Médecins de la Grande Guerre
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La vie du pasteur Peterson à Folkestone
et le destin de son jeune ami Léon Trulin.[1]
Durant les premiers mois de la guerre de très
nombreux belges civils et soldats blessés trouvèrent refuge en Angleterre. Leur nombre final
avoisinera les 250.000 ! Harassés, sans ressources, ne parlant pour la
plupart que le Wallon ou un patois flamand, ils débarquèrent avec leurs paquets
ficelés à la hâte dans un monde qu’il leur était totalement inconnu. On imagine
sans peine l’aide précieuse que pouvait représenter dans ces circonstances
un compatriote sachant parler l’anglais!
A Folkestone, cet interprète miraculeux
qui connaissait autant Peterson fonda officiellement le 24 août un
« Comité belge pour les réfugiés » dans les locaux de son Eglise
Evangélique à Victoria Grove. Ce fut le premier comité d’assistance aux
réfugiés belges en Angleterre. Durant le mois de septembre 1914, quelques
20.000 belges débarquèrent et durant les trois semaines se terminant le 10
octobre 14, plus de 54.000 réfugiés arrivèrent sur les quais de Folkestone. Aucune
ville anglaise ne consentit un si grand effort de solidarité pour accueillir un
tel flot humain. Six mille repas quotidiens furent servis aux plus nécessiteux
et plus de 150.000 pièces d’habillement furent offerts. La salle Saint-Michael
situé au 41 Dover Road devint le QG de toute l’assistance aux réfugiés tandis
que des initiatives privées naissaient de toute parts. Parmi les généreux
donateurs se trouvait, Lord Radnor, un
descendant des réfugiés wallons du XVIme siècle, qui offrit gracieusement sa
villa et la firme BOBBY et Cie qui
ouvra sept grandes maisons lui
appartenant aux malheureux réfugiés. Le pasteur Peterson joua un rôle considérable
pour la bonne coordination des aides multiples qu’offrait le peuple anglais. Au
mois de septembre, il fut nommé vice-consul de Belgique en remerciement de
l’aide apportée. Son activité incroyable pour la cause des réfugiés belges ne
lui fit jamais abandonner sa tache de pasteur et il continua à assurer les
services francophones à Folkestone tout en prêchant également à Londres. L’aide
de son épouse Ethel Mary lui fut précieuse. Ethel Mary créa notamment avec
l’aide de Madame Van De Vyvere l’épouse d’un ministre, et sous le patronage de
la duchesse de Vendôme, L’œuvre du
vêtement chaud qui s’était mis
un devoir de fournir des lainages aux soldats belges du front. Le pasteur quant à lui se livrait parfois à
des activités beaucoup moins innocentes.
Il coopéra grandement avec le service de renseignement belge qui, d’un
côté essayait de démasquer des espions à la solde de l’ennemi parmi les
réfugiés et qui, de l’autre, essayait de renvoyer certains réfugiés en
territoire occupé comme agents de renseignements. C’est ainsi que le
vice-consul eut une influence considérable sur la courte carrière d’un jeune
Belge, Léon Trulin, qui eut la triste gloire posthume d’avoir été le plus jeune
espion allié fusillé pendant Dernière lettre de Léon Trulin avant son
exécution : Le 7 novembre 1915.
Ma bien chère mère, Je suis désolé de tout
ce que j’ai fait depuis le 30 juin, jour du départ. J’ai bien souffert pendant
le mois de juillet, souvent sans feu, ni lieu, puis au mois de septembre la vie
a changé. J’ai été un peu plus heureux, je me suis distrait pendant 1 mois (en
Hollande, en Angleterre) puis de retour en Belgique, pus crac voilà le malheur.
Je me fais prendre par malchance à ½ minute du territoire hollandais. Je vous en supplie ne
désespérez pas et vivez pour René qui serait orphelin (malheureux) vivez aussi
pour mes frères et sœurs et montrez l’exemple de la résignation et marchez la
tête haute votre fils s’est dévoué pour sa patrie (Vive la petite Belgique). Je vous embrasse bien
fort et courage mère. Nous nous reverrons un jour, embrassez mes frères et
sœurs pour moi et dites-leur que votre fils a su mourir en brave. Maintenant je vais me
coucher, il est déjà tard pour être près, frais et dispos demain jour de
l’exécution. Je pardonne à tout le
monde, amis et ennemis, je fais grâce parce que l’on ne me la fait pas. Vous trouverez un
carnet où je marque mes volontés. Je vous demande de
pardonner D… ce qu’il a fait, je lui ai pardonné, c’est la parole d’un condamné
qui vous la réclame. Votre fils qui vous
fait tant souffrir et qu’il en est peiné.
