde, mais pétrifiée sans doute de tant d’audace, elle ne nous inquiète pas. Jusqu’à présent, nous avons voyagé sans être incommodé par l’ennemi. Nous filons sur Visé. A 50 mètres environ du pont, un premier coup de feu déchire le silence de la nuit. Nous sommes signalés ; l’attaque va commencer. Deux coups de feu retentissent encore à bref intervalle : c’est l’alarme. Il est 12 h 34, nous filons comme un bolide. Les postes allemands tirent sur nous. Bientôt la fusillade est à son apogée. Les mitrailleuses se joignent aux fusils et les balles pleuvent sur nous. Mais l’Atlas est invulnérable. Il fonce sur le pont de service en bois établi par les Allemands, l’accroche au passage et le démolit en partie. Une barque se présente devant nous. Le pilote croyant avoir affaire à un poste allemand pique droit sur elle et la culbute. Il s’élance ensuite sur le câble qui traverse la Meuse et le rompt. A ce moment, l’Atlas s’incline fortement sur la gauche, puis sur la droite, pique de l’avant et racle le fond de l’eau. Mais notre héroïque pilote, malgré les balles qui crépitent autour de lui, ne perd pas son sang froid. Il redresse son remorqueur. Le capitaine donne l’ordre « à toute vitesse » Un homme de l’équipage se glisse sur le pont jusqu’à l’escalier qui donne accès dans notre cabine et nous dit à mi-voixx : « Encore dix minutes et vous êtes libres ! » Les balles frappent toujours nos flancs, peine inutile… Elles deviennent plus rares. Il y a 15 minutes que nous sommes sous le feu de l’ennemi qui nous éclaire un moment à l’aide d’un projecteur. Nous entrons bientôt dans les eaux hollandaises. Et puis c’est le silence. La machine même ne ronfle plus. Serions-nous arrêtés ? Non. Sans que nous ne nous en rendions compte, le remorqueur a fait demi tour et s ‘amarre à la porte de la maison Warnier à Eisden. Le glorieux, pilote de sa voix, pousse un vigoureux hurrah ! Les passagers respirent à l’aise, sortent de leur repaire et se rangent rapidement autour des héros. De nos poitrines sortent de vibrantes clameurs que les échos répètent. Une heure du matin sonne au clocher de Lixhe. Le voyage a duré 1 heure et demi. Les habitants de la maison hospitalière, réveillés en sursaut, apparaissent aux fenêtres. « Encore des Belges ! » Crient-ils, Vive la Belgique ! Et tous de répondre, Vive le Roi ! Ils agitent des mouchoirs. Une planche nous est tendue et le débarquement s’opère en bon ordre. Les habitants d’Eisden, réveillés par la fusillade, se lèvent quand ils entendent nos cris d’allégresse. Des centaines de personnes sont là pour nous recevoir. Au café Warnier, nous sommes rafraîchis gratuitement par le directeur de l’usine à blanc de zinc. Le drapeau belge, notre cher drapeau tricolore, que nous avions emporté de Liège, est déployé. Notre allégresse se transforme en délire quand notre pilote et notre capitaine étant placés devant notre oriflamme, on entonne une vibrante brabançonne. Suivent quelques chants de circonstance puis nous sommes conduits à travers les jardins et les ruelles boueuses à l’usine à blanc de zinc où nous sommes restaurés par le directeur car le personnel, à l’annonce de notre arrivée s’est levé pour nous recevoir. Au petit jour, nous allons revoir l’Atlas, nous palpons ses quelques éraflures. Une balle a traversé de part en part la paroi des soutes à charbon mais sans blesser personne ; l’ancre a été perdue en accrochant le pont de Visé ; une partie du volant est brisée. La cheminée marquée d’une croix blanche se dresse fièrement de l’autre côté de la rive, 3 casques à pointe contemplent avec des lorgnettes le héros du jour