Médecins de la Grande Guerre
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Les Carabiniers Cyclistes alias les
Diables Noirs Page du livre sur l’histoire des Carabiniers Cyclistes. En guise de préface Au Guignol de la Guerre, il y a les acteurs et les figurants. Plus de figurants que d'acteurs. Il y a ceux qui font la guerre et ceux qui ne la font pas; il Y a ceux qui montent au casse-pipes et ceux qui s'en écartent résolument. Il y a les combattants et les non-combattants. Ces derniers, les plus nombreux, sont composés de la masse des mobilisés à l'arrière et des embusqués du Front. C'est parmi eux que l'on rencontre le plus de décorés, le plus d'invalides de guerre, et aussi ceux qui racontent volontiers la Campagne de 1914-1918. Celle des combattants, bien entendu, car la leur... Que pourraient-ils conter de celle-ci, si ce n'est qu'elle représente une tranche de leur vie qu'ils passèrent confortablement, et qu'elle leur a laissé d'agréables souvenirs? Cependant ce sont ces gens-là qui font figure de héros aux yeux de M. Gogo, et qui lancent des troupes à la charge à la baïonnette, aux cris de « Vive ceci, ou cela! »; qui font monter des régiments à l'assaut, en plaçant des chants patriotiques dans la bouche des soldats, car ils ne savent pas que le fantassin qui s'en va ainsi au rendez-vous avec la mort, a le ventre crispé, et qu'il ne songe nullement à chanter. C'est encore eux qui font mourir le Jas avec des trémolos patriotiques dans sa voix affaiblie, ce pauvre Jas qui, de ses mains maladroites, essaie de retenir ses entrailles qui lui filent entre les doigts. Ils n'ont évidemment jamais vu mourir un combattant, et ils ne savent pas combien cette mort est hideuse, puisqu'ils n'ont jamais non plus entendu les râles et les grognements inhumains qui l'accompagnent, ni les beuglements de la bête qu'on assomme ... Ah ! oui, pour eux la guerre fut fraîche et joyeuse! Et c'est pourquoi ils devraient avoir honte de porter cette grotesque échelle de rubans, de la nuque au nombril, et l'insigne de la Croix du Feu, aux dimensions d'une soucoupe, de cette Croix qu'une loi mal faite leur a octroyée, sans qu'ils y eussent droit. Ils devraient se tenir coi, ces voleurs de gloire. Et rester dans l'ombre. Dans l'ombre de ceux qui furent à la peine, et dont la renommée, au lieu d'exciter leur enthousiasme et leur admiration, n'a suscité en eux que le sordide désir d'usurper cette réputation, de s'en imbiber jusqu'à la moelle. A tel point qu'ils ont fini par être sincèrement convaincus d'avoir joué les premiers rôles dans la bagarre: ils se les sont attribués si souvent... après la représentation! Car leur soif d'honneurs n'a rien perdu de son âpreté, trente-cinq ans après le déroulement des événements tragiques auxquels ils ne prirent qu'une part infime, ou aucune part du tout. C'est pour sauver de leurs griffes avides notre patrimoine si chèrement acquis, que j'ai décidé d'écrire l'Histoire des Diables Noirs. Encore un bouquin sur la guerre, dira-t-on? Oui et non. Oui, si l'on ne retient que le fait qu'il relate l'action des Carabiniers cyclistes, au cours des guerres de 1914-1918 et de 1940. Non, si l'on veut bien admettre qu'il constitue, avant tout, l'apologie des Diables Noirs. Les Diables Noirs sont entrés dans la légende. Celle-ci doit rester pure. Elle ne peut être dénaturée, par des maladroits, des fantaisistes, des malveillants. Elle doit donc être écrite. C'est ce travail que j'ai essayé de mener à bien. Il est fagoté et mal bâti ? Oui, sans doute. Mais il a néanmoins un mérite certain : celui de n'avoir fait aucune entorse à la vérité historique. Je l'offre en hommage à la mémoire des Diables Noirs que la mort saisit à la gorge, au hasard de ses galops sur les champs de bataille, et à mes camarades de combat qui sont encore en vie. Je l'offre aussi à mes enfants, Corine et Roland. S'ils le lisent un jour, cette lecture leur permettra une courte évasion du monde décadent dans lequel ils sont contraints de vivre, si puissamment marqués par le culte de la laideur, de la veulerie, de la vilenie. Elle leur fera côtoyer, pendant quelques heures, des jeunes qui eurent le courage d'être beaux ... Louis JACMAIN. Décembre 1952. Origine des Carabiniers Certains font dériver le mot carabine du vocable karabe qui, dans la langue arabe, aurait servi autrefois à désigner les armes à feu. Nous ne pousserons pas nos recherches aussi loin, et nous nous contenterons de savoir que les carabins, que l'on croit de provenance piémontaise, étaient des soldats de cavalerie légère, armés d'une escopette .ou carabine. Ces carabinos furent introduits d'Espagne en France, vers le milieu du XVIme siècle, par Jean d'Albret et Antoine de Bourbon. Henri IV, roi de Navarre, les incorpora dans sa garde, où ils servaient comme avant-garde des chevau-légers. Plus tard ils furent convertis en mousquetaires à cheval, armés du mousqueton l'âme lisse, puis de la carabine rayée. On attribue l'invention de la rayure du canon à un Autrichien, Gaspard Zoellner, qui aurait apporté ce perfectionnement au fusil en 1498. Comme la carabine rayée donnait plus de précision au tir, elle ne fut confiée qu'aux meilleurs tireurs, que l'on appela carabiniers. Arrêtons-nous un moment, pour rappeler rapidement un point important de notre Histoire. Nos provinces, qui étaient passées sous la domination française en 1794, furent réunies à la Hollande en 1814, par le Congrès de Vienne, et formèrent avec elle le royaume des Pays-Bas. Cette union forcée n'était pas viable: la Hollande voulait nous imposer sa langue et asservir notre pays; les Hollandais étaient nommés aux emplois publics, tandis que les Belges étaient humiliés et exploités; l'enseignement religieux et la liberté de la presse étaient étouffés. Guillaume d'Orange ne nous avait accordé que quelques concessions, fort illusoires d'ailleurs, et le mécontentement des Belges ne faisait que croître: le régime hollandais était devenu odieux. En 1830 éclata à Bruxelles le soulèvement qui devait mettre fin à l'insupportable assujettissement hollandais. On avait représenté au Théâtre de la Monnaie La Muette de Portici, pièce patriotique que les gouvernants avaient voulu interdire, et qu'ils n'avaient autorisée que par crainte de désordres. A la fin de la représentation, les spectateurs, exaltés, et altérés de liberté, se ruèrent tumultueusement au dehors et exigèrent par leurs cris la démission des ministres hollandais. Des maisons brûlèrent, d'autres furent saccagées. Des troupes hollandaises furent envoyées sur Bruxelles, mais elles durent se replier en désordre vers Anvers, après quatre jours de combats. Anvers fut bombardée, à la profonde indignation des Belges. Un gouvernement provisoire s'établit et convoqua un Congrès national, qui proclama l'indépendance de la Belgique. En juillet 1831 le prince Léopold de Saxe Cobourg accepta le trône de Belgique. Un mois plus tard les Hollandais envahissaient notre pays. Nos troupes continrent l'ennemi, jusqu'à l'arrivée d'une armée française, qui vint à notre secours. Les Hollandais furent contraints de quitter la Belgique, mais ne renoncèrent pas à annexer notre pays, et ce n'est qu'en 1839 que fut signé le traité de paix, qui nous amputa d'une partie du Limbourg et du Luxembourg. Revenons à la carabine. Celle-ci,
plusieurs fois améliorée, fut adoptée par l'armée belge, à qui notre premier
souverain désirait donner un corps spécial, doté de l'arme de précision. Il
choisit, à cet effet, le 1er Régiment de Chasseurs, auquel venait
d'être incorporé (1836) un corps franc réputé : les Partisans de Capiaumont. Corps des Partisans du Major Capiaumont *
* * Au cours de la guerre de 1914-1918, les Diables Noirs se signalèrent par un ensemble de vertus militaires si puissantes, que le Roi Albert, pourtant peu prodigue d'éloges, leur donna le titre de troupe d'élite. L'étonnant courage dont firent preuve ces mêmes Diables Noirs au cours de la longue Campagne des cinquante-deux mois, leur mépris de la mort, leurs stupéfiants exploits, les ont auréolés d'une célébrité qui fixe le souvenir de la postérité, et qu'ambitionnent les plus belles unités de notre armée. Cependant les survivants des multiples combats, attaques, raids, embuscades, patrouilles et autres attrapades auxquels prirent part les Carabiniers cyclistes, ignorent l'origine de ce corps fameux, et ils seront sans doute fort surpris d'apprendre qu'ils furent les continuateurs de corsaires terrestres ... *
* * Le fougueux Major Capiaumont, ancien combattant de Waterloo, puis officier des Chasseurs d'élite des Pays-Bas, ensuite aide de camp du Commandant de l'Armée de la Meuse, avait reçu mission du Roi Léopold, après la Campagne des 10 jours (1831), de procéder à la formation d'une phalange de partisans, infanterie et cavalerie, chargée initialement de contenir la garnison de la place forte hollandaise de Maastricht, car nous fûmes en état de guerre avec nos voisins du Nord jusqu'en 1839. Ce corps porta le nom de Partisans du Limbourg, et occupa longtemps le camp de Beverloo, de création récente. La lettre de marque par laquelle le
Général Daine précisait leur mission, s'exprimait comme suit: Je reconnais
et autorise mon aide de camp Capiaumont à faire la guerre de
partisan, à se porter partout où il jugera que le bien-être du service
des armées de Sa Majesté
nécessite sa présence; il prendra toutes les mesures de rigueur propres à
faire le plus de mal
possible aux ennemis de la Belgique. Les Partisans ne tardèrent pas à se distinguer dans diverses rencontres qu'ils eurent avec l'ennemi, combats au cours desquels ils firent preuve d'un courage extraordinaire, allant souvent jusqu'à la témérité. Seize mois après, le Corps des Partisans de Capiaumont comptait un effectif de 1.200 hommes d'infanterie légère et de 140 cavaliers. Cette troupe, augmentée des Chasseurs de Bruxelles créés sur les barricades de 1830, constitua le 1er Régiment de Chasseurs à pied. Partisans de Capiaumont à la poursuite de l’ennemi (environs de Maestricht) Qui étaient les Partisans? Appartenant à toutes les classes de la société, ces volontaires étaient des hommes audacieux qui recherchaient l'aventure, et qui aimaient la bagarre et les coups durs. Certains d'entre eux s'étaient engagés, mus par des sentiments de pur patriotisme, mais la plupart avaient répondu à l'appel de Capiaumont, non seulement parce qu'ils étaient attirés par l'atmosphère et les dangers des temps troubles, la vie rude des camps, mais surtout parce qu'ils portaient en eux, violemment, l'amour du combat. Capiaumont ne s'était du reste pas inquiété de leur passé: il lui fallait des gaillards qui n'avaient pas froid aux yeux, et il les trouva. Mais ces soldats, est-il besoin de le dire, étaient peu faits pour se plier à une discipline quelconque. Aussi Capiaumont les menait-il de main de fer, et les officiers qui le secondaient avaient la même poigne; tous étaient de choix. Vrais corsaires terrestres, les Partisans ne touchaient pas de solde en temps de guerre: ils se partageaient le butin pris à l'ennemi. Et comme les corsaires, leurs officiers étaient porteurs d'une lettre de marque, qui devait leur éviter, au cas où ils seraient faits prisonniers, d'être pendus haut et court, tels de simples pirates. Cette troupe d'élite fut tellement appréciée que l'on constitua un deuxième corps, les Partisans des Flandres, qui fut chargé d'opérer sur la frontière zélandaise. Quelque temps après, le calme étant revenu, on le fusionna avec les Partisans du Limbourg, et Capiaumont ramena sa troupe à l'intérieur du pays. Cependant les Partisans refusaient de se laisser caserner, et se révoltaient à Termonde. Capiaumont, qui avait une façon à lui de se faire obéir, s'élança sur les mutinés, brisa côtes et crânes à coups de sabre, jusqu'à ce qu'il ne lui restât plus en main qu'un tronçon de lame. L'ordre fut rétabli. .. L'uniforme dont étaient revêtus ces volontaires était plutôt original: il comprenait la tunique à jupe polonaise, de couleur verte, et le shapki ou bonnet polonais, en drap vert également, dont on n'avait pas respecté la forme carrée et auquel on avait ajouté un turban jaune. Peu de temps après, on leur donna le chapeau retroussé à la corse, d'une hauteur inusitée, mais que l'autorité estimait fort pratique. Ils étaient armés de la carabine et du sabre-baïonnette à poignée et tranchant. Le shapki fut porté comme bonnet de police par nos Carabiniers et Carabiniers cyclistes jusqu'en 1914, tandis que le chapeau, raccourci, était leur coiffure principale. Aux cyclistes on avait donné une visière mobile et un couvre-nuque. Officier d'une intelligence exceptionnelle, l'entreprenant et courageux Capiaumont avait fait de sa troupe une force d'une valeur et d'une souplesse remarquables. Soumettant ses hommes à une discipline très sévère et à un entraînement intensif, il les avait rompus à la pratique du tir, de l'escrime à la baïonnette, à la course, à la lutte, et en avait fait d'excellents patrouilleurs et combattants. N'ayant qu'un strict minimum de bagages, le corps était extrêmement mobile. Le pas des Partisans, scandé par leurs seuls cornets pour toute musique, était plus rapide que celui des autres unités de l'armée. Au cours d'un voyage qu'il fit à Bruxelles, le duc d'Orléans assista à divers exercices des Partisans, et fut enthousiasmé par leur allure, leur agilité et leur mordant. A tel point qu'aussitôt rentré à Paris il entreprit la formation de bataillons d'infanterie légère, qu'il comptait mener à la guerre d'Afrique. Le premier de ceux-ci, le « Bataillon des Tirailleurs de Vincennes», fut passé en revue par le roi Louis-Philippe, au Camp de Fontainebleau. « Sire, lui dit le Maréchal Soult, Ministre de la guerre, ce n'est pas un bataillon, c'est trente comme celui-là que je voudrais voir à Votre Majesté! ». Un an après, le 4 mai 1841, les Parisiens pouvaient admirer dans la cour du Carrousel, un corps de troupe qu'ils n'avaient jamais vu: dix bataillons rangés l'un à côté de l'autre, sous le commandement supérieur de Mgr le duc d'Orléans. Le lendemain cinq d'entre eux partaient pour l'Algérie, où le sanglant combat de Sidi-Brahim les rendit célèbres. Les Français copièrent l'organisation, l'équipement, l'armement, et même le pas de nos Partisans, pour en doter les Chasseurs à pied du duc d'Orléans. Nous n'en tirons aucune vanité, mais nous pensons que cela devait être dit. Chasseur carabinier Le 7 août 1836, les Partisans furent versés au le Chasseurs à pied, où ils formèrent le 4ème Bataillon. Ils conservaient cependant leur uniforme, leur armement spécial, et leur appellation. Capiaumont, promu lieutenant-colonel, prit le commandement du régiment, à qui il donna aussitôt une instruction toute nouvelle. La cadence du pas fut encore accélérée. Quatre ans plus tard la tenue fut définitivement uniformisée et la fourragère, qui avait une couleur distincte par compagnie, devint uniquement jaune. En 1847, le corps prit le nom de 1er régiment de Chasseurs Carabiniers et, en 1850, celui de régiment de Carabiniers. Entretemps Capiaumont avait été élevé au grade de général. L'esprit de corps dont il avait pu imprégner sa troupe, et la tradition qu'il avait réussi à lui donner, furent rigoureusement observés, non sans susciter une certaine jalousie dans les autres régiments. Au cours des manœuvres, chaque division eut son bataillon de Carabiniers, qui opérait en élément d'avant-garde avec la cavalerie. Une telle mission exigeait de la troupe et des officiers, de hautes qualités de résistance physique, d'intelligence et de force morale; aussi le recrutement était-il fort sévère. Petit à petit l'uniforme se transforma, les dimensions du chapeau furent réduites, la tunique perdit sa jupe. La carabine à piston fut remplacée, en 1868, par la carabine Terssen, à tir rapide, chargement par la culasse et cartouches à douille métallique. Elle était munie d'un long yatagan, que les Carabiniers manièrent bientôt avec une impressionnante maîtrise. Enfin, en 1898, vint le fusil Mauser, à baïonnette-couteau. Le prince Baudouin, qui avait fait un stage au régiment des Grenadiers, acheva son instruction aux Carabiniers. Il y laissa un tel souvenir, que bien longtemps après sa mort le régiment revendiqua l'honneur de porter son nom. Vilvorde 1913. Caserne des Carabiniers Cyclistes. Relève de la garde. Formation du Bataillon de Carabiniers
Cyclistes Bien que l'Angleterre eût construit, en 1880, le premier vélocipède à deux roues égales, cadre complet et droit, et direction à billes, fort peu de bicycles roulaient sur nos routes dix ans plus tard. Ce n'est qu'à partir de 1890, grâce à une vigoureuse campagne du journaliste français Pierre Giffard en faveur de la bicyclette, que le public fut intéressé et que nos constructeurs se décidèrent à faire la concurrence aux marques anglaises. Le Sous-lieutenant Beirlaen, du Régiment des Carabiniers, fut aussitôt un adepte enthousiaste de ce nouveau mode de locomotion et, sur sa proposition, le Ministre de la guerre décida, le Il novembre 1890, de créer une section de vélocipédistes, à l'Ecole Régimentaire, à Wavre. La direction de cette section fut confiée au Sous-lieutenant Kesseler. (C'est à cet officier que revint l'honneur de commander le Bataillon de Carabiniers cyclistes pendant presque toute la durée de la guerre de 1914-1918). Dans l'esprit du commandement, ces cyclistes ne devaient remplir qu'un rôle d'estafettes, chargées de la transmission rapide d'ordres ou de plis. Mais le Lieutenant Beirlaen n'envisageait pas les choses de la même façon, et voyait beaucoup plus loin ; il estimait que la mission du cycliste à l'armée ne devait pas être limitée à celle d'un simple agent de transmission. C'était là, à ses yeux, un rôle insignifiant, car il imaginait nettement les régiments précédés de cyclistes fouillant le terrain devant eux, assurant une garde vigilante sur leurs flancs, apportant et transmettant les renseignements et les ordres, combattant avec la troupe dont la protection leur était confiée. La question de la création d'un corps autonome de cyclistes était devenue pour lui une véritable obsession, et il harcela le Ministère de rapports et de projets, afin d'obtenir que fût formée cette unité. Il reviendra à la charge pendant six ans ! Au bout desquels il voit ses efforts couronnés de succès: le Département de la guerre ordonne la constitution d'une compagnie de cyclistes armés, qui participeront aux manœuvres dans le Condroz. Et, suprême récompense pour le Lieutenant Beirlaen, qui le paiera de toutes ses peines et démarches, cette compagnie est placée sous son commandement ! Aussitôt la presse part à l'attaque, fait des gorges chaudes, ridiculise le Ministre, bref, rencontre cette innovation avec une étonnante absence de compréhension et de perspicacité. Mais les manœuvres ont lieu, et la participation de la compagnie cycliste fut tout simplement une révélation pour les officiers supérieurs, qui attendaient l'expérience avec une moue de scepticisme, voire de mépris. Décontenancés, les détracteurs du « fantassin à vélo» durent se rendre à l'évidence, et reconnaître que les cyclistes, qu'ils fussent en service de reconnaissance ou au combat, avaient été fort appréciés et s'étaient particulièrement distingués. L'année suivante (1897), un nouvel essai, encore plus convaincant, est fait au cours des grandes manœuvres des Flandres. Persuadé, cette fois, de l'incontestable utilité des cyclistes à l'armée, le Ministère de la guerre décida la création d'unités de cyclistes armés et, en 1898, la quatrième compagnie des quatre bataillons de Carabiniers est transformée en compagnie cycliste. Cependant l'emploi de celles-ci n'est pas bien défini, et ce n'est qu'en 1906 que le Département précise leur utilisation, et les considère comme «détachement d'infanterie montée». . A l'instar de ce qui avait été fait en France, mais en utilisant un tout autre modèle, on dota les cyclistes d'une petite bicyclette pliante qui, si elle avait l'avantage de pouvoir être portée au dos, avait