Léon
Trulin. Je mets dans le carnet
qui se trouve dans ma valise 5 marks pour 1 ou 2 messes en indulgence, j’ai
donné le reste au prêtre pour en faire autant. Dernier jour avant ma
mort. Excusez-moi si je
n’écris pas très bien, je suis mal installé sur une table de jardin. Courage, chère Mère,
courage, mes frères et soeurs et vivez tous en paix et sans haine. Je meurs en bon
chrétien.
Léon Trulin. Il prit bien soin d’inscrire sur le verso de la
feuille « à ne pas remettre avant 10
heures », puis soucieux, comme il l’avait écrit, d’être le lendemain
« frais et dispos » il se livra, cet enfant, au sommeil du juste.
Peterson eut cependant à Folkestone quantité d’événements
plus joyeux à fêter : il reçut officiellement le Prince Léopold et sa
tante Henriette, la duchesse de Vendôme le 6 novembre 1914 : les illustres
visiteurs parcoururent les infirmeries belges : le « Manor House » à Folkestone,
l’hôpital au camp Shorncliffe et le « Beven Home » à Sandgate. En mai 1915, la princesse Clémentine et son
époux le prince Victor Napoléon visitèrent la ville balnéaire. Cette fille du
roi Léopold II exprima sa reconnaissance aux autorités de la ville pour tout ce
qui avait été réalisé pour les Belges. Au cours de sa visite, elle put
s’entretenir avec de nombreux réfugiés belges dont Madame Dubois qui avait
retrouvé du travail à Folkestone après avoir été amputée des deux jambes suite
au torpillage du navire « Amiral
Gantineau[3] »
qui l’avait emmenée en Angleterre !
Des dizaines et des dizaines d’initiatives
furent prises par la communauté belge de Folkestone pour lutter contre l’ennui et
favoriser la solidarité. Le pasteur collabora à beaucoup d’entre elles. Au
régistre de ces initiatives on relève notamment la création d’un journal
d’information « Le franco-belge de
Folkestone » et de multiples conférences. Celle donnée le 9 août 1916
par le peintre Fredo Franzini[4]
sous l’auspice de la « Ligue des Patriotes de Belgique » au Town Hall
avait pour sujet Pourquoi et
comment l’Italie se bat aux côtés des Alliés. Celle donnée le 13 septembre
1916 par Georges Foulon sur D’autres évènements plus festifs animaient la
vie des Belges de Folkestone. Le 10 juin 1916 fut organisé dans tout l’empire
britannique une journée en faveur des enfants belges sous-alimentés. A
Folkestone, les élèves de Grace Hill
montèrent un spectacle et les sommes récoltées furent transmises au National Committee for relief in Belgium.
Le pasteur Peterson eut l’honneur de présider l’événement. Il pris la parole en anglais pour remercier les élèves
de l’école. Parmi les événements festifs, une tournée du corps de musique de La commémoration des dates anniversaires
prenait une grande place dans la vie des réfugiés belges. Le 14 novembre 1914
fut l’occasion d’un émouvant Te Deum et d’une séance d’hommages présidée par le
pasteur dans la grande salle de l’hôtel de ville. Le 8 avril 1915, on fêta avec
faste l’anniversaire du Roi Albert. Après un déjeuner officiel une conférence
réunit plus de 800 auditeurs. Le Pasteur y prit la parole qui fut reprise ensuite par le député Borboux qui évoqua longuement la personnalité
du Roi. La conférence se termina par la projection d’un film sur les
villes-martyres de Belgique. Le 21
juillet faisait évidemment partie des jours de fête: il y avait un Te Deum à
l’église catholique et ensuite réception au Town Hall organisée par le
Vice-consul. En 1915, lors de la fête nationale, une
délégation se rendit au cimetière militaire de Shorncliffe dont la partie
occidentale hébergeait 13 tombes de soldats belges qui avaient succombés à
leurs blessures en Angleterre. Le député Lefevre magnifia le sacrifice des
soldats. Plus tard on y éleva un Mausolée à la mémoire des militaires belges
décédés en Grande-Bretagne et construit en style égyptien. Sur ce mémorial
ressemblant à un obélisque se trouvait gravé ce texte :
To the hospitable soil of
Anecdotique ce petit fait lié autour de ce
monument : en 1928, le Colonel van Zuylen van Nyevelt demanda audience au
Ministre de En 1916, la fête nationale fut particulièrement
émouvante grâce aux dames belges qui avaient rassemblés des fonds pour faire apposer une plaque commémorative au
Town Hall en signe de reconnaissance des Belges à la ville de Folkestone. Sur la plaque, le public put découvrir
ces mots: To the Town of Le pasteur expliqua longuement,
au nom du Comité des Dames, l’importance que les Belges accordaient à ce cadeau
et puis les membres de la
chorale belge revêtus des couleurs nationales chantèrent
Peterson était un homme sociable et un très
grand orateur en anglais ou en français. Ecouté de tous, il est énormément
sollicité par les multiples « Sociétés » crées à Folkestone par les
Belges en exil. Il fut notamment Vice-président de l’Union belge.