tandis que la Meuse roulant ses eaux jaunes apporte à l’Atlas V un baiser de notre chère patrie. » Liste des membres de l'équipage et des passagers, Hentjens Jules, capitaine, Liège; Balbour Charles, cantonnier des Ponts et Chaussées; Job Jean, mécanicien, Ivoz-Ramet; Longueville Raoul, matelot, Chokier. Passagers: Aretz Marcel, Liège; Bastin Paul, commandant de gendarmerie, Anthisnes; Balbour Charles, l'épouse et ses deux enfants; Bauchau Frans, Namur; Bauchau Paul, Anhée-sur-Meuse ; Carabin Lambert-Joseph, Liège; Charlier Hubert, Liège; Collard Paul, Verviers; Collette Rodolphe, Vottem ; D'Archambeau Alexis (père), Liège; D'Archambeau Jean (fils), Liège; Darcis Alexandre-Hubert, Fexhe-Slins ; Darcis Antoine, Fexhe-Slins; Darcis Edouard, Fexhe-Slins ; Darcis Pierre-Joseph, Fexhe-Slins; Dallemagne Pierre, officier, Louvain; Debras Albert-Victor, Annevoie; Dedoyard, Liège; Delmer Alexandre, professeur à l'Université de Liège, Bruxelles; De Cuyper Jacques, avocat, Etterbeek; Defawe Joseph, Ougrée ; De Pierpont Edouard, député, Rivière; Deprez René, Ixelles; Derbrier Gérard, administrateur territorial au Congo, Bois-de-Breux ; Derkenne Paul (décédé), Liège; Detienne Camille, Liège; Donnay Antoine (tombé au Champ d'Honneur à Dixmude), Fexhe-Slins Doyen Hervé, lieutenant d'artillerie, Wemmel ; Dubois Félix, ingénieur, Crepy (Meaux) ; Dubois Louis, Bruxelles; Fagard Joseph, Chokier; Fourmanoit Robert, Barcelone (Espagne) ; Fuger Alphonse (décédé le 4-1-22 à l'hôpital d'Aix-la-Chapelle), Thimister; Gabriel Gustave, Limerlé; Gabriel Julien, Vielsalm ; Gendebien Jules, Engis; Gauthier Isidore, Marloie ; Gérard Emile, Liège; Géradon Louis, Liège; Ghaye Georges, Liège; Gielis Maurice, docteur en médecine, Liège; Gielis Raymond, à Basoho-Rruwimi (Congo); Gillet, ingénieur; Gillet Achille, à l'Abbaye N.-D. de Scourmont, Forges-lez-Chimay; Goderniaux Jules-Alexandre-Joseph, Liège; Giltay Albert, Liège; Goffaerts André, médecin, Alost; Grégoire Albert, Vottem; Grégoire André, notaire, Ransart ; Halen Edouard, architecte, Liège; Halfants Louis, Héverlé; Hane Nicolas (décédé à Paris le 11 août 1919) ; Hans Hubert-Jean-Joseph, Vottem ; Herzet Fernand, Liège; Hodeige Albert, Liège; Honia Jacques, Liège; Houard Hubert, docteur en médecine, Seraing-sur-Meuse ; Jeoris, instituteur, Poix-Saint-Hubert ; Lacrosse, pharmacien, Thimister; Lacrosse Joseph, Liège; Lambert Joseph, Hollogne-aux-Pierres ; Lambrecht Félix, ingénieur, Liège; Lambrecht Jacques, médecin oculiste, Herstal; Lambrichts Lucien, Tongres ; Lapière Paul, officier d'artillerie, Liège; Leclercq Alphonse, chef de gare, Saint-Jean-Geest; Ledouble Ernest, Liège; Ledouble Lucien, Liège; Ligot Etienne (au Congo), Liège; Lebrun Emile, Liège; Martens Paul, Louvain; Massart Jules-Alfred, docteur en droit, Uccle; Moray Joseph, Herstal; Mordant Antoine, Grivegnée: Mottard Gaston, Herstal; Mulhay Clément (père), Angleur; Mulhay Joseph (fils), Angleur ; Mulhay-Laurenty Joséphine (mère), Angleur; Muller-Savet Victor, professeur d'Université, Bruxelles; Paque Jules, Herstal; Pondant Joseph, Liège; Poncin Albert, Marche; Renard Henri, Liège; Ronchesne Willy, Liège; Ruche Jules, Salm-Château ; Sadin Maurice, ingénieur, Roubaix; Schiltz Firmin, Liège; Sibille Jacques, Liège; Simon Louis, médecin, Jupille ; Siquet Pierre, Vottem ; Soleil Emile, Liège; Van Steenberghe Fernand, Bruxelles; Van Steenberghe Marcel, Bruxelles; Wauthier Isidore, province de Luxembourg; Wégimont Augustin, Wellin ; Wéra Lambert, Liège; Wéry Auguste-Joseph, Liège. Quatre passagers dont les noms ne sont pas connus, complétaient l'effectif. |