aussi le grave inconvénient d'entraver la respiration, et de gêner fortement le tireur couché, qui pouvait difficilement relever la tête pour viser. Elle possédait cependant la particularité d'être fort basse, ce qui permettait au cycliste de s'arrêter aisément en pleine course, en posant les pieds à terre, et de faire usage de son arme tout en restant en selle. Les Anciens, surtout ceux qui ont servi sous la férule des officiers Poncelet, Tollen, Siron, Pioche, Detaille, se souviendront, non sans sourire, du «dressage» qui suivit la mise en usage de cette bicyclette, qu'ils détestèrent d'emblée. «Vélo au dos! Dépliez le vélo ! Vélo au dos! Dépliez le vélo! ». Toute la journée, les murs de la caserne renvoyaient ces commandements, cent fois répétés. Il avait été décidé que ces mouvements se feraient en vingt secondes et, à force de les exécuter, on y parvint. Mais que de jurons étouffés cette pauvre mécanique a dû entendre! Après, ce furent les marches, vélo au dos, fusil sur l'épaule. Et les exercices de tirailleurs, au pas de course, avec cette ferraille qui brinqueballait sur le dos, les pédales fouaillant les reins, pendant que la selle martelait le crâne! Et, enfin, les exercices sur la bicyclette ! Les embardées, les chutes, les accrochages par groupes, dans un cafouillis de bras, de jambes, de roues, de poignées de guidon qui massaient brutalement les côtes ! Mais peu de temps après, sous la poigne de fer de leurs instructeurs, les apprentis cyclistes se dégrossirent, et il ne fallut pas de longs mois pour en former de vrais acrobates de la route. Après maints exercices et épreuves, les officiers décidèrent de supprimer le port du vélo au dos, par trop malaisé, et on abandonna la bicyclette pliante pour le vélo rigide, l'expérience ayant démontré que les progressions au combat, vélo à l'épaule ou à la main, étaient plus aisées. Mais la bicyclette dite « type militaire» resta en usage jusqu'à la mobilisation, et c'est juchés sur ces petits cycles que les Carabiniers cyclistes entamèrent la Campagne. Au mois d'avril 1910, quatre cyclistes choisis furent envoyés à Herstal, où un ingénieur de la Fabrique Nationale d'Armes leur apprit à se servir d'une motocyclette. Les nouveaux motocyclistes rejoignirent leur compagnie respective au Camp d'Arlon. Au cours des exercices et manœuvres, ils avaient pour mission de transmettre les ordres et messages des états-majors. Vers la fin de l'année 1911,une seconde motocyclette (monocylindre F.N.) fut mise à la disposition de chacune des compagnies cyclistes. Par arrêté royal du 12 juin 1911, les compagnies cyclistes sont réunies et forment le 5ème Bataillon du Régiment de Carabiniers. On a choisi avec le plus grand soin les officiers, les sous-officiers et les soldats dans l'élite du régiment; on les a entraînés méthodiquement, et ils forment une unité qui fait l'admiration de tous. Leurs caractéristiques sont: discipline, souplesse, mordant, adresse, vivacité, cran, esprit de corps. Chaque compagnie est forte de 3 pelotons à 2 sections de 2 escouades. Sur pied de guerre elle comprend l commandant de compagnie, 3 lieutenants ou sous-lieutenants chefs de peloton, 3 sous-officiers d'élite (1er sergent-major ou 1er sergent, sergent-major et sergent-Fourrier), 6 sergents chefs de section, 12 caporaux chefs d'escouade, et 132 soldats, soit 150fusils. Un médecin est adjoint à chaque compagnie. 1913 – Les sous-officiers du Bataillon de Carabiniers Cyclistes. 1er rang de gauche à droite : 1er sergt Thirionet, Serg-Maj. Cartauser, Adjudants Cabaret, Noël, Bollekens, Rutsaert, Abs, Sergt-Maj. Corbisier. 2ème rang : Sergents Verhulst, Dirkx, Devos, Sergt-Fourrier Siquet, Sergt M. Van Espen, 1er Sergt G. Van Espen, Sergts Margraff, Van Gossum, Debon, Van Gorp. 3ème rang : Sergts Renoz, Gérard, Vandezande, de Froidmont, Noé, Cocquyt La 1ère Compagnie participa aux manœuvres de la Division de Cavalerie à Beverloo. Une fois de plus les cyclistes se distinguèrent, principalement pendant les combats. Au cours de la conférence de la fin des manœuvres, le Lieutenant-Général de Witte, qui commandait la Division, signala qu'une patrouille de Carabiniers cyclistes, commandée par le Sergent Deconinck, avait rapporté des renseignements reconnus exacts, 32 minutes avant quatre autres reconnaissances de cavalerie, chargées de la même mission que celle des cyclistes, et parties en même temps que ceux-ci. Le premier commandant du Bataillon fut le Major B.E.M. Collyns. Adjoint d'Etat-Major, il professa à l'Ecole Militaire, puis il prit le commandement de la 1ère Compagnie cycliste. Il s'attacha tout de suite à établir une doctrine tactique propre aux unités cyclistes et, par des publications et des conférences, entreprit de montrer la grande utilité, pour notre armée, d'une infanterie cycliste nombreuse et cohérente, formée en bataillons dès le temps de paix. En 1911, à son retour du Congo, où il était parti comme major chargé d'organiser la Force publique, il eut la satisfaction de constater que ses idées avaient été mises en application par le Ministère de la guerre, et de se voir confier le commandement du bataillon spécial, formé des quatre compagnies cyclistes. Ceux qui furent sous ses ordres à cette époque, se souviendront de l'ardeur qui l'animait lorsqu'il se mit à la tâche qui lui était confiée. Rejetant la méthode surannée de la bicyclette pliante, il créa une tactique nouvelle de l'infanterie cycliste, améliora le matériel vélocipédique, réclama et obtint les fusils-mitrailleurs Hotchkiss qui, arrimés aux vélos, firent merveille durant toute la guerre de 1914-1918. En même temps, s'occupant de la valeur morale de sa troupe, tout autant que de son entraînement physique, il donna à son bataillon une cohésion, une discipline et un esprit de corps inégalés. Sa tâche était accomplie lorsqu'en 1913, par suite de la réorganisation de l'armée, il quitta le commandement des Carabiniers cyclistes, pour exercer les fonctions de lieutenant-colonel dans un régiment de Carabiniers. Mais l'empreinte était telle que c'est grâce à ses doctrines et à l'esprit de corps qu'il avait créé, que les Carabiniers cyclistes se taillèrent une si belle part de gloire, dès le début de la guerre. Les combats d'août 1914, Halen, Aarschot, Werchter, sont la consécration magnifique de l'enseignement du Major Collyns. Pendant la période de réorganisation de l'armée, le Bataillon perd une compagnie, devient autonome, et est attaché à la Division de Cavalerie. A partir de ce moment, soit le 15 décembre 1913, il prend la dénomination de Bataillon de Carabiniers cyclistes. Il est placé sous le commandement du Major Siron, qui a succédé au Major Collyns au mois d'octobre de la même année, et va prendre garnison à Vilvorde. L'entraînement est toujours très poussé; les officiers s'attachent à développer à l'extrême les qualités de sang-froid, de résistance physique, le cran, l'esprit d'initiative de leur hommes. L'accomplissement de nombreuses missions individuelles leur donne plus d'assurance, leur apprend à se débrouiller en toutes circonstances et à prendre des décisions. Enfin, le maniement multiplié des armes les fait passer maîtres en escrime à la baïonnette, tandis que grâce à des exercices de tir intensifs, les Carabiniers cyclistes sont tous tireurs d'élite, dans n'importe quelle position. On leur apprend surtout à garder leur calme devant l'adversaire, à laisser s'approcher celui-ci, à ne tirer qu'à bon escient, sur des buts précis. Le Bataillon est devenu une troupe remarquablement maniable, entre les mains de ses chefs et gradés, qui l'encadrent fort bien. Et Capiaumont, le novateur, aurait certes été agréablement surpris, s'il avait pu assister aux évolutions de cette magnifique unité, et constater que ses principes, et la tradition des Partisans avaient été soigneusement observés, entretenus, développés ... Nous n'attendrons pas longtemps pour avoir la confirmation que le Bataillon de Carabiniers cyclistes est réellement une force guerrière de tout premier ordre ... La 1ère Compagnie, en 1913. Mobilisation Le dimanche 28 juin 1914, vers la soirée,
se répandit la nouvelle de l'assassinat, à Sarajevo, de l'archiduc
François-Ferdinand d'Autriche ... Pendant
près d'un mois notre population continua de vaquer tranquillement à ses
occupations, refusant de croire à l'imminence d'une guerre. Le 29 juillet, le Roi Albert fit décréter
la mise sur pied de paix renforcé dans les garnisons. Deux heures plus tard il
fit rappeler trois classes. Le 30 juillet, le Bataillon de Carabiniers
cyclistes, qui achevait une période de tir et de manœuvres au Camp de Beverloo,
rejoint d'urgence sa garnison, à
Vilvorde, et prend toutes dispositions pour se mobiliser. Les miliciens de la classe
1911, viennent le renforcer et lui
permettre de constituer son effectif de guerre. Le lendemain, Vienne déclarait la guerre à
la Serbie, et la Russie mobilisait. Dans
l'après-midi du même jour, l'Allemagne proclamait l'état de danger de guerre, et fermait ses frontières. Le Roi fait lancer l'ordre de mobilisation
générale; celui-ci s'étend jusqu'à la classe 1901 inclusivement. Le pays est consterné. Mais il se
ressaisit rapidement et s'apprête à faire face à l'adversité, simplement, mais
avec la volonté farouche de garder sa liberté, et de la reconquérir si elle lui
était enlevée. Les maisons sont pavoisées aux couleurs nationales. Une
animation extraordinaire règne dans les rues, où l'on entoure ceux qui doivent
rejoindre leur unité. On les accompagne jusqu'à la gare ou la caserne. On rit,
on plaisante, on s'arrache les journaux, on commente les nouvelles ... et on
propage les fausses avec entrain. Tout le monde est surexcité, un peu inquiet,
mais bien peu se rendent réellement compte de la gravité de l'heure. Dans ce tohu-bohu les rappelés se hâtent
vers leur lieu de rassemblement, et la mobilisation se fait très rapidement.
Dans un bel élan de patriotisme des milliers de jeunes gens, désireux de
s'engager volontairement à l'armée, se présentent dans les dépôts, les
hôpitaux, les bureaux de place. La vérité oblige à dire qu'ils furent rarement
bien accueillis car, ainsi que le rappelle plaisamment le Capitaine Corvilain,
des Carabiniers, ces volontaires, déjouant les prévisions les plus optimistes
de l’E.M.G.A., provoquèrent une pagaille sans nom. «On n'en veut plus, des
volontaires ! rentrez chez
vous !... foutez-nous la
paix ! ». Sans avoir été sollicité, le peuple
offrait à la Nation les
meilleurs de ses fils pour la défendre. Volontaires ! les étudiants, les collégiens de
dernière année, les ouvriers du port, de la métallurgie, les avocats, les
médecins ! Des
cultivateurs, des gardes civiques, des comédiens, des notaires !
Ces milliers de
braves gens se bousculaient littéralement aux portes des hôpitaux militaires car,
avant de signer rengagement pour la durée de la guerre, il était indispensable
d'obtenir le certificat médical. Comme si,
en ces jours d'exaltation, on n'aurait pas pu exempter cette
masse d'hommes de souffler sur le dos de la main pour que le toubib enregistrât
les réactions ! Ah !
mais ça, c'est, comme dirait Deauville, «l'introduction à la vie
militaire ! ». Des milliers de jeunes gens, découragés
par des attentes de plusieurs jours ou par le repli précipité de certains services, n'arrivèrent
pas à se faire enrôler. Plus tard ils le firent, malgré les barbelés et
les fils à haute tension. Les malins furent ceux qui se présentèrent
directement dans une unité combattante, avec un coup de piston et une petite
spécialité à avancer
: savoir monter à cheval, conduire une auto, aimer les chiens, avoir un vélo sans bon de réquisition ...
boum !... engagé! Mais
bien peu furent élus par ce procédé, les chefs de corps n'osant
pas prendre de responsabilités vis-à-vis du Trésor. Les autres furent dirigés sur des centres
d'instruction, dans la place fortifiée et imprenable d'Anvers. En septembre ils
subissaient le baptême du feu. Des milliers furent refoulés en Hollande, d'autres
se firent tuer sur l'Yser, et puis ces gamins commencèrent à embêter autorité supérieure. Les
groupements de volontaires furent supprimés et les hommes versés dans les
compagnies. L'accueil qu'ils y reçurent fut loin
d'être encourageant. Les miliciens se méfiaient de ces exubérants, et les gradés de carrière s'énervaient
de devoir s'occuper de ces «pékins », qui ne savaient même pas porter
convenablement un fusil. On les appelait « volontaires de gamelle »,
et les brimades ne leur étaient pas épargnées. Et malgré les tueries, toujours plus nombreux
les volontaires venaient étoffer les effectifs des compagnies, glanant - à quel prix! - des galons et des étoiles,
apportant ainsi à l'armée leur sang, pour la grande transfusion qui
contribua largement à la victoire. Les Carabiniers cyclistes des classes 1911
à 1906 avaient rejoint le Dépôt de Beveren Waas, d'où ils furent répartis dans
les états-majors de l'armée de campagne et les forts, en qualité d'estafettes.
Une centaine de cyclistes furent ainsi mis à la disposition du Général Leman,
qui commandait la position fortifiée de Liège. Mais celui-ci, au lieu de les
détacher dans les diverses unités placées sous ses ordres, eut l'heureuse idée
de les grouper en une compagnie destinée à combattre, et à fournir des groupes
de garde dans les intervalles des forts. Après la visite qu'il fit à Berlin, les 5
et 6 novembre 1913, le roi Albert ne pouvait plus garder le moindre doute au
sujet des intentions bien arrêtées de l'Allemagne. L'empereur Guillaume II lui
avait déclaré sans détours qu'il considérait une guerre très prochaine avec la
France comme tout à fait inévitable, et la Belgique courait le grand danger de
voir sa neutralité violée par ce voisin peu scrupuleux. La réorganisation de notre armée,
commencée en 1913, avait été entreprise beaucoup trop tard, et nos troupes de
1914, qui allaient devoir tenir tête à l'armée la plus puissante et la mieux
entraînée qui existât au monde, se trouvaient dans de bien piètres conditions.
Elles se composaient de 15 classes de milice : 8 pour l'armée de campagne, et
7, les plus anciennes, destinées à la garde des forteresses. L'infanterie de
première ligne comptait 85.000 hommes : 20.000, qui formaient la classe 1913,
étaient de jeunes soldats ayant une dizaine de mois de service; 65.000 étaient
des réservistes des classes 1912 à 1906.Quant aux miliciens des classes 1905 à
1901, on les versera aux troupes de forteresse. Organisation militaire sans consistance,
que valait notre armée de
1914 ? Si grands que fussent son entrain et sa bonne volonté, notre infanterie
était peu instruite, peu disciplinée, peu solide. Encombrée de réservistes
sans entraînement, elle était mauvaise marcheuse; insuffisamment outillée, elle
n'était pas habituée à remuer la
terre ; jusqu'à l'Yser, elle
ignora l'art de s'accrocher au terrain. Elle venait à peine de
recevoir ses mitrailleuses; sauf quelques régiments premiers servis, elle
ignorait tout de l'emploi tactique de ces engins et même du service des pièces. On allait
voir des compagnies de mitrailleuses arriver sur le champ de bataille,
et, incapables de corriger un enrayage anodin, rester inutilisables
pendant des heures et des journées !
Le charroi des mitrailleuses était à l'étude; il fallut faire appel à la réquisition; elles furent
transportées sur les véhicules les plus inattendus !... et il n'existait que 120
mitrailleuses pour toute l'armée !
La teinte sombre de l'uniforme datait d'un autre âge; elle
devait augmenter beaucoup nos pertes, et causer, après les premières
expériences, une répugnance instinctive à marcher de l’avant contre un ennemi que sa tenue,
assortie aux tons dominants du paysage champêtre, dissimulait à
merveille. L'artillerie avait un excellent canon ;
mais des projectiles médiocres,
des fusées défectueuses, et pas un seul obusier, ni lourd, ni léger. L'artillerie
lourde était inexistante. La dotation en matériel téléphonique était dérisoire et, partant, le tir à pointage
indirect et la liaison des armes à peu près impraticables.
Aussi verrait-on au cours des sorties d'Anvers, dans le site très boisé
des environs de Malines et du
Démer, la majorité des batteries
se morfondre, inutilisées, le long des routes, pendant que nos
fantassins se feraient décimer
devant des couverts tenus par quelques poignées d'hommes, bien retranchés et
flanqués par d'excellentes mitrailleuses. Le génie avait un corps d'officiers aussi
brillants qu'introuvables, et qui ne suffisaient aux multiples attributions de l'arme que par la diversité de leurs aptitudes et par un esprit d'initiative unanimement
reconnu. La cavalerie était certainement ce que nous possédions de meilleur; ses
deux ans de service, sa faible
proportion de réservistes, son
fort encadrement assuraient sa cohésion. Il ne lui manquait que
des mitrailleuses. L'aviation - une compagnie, avec une
dizaine d'appareils - se débattait
dans le stade de l'enfance. Une regrettable erreur d'organisation vint
diminuer encore la solidité de l’armée
en rompant à la dernière minute
la cohésion, déjà faible, de l'infanterie
: le dédoublement de nos 20
régiments d'infanterie en autant de brigades mixtes. Cette mesure, excellente
trois ou quatre ans plus tard, quand la loi de 1913 aurait commencé à
développer ses effets, dispersera en un nombre double d'unités les officiers
subalternes et les gradés inférieurs, qui suffisaient à peine pour encadrer
convenablement les régiments existants. Il en résulta que les compagnies, au
lieu de compter 4 officiers comme en France ou en Allemagne, n'en avaient
qu'un, rarement deux; que la nécessité de pourvoir aux nouveaux commandements
entraîna d'innombrables mutations; que pendant plusieurs semaines, les unités
souffrirent d'un mal d'improvisation aigu; qu'entre officiers, gradés et
soldats inconnus les uns des autres, la confiance et le dévouement réciproques,
l' esprit de corps, étaient tout à créer. Ainsi, pas plus qu'elle ne possédait une
instruction, une discipline et un armement satisfaisants, notre armée ne
présentait un encadrement, une cohésion, une solidité comparables à ce qui
existait chez nos ennemis ou chez nos alliés. C'était un outil à manier avec
circonspection; qu'il s'agissait, non pas d'aventurer à la légère, mais d'aguerrir
et de tremper, et de n'engager qu'à bon escient. Elle n'avait d'ailleurs aucune
réserve d'alimentation, ni en officiers, ni en soldats: en dehors des
forteresses, les 117.000 hommes de l’armée de campagne étaient le capital
unique, strictement limité, sur lequel reposait le salut du pays : et ses
pertes seraient irréparables[1].
Fort heureusement, le
Bataillon de Carabiniers cyclistes bénéficie d'une conjoncture estimable ; il
est constitué de miliciens appartenant à des classes instruites tout récemment;
soldats, gradés et officiers se connaissent bien. Il est donc aisé à ces
derniers de reprendre rapidement leurs réservistes en mains, et de former avec
la classe sous les drapeaux un tout cohérent, entraîné et discipliné, une
troupe ordonnée, une véritable force. Le 2 août, l'Allemagne
envahit le Grand Duché de Luxembourg, et déclare la guerre à la Russie. Le soir
du même jour le ministre d'Allemagne à Bruxelles remet à notre gouvernement
l'ultimatum par lequel son pays exige le libre passage des troupes allemandes
par notre territoire. Le roi Albert, d'accord avec le gouvernement, fait
répondre que celui-ci repoussera par tous les moyens en son pouvoir toute
atteinte portée par l'Allemagne au droit de la Belgique. Le 3 août, l'armée belge concentre
ses troupes en Hesbaye. A l'aube de cette journée, le Major Siron passe une
dernière fois son Bataillon en revue et, s'adressant à ses cyclistes: Mes
amis, leur dit-il, avant de franchir le porche de cette caserne, je vous
souhaite d'y rentrer un jour prochain. Mais si la guerre ne peut être évitée,
j'aime à croire que tous, sans hésitation, vous donnerez votre sang pour la
Belgique. Quelques minutes plus tard
le Bataillon quitte la caserne, aux acclamations de la foule massée aux abords.