Après la guerre, Peterson continua à travailler
comme Vice-Consul jusqu’en 1926. Il eut la grande joie d’accueillir le Roi
Albert et
Le Roi et
A la fin de sa carrière consulaire, Peterson
s’établit à Croydon à proximité de la famille de son épouse. La date de sa mort
ne m’est pas connue. Par contre nous connaissons la date de la mort de sa mère
Marie Léopoldine Saenger. Elle décéda à
Liège le 18 avril 1917 à l’âge de 75 ans. Connue pour ses fréquentes visites à
Folkestone avant la guerre, elle était restée dans
En 2002, d’après Hugh R. Boudin, l’auteur de la
biographie du pasteur Paterson, à Victoria Grove, l’église du Bon Berger, le
sanctuaire où se tenait les cultes français de Folkestone, était toujours
debout mais vide et couvert de tôles ondulées parmi des ronces et des arbustes.
Je me permets de rêver : pourquoi ne pas faire de ce lieu un musée sur les
Belges d’antan, sur les Belges qui, forcés de quitter leur pays à cause de la
guerre, trouvèrent en 1914 un rivage
accueillant pour les aider à survivre ? Fait à
Hannut ce 02/07/06 par le Dr Patrick Loodts. [1] Avertissement : La source principale de cet article est la très belle biographie du
Pasteur Peterson écrite par Hugh R. Boudin et publiée sous le titre
« Pastorat, consulat et espionnage. [2] Le 22 novembre 14, une réunion des alliés à
Furnes décida de créer un bureau mixte d’espionnage à Folkestone. Ce bureau
comprenait trois offices, l’un belge, l’autre britannique et le troisième
français. L’officine britannique était dirigée par le célèbre officier
d’artillerie Cameron, nom de code evelyn. Cameron avait à sa disposition
plusieurs collaborateurs dont deux Belges : Georges Gahain et Louis
Montheye. L’officine belge était sous les
ordres de Joseph Mage. [3] Rempli de plus de trois mille réfugiés le navire français « Amiral
Gantineau « du nom du marin qui ramena Napoléon d’Egypte, fut coulé par un
sous-marin allemand dans [4] Fredo Franzoni fut peintre. Il
offrit à la ville de Folkestone un très beau tableau « The landing of the
Belgian Refugees » comme marque de gratitude pour l’accueil que sa famille
et lui reçurent au début de la guerre. Ce tableau est actuellement suspendu
dans la cage d’escalier de la bibliothèque centrale de Folkestone à Grace Hill.
Lettre
de Fredo Franzoni datée de juillet 1916 : It has been my lot for many
months past to reside in Folkestone, where the very efficient work of the local
committee for the reception and relief of war refugees has excited my great
admiration. As an artist who has painted many large canvasses for the adornment
of public buildings in Belgium and elsewhere, it has naturally occurred to me
that some such addition to
your Municipal Hall, illustrative in a more or less emblematic manner of the splendid
reception your Committee has offered to the unfortunate victims of German
Ccruelty and lust of power, might be an acceptable gift. Four months, I have spent in
endeavouring to portray my ideas. Some of the leading citizens, and others
connected with war-relief have allowed me to depict their faces and I trust
that the result may be found worthy of your acceptance. |