Médecins de la Grande Guerre

La vie du pasteur Peterson à Folkestone et le destin de son jeune ami Léon Trulin.

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La vie du pasteur Peterson à Folkestone et le destin de son jeune ami Léon Trulin

point  [article]
Le pasteur Adolphe Frédéric Péterson en uniforme de Vice-consul de Belgique. (Photographie prise par H. Wheeler de Folkestone, collection de la famille Edwards-Péterson)

The Landing of the Belgian Refugees. (L'atterrissage des réfugiés belges) August 1914. Peinture de Fredo Franzoni.

Une famille de réfugiés belges hébergée provisoirement dans une cabine de plage à Ostende en août 1914. (Impérial War Museum, cliché n° Q 53223)

Les sept maisons de la firme Bobby & C° offertes aux Belges pour y installer leurs bureaux. (Photographie du 10 décembre 1914. Collection Paine, P. Bamford.)

Le Vice-consul de Belgique Adolphe Frédéric Péterson. (Photographie prise par Lambert Weston de Folkestone)

Le Mémorial militaire belge à Shorncliffe en 2002. (Photo de Hugh R. Boudin)

Photographie collée sur le passeport délivré à Léon Trulin à Folkestone, le 29 août 1915, par le Vice-consul de Belgique Adolphe Frédéric Péterson. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Le fil électrisé à Putten, frontière hollandaise. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

La cellule d’Anvers. Elle portait le n° 176, Léon Trulin y fut emprisonné du 4 au 12 octobre 1915. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

La dernière lettre de Léon Trulin à sa mère. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

La dernière lettre de Léon Trulin à sa mère. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Le 8 novembre 1915. Billet écrit par Léon Trulin le matin de son exécution, adressé à ses soeurs. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Le 8 novembre 1915. Billet écrit par Léon Trulin le matin de son exécution, adressé à ses soeurs. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Raymond Derain, 1897-1918. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Reproduction du texte français de l’affiche placardée à Lille avant même que Trulin fut exécuté. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Compagnons Courageux. Léon Trulin, Lucien Deswaf, Marcel Lemaire, Marcel Gotti, dans le médaillon André Herman. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Conçu par Jacques Alleman sur l’emplacement retrouvé par « Les Amis de Lille » où mourut Léon Trulin, ce Mur du Souvenir fut inauguré le 8 novembre 1931. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

(Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

Maquette du Monument, à l’Adolescent chargé de Gloire, Léon Trulin. Œuvre d’Edgar Boutry, Grand Prix de Rome, qui sera élevé en 1933 à Lille, au boulevard de l’Amitié Franco-Belge. (Tiré de « L’adolescent chargé de gloire, Léon Trulin »)

La vie du pasteur Peterson à Folkestone et le destin de son jeune ami Léon Trulin.[1]

Durant les premiers mois de la guerre de très nombreux belges civils et soldats blessés trouvèrent  refuge en Angleterre. Leur nombre final avoisinera les 250.000 ! Harassés, sans ressources, ne parlant pour la plupart que le Wallon ou un patois flamand, ils débarquèrent avec leurs paquets ficelés à la hâte dans un monde qu’il leur était totalement inconnu. On imagine sans peine l’aide précieuse que pouvait représenter dans ces circonstances un  compatriote sachant parler l’anglais!  A Folkestone, cet interprète miraculeux qui connaissait autant la Belgique que l’Angleterre s’appelait Adolphe Frédéric Peterson. Ce belge exerçait un ministère de pasteur protestant à Folkestone !  Cette situation  peu banale mérite d’être expliquée. Le père d’Adolphe Fréderic, René Peterson était lui-même pasteur (d’origine anglaise ?) et sa mère Marie Léopoldine Saenger était belge. Ses parents s’étaient mis au service de la jeune  communauté protestante de Seraing composée essentiellement d’ouvriers allemands qui travaillaient pour la société Cockerill. Adolphe né le 30 décembre 1872  grandit  à Seraing au sein d’une famille nombreuse qui comptait sept enfants. Le pasteur et son épouse accueillirent en outre dans leur famille nombreuse une jeune fille anglaise du nom d’Ethel Mary Lock  envoyée par ses parents en Belgique pour parfaire son éducation et ses connaissances en français. Adophe Frédéric et  Mary Ethel grandirent ensemble et finalement  s’amourachèrent l’un pour l’autre au point de décider de fonder une famille. Adolphe Frédéric marcha dans les pas de son père le pasteur René Peterson. Il fit  des études de théologie à Genève  et fut  consacré au ministère pastoral le 16 janvier 1900 en l’ « Eglise du Musée » à Bruxelles. Ce jour là, tous les pasteurs de l’Union des Eglises Protestantes Evangéliques de Belgique réunis pour leur Conférence pastorale fêtèrent leur nouveau confrère. Adolphe commença son ministère à Cuesmes mais assez rapidement, en septembre 1901, il partit poursuivre son ministère à Folkestone au sein de l’Eglise Evangélique Française fondée en 1893 par le Consistoire de l’Eglise Wallonne de Cantorbéry !  En1905, Adolphe Frédéric  se maria avec sa chère Ethel Mary. L’entrée en guerre de la Belgique en août 1914 devait modifier le cours de sa carrière. Fuyant l’avance ennemie, des milliers de Belges trouvent d’abord refuge dans les cités balnéaires de la côte qui borde leur petit pays. Adolphe Peterson se donne comme tâche principale de soulager ses compatriotes et c’est ainsi que dans les premières semaines de la guerre, il effectuera plus de dix navettes entre Ostende et Folkestone afin de fournir vivres, argent, vêtements (et même jouets) aux réfugiés belges qui très nombreux vont jusqu’à chercher un toit provisoire dans les cabines de plage ! Rapidement les autorités anglaises vont se rendre compte de la tragédie dans laquelle se démènent les réfugiés belges et le 5 septembre 1914, Nicolas Reyntiers, un fonctionnaire britannique du Board of Trade qui était d’origine belge lance un système d’enregistrement des évacués belges cherchant des passages gratuits. Dés lors le flot de réfugiés vers l’Angleterre va ne cesser de  croître pour atteindre un maximum dans la deuxième semaine d’octobre, moment durant lequel les autorités belges décident d’abandonner à l’ennemi Ostende et la plus grande partie de la côte belge. Pour Adolphe Peterson, il ne s’agit maintenant plus d’aider les Belges dans leur pays mais bien de les accueillir au mieux à Folkestone. A toutes heures du jour et de la nuit des embarcations disparates, chalutiers, caboteurs, ferries déchargent les exilés en fuite dont certains n’ont même pas notion de l’endroit où ils arrivent. Ainsi, à une dame ayant souffert du mal de mer et qui demandait à l’arrivée si elle devrait retraverser la mer pour rentrer un jour chez elle, on répondit qu’hélas la Grande-Bretagne était une île ! Parmi les réfugiés se retrouvait toutes les classes d’âge et toutes les classes sociales belges : des fonctionnaires endimanchés, des ouvriers en bleu de travail, des paysans en sarrau et sabots, des pêcheurs d’Ostende et même un saltimbanque traînant avec lui le canon par lequel il projetait son épouse dans l’espace. Ils charriaient avec eux quantité de colis, des matelas, des paniers, des machines à coudre, et même de la volaille et des perroquets !