Il est fort de trois compagnies et d'une section de mitrailleuses, soit 14
officiers, 3 médecins, 450 hommes et gradés. Il pédale vers Gembloux, où se
rassemblera la Division de Cavalerie. Les cyclistes ont de la peine à se plier
au train réglementaire qui leur est imposé, tant ils débordent d'entrain: on va
enfin leur faire faire autre chose que les monotones exercices journaliers ! Un livre d'histoire
glorieuse va s'ouvrir, une étonnante tradition militaire va naître ... Première
Partie Guerre
de Mouvement Dans les grandes actions, il faut uniquement
songer à bien faire, et laisser
venir la gloire après la vertu. Prince de Condé. A la rencontre de l'ennemi Aussitôt arrivés à Gembloux, vers la fin de la matinée du 3 août, les Carabiniers cyclistes sont chargés d'assurer la protection du débarquement des troupes de la Division de cavalerie, ainsi que la garde du logement et des voies de communication. Ils fournissent également les groupes de reconnaissance et les patrouilles. Le soir même, le Sous-Lieutenant Botman, accompagné de cinq hommes, part en mission dans la région d'Aubel-Gemmenich et la frontière allemande. A Liège, le commandant de la 3ème D.A. envoie en avant des forts les Carabiniers cyclistes mis à sa disposition. C'est au cours d'une de ces reconnaissances que mourra accidentellement le premier Carabinier cycliste de la Campagne, le soldat Boey, Joseph qui, le 3 août 1914, à Boirs-sur-Geer, en essayant de se hisser sur une meule de foin afin de mieux observer, fut atteint en pleine poitrine par une balle partie de son propre fusil. Boey ouvrait la longue liste de ceux qui allaient payer de leur vie la défense de notre pays ... Le lendemain 4 août, les Belges apprennent que les Allemands, faisant fi des engagements pris par eux de respecter la neutralité de la Belgique, ont violé notre territoire, brûlant nos villages, fusillant des civils! Ce sera donc la guerre! David contre Goliath ... A l'annonce de cette invasion brutale, l'ardeur des Carabiniers cyclistes ne fait que croître. Jusqu'ici on leur a appris à faire la « petite guerre». Cette fois les voici lancés dans une aventure dont ils sont loin de soupçonner la gravité et l'étendue, grisés qu'ils sont par leur jeune sang en effervescence, la cadence souple et rapide des pédales, les acclamations qui les accueillent au passage, les cris qu'on leur lance, les gestes brusques et un peu fous d'une foule électrisée par leur allure décidée. Ils s'en vont, vers l'inconnu et l'immortalité. Ils s'en vont, inconsciemment porteurs de cet ordre impératif, transmis mystérieusement de génération en génération, par les mânes de Capiaumont : faire le plus de mal possible aux ennemis de la Belgique. L'armée allemande, dite « de la Meuse», chargée de l'attaque de notre pays, s'ébranla le 4 août au petit jour, sous les ordres du Général von Emmich. Renforcée par le 2ème Corps de cavalerie (2ème, 4ème et 9ème Divisions à 6 régiments, soit 18 régiments de cavalerie), 2 batteries de 4 mortiers de 21 centimètres, 1 escadrille d'avions, 1 Zeppelin, elle alignait au total 35.000 fusils, 100 mitrailleuses, une centaine de canons et 14.000 sabres. Ceux-ci ne sortiront du fourreau que le 12 août, à Halen, où nous retrouverons les Z'" et 4me Divisions de cavalerie. Une nuée d'escadrons ennemis s'est abattue sur nos campagnes; ils ont pour mission de pénétrer le plus avant possible dans le pays. Derrière eux déferlera l'armée d'invasion, suivie elle-même de la formidable machine de guerre allemande. Le 4 août, le bataillon quitte Gembloux pour Waremme, et installe ses avant-postes sur le Geer. Tous les cyclistes qui ne sont pas retenus par des services de garde, sont immédiatement lâchés en chasse. Ils filent, par petits groupes, à la rencontre des redoutables Uhlans, Hussards de la Mort, Dragons de Mecklembourg, Cuirassiers. Adversaires de choix pour nos cyclistes, qui pédalent à toute allure, par monts et par vaux, à la recherche de cet ennemi qu'ils brûlent d'impatience d'accrocher, tels des taons gigantesques dont les piqûres seront mortelles pour ceux qu'ils approcheront. Ils dépistent les escadrons, creusent de larges sillons dans leurs rangs par leur tir précis et rapide, et disparaissent aussitôt. La nuit ils se collent à eux, silencieusement, et, au petit jour, leur envoient une volée de balles. Lorsque l'ennemi se ressaisit, les cyclistes se sont volatilisés. Pour se montrer brusquement un peu plus loin, abattre quelques cavaliers, et s'évanouir une fois de plus dans le paysage. Et ainsi toujours, aussi bien la nuit que le jour: apparaître inopinément, tuer, s'éclipser, surgir à nouveau en un autre endroit, semer la panique parmi les cavaliers surpris, disparaître, et recommencer un peu plus tard. Ce jeu terrible et passionnant excite prodigieusement nos cyclistes, sur qui la fatigue semble n'avoir aucune prise. Les cavaliers allemands sont déroutés; ils n'avancent plus qu'avec la plus grande circonspection et la constante appréhension de voir surgir devant eux, sur leurs flancs, sur leurs arrières, ces bondissants et tourbillonnants cyclistes acrobates aux gestes vifs et nets qui donnent la mort. Chaque accident de terrain ou bosquet, chaque pan de mur ou fossé est reconnu avec soin: n'abrite-t-il pas un de ces insaisissables démons ? Non. Et, au moment précis où le groupe hésitant se remet en marche, de brefs coups de feu font basculer lourdement quelques cavaliers de leur monture !... Là-bas, dans ce minuscule sentier, un léger voile de poussière qui se désagrège lentement au-dessus des blés mûrs, permet de supposer que c'est dans cette direction que se sont éclipsés les quelques invisibles audacieux qui ont fait le coup, et qui, tout joyeux, mais l'œil aux aguets, préparent une nouvelle saignée. Gare à celui qui se fera prendre! ... Le Lieutenant Groetaers, qui avait été envoyé avec une section en reconnaissance, entre Tongres et Visé, découvre dans le lointain un escadron de Uhlans venant dans sa direction. Les cyclistes mettent pied à terre et s'apprêtent calmement à recevoir l'ennemi. Dès que les cavaliers ne sont plus qu'à une cinquantaine de mètres, un feu à volonté foudroyant décime entièrement l'escadron, qui ne laisse que deux prisonniers valides entre les mains des patrouilleurs! Mais le Bataillon se déplace et va cantonner à Hannut. Le lendemain 6 août, il s'installe au Sud de cette localité. Ce même jour il est envoyé vers Hollogne sur Geer : il tiendra les ponts sur le Geer, pour assurer le repli des troupes de la 3ème D.A., venant de Liège. De nombreuses patrouilles de cavalerie ennemies sillonnent la région. L'armée belge est rassemblée dans la région de Tirlemont, Perwez, Wavre, Louvain. La 3ème Compagnie (Capitaine Derenne), qui était installée au lieu dit « L'Empereur », à 1 kilomètre de Moxhe, reçoit l'ordre de se porter vers Tourinne-Omal et de s'arrêter à la Chapelle Delanneau, au croisement de la route de Liège et de la chaussée romaine, au Sud-Est de Hollogne sur Geer. Vers 18.30heures deux escadrons de Dragons se présentent en masse. La compagnie ouvre un feu à volonté nourri à 400 mètres; une trentaine de cavaliers sont mis hors de combat, tués et blessés, et cinq valides sont faits prisonniers. Le reste de la troupe rebrousse chemin en désordre. Un peu plus tard la 3me Compagnie est rejointe par le reste du Bataillon et un escadron du 4ème Lanciers (Commandant Desmaret). Mission : s'emparer de Grand Axhe, occupée par l'ennemi, à l'est de Hollogne sur Geer. La localité est enlevée en trombe et un butin important en armes et munitions tombe aux mains des cyclistes, qui se saisissent de la presque totalité du 2me escadron du l8ème Dragons. Les débris du 4ème escadron du 17ème Dragons refluent sur Waremme, en abandonnant une cinquantaine de tués et prisonniers. Ils n'iront pas loin! Cinq patrouilleurs se sont lancés à leurs trousses, commandés par le 1er Sergent Georges Van Espen. Arrivés à la lisière Sud de Waremme, ils s'arrêtent dans un petit bois, à 200 mètres des Allemands, qui ont fait halte. La proie est trop belle, et ils ne résistent pas au plaisir de descendre quelques ennemis de plus. Les cavaliers répondent et repartent rapidement. Van Espen établit immédiatement son plan : devancer les cavaliers, afin qu'ils ne lui échappent pas! Il file aussitôt sur Waremme avec ses cinq hommes, par la route latérale de Petit Axhe. Il roule tellement vite qu'il perd ses compagnons ! Un seul, Delattre, a réussi à le tenir, à une centaine de mètres. A deux ils pénètrent à toute allure dans Waremme. Au chemin de fer des civils leur barrent la route et leur conseillent de fuir, car les Allemands arrivent au galop à leur rencontre. Mais nos deux cyclistes bondissent sur la crête du talus du chemin de fer et ouvrent un tir éclair sur la masse qui s'avance vers eux. Ils jubilent, en voyant leurs coups porter. Cependant le groupe passe dans un bruit de tonnerre et prend la grand'rue. Van Espen dévale le talus et poursuit la troupe au pas de course, abandonnant son vélo. A ce moment des coups de feu éclatent dans la ville : ce sont ses quatre hommes qui canardent les cavaliers du haut de la grand'rue. Plusieurs ennemis sont tués; le reste franchit l'obstacle ... et disparaît soudainement. Un civil signale à Van Espen que les Allemands sont embusqués dans le jardin du Juge Dutilleux, et lui déconseille d'avancer. Mais Van Espen continue sa course, et il aperçoit tout à coup un linge blanc au bout d'une lance ! Ruse de l'ennemi ? Celui-ci a-t-il réellement l'intention de se rendre ? Van Espen n'est pas rassuré. Mais son hésitation est de courte durée: il remet son fusil au dos, tire son revolver, et arrive, toujours courant, à la grille, restée ouverte, de la propriété du Juge de paix. Il entre dans le jardin, distingue l'officier, se précipite sur lui et, lui braquant son arme dans la figure, lui crie: « Si un de vos hommes bouge, je vous abats! ». Seul au milieu d'une cinquantaine de cavaliers armés! Van Espen se rend compte de la fragilité de sa situation, et il observe, haletant, le groupe qu'il a devant lui. L'officier est ahuri. Que se passe-t-il en lui ? S'attend-il à voir surgir d'autres soldats belges ? Sa position lui paraît-elle désespérée ? On ne sait. Mais il répond aussitôt à Van Espen, en français : «Je me rends, voici mon épée». Van Espen la reçoit de sa main libre. Il ne perd pas de vue les cavaliers, qui semblent calmes. Mais peu après, il perçoit des chuchotements dans le groupe, des mouvements se produisent, et il a l'impression que ses prisonniers vont remonter à cheval. Sa prise va-t-elle lui échapper ? Le juge est venu dans le jardin. Van Espen lui fait signe de fermer la grille et ordonne à l'officier de faire desseller les chevaux. Les cavaliers ne paraissent pas disposés à exécuter l'ordre et des voix s'élèvent dans leurs rangs. Van Espen ne perd pas son sang-froid, crie de plus en plus fort, non sans réaliser que l'affaire prend vilaine tournure. Or, voici que s'ouvre la grille et qu'apparaît Delattre, suivi bientôt des quatre autres patrouilleurs! Un contre sept : tout va bien ! Van Espen est certain, à présent, de ne pas perdre ses prisonniers. Les fiers Dragons de Mecklembourg, cette fois, se plient docilement à l'ordre reçu, déposent leurs armes et dessellent leurs monture ! Il n'y a bientôt plus, dans le jardin du juge, qu'un groupe de cavaliers désarmés, tout penauds ... Van Espen dénombre sa capture : ils sont cinquante Dragons qui se rangent docilement dans la rue, devant les civils ébahis. Nos cyclistes conduisent leurs prisonniers à la gare et les expédient au G.Q.G. à Louvain, dans des wagons cadenassés. Les armes et les chevaux sont confiés à la gendarmerie de Waremme. Au tableau de chasse figurent l officier, 49 soldats valides, 10 blessés, 4 tués et 16 chevaux tués ! Delattre a ramené le vélo de Van Espen, et les six Carabiniers cyclistes s'en vont joyeusement rejoindre leur compagnie, à Hollogne sur Geer. Le soir même Van Espen présentera fièrement le sabre de l'officier allemand au général de division de Witte. Georges Van Espen avait vingt ans, et trois jours de campagne ... Et la chasse continue, sans arrêt, implacable, infernale! La résistance physique des cyclistes est extraordinaire. Prenant à peine quelques heures de repos, dans un fossé ou au cœur d'un bosquet, mangeant au hasard de la route un morceau de pain reçu d'un villageois, des fruits cueillis dans un verger, ils sont cependant étonnants de vigueur et de fougue. N'ayant pas le loisir de songer à leur toilette, ils portent une barbe de plusieurs jours, leurs traits sont barbouillés d'un mélange de poussière et de sueur hâtivement essuyée d'un revers de main. Certains ont perdu, leur visière et s'en sont taillé une dans un calendrier, une couverture de cahier d'écolier, et l'ont fixée tant bien que mal avec deux bouts de ficelle noués derrière la tête. Leur uniforme sombre plaqué de poussière, maculé de taches, déchiré par endroits, achève de leur donner un aspect peu engageant. Mais tout souillés qu'ils soient, ils sont magnifiques d'allure, de jeunesse, de joie de vivre! Une très grande force émane de chacun de leurs mouvements souples et précis, de leur allure générale ; toute leur attitude exprime avec simplicité une volonté farouche, et leurs yeux de feu extrêmement mobiles dans leur face mâchurée, disent éloquemment combien ils sont heureux d'accomplir la mission transmise par l'ancêtre ... Pour tout dire ils sont redoutables, nos cyclistes, et ils inspirent une véritable terreur aux cavaliers allemands, qui ne les appellent plus que «schwarze Teufel », « Diables noirs»! Partout où il s'aventure, l'adversaire les rencontre sur son chemin, et les prisonniers tombés en leurs mains sont persuadés qu'ils sont plusieurs milliers. Les boches en ont une réelle hantise, et ils se sont cruellement vengés sur quelques isolés qu'ils ont réussi à capturer. C'est ainsi que deux soldats de la 1ère Compagnie, Dupont, Vital, et Musch, Omer, seront assassinés à Orsmael, le 10 août : le premier fut attaché à un poteau télégraphique et fusillé ; le second, pendu à la branche d'un arbre ... Mais la triste fin de leurs camarades n'entamera pas le courage des Diables Noirs, et ils continueront, avec plus d'acharnement encore, à exécuter leurs périlleuses missions de patrouilleurs. Le 9 août, c'est l'Adjudant Noël, de la 3ème Compagnie, qui part en reconnaissance avec 12 hommes. Mission : reconnaître l'importance d'une force allemande, dans la région située à l'Est de Tongres; vers quelle localité se dirige-t-elle ? Waremme ou Saint-Trond ? La Division de cavalerie s'est installée sur la rive Est de la Gette, entre Halen et Budingen. Noël file sur Saint-Trond et la route de Liège, et tente de contourner Tongres par le Sud. Mais à peine a-t-il dépassé Heers qu'il essuie des coups de feu tirés d'un petit bois, sur sa droite. Il riposte et décide aussitôt d'atteindre Tongres par le Nord-Est: Heers, Broekom, Looz. A Broekom il se heurte à un peloton de Uhlans précédé de deux éclaireurs. Le groupe de Noël ouvre le feu, tue l'un des éclaireurs, blesse l'autre ; les cavaliers tournent bride vers l'Est de Broekom. Les Diables Noirs amorcent la poursuite, mais ils doivent bientôt se terrer sous la volée de balles qui leur arrivent dans le flanc gauche, venant des couverts situés au Sud et à l'Ouest de Grand Looz. Noël et ses éclaireurs rampent vers l'ennemi, afin de s'en approcher le plus possible et reconnaître sa force, puis ils canardent les cavaliers; ceux-ci se retirent dans le bois. Notre petite troupe repart vers le Nord, mais le chemin lui est barré dans cette direction aussi, par l'ennemi qui occupe Looz. Il n'est donc pas possible de gagner l'Est de Tongres, la région à l'Ouest de cette ville est remplie de troupes allemandes se dirigeant Saint Trond. 1914 – Le motocycliste M. Lombaerts. Noël se retire sur Gelinden, et pousse sa reconnaissance jusqu'aux abords Est de Heers. Il y dénombre deux escadrons d’Uhlans, accompagnés de mitrailleuses. L'ennemi s'avance en masse par la route de Tongres à Saint Trond. Noël pourra-t-il rejoindre la Gette par cette dernière localité? Arrivés aux portes de celle-ci, les Diables Noirs se trouvent brusquement nez à nez avec une forte patrouille de Hussards de la Mort. Ils ouvrent immédiatement un feu rapide : 5 cavaliers, dont un officier, sont tués, 2 autres faits prisonniers. L'escadron qui suivait la patrouille fait demi-tour. A 19 heures les Diables Noirs rejoignent Geet Betz, sur la Gette, rapportant de leur mission de nombreux renseignements. Au cours de cette même journée du 9 août, le Bataillon protège le rassemblement de la Division de cavalerie, derrière la Gette. La position fortifiée de Liège n'ayant pu être épaulée par nos divisions en marche, l'E.M.G.A. décide de résister sur cette petite rivière, qui ne constitue cependant qu'un obstacle insignifiant aux yeux des Diables Noirs, et surtout à ceux de l'ennemi présomptueux, qui avance avec la belle certitude que rien ne peut lui résister. Et, dès le lendemain, les dispositions sont prises pour arrêter sur ce cours d'eau toute tentative de passage qui serait entreprise par l'ennemi. La Division a pour mission de couvrir le flanc gauche de l'armée. Dans la soirée du 10 août, les trois compagnies du Bataillon sont installées comme suit : la 1ère à Budingen, la 2ème à Drieslinter, et la 3ème à Halen. L'Etat-Major du Bataillon est à Kortenaken, avec la section de mitrailleurs, à la disposition du Général de Witte. La 3ème Compagnie, qui a pour mission de défendre le village de Halen, a installé un peloton au Sud de la route, un autre au Nord de celle-ci, et a chargé le 3me peloton d'organiser une position de repli à la station. Les troupes ont reçu l'ordre de coucher sur les positions, de façon à pouvoir occuper immédiatement les postes de combat en cas d'alerte. Les directions de tir de nuit ou en cas de brouillard sont établies. L'activité ennemie est très grande aux abords de Halen, et les cyclistes s'attendent à une attaque massive de leurs positions précaires. Le 11 août la 1ère Compagnie envoie deux pelotons à Geet Betz et un à Budingen, tandis que la 3ème porte son 3ème peloton de la station en première ligne. A 4 heures du matin des Hussards de la Mort viennent se heurter au peloton du Lieutenant Albert, au pont de Geet Betz, et repartent aussitôt, emportant plusieurs cavaliers, tués et blessés, qu'ils ont pu enlever grâce au brouillard. Un peu plus tard les cyclistes dénombrent 5 chevaux tués et recueillent 15 lances. A 10 heures, c'est un groupe d'une quarantaine de cavaliers qui, venant en colonne de Herk la Ville, veulent pénétrer dans Halen. Le tir du I" peloton de la 3ème Compagnie (Lieutenant Devos) les disperse. Deux tués et un blessé sont recueillis tout près de la ligne de feu. Le 2ème Corps de cavalerie ennemi, sous les ordres du Général von der Marwitz, est chargé de l'exploration stratégique, devant le front des 1er et 2ème armées allemandes, en direction de la ligne Anvers-Bruxelles-Charleroi. Il se compose des 2ème, 4ème et 9ème Divisions de cavalerie. Les deux premières ont traversé la Meuse près de Lixhe, et se dirigent vers la ligne Aarschot-Louvain- Wavre- Namur, tandis que la 9ème Division passera le fleuve à Huy. Les 2ème et 4ème Divisions comprennent les unités suivantes : 2ème, 17ème et 18ème Dragons, 3ème et 9ème Uhlans, 7ème et 2ème Cuirassiers, 12ème ,15ème et 16ème Hussards, 1er et 2ème Hussards de la Garde, soit 12 régiments à 4 escadrons de 180 officiers et troupes, ou 8.640 hommes ; 2 groupes d'artillerie à cheval, chacun de trois batteries de quatre pièces et 340 officiers et troupes, soit 24 canons et 680 hommes ; 2 groupes de mitrailleuses à 6 pièces et 130 officiers et troupes, ou 12 mitrailleuses et 260 hommes ; les 4ème et 9ème Bataillons de Chasseurs (le 9ème renforcé par une compagnie du 7ème Chasseurs), soit 9 compagnies, 2 compagnies de mitrailleuses et 2 compagnies cyclistes, ou 2.368 officiers et troupes ; enfin, des détachements de liaison, de pionniers, et le charroi. Au total, 12.000 combattants environ. Comme on l'a vu plus haut, le 2ème escadron du 18ème Dragons a été presque entièrement fait prisonnier par les Diables Noirs, dans la soirée du 6 août, lors de l'attaque de Grand Axhe ; ce régiment ne compte plus, le 11 août, que les 1er ,3ème et 4ème escadrons. Quant au 4ème escadron du 17ème Dragons qui, le soir de Grand Axhe battit en retraite en abandonnant une cinquantaine de tués et prisonniers, il a été achevé, on le sait, par le 1er sergent Van Espen et ses patrouilleurs, à Waremme. Les rescapés ont été réunis en un peloton, sous les ordres du Commandant d'escadron. Il est certain que les effectifs cités ci-dessus, ont été profondément modifiés au cours d'engagements antérieurs au 12 août 1914, et nous serrerons la vérité de plus près en évaluant à 8.500 environ, le nombre d'adversaires massés devant nous, dans la nuit du 11 au 12 août. La situation des effectifs de la D.C., le même soir, est la suivante: 1er Guides, 34 officiers, 574 sabres, 2 mitrailleuses ; 2ème Guides, 34 officiers, 564 sabres, 2 mitrailleuses ; 4ème Lanciers, 32 officiers, 587 sabres ; 5ème Lanciers, 30 officiers, 502 sabres ; Bataillon cycliste, 14 officiers, 450 fusils, 2 mitrailleuses ; Pionniers-pontonniers cyclistes, 4 officiers, 190 fusils ; Artillerie montée, 6 officiers, 370 hommes, 12 canons. Soit, en chiffres ronds, 3.400 combattants. Le 11août, à 18 heures, le G.Q.G. expédie au Général de Witte l'instruction suivante: Il y a lieu de supposer
qu'un mouvement de cavalerie allemande s'effectue de Saint Trond et environs
vers Hasselt, pour se porter ensuite vers le Nord de Diest. La Division de cavalerie
fera reconnaître dans les directions de Herk Saint Lambert, Hasselt, Zonhoven,
Beringen et Tessenderloo. La mission qu'a la D.C.
de couvrir le flanc gauche de l'Armée reste entière. La direction de Diest peut devenir la plus
dangereuse. Cette instruction contraignit le commandant de la D.C. à modifier le dispositif des jours précédents et, le 12 août, à l'aube, nos troupes sont réparties comme suit : le 1/1er Guides, à Geet Betz ; le IV/2ème Guides, à Budingen ; le III/2ème Guides, soutien d'artillerie ; les 5 escadrons restants, en formation de masse près du château de Blekkom. Le 4ème Lanciers, à Zelk; le 5ème Lanciers, en masse au château de Blekkom. La 1ère Compagnie cycliste, partie de Geet Betz, a éclairé la marche du 1er Guides vers Loksbergen ; la 2ème Compagnie a laissé son 3ème peloton à Dries et occupe Zelk : la 3ème Compagnie reste à Halen. Tous les ponts sur la Gette sont détruits, à l'exception de ceux de Halen et Zelk, dont la destruction est préparée, et ceux de Dries, simplement barricadés. Le 1er Régiment d'artillerie à cheval occupe le mamelon 55, à 500 mètres au Sud-Est de Houtsum, et le 2ème Régiment s'installe au mamelon 69, à 600 mètres au Nord-Ouest de cette localité. A 8 heures, l'Etat-Major de la D.C. apprend que l'ennemi, venant de Hasselt et de Alken, se dirige en force vers Herk la Ville. A 9.25 heures l'Etat-Major est avisé par le G.Q.G. qu'une brigade mixte de la 1ère Division d'armée, qui se trouve rassemblée près de Hauthem Sainte-Marguerite, a reçu l'ordre de se porter sur Kortenaken et de se mettre à la disposition du Général de Witte. A ce moment arrivent successivement à l'Etat-Major deux bulletins partis de Halen à 9.4 heures et 9.15 heures, par lesquels le Commandant de la 3ème Compagnie cycliste fait savoir que son unité est engagée, depuis 8.10 heures, dans un combat avec des cavaliers pied à terre, et qu'il ne pourra résister longtemps. Le Général de Witte ordonne à la 1ère Compagnie cycliste de se porter immédiatement à Halen, à la disposition du Major Siron, pour renforcer la 3ème cycliste, notamment vers la droite, à l'effet de flanquer la lisière Sud du village. Un peloton de la 1ère cycliste se portera vers Papenbroek et la borne 51 de la route de Louvain à Diest, pour garder cette voie. Le Commandant de la D.C. change une nouvelle fois son dispositif : 5 pelotons du 4ème Lanciers sont installés de part et d'autre du ruisseau Yzerebeek, non loin de la ferme du même nom ; le IV/4ème Lanciers reste à Zelk, avec 2 pelotons de la 2ème Compagnie cycliste ; le IV/5ème Lanciers occupe la ferme sur la route à mi-chemin entre Velpen et Loksbergen ; le III/5ème Lanciers s'installe dans l'angle formé par la route de Velpen à Loksbergen et le chemin de terre de Halen à Loksbergen ; le II/5ème Lanciers reste en réserve à la lisière Est de Loksbergen ; le I/5ème Lanciers est envoyé en soutien d'artillerie, au mamelon 55. Ces emplacements sont occupés par les 4me et S'" Lanciers vers 10 heures. Les 1er et 2ème escadrons du 2ème Guides occupent, vers 12.30 heures, une position en tenaille à 400 mètres environ des lisières Sud-Ouest de Velpen. Enfin, les 3 escadrons du 1er Guides sont chargés de former un repli pour le 2èmeGuides, sur une ligne à 100mètres en avant de la lisière Nord-Est du bois de Loksbergen. Cette position est occupée vers Il heures. La mise en place des cavaliers est terminée vers 12.30 heures. Les Carabiniers cyclistes, eux, combattent
vaillamment, seuls, depuis quatre heures ... Ces magnifiques soldats vont montrer qu'ils n'excellent pas seulement à faire des patrouilles, à tendre des embuscades, isolément ou par petits groupes, mais qu'ils peuvent aussi défendre une position, combattre, s'accrocher, et « tenir ». Combat
de Halen Action
du Bataillon de Carabiniers Cyclistes Ordre
de Bataille du Bataillon Etat-Major du
Bataillon : Major Siron Capitaine en 2d AEM Panquin Capitaine Van Belle, officier-payeur 1ère Compagnie : Capitaine-Commandant
Van Damme Lieutenant
Albert Lieutenant
Peleman Lieutenant Lambrechts Adjudant Thirionet Médecin de Bataillon Pierre 2ème
Compagnie : Capitaine-Commandant
Kesseler Lieutenant
Lardo Lieutenant Desmet Adjudant Bollekens Médecin adjoint Marlier 3ème
Compagnie : Capitaine en 2d
Derenne Lieutenant Groetaers Lieutenant Devos Adjudant Noël Médecin adjoint Frère Section de fusils-mitrailleurs Hotchkiss : Capitaine
Vandezande Situation de la D.C. et de la 4ème B.M. à l’aube du 12 août1914. Section Historique de l’armée. Première position des Carabiniers
cyclistes : aux lisières Est de Halen. La 4ème Division de cavalerie allemande, sous les ordres du Général von Garnier, a quitté Looz le 12, à 5 heures; elle a l'ordre de marcher sur Halen, par Alken et Stevoort. Elle arrive dans cette dernière localité vers 7 heures et y dépasse le 9ème Bataillon de Chasseurs, renforcé par une compagnie du 7ème Bataillon ; des patrouilles du 2ème Cuirassiers (1er régiment de la Reine) la précèdent. L'ordre reçu de von Marwitz par von Garnier est le suivant: La 4 DC ouvre le défilé près Halen.
Le 2 DC avance avec la tête jusqu'à la coupure de la Herk à l'Est
de Herk la Ville et couvre en direction de Lummen. Ayant rencontré de la résistance à Halen, von Garnier ordonne de prendre le village. Cette mission est confiée au 9ème Bataillon de Chasseurs renforcé et à la 3ème Brigade de cavalerie, avec l'appui du groupe d'artillerie à cheval n° 3, qui prendra position à l'ouest de Herk la Ville. Partant de Waterkant, le 9ème Bataillon passe immédiatement à l'attaque par la route de Halen et au Nord de celle-ci, tandis que la compagnie du 7ème Bataillon opère par le Sud de la route. A ce moment – vers 8 heures – Halen est défendu uniquement par la 3ème Compagnie de Carabiniers cyclistes : 1er peloton au Sud du pont, 3ème peloton et section de fusils-mitrailleurs au Nord du pont, 2ème peloton en réserve à la station. Les Diables Noirs attendent silencieusement, faisant corps avec le terrain, les arbres, les murs derrière lesquels ils se dérobent au regard de l'ennemi. La matinée est déjà chaude et lourde. L'adversaire approche. Il avance avec prudence, précédé de groupes d'éclaireurs. A 8 heures 10, ceux du 2ème Cuirassiers, venant de Herk la Ville, débouchent devant le village de Halen. Les Carabiniers cyclistes, embusqués près des premières maisons, les laissent approcher, suivant leur tactique habituelle, jusqu'à quelques mètres, puis les fusillent presque à bout portant. Sept cavaliers sont mis hors de combat (4 tués, 2 blessés et 1 prisonnier) ; le reste reflue bride abattue vers Herk la Ville. L'un des blessés donne des renseignements intéressants au Capitaine Derenne, qui les transmet, à 9 heures 15, au Commandant de la 2ème Brigade de cavalerie à Loksbergen : D'après avis reçu d'un blessé allemand soigné
par nous, 6 régiments de
cavalerie nous semblent opposés. Nous sommes engagés dans un combat par le feu
avec une partie de cette cavalerie pied à terre, Il paraîtrait également
qu'elle possède de l'artillerie.
J'estime que nous ne pourrions guère résister longtemps. En effet, après la dispersion de la patrouille à cheval, la lutte par le feu avait été entamée depuis 8 heures 30 environ. L'ennemi est revenu en force. Il déploie ses cyclistes encadrés par les bataillons de Chasseurs, le 2ème Cuirassiers et le 9ème Uhlans, et engage aussitôt le combat violemment. Malgré le tir précis des cyclistes, ceux-ci n'ont pu empêcher l'ennemi d'approcher de la ligne de défense. A partir de 8 heures 30 il a réussi à ramper jusqu'à une centaine de mètres de la Gette, grâce aux nombreuses haies qui se trouvent devant les défenseurs, qui restent stoïques et calmes sous le véritable ouragan de feu qui les assaille. Chacune de leurs balles porte, mais ils sont trop peu nombreux pour résister efficacement à la masse qui s'avance vers eux. A 9 heures 35, les deux pelotons en réserve de la 1ère Compagnie viennent renforcer la 3ème Compagnie. Le premier peloton (Lieutenant Albert) soutient la compagnie Derenne sur sa position au Sud du pont. Le Major Siron a pris la direction de la défense. La progression de l'ennemi est contenue jusque vers 10 heures, lorsque l'artillerie allemande se met de la partie et bombarde le pont de Halen avec une extrême violence, tuant plusieurs Diables Noirs. Les tirailleurs ennemis mettent cette puissante intervention à profit pour franchir la Gette au Sud de la route, et déborder le front tenu par les cyclistes. Ils prennent ceux-ci de flanc avec leurs mitrailleuses et les forcent à se replier sur la station de Halen. Les Diables Noirs s'incrustent à la voie ferrée, vers 10 heures 35. Le passage à niveau est gardé par la section des fusils-mitrailleurs, pendant que la 1ère Compagnie s'installe au Nord de la route et la 3ème au Sud. Les Pionniers-pontonniers cyclistes, ne disposant que de mauvais explosifs, tentent en vain de faire sauter les ponts sur la Gette et sur la Velpe. A ce moment, les cinq pelotons de Carabiniers cyclistes reçoivent du Lieutenant AEM Van Overstraeten, de l'Etat-Major de la DC, l'ordre de résister le plus longtemps possible, en attendant l'arrivée de la 4ème Brigade Mixte de la 1ère DA. Deuxième position des Carabiniers
cyclistes : au chemin de fer de Tirlemont. Les Chasseurs allemands s'étant aperçus que les Diables Noirs se sont retirés de leur position, pénètrent dans la localité, où ils se reforment. Une courte accalmie succède au combat. Pendant celle-ci, la 17ème Brigade de cavalerie ennemie est avancée jusqu'à Waterkant, pendant que la 3ème Brigade, dont les unités ont combattu à pied, se ressemble à Landewijk, où les cavaliers reprennent leurs montures. A Il heures 30, le Général von Garnier décide l'occupation du passage à niveau et lance plusieurs escadrons du 17ème Dragons au galop, en colonne par quatre, dans la rue principale, à l'assaut de la position. Mais nos fusils-mitrailleurs et le tir des 1ère et 3ème Compagnies les fauchent. De nombreux chevaux s'abattent, bouchant la route à la queue de la colonne, qui vient s'écraser sur cette barrière inattendue, tandis que les survivants se replient en grand désordre dans le village, où arrivent sans cesse de nouvelles troupes allemandes. Voici que le ciel se déchire rageusement au-dessus des Carabiniers-cyclistes : c'est notre 1ère Batterie à cheval (Commandant Verhavert), en position au mamelon, qui, avertie par les cyclistes de l'abandon de Halen, déclenche avec une précision extraordinaire un tir rapide dans la rue principale et sur la grand'place, où grouillent hommes et chevaux, qu'elle anéantit par escadrons entiers, dans un horrible carnage ! Halen est en flammes. L'ennemi se ressaisit rapidement et reprend le combat pied à terre. Très supérieur en nombre, il déborde bientôt les Carabiniers cyclistes qui, pris de flanc sous des tirs qui leur causent de grandes pertes, se voient obligés de gagner la position principale, gardée en arrière par les Lanciers. Mais de celle-ci les Lanciers ne peuvent atteindre les débouchés de Halen. Aussi le Lieutenant AEM Van Overstraeten arrête-t-il les cyclistes en avant de la ligne des Lanciers, afin que les Diables Noirs puissent tenir ces débouchés sous leur feu, toujours en attendant l'arrivée de la 4ème Brigade Mixte. Attaque de la troisième position des
Carabiniers cyclistes. L'adversaire veut passer, coûte que coûte! Mais notre magnifique 1ère Batterie à cheval, qui, avec un cran admirable et sans souci des tirs de contre-batterie allemands, s'acharne maintenant sur les fantassins ennemis, le gêne beaucoup. L'ennemi veut s'en emparer, et le Général von Garnier va faire appel à ses régiments de cavalerie qui, cette fois, combattront à cheval! Le terrain où les Carabiniers cyclistes ont été arrêtés est absolument nu, et nos Diables Noirs se trouvent à 400 mètres en avant de la position principale, en plein champ de tir des escadrons de Lanciers ! Les Chasseurs allemands continuent leur progression et arrivent au chemin creux Velpen-Liebroek. Bien à l'abri, ils mitraillent aussitôt les cyclistes plaqués au sol, sans aucune protection, en une longue ligne de tirailleurs, de part et d'autre de l'Yzerebeek. Rageurs, les Diables Noirs reprennent courageusement le combat, mais ceux qui lèvent la tête sont mortellement atteints. La lutte est meurtrière et bientôt de nombreux cadavres marquent notre ligne de défense. Le tir des nôtres se ralentit. Un bond de 400 mètres pourrait peut-être sauver les survivants, mais pas un Carabinier cycliste ne bouge : l'ordre donné est de rester là ! La 1ère Compagnie a perdu le Lieutenant Albert, blessé aux lisières Est de Halen. Le Capitaine Panquin, adjoint ou Major Siron, avait spontanément pris le commandement du peloton Albert : il est fauché par sept balles de mitrailleuse dans la poitrine. Il reste un seul officier, le Commandant Van Damme. Il tombe à son tour, grièvement blessé, et a encore la force de dire à ceux qui l'entourent : «Courage ! mes amis ». Plus tard nous apprendrons qu'un brancardier allemand passant près de lui, vers le soir, l'acheva d'un coup de pistolet dans la bouche ... DEPUIS PLUS DE QUATRE HEURES LES DIABLES
NOIRS SUPPORTENT SEULS TOUT LE POIDS DE L'ATTAQUE. Ils ne peuvent cependant
attendre aucun renfort et ne doivent compter que sur eux-mêmes. Dans son livre
HALEN, paru en 1920, le Général de Witte s'exprime comme suit : Légitimement
émus de l'héroïsme dont faisaient preuve nos vaillants cyclistes, certains
officiers de mon Etat-Major avaient voulu me suggérer l'idée de les faire soutenir par des renforts en vue
d'éviter qu'ils ne pliassent sous
le nombre. Je ne pus, à mon vif regret, donner suite à ce désir... Il est permis de se demander pourquoi. Valait-il mieux, dans l'esprit du Commandant de la D.C., sacrifier de l'infanterie, fût-elle montée à vélo, que d'exposer de la cavalerie ? … C'est le moment que choisit l'ennemi pour essayer, une fois encore, de forcer le passage : il va faire charger les Dragons, Cuirassiers et Uhlans de la 4ème Division de cavalerie, arrivés à pied d'œuvre ! CHARGES DE LA CAVALERIE ALLEMANDE. 1. – 17ème Brigade, 1ère et 2ème
Charges, par le 17ème
Dragons. 12 août 1914. Halen. C'est aux 2ème et 3ème escadrons du l7ème Dragons qu'est confié l'honneur d'exécuter la première charge, vers l'objectif à atteindre : notre 1ère Batterie à cheval, installée sur les hauteurs de Houtsum. Les voici qui foncent sur la route de Halen à Diest, en colonne par quatre, à une allure folle ... Quelques instants plus tard ils viennent s'écraser sur la barricade tenue à l'entrée de Zelk, par deux pelotons de la 2ème Compagnie cycliste et un escadron du 4ème Lanciers. L'escadron de tête est entièrement anéanti, et devant la barricade s'élève maintenant un nouveau rempart, cette fois de chevaux et de cavaliers culbutés. Le 3ème escadron, qui ne peut franchir cet obstacle, fait demi-tour et reflue vers son lieu de départ. Belle cible pour les Diables Noirs, qui ne se font pas faute de tirailler dans cette masse. L'ennemi ne fera aucune nouvelle tentative de ce côté. De ces deux escadrons, 13 hommes seulement ont échappé au massacre ... Pendant que les 2ème et 3ème escadrons du 17ème Dragons opéraient par la route de Diest, le dernier escadron du régiment, le 1er, avait reçu l'ordre d'attaquer par le Sud de cette route. (Les survivants du 4ème escadron mis à mal par les Diables Noirs à Waremme, avaient été, comme on sait, regroupés en un peloton et n'étaient pas en ligne ; pendant le combat ce peloton assura la garde de l'étendard). Au moment où, vers 13 heures, les rescapés de la 1ère Compagnie s'apprêtent à se replier vers la ligne des Lanciers, ils voient tout à coup surgir des haies à l'Ouest de Halen un escadron en colonne par quatre. C'est le 1/17ème Dragons qui s'abat sur eux en hurlant, avec la certitude de balayer les défenseurs. Un commandement a été lancé. Les Carabiniers cyclistes, d'un mouvement vif, ont arraché leur baïonnette du fourreau et l'ont planté au canon de leur fusil. Voici la horde sauvage. Les chevaux foncent ventre à terre. « A genoux !... Feu! » Les cyclistes fauchent littéralement le premier peloton, à bout portant ! Ils n'ont plus le temps de mettre en joue une seconde fois et plantent leur baïonnette dans le poitrail des chevaux ou le flanc des Dragons qui, emportés par leur élan, franchissent la ligne des cyclistes. Des chevaux affolés désarçonnent leurs cavaliers et se perdent dans la campagne. Parmi les cadavres, dans un nuage de poussière et une odeur fade de sang et de sueur, Dragons et Diables Noirs se battent au sabre, à la lance, à la baïonnette ! La charge est brisée et les cyclistes peuvent à nouveau faire usage de leur fusil. Ils ne sont plus qu'une poignée ... Combat de Halen du 12 août 1914. Les Dragons qui ont réussi à s'échapper sont anéantis par les feux du 1er peloton du l/5ème Lanciers, renforcés par ceux des fusils-mitrailleurs de la DC et de la 2ème Batterie à cheval, en position au mamelon 69. 2. – 3ème, 4ème
et 5ème charges, par le 18ème Dragons. Voici que de nouveaux cavaliers s'élancent, cette fois du passage à niveau. C'est le 18ème Dragons qui attaque à son tour. Le 4ème et le 1erescadrons sont en tête ; ils partent à l'attaque de part et d'autre de l'Yzerebeek. Le 3ème escadron suit de loin le 1er. Le 4ème charge le premier en colonne de pelotons. Il longe la rive Nord du ruisseau lorsque, à 300 mètres de la ferme, il est brusquement soumis aux feux du 4ème peloton du II/4ème Lanciers (Lieutenant Lentz), qui lui fauche les premiers pelotons. Les cavaliers qui suivent font demi-tour et s'enfuient dans toutes les directions. Presqu'aussitôt le 3ème escadron parvient à traverser la ligne clairsemée de la 1ère Compagnie cycliste, non sans subir des pertes sérieuses, déboîte vers la droite pour éviter les monceaux de cadavres de la charge précédente, et s'élance au galop dans le chemin qui conduit à la ferme de l'Yzerebeek. Il y est reçu par le tir du peloton Lentz, qui le décime entièrement. Pendant que se déroule cette action, le 1er escadron du 18ème Dragons s'élance au Sud du ruisseau, vers la 3ème Compagnie cycliste. Celle-ci se trouvant en plein champ, les officiers ordonnent à leurs hommes de rester couchés. La charge les franchit aisément, mais aussitôt après les Diables Noirs fusillent les cavaliers dans le dos, pendant que le feu du III/4ème Lanciers les reçoit de face. L'attaque est brisée une nouvelle fois. Le commandant du 18ème Dragons gît parmi les morts. Ainsi les trois escadrons du 18ème Dragons sont taillés en pièces ; ses débris et ceux du l7ème Dragons rallieront Halen dans la soirée. Si l'attaque de la 17ème Brigade a échoué, elle a néanmoins permis au groupe d'artillerie de la 4ème DC de sortir de Halen au galop et d'installer six pièces au Nord de la station. Celles-ci pourront, dès lors, tenir sous leur feu notre 1ère Batterie à cheval, qui n'a pas hésité à amener ses pièces sur la crête du mamelon, afin de battre de plein fouet les charges ennemies. II. – 3ème Brigade, 6ème charge, par le 2ème Cuirassiers. Pendant que la 17ème Brigade s'efforçait de détruire notre ligne de défense, la 3ème Brigade, qui avait réussi à franchir la Gette, était arrivée à Donk. Aussitôt passé, le 2ème Cuirassiers part à l'attaque. Ses 3ème et 4ème escadrons s'élancent au galop des lisières Nord-Est de Velpen, mais ils sont arrêtés net au chemin creux Velpen-Lierbroek, par le feu violent des cyclistes de la 3ème Compagnie, et des cavaliers des 4ème, 5ème Lanciers et 1er Guides qui se trouvent derrière eux. Un troisième escadron vient à la rescousse, mais n'est pas plus heureux que les deux premiers. Les débris de ces trois escadrons se retirent en désordre. 2. – 7ème et 8ème charges, par le 9ème Uhlans. Le 9ème Uhlans, qui a passé la Gette à la suite du 2ème Cuirassiers, est arrivé à la route Velpen-Halen. Il a l'ordre formel de s'emparer de notre artillerie. Les 1er et 2ème escadrons s'élancent au galop dans la direction de la ferme de l'Yzerebeek, mais soumis à des feux de front et d'écharpe des tirailleurs des 5ème Lanciers et 2ème Guides - ces derniers interviennent pour la première fois, - ils doivent tourner bride et se réfugier dans le chemin creux. Le commandant du régiment les rassemble dans une dépression de terrain, où il fait porter ses deux escadrons non encore engagés. Cette fois c'est le 9ème Uhlans tout entier qui va charger dans une véritable course à la mort. Il est appuyé, à sa droite, par les survivants des trois escadrons du 2ème Cuirassiers et du 4ème escadron encore frais. L'historique du 9ème Régiment
des Uhlans mentionne que comme au champ d'exercices, l'Etat-Major loin en
avant, les chefs d'escadron devant leurs unités, on s'élança de nouveau, à allure
rapide et en poussant des hourras, sur l'ennemi en direction de la ferme de la tuilerie
(ferme de l'Yzerebeek). Les Carabiniers cyclistes de la 3ème Compagnie, agglutinés au sol, attendent stoïquement cette masse hurlante qui se précipite sur eux dans un bruit de tonnerre. Impossible de résister à pareille avalanche. « Couchés! ». Et l'ouragan déferle sur les débris de la compagnie, face à la position principale. A 200 mètres, les Lanciers ouvrent le feu de front, pendant que les premiers éléments du 4èmeRégiment de ligne, arrivés opportunément à l'emplacement que le 2ème Guides avait abandonné, mitraillent la charge de flanc, et que les Diables Noirs, dont un seul a été blessé, se redressent et tirent dans le dos des cavaliers ennemis, qui mordent la poussière. Notre magnifique artillerie tire à boîtes à balles et achève la tuerie. Ce sera la dernière charge ... Quatre régiments, fleurs de la cavalerie allemande, ont été anéantis par les Carabiniers cyclistes, appuyés par les Lanciers, partiellement par de faibles éléments des Guides et, lors de l'ultime charge, par une compagnie du 4ème de Ligne ; notre artillerie à cheval fut admirable pendant tout le combat. Les débris ennemis se retirent sur la rive Est de la Gette : plus un seul régiment n'osera encore s'aventurer à cheval dans cette zone infernale, où viennent de fondre deux brigades entières. Les rescapés, épouvantés, ne cessent de répéter: « die schwarze Teufel !... schrecklich ! » ... « Les Diables Noirs !... c'est affreux! » ... A 14 heures 45 la position de Loksbergen est toujours intacte : LES CARABINIERS CYCLISTES ONT TENU DURANT PLUS DE SIX HEURES. Ils ont empêché les tirailleurs ennemis de passer et résisté à huit charges de cavalerie. Mais voici que l'ennemi reprend le combat. Cette fois ce sont les bataillons de Chasseurs qui, débouchant de Velpen, avancent en tirailleurs sous la protection des mitrailleuses de la Garde et de l'artillerie de la 2ème DC. Les tirailleurs sont renforcés par la brigade des Hussards de la Mort, que von der Marwitz a fait déployer pied à terre. Il fait suivre ses deux dernières brigades, la 5ème et la 8ème, au-delà de la Gette, où elles prennent une formation d'attente au Sud de Halen. Devant cette nouvelle et puissante attaque, les Diables Noirs encore valides se replient sur la position principale, où ils continueront la lutte avec les Lanciers, jusqu'à l'arrivée de la 4ème Brigade Mixte. Peu après, épuisés et les nerfs ébranlés par cette lutte ininterrompue de plus de six heures, les rescapés des cinq pelotons des 1ère et 3ème Compagnies de Carabiniers cyclistes, sont retirés de la ligne de feu vers 15 heures, par ordre du Commandant de la DC, qui félicita le Major Siron pour la magnifique attitude de ses hommes. Quatre officiers et cent vingt-cinq hommes manquent à l'appel... La position principale n'a pas subi de modification, avons-nous dit. Cependant, à l'aile droite, le Commandant du 2ème Guides, jugeant que « que la position trop avancée de son 1er Groupe allait le soumettre aux feux de nos troupes », avait donné ordre à ce groupe, dès 13 heures 40, de se replier et de reprendre sa première position au Sud du bois de Loksbergen. C'est au cours de ce mouvement que le 2ème escadron eut l'occasion d'ouvrir le feu contre la première charge des Uhlans. Après quoi le mouvement de retraite fut repris aussitôt, parce que, selon les dires du Commandant du 2ème Guides dans son compte rendu, « des projectiles amis sifflaient autour du groupe »... Arrivés au Sud du bois de Loksbergen, le 2ème et le 1er Guides - celui-ci avait eu pour mission de former un repli pour le 2ème - reçurent l'ordre de surveiller le flanc droit de la ligne de combat, et de servir de soutien éventuel à l'infanterie. Cependant, lorsque les trois escadrons du 1er Guides eurent été dépassés par l'infanterie de la 4ème Brigade Mixte, qui venait d'arriver sur le champ de bataille, les cavaliers, par ordre du Commandant de la 1ère Brigade, remontèrent à cheval et s'en furent se reformer au Sud-Ouest du bois. L'attaque allemande montée contre la ligne Houtsum-Velpen, comprend le 9ème Bataillon de Chasseurs renforcé, dont une partie se trouve déjà au chemin creux Velpen-Liebroek, le 4ème Bataillon de Chasseurs et le 2ème Hussards de la Garde. Ce dernier renforcera le 9ème Chasseurs vers 15 heures, et pied à terre. Outre l'artillerie déjà engagée de la 4ème DC, trois batteries de celle de la 2ème DC se porteront à 15 heures 10, à 1.500 mètres au Sud-Ouest de Halen, et participeront à l'attaque. Devant 1a ligne très compacte des tirailleurs ennemis, et le bombardement à shrapnels et obus brisants, les Lanciers se voient contraints de battre en retraite. Peu après, la ferme de l'Yzerebeek et le hameau de Liebroek tombent aux mains de l’adversaire. Vers 16 heures, notre 1ère Batterie à cheval, prise sous les feux de mousqueterie et de mitrailleuses, reçoit l'ordre de se mettre à l'abri. Les artilleurs, malgré les fatigues de leur magnifique action sous les obus ennemis, pendant plus de trois heures, tirèrent néanmoins les pièces et les caissons à bras, pour aller se placer à environ 300 mètres à l'Ouest du mamelon 55, à l'abri des vues de l'assaillant. Les Diables Noirs sont exténués, et on ne peut songer à les remettre en ligne. La situation est critique. Mais voici que l'on entend tout à coup des clairons d'infanterie sonner la charge ! Ce sont les fantassins des 4ème et 2ème de Ligne qui, après une marche forcée de 18 kilomètres sous un ciel de feu, entrent dans la mêlée et passent à l'attaque. Leurs pertes sont sanglantes. La plupart de leurs officiers, sont tués ou blessés. Il n'y a bientôt presque plus de chefs ; les gradés ne sont pas instruits et ne peuvent mener à l'attaque ces centaines d'hommes qui ne se connaissent pas. La mordante pression de l'ennemi achève de semer la confusion dans ces pauvres unités, inconscientes de la situation. Fort heureusement, notre 2ème Batterie à cheval, installée au mamelon 69, a vu le mouvement des masses des 5ème et 8ème Brigades ennemies. Et aussitôt elle accompagne énergiquement leur traversée de Halen, puis disperse leur rassemblement à l'Ouest de Donk. von der Marwitz, déjà décontenancé par la résistance imprévue qu'il a rencontrée à Halen est, cette fois, tellement impressionné par le tir précis et extrêmement violent de notre batterie, qu'il rappelle ses régiments sur la rive droite de la Gette. La colonne fait demi-tour dans une indescriptible confusion, sous les feux de plein fouet de nos artilleurs, qui s'en donnent à cœur joie, là-bas, sur leur mamelon. Le coup définitif est porté par la même batterie à cheval lorsque, vers 17 heures, elle découvre l'emplacement des batteries allemandes, à l'Ouest de Halen, qu'elle arrose aussitôt d'un feu infernal, tellement intense que les dites batteries se retirent précipitamment, abandonnant de nombreux tués et plusieurs caissons déchiquetés pas nos obus. Peu après les tirailleurs se retirèrent à leur tour. von der Marwitz avait jugé la journée perdue dès 16 heures, et s'il s'était opiniâtrement accroché à Velpen, c'était par la seule crainte d'être rejeté trop rapidement vers les ponts. Il se retira jusqu'à Hasselt et au-delà ... *
* * Il ne nous appartient pas, au cours de ce récit qui se veut objectif, de nous livrer à des critiques au sujet des dispositions prises par le Commandant de la DC, lorsque celle-ci était engagée seule, ni au moment de l'arrivée sur le champ de bataille de la 4ème Brigade Mixte. Toutefois, lorsqu'on se penche sur les documents officiels ayant trait au combat de Halen, on se demande si le Lieutenant-Général de Witte n'a pas voulu ménager ses régiments de cavalerie, et éviter d'engager sérieusement certaines de ces unités ? N'est-ce pas ce souci qui s'est transformé en anxiété, au cours du combat, anxiété qui se traduit par l'envoi, à diverses reprises, d'officiers de son état-major, à la rencontre de la Brigade, afin de lui donner des instructions et de faire hâter sa marche ? (Le Général de Witte ne connaissait pas l'itinéraire suivi par la colonne). On sait que la mise en place des régiments de cavalerie ne fut terminée que vers 12 heures 30, alors que les Diables Noirs combattaient depuis quatre heures. Cependant, dès 12 heures 50, alors que ses cavaliers n'étaient nullement engagés, le Général de Witte expédia un télégramme au Commandant de la 1ère DA, pour lui signaler que la 4ème Brigade Mixte n'était pas encore arrivée à Cortenaken et qu'il était fort pressé par l'ennemi. Or, la marche de la 4ème Brigade Mixte s'exécuta dans des conditions fort pénibles. La Brigade
s'était rassemblée au Sud d'Heuthem Sainte Marguerite dès 5 heures 45, en partie pour exécuter des travaux de fortification passagère (un
bataillon avait même dû
commencer le travail à 4 heures)
; les hommes s'étaient donc levés très tôt, certaines unités avaient passé la
nuit en grand'garde. La température était accablante, on chemina durant les
heures les plus chaudes de la journée sous un soleil ardent. L'itinéraire qui
tut réellement suivi, était de 18 kilomètres
environ; il comportait des chemins de terre, où la poussière soulevée se
collait au visage et séchait la gorge.
Malgré tout, la 4me Brigade
Mixte poursuivit sa marche
aussi rapidement que possible, forçant même l'allure à la demande
réitérée du Commandant de la DC. Il n'est donc pas étonnant que des hommes
épuisés, atteints d'insolation ou blessés aux pieds restèrent en route ;
terrassés par la fatigue et surtout par la soif, des chiens tombèrent ; on ne
s'arrêta pas pour les faire boire, on les abandonna à la garde de civils
et des hommes les remplacèrent pour traîner les voiturettes des mitrailleuses. Si l'on considère que les effectifs
d'infanterie fondirent en cours de route par suite des conditions pénibles de
la marche, on doit admettre que les troupes qui abordèrent le champ de bataille
ne s'élevaient pas à plus de : Infanterie : 52 officiers, 2.800
troupes avec 12 mitrailleuses ; Artillerie : 12 officiers, 350
troupes avec 12 canons. En ce qui concerne l'infanterie,
l'encadrement des compagnies et des pelotons, tant en officiers qu'en
sous-officiers, était fort insuffisant. Il manquait de nombreux chefs de
peloton, et encore certains Sous-Lieutenants étaient des élèves de l'Ecole
militaire qui, nommés au moment de la mobilisation, n'avaient aucune habitude
du commandement et ne connaissaient pas leurs hommes. A l'arrivée de la 4ème Brigade Mixte la situation de la DC était, on le sait, fort critique. Cette dernière ne résistait plus qu'entre la Ferme de l'Yserebeek et le chemin de Velpen. En face d'elle l'ennemi avait repris le combat méthodique, à pied, par la cavalerie et l'infanterie appuyées par l'artillerie. Les unités de la 4ème Brigade Mixte furent lancées immédiatement dans la bagarre, sans aucune préparation soigneuse de l'attaque, sans aucune coordination de celle-ci, sans ordres d'ensemble pour le combat... Ainsi que le dit l'historique établi par la DC en 1915 : Les différents officiers de l’état-major
envoyés successivement à la
rencontre de la 4ème Brigade Mixte, avec des instructions verbales,
voulant hâter l’entrée en ligne
de ses divers éléments, usèrent d'initiative et acheminèrent à mesure de leur arrivée, les unités dans des
directions qui ne furent
malheureusement pas toujours concordantes. Malgré les conditions déplorables dans
lesquelles la 4ème Brigade Mixte passa au combat (fatigue,
inexpérience du champ de bataille, affrontement du feu pour la première fois,
pénurie de cadres en officiers surtout, cavaliers qui battaient en retraite
avant d'être relevés), c'est elle qui, presque seule, avec un faible appui
d'artillerie, a arrêté la nouvelle attaque ennemie. Les Allemands le reconnaissent
dans l'historique des « Archives du Reich » : « Les Chasseurs ne purent également obtenir
aucun succès décisif, malgré l'appui du 2ème groupe de
mitrailleurs de la Garde et de cavaliers combattant à
pied. Le Général von der Marwitz rompit en
conséquence le combat vers le soir ». *
* * Le combat est fini. Le soir tombe sur le champ de
bataille. Des terrains piétinés et des carrés de blé ravagés montent les
gémissements et les râles des centaines de blessés que l'on enlèvera tantôt et
les affreux hennissements des chevaux touchés à mort. Dans la nuit tiède qui vient, les monceaux
de cadavres grandissent, s'estompent puis disparaissent au regard ... Les pertes des troupes belges qui ont
participé à l'action s'élèvent à 21 officiers et 697 gradés et soldats, tués et
blessés. L'ennemi y a laissé plus de 3.000 combattants (3.111,
suivant certaines sources), officiers et troupes, et 1.721 chevaux : l7ème Dragons : 540 ; 18ème Dragons : 600 ; 2ème Cuirassiers : 270 ; 9ème
Uhlans : 311. Les Diables Noirs bivouaquèrent à
proximité de la position, qu'ils avaient su tenir par leur courage et leur
ténacité. Les 1ère et 3ème Compagnies, reformées en une
seule, passèrent la nuit à Kortenaken. Les deux pelotons de la 2ème Compagnie, qui étaient restés
à Zelk jusqu'à 20 heures, logèrent à Diest; le 3ème peloton resta à la garde du
pont de Drieslinter. Au grand Quartier Général installé à
Louvain, une note pessimiste était parvenue au sujet de la situation à Halen,
vraisemblablement basée sur des indications qui ne purent être contrôlées. Inquiet le sous-chef
d'Etat-Major de l'Armée (Général-Major de Ryckel) voulut que l'armée battît
immédiatement en retraite sur Anvers, et le GQG prépara une note en ce sens.
Une réunion eut lieu, à laquelle assistaient le chef et le sous-chef
d'Etat-Major ainsi que le Commandant d'Etat-Major Galet, sous la présidence du
Roi, Commandant en chef. Ayant
pris connaissance des renseignements reçus, le Roi estima qu'il fallait attendre
des indications complémentaires avant de prendre une décision, et que l'on
avait la nuit pour réfléchir. A 22 heures, un télégramme envoyé par le
Général de Witte vint rassurer les esprits. Il annonçait que les troupes
allemandes ont été repoussées sur Halen avec des pertes énormes en
hommes et en chevaux, mais
que ses propres troupes sont trop fatiguées et manquent de cadres suffisants pour poursuivre l’ennemi. L'affirmation contenue dans la finale de
ce télégramme est discutable. En effet
si les Carabiniers cyclistes, les Artilleurs et certains éléments des Lanciers étaient
fort fatigués, les deux régiments de Guides, qui n'avaient été guère exposés, étaient
restés frais et absolument intacts. Au vu de
ce télégramme l'ordre de retraite fut annulé. Si l'on considère, dit la Section
historique de l'Armée, le combat de Halen à un point de vue plus général, on
constate que la plupart des écrivains militaires sont d'accord pour estimer que
la preuve a été donnée de l'impossibilité d'attaquer à cheval de l'infanterie
ou de la cavalerie pied à terre. Il est de fait que plus jamais au cours de la
guerre les Allemands ne sont retombés dans cette erreur, qui leur avait causé
des pertes si cruelles et la désorganisation de plusieurs de leurs beaux
régiments. C'est l'avis du
Commandant Piroux, attaché au G.Q.G. français au début de la guerre, qui, dans
une étude sur le combat de Halen publiée dans la Revue de Cavalerie de mai-juin
1921, estime que, lors de la bataille de la Marne et de la course à la mer, la
cavalerie allemande n'a agi qu'avec une extrême prudence. Il ajoute: Après avoir étudié le combat du 12 août
1914, nous pouvons nous demander si les chefs de la cavalerie allemande,
lorsqu'ils eurent par la suite à engager leurs divisions, ne furent pas maintes
fois hantés par le souvenir des beaux escadrons feldgrau couchés en tas
sanglants sur les chaussées de Halen à l'Yzerebeek. Halen fut donc un incontestable succès
pour nos armes. Cette belle victoire, obtenue dans les tout premiers jours de
la Campagne, n'eut pas comme seul résultat de préserver notre armée de
l'irruption, sur ses arrières, d'un corps de cavalerie armé du plus mordant
esprit offensif. Réalisée au détriment des troupes d'élite ennemies, elle
allait avoir, en outre, de nombreux échos parmi toutes nos divisions, dont la
confiance allait être, de ce fait, puissamment raffermie. Par un ordre journalier du
30 novembre 1914, qui confondait acteurs et figurants, le Roi autorisait toutes
les unités de la DC, ainsi que le 4ème et 24ème Régiments
de Ligne et l'artillerie de la 4ème Brigade Mixte, à inscrire le nom
HALEN sur leurs emblèmes. Plus tard, une lumière plus
crue ayant été projetée sur l'action des Carabiniers cyclistes à Halen, le Roi
Albert décorera, en 1930, le fanion du 1er Bataillon de Carabiniers
cyclistes de l'Ordre de Léopold. Cette distinction - la plus haute - était
accompagnée de la citation suivante : Pour reconnaître la belle conduite du
1er Bataillon de Carabiniers cyclistes au cours du Combat de Halen,
où seul de 8 heures à 14 heures,
il tint tête héroïquement à l'ennemi,
au prix de pertes sanglantes le
privant de la moitié de son effectif. Opérations
sous Anvers Les Diables Noirs n'ont
guère le temps de panser leurs plaies. Les survivants des 1ère et 3ème
Compagnies ont été réunis en une seule unité, qui devient momentanément la 1ère
Compagnie, sous le commandement du
Capitaine Vandezande, et le lendemain du combat de Halen, le Bataillon est donc
réduit à deux compagnies, soit environ 325 hommes. Le
14 août, ordre est donné au
Major Siron de se rendre à Diest, avec la 1ère Compagnie et les deux
pelotons de la 2ème qui se trouvaient à Zelk (le 3ème
peloton est resté à Dries). Il a pour mission de défendre la ville, et de
couvrir les directions de Tessenderloo et Schaffen, avec le concours de la
Compagnie des Pionniers-pontonniers cyclistes (PPC), placée sous ses ordres. Le
Major Siron prend aussitôt ses dispositions pour organiser la défense des
débouchés au Nord et au Sud de la localité, ainsi que celle des points de
passage. Le 17 août, on signale une
importante concentration de forces de cavalerie et d'infanterie ennemies, dans
les bois et la région de Lummen ; des patrouilles allemandes rôdent aux abords
de Diest. Comme il faut s'attendre à une nouvelle attaque de l'ennemi entre
Halen et Diest, un peloton de la 1ère Compagnie est envoyé à Zelk ;
le 1er et le 2ème pelotons de la 2ème
Compagnie sont portés à Halen. Les deux derniers pelotons du Bataillon et la
section de mitrailleurs, soit environ 125 hommes, restent à Diest et gardent
les positions organisées au rempart, vers Schaffen. Les P.P.C. occupent le
rempart à proximité de la station du chemin de fer. Tôt dans la matinée du 18
août, des patrouilles de cavaliers ennemis venant de la direction de Herk la
Ville, tentent de pénétrer dans Halen, qui est soumise à un violent tir de
l'artillerie adverse. Ces patrouilles sont repoussées avec pertes, par les feux
du peloton Lardo, de la 2ème Compagnie. Cependant les cyclistes ne
peuvent songer à faire front au déploiement considérable d'infanterie allemande
qui s'amorce et, tout en se défendant avec vigueur, ils repassent la Gette,
ainsi qu'ils en avaient reçu l'ordre, détruisant le pont sur la rivière, et se retirent
vers Werchter, où ils cantonneront le soir. Diest est attaquée, dès 9
heures 30, par d'imposantes troupes de fantassins, qui avaient pu s'approcher
de la ville grâce aux couverts situés au Nord-Est de celle-ci. Aussitôt s'engage un
véritable combat entre l'assaillant, que les documents historiques évaluent à
plus de 3.000 hommes, soutenus par 18 canons et de nombreuses mitrailleuses, et
les Carabiniers cyclistes. Une compagnie ennemie, partie à l'attaque en
formation serrée, est littéralement anéantie par nos mitrailleurs et nos
tirailleurs couchés sur les remparts ! Et durant trois heures, les Diables
Noirs resteront incrustés au terrain, infligeant de très lourdes pertes à des
troupes d'élite plus de vingt fois supérieures en nombre à cette poignée d'obstinés,
admirables de sang-froid et de discipline sous la pluie de balles et d'obus qui
arrose les quelques arpents de terre qu'ils défendent. Après le combat, plus de
300 cadavres ennemis et un grand nombre de blessés seront recueillis aux portes
de la ville, par des ambulanciers civils de Diest. Nos vaillants cyclistes ne
peuvent combattre l'ennemi que de front, attendu qu'ils ne sont pas soutenus
sur leurs ailes. Mais voici que leur arrive un renfort inattendu : pendant
qu'ils tiennent farouchement tête à l'assaillant, un train a amené une
cinquantaine de volontaires, venant du Dépôt de Beveren-Waas. Mis immédiatement
en ligne, ils reçurent aussitôt un baptême du feu peu ordinaire, qu'ils
subirent stoïquement. Le mouvement d'enveloppement
ennemi se prononce de plus en plus et les cyclistes sont maintenant pris sous
les feux d'écharpe de l'ennemi, qui a réussi à pénétrer dans la place par le
pont du chemin de fer vicinal, encastré dans les fortifications de la ville, et
est arrivé presque sur leurs derrières. C'est à ce moment précis que
nos mitrailleuses, qui ont tiré sans arrêt, sont mises hors d'usage ! Le Major
Siron donne l'ordre de repli au Capitaine Vandezande et aux P.P.C. Ces derniers
n'avaient pas été inquiétés durant le combat. La 1ère Compagnie
a perdu 6 hommes : un tué, le soldat Hendrickx, et 5 blessés. Elle se retire
vers Houwaart, par Rillaar, et cantonne, le soir, à Wezemaal. La vigoureuse résistance des
Diables Noirs à Diest, a permis à la Division de cavalerie, qui avait été
forcée à Budingen et à Geet Betz, de déboiter et de se replier, vers 1l heures,
sur les bois du plateau. Le 19 août, le Bataillon est
à Putte, où il reçoit de nouveaux renforts, venus du Dépôt, qui lui permettent
de reconstituer son effectif à trois compagnies. Le 10 août, le Roi a fait
écrire au Général Joffre, que « l'armée française peut compter sur le concours
absolu de l'armée belge à l'aile gauche des armées alliées, dans la limite de
ses forces et de ses moyens restreints, et dans celle où ses communications
avec la base d'Anvers, où sont enfermées toutes ses munitions et ses vivres, ne
seraient pas menacées d'être coupées par des forces ennemies importantes ». C'est dans cet esprit que le
Roi a décidé que l'armée prendrait position sur la Gette. Nos amis français ont promis
l'envoi d'une armée de secours dans la région de Namur, pour le 14 ou le 15
août. Le 16, nous apprenons que cinq divisions anglaises viendront aussi nous
épauler, mais qu'elles arriveront au plus tôt le 21 aux environs de Maubeuge,
tandis qu'une armée française sera le 17 à l'Ouest de Dinant. Celle-ci comprend le corps
de cavalerie du Général Sordet, une division du 1er Corps français à
Couvin, une autre à Gedinne. En résumé, le 17 août, une armée française, de
force indéterminée, se trouve dans la région Ouest de Dinant, et le corps
Sordet a reçu mission d'assurer la liaison entre notre position fortifiée de
Namur et l'armée de campagne. Le Général Sordet était entré en Belgique le 8
août, les divisions du 1er Corps y étaient arrivées le 13. La section de fusils-mitrailleurs. On remarquera que ces
troupes sont toutes dirigées vers le Sud de la province de Namur, et
échelonnées le long de la Meuse. L'Etat-Major français est persuadé que les
Allemands ont lancé toutes leurs forces par la rive droite de la Meuse, et
qu'ils n'ont envoyé sur la rive gauche que quelques faibles éléments de cavalerie.
Et cette conviction, déconcertante et injustifiée, ne sera nullement ébranlée
par l'attaque des forts de Liège, le passage massif des forces à Lixhe, le
combat de Halen. L'Etat-Major ne tient du reste aucun compte des renseignements
précis qui lui sont fournis par nos services, et n'accepte comme valables que
ceux, cependant erronés, que lui transmettent les officiers qu'il a envoyés en
Belgique. Néanmoins, le Roi est
fermement décidé à résister le plus longtemps possible à la pression de l'ennemi,
afin de donner à nos alliés le temps d'arriver. Il est conscient de la
situation tragique où il se trouve et, dans l'impossibilité où il est de
convaincre l'Etat-Major de son erreur, il est seul, à la tête de sa petite armée,
à barrer les routes qui conduisent à Calais, à Dunkerque, à Paris ! Le 18 août, à l'aube,
l'armée entière a repris ses positions d'alerte et, comme on l'a vu plus haut,
la ligne de la Gette a été attaquée partout par d'importantes forces
allemandes. Cependant le bulletin d'information français publié le même jour,
signale la présence d'une douzaine de corps d'armée ennemis entre Huy et Liège
et à Dinant, toujours sur la rive droite de la Meuse ... mais il ne fait aucune
mention des deux cent mille hommes qui avancent entre la Herk et la Meuse. L'ennemi accentue le
déploiement de forces considérables devant le front de notre armée et sur ses
deux flancs. Devant cette situation, et l'absence de renforts alliés, le Roi
prend la sage décision de se résigner à la retraite. Les douze corps des armées
von Kluck et von Bülow avancent entre le Démer et la Meuse. Plus d'un
demi-million d'hommes, appuyés par 600 mitrailleuses et 1.800 canons !
Toutes les troupes d'élite allemandes, réunies pour pousser jusqu'au cœur de la
France ! Elles ont pour mission d'attaquer l'aile gauche de notre armée
par enveloppement et de couper cette dernière d'Anvers. C'est ainsi que notre
Division de cavalerie fut refoulée des postes de la Gette, qu'elle occupait le
18. La violence du combat subi par
la 1ère Division d'Armée à Houtem Sainte Marguerite, au cours duquel
le 22ème de Ligne seul a perdu 1.250 hommes sur 2.100, montre
l'ardent désir de l'ennemi d'en finir avec l'armée belge. Le Roi, qui veut tenir
jusqu'à la toute dernière extrémité la ligne de défense Anvers-Namur, qui
couvre la France et l'Angleterre, ordonne un premier retrait le 18 après-midi,
de façon à éviter la bataille qui s'annonce ; vers le soir il fait retirer
l'armée derrière la Dyle, afin de soustraire nos troupes à une destruction certaine,
le 19 à l'aube. Nous sommes isolés. Le 1er
Corps français est arrivé dans le voisinage de Namur ; les escadrons avancés du
Général Sordet ont délogé l'ennemi à Gembloux, mais ne peuvent dépasser cette
localité. Six divisions françaises se dirigent vers Philippeville, et se
trouvent toujours en France ; deux autres ne débarqueront à Beaumont que le 20
août au soir ; les trois dernières sont encore à Vervins (France). Quant à nos
amis anglais, ils continuent à débarquer à Boulogne, et, on le sait, ils ne
seront rassemblés que le 21 seulement, dans la région de Maubeuge. Nous sommes irrémédiablement
seuls. Il va de soi que l'armée belge ne peut accepter la bataille dans de
telles conditions : ce serait un véritable suicide. D'un autre côté, à moins de
trahir délibérément le pays, il ne peut être question non plus d'abandonner la
liaison avec Anvers. Il faut donc continuer la
retraite, et, le 20 août au matin, l'armée de campagne s'arrête dans le rayon
des forts de première ligne, exténuée, mécontente de céder du terrain sans
combattre, démoralisée par le sentiment qu'elle a d'être abandonnée par les
garants de notre indépendance. Et ce jour-là, l'innombrable
armée allemande atteint Haacht-Vilvorde-Bruxelles-Nivelles-Gembloux-Andenne. Le
IVème corps d'armée occupe la capitale ... Première sortie d’Anvers. Le 20 août, nous retrouvons
les Carabiniers cyclistes à Heyst op den Berg. Ils sont au repos pour deux
jours. Repos bien mérité, il faut en convenir: voici près de vingt jours que
les Diables Noirs sont sur les dents et de tous les combats, patrouilles et
reconnaissances, qu'ils firent avec un mordant, un courage et une résistance
admirables. Après avoir été sans cesse au danger et à l'honneur, ils vont
pouvoir se regrouper, faire connaissance avec les volontaires et les rôder un
peu, mettre de l'ordre dans les unités, revoir le matériel, se réapprovisionner
en munitions, vivres, objets d'équipement et d'habillement, reconstituer les
cadres. Le 22, le Bataillon est en
alerte, et doit être prêt à partir aussitôt qu'il en recevra l'ordre. Depuis la veille, l'armée
allemande active se dirige vers le Sud ; l'ennemi ne laisse devant Anvers que
le IIIème et le IXème Corps de réserve. Au cours de la journée du 23,
on apprend de Namur qu'une violente bataille est livrée sur la Sambre et
probablement vers Mons. Comme les forces ennemies fraîchement arrivées devant
l'armée belge, n'ont pas eu le temps d'organiser leurs positions, le Roi décide
que l'armée sortira du camp retranché, et qu'elle passera à l'attaque de la
position défensive allemande, au Sud de la Dyle. Le 25, le Bataillon est
dirigé vers Putte, au Nord de la rivière, et est, comme depuis le premier jour
de l'entrée en campagne, à l'avant-garde de la Division de cavalerie. A 16 heures, il reçoit
l'ordre de se diriger sur Werchter, par Tremeloo. La 3ème Compagnie,
qui éclaire le Bataillon, trouve Tremeloo occupé par de l'infanterie allemande,
abat un officier et plusieurs soldats ennemis, et, par son action énergique,
force l'adversaire à abandonner précipitamment le village. Les cyclistes poursuivent
l'ennemi jusqu'à Werchter, dont ils vont mener l'assaut avec vigueur. L'attaque
se fera de front et sur les deux flancs, avec l'appui d'une section
d'artillerie ; la 3ème Compagnie part de front, la 2èmeà
l'Ouest de la localité, tandis que la 1ère envoie un peloton pour
tenter l'enveloppement par la gauche, et garde ses deux autres pelotons en
réserve sur la route. Au pont sur la Laak, un poste
ennemi qui s'y était retranché, est immédiatement anéanti. A Werchter, les
Diables Noirs bousculent avec une telle furia les compagnies allemandes qui
occupent la localité, que celles-ci, sans avoir le temps de faire sauter le
pont sur la Dyle, s'enfuient affolées vers Louvain, où elles vont jeter la
panique parmi les troupes allemandes. Eperdus, des soldats de la garnison
hanovrienne de Louvain échangent des coups de feu. Le lendemain, le commandant
allemand affirmera que des civils ont tiré sur les troupes, et, pour se venger
de la peur qu'il a eue, incendiera mille immeubles, dont la collégiale de Saint
Pierre et la précieuse bibliothèque de l'Université, déportera plusieurs
milliers d'otages, et en fusillera 173. Werchter étant entre nos
mains, la 2ème Compagnie bivouaque sur place, non loin du pont,
pendant que les deux autres compagnies et les mitrailleurs vont cantonner à
Tremeloo. 1ère sortie D’Anvers – 25, 26 août 1914. Le 26 août, à l'aube,
l'attaque est poursuivie. Le Bataillon protège, à Werchter, la sortie de la
Division de cavalerie. A 7 heures, ordre lui est donné d'enlever la halte de
chemin de fer de Hambosch, à l'Est de Tildonk, et d'attaquer cette dernière
localité en longeant le canal. Cette mission est confiée aux 1ère et
2ème Compagnies ; la 3ème se dirige sur Molen et
Rotselaar, au sud de Werchter. Peu après son départ, la 2ème
Compagnie, qui est en tête, est obligée de se terrer sous les feux qui la
prennent de front et qui viennent des lisières et des maisons de Hambosch.
Quant à la 3ème Compagnie, elle est arrêtée par de l'infanterie allemande
en route pour Werchter. Les deux compagnies avancent homme par homme, vers les
objectifs assignés, lorsque leur parvient l'ordre du Général de Witte de battre
en retraite sur Haacht et Putte. La Division se retire et le Bataillon est
chargé de couvrir le repli, par positions successives ; la 1ère
Compagnie s'installe aux lisières Est de Wokkerzeel, en soutien de la Batterie
d'artillerie. Arrivées à Putte, les
compagnies vont cantonner à Kessel, Gestel et Berlaar. Dix-huit hommes manquent
à l'appel : 6 tués, 12 blessés. Les batailles de Mons et de
la Sambre ayant pris fin, il n'y a donc plus lieu de continuer les attaques, et
l'armée rentre dans le camp retranché. Le Bataillon cantonne à
Deurne, jusqu'au 4 septembre. Le 5, il est envoyé à Lokeren et mis à la
disposition du Commandant du 5ème secteur du camp retranché. Il est
chargé de plusieurs missions de reconnaissance et de sûreté, à l'Est et au Sud
de la Province d'Anvers, de même qu'au Sud de l'Escaut, entre Gand et Termonde.
Le 6, il rejoint la Division à Herentals et, le 7, il est à Heyst op den Berg. La sortie de l'armée belge a
coûté environ 4.000 hommes, tués, blessés et disparus, mais elle a eu
l'important résultat de créer auprès du Haut Commandement ennemi une sorte de
psychose de l'insécurité. Il se rend compte que ses voies de communication sont
peu sûres, et se voit obligé de maintenir devant Anvers le IXème Corps de
réserve, qui était destiné à opérer en France. Le 4 septembre, ce IXème Corps
s'empare de Termonde, franchit l'Escaut et se dirige vers Lokeren. La retraite
de l'armée belge se trouve de ce fait gravement menacée, et le Roi fait
immédiatement porter les 1ère et 6ème Divisions d'Armée
sur la rive gauche de l'Escaut, bientôt suivies par la 2èmeDivision
et la Division de Cavalerie : il faut à tout prix garder des communications
aisées entre les deux rives du fleuve, et notamment les ponts de Burgt, d'Hemixem,
de la Tête de Flandre et le pont-rail de Tamise. Entretemps le Haut
Commandement français, qui a compris les erreurs qu'il a commises dans la
concentration de ses armées, a fait transporter d'urgence les troupes massées
en Alsace et en Lorraine, vers le centre et surtout vers la gauche des armées
franco-britanniques, car c'est là que se trouve le point névralgique de la
guerre. Ces forces sont à peu près
regroupées, au moment où l'armée von Kluck se dirige rapidement sur Paris. Le
Général Galliéni décide aussitôt de la faire attaquer dans le flanc, et le
Général Joffre reprend l'offensive, le 6 septembre au matin. La bataille de la Marne va
se dérouler... Deuxième sortie d'Anvers. Grâce à l'action de l'armée
belge, au cours des journées des 25 et 26 août, l'ennemi est obligé de
maintenir le IIIème et le IXème Corps de réserve devant Anvers, tandis que le
VIIème Corps de réserve et la Garde de réserve ont été envoyés d'urgence en
Prusse Orientale, que les Russes viennent d'envahir. Les Allemands cherchent à
rassembler devant l'armée franco-britannique le maximum de leurs forces, pour
la détruire rapidement. L'issue de la guerre est en suspens. Le Roi l'a
nettement compris, et il va assigner à son armée le rôle d'attaquer sans cesse
les armées allemandes, afin de les immobiliser devant Anvers et de les empêcher
d'aller grossir les effectifs massés devant nos alliés. Aussitôt qu'il est
avisé des intentions du Général Joffre, et sans qu'il eut été sollicité par
celui-ci, le Roi, de sa propre initiative, décide de soutenir énergiquement la
tentative des armées franco-britanniques : son but est de harceler l'ennemi de telle
façon, que celui-ci soit obligé de rappeler vers Anvers des forces qu'il dirige
sur la France, et de dérégler ses lignes de communication par lesquelles passent
les renforts, les munitions et les approvisionnements destinés aux troupes sur
la Marne. L'armée belge attaquera Aarschot, Haacht, la ligne Louvain-Tirlemont,
le bois de Buggenhout et Termonde. Au cours de la journée du 7
septembre, les compagnies cyclistes accomplissent de nombreuses reconnaissances
vers le Démer et la Dyle. La 2ème Compagnie a un accrochage avec
l'ennemi à Werchter. Le lendemain, elles sont chargées des mêmes missions, et
recherchent, en compagnie de détachements de cavaliers, les débouchés les plus
favorables au Sud du Démer. Le 9 septembre, la Division
de Cavalerie a reçu ordre de s'emparer d'Aarschot. L'opération est confiée au
Bataillon de Diables Noirs, qui file aussitôt par Betekom et la route
Louvain-Aarschot, traverse le Démer sur une passerelle confectionnée hâtivement
par les P.P.C., pousse sur Aarschot par la grand'route de Louvain, où il
franchit, près de la Borne 14, une barricade défendue par de l'infanterie avec
mitrailleuse, qu'il détruit entièrement. Et vers midi, rejoints par des
éléments du 7ème de Ligne, les cyclistes chassent les
Allemands de la ville. Le bataillon qui l'occupait s'est retiré sur une hauteur
au Sud et s'apprête à résister, mais, entouré de toutes parts par le 27ème
et le 17ème de Ligne, ainsi que par les Lanciers, il prend la fuite,
non sans laisser quelque 350 prisonniers entre nos mains, ainsi qu'un butin
considérable. A 16 heures, le Bataillon
marche sur Houwaart et Rhode Saint Pierre, lorsque la 1ère Compagnie
est brusquement soumise à des feux partant des lisières des bois d'Oorheide, où
elle rencontre une vive résistance ennemie. De nombreux Allemands sont mis hors
de combat, et une quarantaine d'ennemis faits prisonniers. Le soir, la 7ème
Brigade occupe Aarschot et Gelrode, tandis que les Diables Noirs cantonnent
à Kortrijk Dutzel. Le lendemain, 10 septembre,
les Carabiniers cyclistes sont à nouveau à la pointe du combat : la Division de
Cavalerie a reçu ordre de se porter au Sud-Ouest de Korbeek-Loo, et d'unir ses
efforts à ceux de la 2ème DA, pour tenter de refouler l'ennemi de
Louvain. Les Diables Noirs, accompagnés des P.P.C. et du 1er groupe
du 1er Guides, forment l'avant-garde de la Division, qui se dirige sur
Pellenberg. C'est au Bataillon cycliste qu'incombe la charge d'assurer la sûreté
du mouvement, face à Louvain : tenir la route Louvain-Diest, le chemin Louvain-Pellenberg,
la route Louvain-Tirlemont. Chacune de ces missions est confiée à une compagnie
: la 1ère est au Centre, la 2ème au Sud, la 3ème
au Nord. 2ème sortie D’Anvers – 9 septembre 1914. A peine arrivée à son
emplacement, la 3ème Compagnie est accueillie par un feu violent de
l'ennemi, qui occupe le plateau de Loobergen ainsi que le château de Linden. Le
Général de Witte fait aussitôt renforcer la compagne par le 1er Groupe
du 5ème Lanciers et une section de la 3ème Batterie d'artillerie, et ordonne de passer à
l'attaque du château. Celui-ci est enlevé lestement, au début de l'après-midi,
mais le groupe n'ira guère loin, et le combat continuera dans la région, de
façon assez décousue et sans résultat appréciable, jusqu'à l'arrivée de l’avant-garde
de la 7ème Brigade Mixte, sur
les hauteurs de Linden. A l'Ouest de Pellenberg ;
la 1ère Compagnie, amputée du 3ème peloton, qui accompagne
un détachement de destruction envoyé vers Bautersem, marche sur Loo. Mais elle
est arrêtée à hauteur de la Ferme des Dames Blanches, par l'ennemi installé
dans le chemin creux dit « Looweg », et, faute de soutien, elle est obligée de
se replier jusqu'à 800 mètres de Pellenberg. Pendant cette opération, un
peloton de la 2ème Compagnie, qui était tête d'avant-garde, est venu
se déployer face au Sud du bois situé à l'Ouest de la localité. Vers 14 heures, les deux
pelotons de la 1ère Compagnie reprennent leur marche en avant,
appuyés cette fois par une section de la 2ème Batterie, et prennent possession
de la Ferme des Darnes Blanches. A 500 mètres environ sur leur gauche, se
trouve la Ferme Bergenhof ; les Allemands s'en sont emparés, ainsi que du bois
qui l'entoure et, vers 15 heures 30, ils reçoivent le renfort de nombreux
tirailleurs, sous les yeux des cyclistes. Le moment ne paraît pas indiqué pour
se porter à l'attaque. Néanmoins, le Commandant de la 1ère Brigade n'hésite
pas à ordonner à la 1ère Compagnie d'enlever le Looweg ! Elle sera soutenue
dans son action par la section d'artillerie. C'est pure folie, mais le mouvement
est amorcé. Nos artilleurs s'élancent courageusement au galop pour se porter à
hauteur de la gauche de la 1ère Compagnie, mais ils sont
immédiatement pris sous un feu d'enfer venant du bois, à 350 mètres, et ne peuvent
avancer. Le Commandant de la Batterie est blessé. Les conducteurs se jettent à
bas de leur monture, détellent rapidement les chevaux de trait, resautent en selle
et, abandonnant le matériel, se replient avec les avant-trains, traversant en
trombe les rangs des Diables Noirs. L'attaque n'aura pas lieu ... Le soir, on laissera la
Ferme des Darnes Blanches à la garde d'un officier et de trois Diables Noirs
qui, le lendemain, rejoindront péniblement leur unité, par le plateau occupé
par les Allemands. Pendant que la 1ère
Compagnie opérait vers le Looweg, la 2ème avec le concours d'un
groupe du 1er Guides, a chassé l'ennemi de Pellenberg, et occupe le
village. A 10 heures 50, elle fait un nouveau bond et s'empare du château situé
à 900 mètres au Sud. Mais, dans le courant de l'après-midi, d'importantes forces
ennemies marchent sur Pellenberg, par la route de Tirlemont à Louvain, et la 2ème
Compagnie reçoit l'ordre de se replier vers la lisière Sud de la localité, qu'elle
est chargée de défendre, avec les cavaliers. Vers 15 heures 30, voici
qu'un train chargé de troupes ennemies qui vont passer à l'attaque, s'arrête en
plein champ, à 3 kilomètres au Sud-Est de Pellenberg. Belle cible, que nos
artilleurs ne manqueront pas, car, à peine débarquées, elles sont violemment
canonnées, en tir direct, par la 1ère Batterie. Les Allemands
s'égaillent. Ils se reformeront plus loin et feront deux poussées sur
Pellenberg, vers 17 heures 30 et 19 heures 30. Mais, devant l'attitude résolue des
Diables Noirs, ils ne persévèreront pas dans leur tentative de récupérer la localité
perdue. Cependant ils sont
rapidement renforcés par d'autres troupes et, vers 20 heures, la 2ème
Compagnie, qui semble avoir été oubliée à l'entrée de Pellenberg et se trouve
isolée, est débordée par l'Est et est prise sous le tir de revers de l'ennemi,
qui a déjà pénétré jusqu'à l'église du village. Elle réussit à se décrocher
avec beaucoup de peine, et à se replier par la lisière Ouest. A la fin de cette soirée, le
Bataillon, qui, à l'exception d'un peloton, a été engagé durant toute la
journée, a pu arriver à 4 kilomètres de Louvain. Il a à déplorer la perte d'une
douzaine d'hommes : six blessés et cinq tués : le caporal Thys et les soldats
Amerijckx, Bauraind, Leurs et Gevaert. Pendant que combattaient les
Carabiniers cyclistes, de nombreuses unités attaquaient l'ennemi, dans un très
bel élan, à Wespelaar, Over de Vaart, Haacht, Kessel Loo, Wijgmaal, Attenhoven,
tenant les Allemands en haleine et jetant le désarroi parmi leurs troupes. Mais
les succès obtenus ne furent que de courte durée et, dans la soirée, ils se
transformèrent en un très vif échec, notamment à Wijgmaal et Attenhoven, où
l'adversaire fit donner des bataillons de marine et des éléments du XVème Corps
qui, soutenus par une puissante artillerie, reprirent ces localités et
refoulèrent toute notre ligne jusqu'à Rotselaar. En outre, vers une heure du
matin, le Général de Witte, craignant que les chevaux ne soient affolés par le
tir ennemi, à l'aube, décide de faire retirer la DC sur Houwaart, au Nord du
Démer. De ce fait, et tenant compte
des pertes élevées des unités engagées, l'aile gauche de l'armée a subi un
affaiblissement sensible, tant matériel que moral. Il est néanmoins arrêté que
l'armée reprendra l'attaque le lendemain : les 1ère et 5ème
Divisions attaqueront entre les canaux de Willebroek et de Louvain, les 3ème
et 6ème Divisions à Over de Vaart et à Tildonk. La 2ème Division et la DC continueront l'offensive et
couvriront la gauche du dispositif d'attaque. Le 11 septembre donc, à 2
heures du matin, la DC, qui se retire sur Houwaart, se replie légèrement, afin
de se dégager, et le Bataillon cycliste protège son rassemblement au Nord de la
route Louvain-Diest. A 6 heures, il reçoit l'ordre
de couvrir l'entreprise d'une importante destruction, par les PPC, sur la voie
ferrée Bruxelles-Liège, au pont jeté sur le Kleinebeek, à 800 mètres au Sud-Est
de Roosbeek. Les PPC opèreront sous la protection du Bataillon cycliste, qui
est accompagné d'un escadron du 1er Guides, d'une section
d'Artillerie et de 2 autos-mitrailleuses. Ce groupe est placé sous le
commandement du Major Siron. Arrivées à Breissem vers 9
heures, les unités occupent aussitôt les emplacements assignés : la 2ème
Compagnie détache un peloton en soutien d'artillerie
; les deux autres pelotons restent en réserve à Breissem ; la 3ème Compagnie, qui est soutenue par une
auto-mitrailleuse, chasse l'ennemi de Roosbeek et occupe la localité, puis
s'empare de la halte du chemin de fer, faisant des prisonniers et tuant
plusieurs Allemands ; enfin, la 1ère Compagnie, également accompagnée
par une auto-mitrailleuse, prend position aux abords Nord-Ouest de Kumptich, de
façon à interdire l'accès de la localité et à permettre ainsi aux PP'C
d'accomplir leur mission. Pendant que le groupe de protection s'installe, la section
d'artillerie, qui s'est établie au Sud de Vissenaken, ne peut résister au plaisir
de canonner la gare de Tirlemont à obus brisants, dispersant les troupes qui
s'y trouvent. A 10 heures 40, le pont sur
le Kleinebeek saute, en même temps que la voie ferrée, qui est rendue
complètement inutilisable sur une distance de plus de 200 mètres. Sa mission terminée, le
Bataillon, qui n'a eu que quelques blessés, rejoint à Houwaart la DC, dont le
gros n'a pas bougé au cours de la journée. Et à l'aube du 12 septembre,
il repart au combat, une fois de plus vers Louvain. Toute l'armée de campagne
participe avec la plus grande vigueur à l'offensive. Le Bataillon, en liaison
avec le 7ème de Ligne au Nord, précède la DC. Il est harcelé
par l'ennemi, mais fonce de l'avant, combattant et refoulant l'adversaire avec
brio, et dépasse le chemin pavé entre Schoolbergen et la route de Louvain à
Diest, à l'Ouest de Linden. Magnifiques d'audace et de sang-froid, ses
éléments avancés ont atteint un point situé à moins de 2 kilomètres de la gare
de Louvain, lorsque le Général commandant la 1ère Brigade de
Cavalerie ordonne au Major Siron de ramener le Bataillon progressivement en
arrière, sur Steenenveld, à l'Est de Linden. L'ennemi, inquiet de
l'ampleur de l'effort de nos troupes sur le flanc droit de ses armées, a
rappelé vers les lieux de combats la 6ème Division de réserve, qui
est revenue à marches forcées de Renaix à Louvain ; il a fait rebrousser chemin
au IXème Corps (40.000 hommes), qui se dirigeait sur Tournai ; 10.000 marins et
20.000 fantassins sont partis de Bruxelles pour Louvain ; un grand nombre de
bataillons prélevés sur les troupes d'étapes ont pris la même direction. Cette fois c'est l'adversaire
qui passe à l'attaque, et il oblige ainsi nos troupes à cesser le combat. La DC
reprend sa mission de protection et est chargée de garder le flanc gauche de
l'armée, contre une attaque éventuelle entreprise de Louvain ou de Tirlemont.
C'est pourquoi elle a rappelé le Bataillon à Steenenveld, d'où il ira cantonner
à Houwaart. Dans la nuit du 12 au 13, la
DC reçoit l'ordre de partir immédiatement pour Aarschot, qu'elle a mission de
tenir. Le Bataillon est à l'arrière-garde ; il part à 2 heures 15, vers
Rillaar, et arrivé à Aarschot, il est chargé d'empêcher toute tentative de
l'ennemi de pénétrer dans la ville. Vers 16 heures, il est renforcé par un
groupe du 4ème Lanciers et une Batterie d'artillerie. C'est le Major
Siron qui commande le détachement; il a ordre de ne se replier que devant des
troupes nettement supérieures en nombre. La Batterie qui nous est
adjointe est soutenue par un escadron de Lanciers, et va prendre position au
Nord d'Aarschot ; l'escadron restant détache des reconnaissances vers le Sud et
l'Ouest. Les ponts d'Aarschot sont occupés par deux compagnies cyclistes ; la
dernière compagnie s'est installée en réserve, à 800 mètres au Nord d'Aarschot
à la Borne l de la route vers Lierre. Nos reconnaissances s'accrochent rapidement
à des patrouilles ennemies et jusqu'à la tombée de la nuit, de nombreux coups
de feu sont échangés de part et d'autre. On apprend que de fortes troupes
allemandes se dirigent sur Aarschot. Le lendemain matin, 14
septembre, vers 3 heures, éclate une vive fusillade au pont principal, situé
immédiatement au Nord de l'église, ainsi qu'à celui placé à la gauche du
premier : l'ennemi s'est infiltré dans la ville et a réussi à pénétrer dans les
maisons à proximité des ponts, d'où il mitraille vigoureusement les cyclistes. D'importants renforts
allemands arrivent sans cesse, l'ennemi se déploie de plus en plus et déborde
rapidement la localité, à l'Est et à l'Ouest. Les Diables Noirs résistent
farouchement à la pression de l'adversaire, et tiennent jusqu'à 5 heures les
ponts qu'ils ont mission de défendre. Mais à partir de ce moment, ils se voient
dangereusement menacés d'encerclement et doivent rompre le combat et se retirer
vers la Borne 1 à 800 mètres d'Aarschot où, à ce moment, se trouve un peloton
de la 1ère Compagnie. La 2ème Compagnie
s'est rabattue sur le chemin de fer de Hasselt, où elle s'installe en retrait,
et assure la protection des flancs, de même que le repli des 1ère et
3ème Compagnies. Ces unités s'accrochent au terrain, qu'elles
tiendront encore pendant une heure, malgré le feu intense auquel elles sont
soumises par les nombreux groupes d'ennemis qui ne cessent de déboucher des
lisières Nord d'Aarschot, groupes que notre Batterie d'artillerie disperse par
ses tirs précis. Vers 6 heures, sur le point
d'être submergées par l'adversaire, dont le nombre croît de minute en minute,
elles se voient obligées de rejoindre la 2ème Compagnie, au chemin
de fer. Un quart d'heure plus tard,
l'arrivée inopinée de deux autos-mitrailleuses au passage à niveau de la route
de Lierre, facilite la retraite du Bataillon, qui, afin de protéger le
mouvement de la DC vers le Camp retranché, va s'installer aux lisières Est et
Sud de Boisschot. Aarschot est en feu. Dix Carabiniers cyclistes y ont laissé
leur vie ... Les Diables Noirs combattent
depuis six jours, et ils n'ont pu, jusqu'ici, prendre un repos réel. Ils ont
dormi où ils pouvaient, bien souvent sans abri, dans un fossé, le long des
routes, sous la pluie, froide déjà, de ce mois de septembre qui s'achève. Ceux
d'entre eux qui se trouvaient à proximité d'habitations, ont dû, pour toute
nourriture, se contenter souvent de ce que les villageois ont bien voulu leur
donner, et c'était peu de chose; quant à ceux qui en étaient éloignés, ils
furent obligés d'attendre que l'une ou l'autre mission les rapprochât d'une agglomération,
et leur permît de se précipiter dans la première maison venue, d'où ils
sortaient, quelques instants après, un morceau de pain au poing et deux ou
trois patates froides dans la sacoche. Et, en route ! cela ira peut-être mieux
ce soir !... ou demain ! Ils sont harassés, épuisés,
sales, dépenaillés. Pourtant, ni leur accablante fatigue, ni leurs pertes, ni
les échecs, ni les replis répétés, rien n'a pu entamer leur moral
extraordinaire ! Et la flamme qui brûle en eux reste étonnamment vive, cette
flamme qui anime sans faiblir jamais, leur courage, leur énergie, leur farouche
volonté de « foire le plus de mal possible aux ennemis de la Belgique ! » ... Ils sont beaux ! Ah ! Capiaumont, si tu
pouvais les voir !... Après deux jours de repos,
le Bataillon cycliste exécute de nombreuses reconnaissances offensives en
dehors du Camp d'Anvers. Le 25 septembre, dans la matinée, il est en mission
sur la ligne de chemin de fer Herentals-Aarschot, lorsqu'il reçoit l'ordre de
s'embarquer à Anvers, à 15 heures, pour Gand. La bataille de la Marne
s'est terminée par l'incontestable victoire de ces armées françaises, que le
Haut Commandement allemand avait trop hâtivement considérées comme
négligeables, certain qu'il était de n'en faire qu'une bouchée avant de
continuer sa marche triomphale sur Paris. Las ! désormais, ses troupes, jusqu'ici
victorieuses, ne chanteront plus « Nach Paris ! » et elles devront remiser
définitivement au fond de leurs sacs les chants de victoire qu'elles ont
vociférés dans nos villes et le long de nos routes : elles vont, cette fois,
piétiner sur place, en attendant d'apprendre la marche en arrière qui, un jour,
les reconduira rapidement au-delà de nos frontières. Le front va se stabiliser,
et le boche verra s'écrouler à jamais son rêve de souiller la capitale
française de son abjecte présence ... L'armée belge a atteint le
but que le Roi lui avait assigné: en se retirant sur Anvers, au lieu de se
porter à la gauche de l'armée britannique, elle a, par sa généreuse et
courageuse attitude, du 25 août au 13 septembre, forcé plus de 150.000Allemands
à se maintenir en Belgique, et elle a désorganisé le réseau des communications
de l'envahisseur. Les dernières quatre journées de marches et de combats l'ont
beaucoup fatiguée, et ses pertes s'élèvent à 8.000 hommes. Mais elle a joué un
rôle d'une indiscutable efficacité dans la victoire de la Marne, et les
écrivains militaires allemands seront unanimes à le reconnaître après la guerre. N'omettons pas de signaler
que, de son côté, l'armée russe a concouru au redressement stratégique
français, en obligeant les Allemands à envoyer deux corps en Prusse Orientale. Les troupes allemandes
stationnées en Belgique ayant été renforcées, dans le but de commencer le siège
d'Anvers, le Haut Commandement belge décide de faire une diversion à l'aile
droite de l'armée. A cette fin, la DC se dirige, le 26 septembre, sur Alost, en
deux colonnes : l'une emprunte la route de Bruxelles, l'autre, les routes
secondaires situées à droite de cette voie. Les 2ème et 3ème
Compagnies cyclistes forment l'avant-garde de la première colonne, la 1ère
Compagnie roule en tête de la deuxième. En cours de route, les
cyclistes déblayent le terrain, refoulent et anéantissent des groupes avancés
de Uhlans et de cyclistes. Arrivés à proximité du passage à niveau situé à 3
kilomètres à l'Ouest d'Alost, ils constatent que celui-ci, de même que le
hameau de Vijfhuizen, sont occupés en force par l'ennemi. A ce moment, la 1ère
Compagnie, qui marche parallèlement aux 2ème et 3ème,
atteint les lisières Nord et Est de Erpe, et ouvre le feu sur l'adversaire en position
dans les maisons et aux abords de Vijfhuizen. La 3ème Compagnie se
porte aussitôt très près du passage à niveau, se soude à la 1ère, et
demande l'appui de l'artillerie. Soutenues par celle-ci, les deux compagnies se
portent à l'attaque et bousculent l'ennemi, qui se retire en abandonnant de
nombreux tués, 25 bicyclettes et 5 prisonniers, dont 2 blessés. Le Bataillon ne s'attarde
pas et fonce rapidement sur Alost, qu'il enlève à 14 heures, par le pont situé
sur la route de Bruxelles. La ville étant entre nos mains, la 1ère Compagnie
va cantonner à Vijfhuizen, les 2ème et 3ème à Hofstade,
au Nord d'Alost. Le lendemain matin, au cours
d'un bombardement ennemi sur Hofstade, la 2ème Compagnie perd 15
hommes : 1 tué, 14 blessés. L'adversaire, qui a reçu
d'importants renforts, va tenter de reprendre position sur la rive gauche de la
Dendre. Alost est défendue par la 1ère Compagnie, qui s'y est portée
très tôt, de Vijfhuizen, avec deux escadrons du 5ème Lanciers ; ce
détachement occupe le pont à l'écluse, le pont-route de Bruxelles, et le pont
de Zwartenhoek, qui relie la localité au hameau de Papenrode. Dès 7 heures 10,
l'artillerie allemande bombarde avec violence les abords Est d'Alost, ainsi que
la ville, et envoie ses patrouilles vers les ponts, où éclatent une vive fusillade
entre celles-ci et les défenseurs, pendant que notre artillerie contrebat efficacement
l'artillerie adverse. Vers 10 heures, la 3ème Compagnie vient
renforcer la 1ère. Peu de temps après, une
compagnie allemande débouche des bois, situés à l'Ouest d'Alost, et tente de se
frayer passage au chemin de fer. Prise sous le feu de la 1ère
Compagnie, elle reflue en désordre, laissant un grand nombre de tués et de
blessés sur le terrain. Au pont de Zwartenhoek se présente une autre compagnie
ennemie, qui chasse des civils belges devant elle. Le Lieutenant Albert, qui
garde le pont avec son peloton, fait signe à ces pauvres gens de se coucher, et
ouvre immédiatement le feu sur l'assaillant, qui se retire précipitamment, abandonnant
4 tués, 8 blessés et une mitrailleuse. Il y a, hélas ! deux civils parmi les
morts. Le pont étant tourné, le soldat Maelbranck, de la 1ère
Compagnie, n'hésite pas à sauter dans une barque amarrée à proximité, passe la rivière,
s'empare de la mitrailleuse et la ramène dans nos lignes. L'ennemi n'attaquera plus,
mais, vers midi et à 15 heures, il intensifie ses tirs d'artillerie, et
bombarde avec la dernière violence le pont de Zwartenhoek et les abords. Quatre
hommes de la 1ère Compagnie sont blessés. Alost : pont de Zwartenhoek. La 2ème Compagnie
s'est dirigée sur Denderleeuw. Elle y arrive, après avoir refoulé un parti
ennemi, et installe aussitôt une tête de pont sur la rive droite de la Dendre,
afin de couvrir le passage pour la DC, qui est chargée de faire une poussée
vers Asse. La 3ème Compagnie reste en réserve à Alost. Les cyclistes
exécutent un grand nombre de reconnaissances vers l'Est. Le soir, le
détachement bivouaque sur place. La haine qui anime les
boches à l'égard des Carabiniers cyclistes, ne s'est pas relâchée. Nous en
ferons la pénible constatation ce jour même : deux Diables Noirs en patrouille,
les soldats Casnot Théodore, et Helskens Ernest, ont été capturés par l'ennemi.
Nous les avons retrouvés à Lebbeke, pendus par les pieds, et affreusement
déchiquetés à coups de baïonnette ! Au nom de la Kultur allemande, sans doute
... Le matin du 28 septembre,
les cyclistes 'sont à leurs postes de combat. A 10 heures, l'ennemi passe à
l'offensive et bombarde violemment la ville. Il attaque en force sur le front
de la Dendre, de Gijsegem au Sud d'Alost. A 11 heures 30, les 1ère
et 3ème Compagnies reçoivent l'ordre de gagner l'Escaut, et elles se
retirent par groupes, en prenant des positions successives pour entraver la
marche de l'adversaire et assurer le repli du gros de la DC. La 2ème Compagnie, à Denderleeuw,
passe sur la rive gauche de la Dendre, tient les passages Nord et Sud, et
résiste aux violentes attaques ennemies jusqu'à 13 heures 30, moment où la DC a
pu prendre la direction d'Oordegem. Le soir, le Bataillon cantonne
à Wetteren. Nous apprenons que le
bombardement des forts d'Anvers a commencé ... La
Retraite Les 29 et 30 septembre, le
Bataillon se détend quelque peu, complète son équipement, et se reforme.
Quelques jours auparavant, il a été renforcé par 12 Fusils-mitrailleurs
encadrés (2 officiers et 90 hommes et gradés), venus du Dépôt de Beveren Waas.
Chaque compagnie sera dotée de quatre Fusils-mitrailleurs. Et, le 1er
octobre, l'ordre de bataille se présente comme suit : Ordre de Bataille du Bataillon de
Carabiniers Cyclistes au 1er
octobre 1914 Commandant
du Bataillon Major
Siron Officier
Adjoint Capitaine
Derenne Officier Payeur Capitaine Van Belle 1ère
Compagnie Capitaine
Vondezande Chefs de
peloton Lieutenant
Peleman Lieutenant
Albert Sous-Lieutenant
Margraff Médecin du Bataillon Pierre 2ème
Compagnie Capitaine-Commandant
Kesseler Chefs de
peloton Lieutenant
Lardo Sous-Lieutenant
Lupsin Sous-Lieutenant
Van Espen, M. Médecin Adjoint Depreter 3ème
Compagnie Lieutenant
Groetaers Chefs de
peloton Lieutenant
Lambrechts Sous-Lieutenant
Van Espen, G. Sous-Lieutenant
Bottelberghs Médecin Adjoint Van Keerbergen Pendant
que les Allemands pilonnent et démantèlent nos forts avec leurs mortiers de
420, 305 et 210, la DC continuera de tenir Wetteren et la tête de pont au Sud.
Elle aura pour mission principale la charge de couvrir l'armée à l'Ouest de
Termonde, en direction de Gand. Les Diables Noirs ont installé des grand-gardes
en avant de la tête de pont, et détachent dans la région Escaut-Dendre, de nombreuses
patrouilles qui harcèleront et reconnaîtront l'ennemi. A
Anvers, le Roi n'ignore pas que les forts ne pourront résister longuement au
formidable bombardement auquel ils sont soumis. Aussi, le 30 septembre, a-t-il
adressé aux gouvernements français et anglais, « une demande urgente et formelle
d'aide militaire immédiate », car il sait qu'il se trouvera bientôt
devant l'angoissante perspective de devoir abandonner entièrement le pays. La «
Course à la Mer » a commencé, et il insiste pour que des renforts soient
envoyés sur Gand, Alost et Ninove, afin de prolonger le front d'Anvers vers le
Sud. Rappelons
que jusqu'ici, aucune aide française ou britannique n'a été donnée à notre
armée de campagne, qui a conduit ses opérations selon ses seuls moyens, et sans
aucune liaison avec les forces alliées. Cette fois, c'est une réelle demande de
secours qui est adressée aux Alliés, non pas dans le but de renforcer la
défense d'Anvers, mais pour empêcher que notre armée soit entièrement isolée
par l'ennemi, et afin d'assurer la couverture de la côte et du Pas de Calais. Le
Roi ordonne aussitôt le transfert dans la région Ostende-Bruges-Zeebrugge, des
hôpitaux, dépôts divers, munitions, vivres et approvisionnements de toute
espèce, qui se trouvent dans le Camp retranché d'Anvers. Nos
forts et redoutes tombent rapidement et, le 6 octobre, le Roi décide de faire
passer le gros de l'armée sur la rive gauche de l'Escaut, pendant la nuit. Le
7 octobre, la DC prolonge à l'Ouest de Termonde la protection des troupes
passant le fleuve. Le Bataillon cycliste reste à Wetteren, et garde tous les
points de passage sur le chemin de fer. Le
même jour, avant l'aube, deux bataillons ennemis ont réussi à franchir l'Escaut
en barques, à Schoonaarde, entre Wetteren et Termonde, et à se fixer sur la
rive Nord. Le
lendemain matin, les pontonniers jettent un pont, qui permet le passage de la
37ème brigade, de la brigade bavaroise de Landwehr et de la 4ème
Division d'Ersotz. Ces troupes poussent immédiatement vers Termonde et Lokeren. La
DC s’est repliée sur la rive gauche et est chargée d'entraver l'avance
de l'ennemi, qui occupe déjà Berlare, au Nord de Schoonaarde. La 1ère
Compagnie cycliste accompagnée d'un escadron du 5ème Lanciers avec
une section de mitrailleuses et une auto-mitrailleuse, sous les ordres
du Major Siron est chargée de s'opposer au passage de l'ennemi par le pont de
Wetteren. Ce pont sera détruit par les PPC, à 5 heures 30. A
6 heures, la 1ère Compagnie s'installe à la lisière Sud du château
élevé au débouché Nord du pont. L'autre groupe prend position de façon à battre
les débouchés Nord de Wetteren vers l'Escaut. L'adversaire ne se montre pas et,
dans le courant de l'après-midi, le détachement se replie par ordre. Quant
aux 2ème et 3ème Compagnies, elles ont formé, le matin,
l'arrière-garde de la DC marchant sur Overmeire. Le
9 octobre, la DC est à Loochristi. Elle envoie vers Lokeren, pour retarder la
marche de l'ennemi, trois détachements comprenant chacun une compagnie cycliste,
en avant-garde. Non loin de Zeveneken, la 2ème Compagnie, qui avance
sur la route de Gand à Lokeren, est bombardée par une batterie ennemie.
Aussitôt le peloton Lardo se déploie et se porte en rampant vers la batterie ;
quelques cavaliers l'accompagnent. Les hommes avancent progressivement. Les
Allemands ne les voient pas et ne se doutent de rien. Les Diables Noirs
approchent du but ; ils n'en sont plus qu'à 500 mètres: encore quelques bonds
et ils tiendront l'ennemi sous leur tir précis. Hélas ! à ce moment, les
cavaliers, énervés, ouvrent le feu trop tôt, détruisant ainsi l'effet de la
surprise qu'escomptaient les cyclistes. Les troupes allemandes en soutien de la
batterie, supérieures en nombre, ripostent avec vigueur, et forcent le peloton
Lardo à se retirer, non sans laisser aux mains de l'ennemi quelques prisonniers
et blessés. Le
10 octobre, la DC continue à protéger la retraite de l'armée de campagne, et
les compagnies cyclistes ont pris position à l'Est du Canal Gand- Terneuzen. La
place forte d'Anvers est tombée ! Pour être plus net, précisons qu'elle a capitulé.
Défendue par des militaires, elle a été rendue par des civils ! En effet, redoutant
la destruction de la ville, que l'ennemi bombardait furieusement, le bourgmestre
Jan Devos, le sénateur Alphonse Rijckmans et le député Louis Franck conclurent,
le 9 octobre, à 5 heures 40 du soir, avec le Général von Beseler, qui commandait
l'armée d'investissement, la convention de reddition de la ville. Cet arrangement
n'avait évidemment aucune valeur, l'autorité militaire ayant seule qualité pour
prendre semblable décision. On trouva cette autorité en la personne du Général
Werbrouck, chef d'Etat-Major du Général Deguise, commandant la place, qui crut
bon de ratifier la dite convention. Le lendemain, 10 octobre, le Général
Deguise donna également son accord, et se résigna à se rendre à l'ennemi. Vingt
ouvrages restaient intacts, et une grande partie des troupes de forteresse
durent se faire interner en Hollande. Pour
ses faits d'armes particulièrement brillants, au cours des sorties d'Anvers, le
Bataillon de Carabiniers cyclistes sera honoré d'une nouvelle citation à
l'ordre de l'Armée, et autorisé à inscrire le nom ANVERS sur son fanion, à côté
de HALEN. La
retraite, qui, en fait, avait commencé le 3 octobre, fut interrompue par l'arrivée
à Anvers de trois brigades navales britanniques, environ 7.000 hommes, qui
furent accueillis avec la joie que l'on devine. Mais que pouvaient ces troupes fraîches
et les nôtres contre la supériorité du formidable matériel d'artillerie
allemand ? La retraite fut donc reprise, le 6 octobre, à minuit, et
l'évacuation de la ville, qui fut l'une des plus heureuses décisions que prit
notre Etat-Major, sauva l'armée de campagne et la nation. A la grande
déconvenue du Général von Beseler qui, en entrant dans Anvers, avait l'entière
conviction qu'il allait capturer l'armée belge, le gouvernement, et peut-être
le Roi ! Au lieu de cela, il ne trouva devant lui qu'une délégation de civils :
l'armée belge avait disparu, les forts étaient vides, le matériel détruit par
nos troupes ... Le
mouvement de l'armée belge, d'une exécution extrêmement délicate, a tout-à-fait
échappé au Commandement allemand. L'armée ne dispose que de l'étroit couloir
constitué par le Pays de Waas, entre l'Escaut et la frontière hollandaise. Il
faut empêcher toute entreprise ennemie sur ce passage et, successivement, les 4ème,
3ème et 6ème DA, la DC, seront portées sur l'Escaut,
entre Gand et Termonde, afin de couvrir la marche du reste de l'armée. Les
Allemands n'ont jamais pu parvenir à forcer cette garde, et ainsi l'armée de
campagne entière réussit à se replier et à atteindre le Canal de Gand à
Terneuzen. Les
Diables Noirs doivent, eux aussi, battre en retraite, abandonner de nouvelles
régions aux boches, pour qui leur haine se durcit de jour en jour. Traits crispés,
mâchoires serrées, ils sont profondément tristes et parlent peu. Jusqu'où devront-ils
aller ? où les arrêtera-t-on ? Et la portion de territoire qu'ils laissent derrière
eux, de plus en plus grande chaque jour qui passe ... Misère ! Leur
courage et leur ardente volonté ne fléchissent cependant pas. Le
1l octobre, ils sont à Oostakker, sur la rive Est du Canal Gand-Terneuzen. Ils
se retirent vers 16 heures. Le pont de Langerbrugge vient d'être détruit, et le
Bataillon est porté à l'Ouest du Canal de dérivation de la Lys, où il garde les
ponts. Le
lendemain, les Allemands pénètrent dans Gand. Les PPC étant chargés de détruire
les points de passage sur la Lys, la 1ère Compagnie est envoyée de Nevele
à Tronchiennes, pour les soutenir. La destruction est faite à 17 heures, mais à
ce moment précis, les Allemands, sortis de Gand, attaquent violemment la
Compagnie, qu'ils sont rapidement sur le point de déborder. Mais les Diables Noirs,
qui sont moins que jamais d'humeur à plaisanter, secouent furieusement l'adversaire,
à qui ils infligent des pertes fort lourdes. Puis la Compagnie se dégage, et se
replie sur la voie ferrée. Le soir, elle gardera les ponts de Hamme et Durmen,
au Canal de Bruges-Gand. Nous
apprenons qu'une nouvelle Division de Cavalerie est formée, constituée par les
unités de la Brigade indépendante de cavalerie, créée provisoirement le 4
octobre. La DC s'appellera dorénavant 1ère DC, et la nouvelle
sera la 2ème DC. Le
13, la 1ère DC tient le canal de dérivation de la Lys. Les trois
Compagnies cyclistes gardent les ponts de Meerendré, Nevele et Deynze. Elles y
combattent jusqu'à la fin de l'après-midi, afin d'interdire aux Allemands de
déboucher, puis se retirent et forment l'arrière-garde de la Division. Elles
cantonnent à l'Ouest de Tielt, à Eegem et Pittem. Même mission le lendemain. Le
Bataillon soutient les trois Batteries d'artillerie qui se sont installées à
l'Ouest de la route de Bruges à Courtrai. L'ennemi attaque sans répit. La 1ère
Compagnie, qui se trouve à la lisière Est de Hille, au Nord-Est de Zwevezele,
est accrochée par l'adversaire. Elle résiste depuis deux heures, lorsqu'elle
reçoit l'ordre de se retirer; elle se replie méthodiquement, par l'Ouest de
Zwevezele, en tenant l'assaillant en respect. Le
15 octobre, l'armée belge s'arrête sur l'Yser. La 1ère DC, qui
garde le front Kortemark-Staden-Roulers, s'installe, le soir, au Sud de la
Forêt d'Houthulst. Le Bataillon cycliste couvre le mouvement, et est chargé de
tenir Langemark et Poelkapelle. Le
16, la 1ère DC a pour mission de protéger l'aile droite de l'armée,
et d'assurer la soudure entre elle et l'aile gauche de l'armée anglaise. Elle
se déploie face à l'Est ; le Bataillon tient Poelkapelle et le Sud-Est de
Langemark, vers Saint Julien. L'immortelle
bataille de l'Yser va commencer... |