Peterson fonda officiellement le 24 août un « Comité belge pour les réfugiés » dans les locaux de son Eglise Evangélique à Victoria Grove. Ce fut le premier comité d’assistance aux réfugiés belges en Angleterre. Durant le mois de septembre 1914, quelques 20.000 belges débarquèrent et durant les trois semaines se terminant le 10 octobre 14, plus de 54.000 réfugiés arrivèrent sur les quais de Folkestone. Aucune ville anglaise ne consentit un si grand effort de solidarité pour accueillir un tel flot humain. Six mille repas quotidiens furent servis aux plus nécessiteux et plus de 150.000 pièces d’habillement furent offerts. La salle Saint-Michael situé au 41 Dover Road devint le QG de toute l’assistance aux réfugiés tandis que des initiatives privées naissaient de toute parts. Parmi les généreux donateurs se trouvait,  Lord Radnor, un descendant des réfugiés wallons du XVIme siècle, qui offrit gracieusement sa villa  et la firme BOBBY et Cie qui ouvra  sept grandes maisons lui appartenant aux malheureux réfugiés.

Le pasteur Peterson joua un rôle considérable pour la bonne coordination des aides multiples qu’offrait le peuple anglais. Au mois de septembre, il fut nommé vice-consul de Belgique en remerciement de l’aide apportée. Son activité incroyable pour la cause des réfugiés belges ne lui fit jamais abandonner sa tache de pasteur et il continua à assurer les services francophones à Folkestone tout en prêchant également à Londres. L’aide de son épouse Ethel Mary lui fut précieuse. Ethel Mary créa notamment avec l’aide de Madame Van De Vyvere l’épouse d’un ministre, et sous le patronage de la duchesse de Vendôme,  L’œuvre du vêtement chaud qui  s’était mis un devoir de fournir des lainages aux soldats belges du front.  Le pasteur quant à lui se livrait parfois à des activités beaucoup moins innocentes.  Il coopéra grandement avec le service de renseignement belge qui, d’un côté essayait de démasquer des espions à la solde de l’ennemi parmi les réfugiés et qui, de l’autre, essayait de renvoyer certains réfugiés en territoire occupé comme agents de renseignements. C’est ainsi que le vice-consul eut une influence considérable sur la courte carrière d’un jeune Belge, Léon Trulin, qui eut la triste gloire posthume d’avoir été le plus jeune espion allié fusillé pendant la Grande Guerre. Léon Trulin était Belge, originaire d’Ath, mais il était venu habiter Lille avec sa mère qui était  veuve et ses 8 frères et sœurs. Agé de 16 ans, il voulut rejoindre l’armée belge. Il réussit à traverser la Belgique puis la frontière belgo-néerlandaise le 5 mai 1915. Il rejoignit ensuite l’Angleterre et se présenta au Consulat de Folkestone. C’est le  pasteur Peterson qui le reçut et qui l’envoya au 13eme bureau consulaire pour passer l’examen médical d’usage avant l’engagement. Hélas le médecin militaire le déclara inapte. Trulin eut alors l’idée de retourner voir le pasteur Paterson  pour lui montrer toutes les informations qu’il avait rassemblées sur l’ennemi à Lille et lors de son voyage vers l’Angleterre. Le pasteur fut très favorablement impressionné par les renseignements collectés et il envoya le jeune homme auprès du lieutenant Montheye qui appartenait au  service de renseignements[2]. Trulin intéressa particulièrement le lieutenant car la ville de Lille, dispositif important dans l’armée allemande du front occidental, n’était alors couverte par aucun agent. Léon Trulin fut alors engagé pour établir un poste d’observation  à Lille. Il suivit une semaine de cours à Folkestone pour être initié aux insignes militaires et aux silhouettes des différents calibres de l’artillerie ennemie. Il retourna auprès de sa famille à Lille, rédigea un nouveau rapport d’observation et le 26 juillet s’en retourna déjà  en Angleterre. Surpris par la vitesse avec laquelle le jeune espion avait réalisé sa mission, il fut présenté à Cameron, chef des services anglais de renseignements qui se montra  enthousiasmé par le talent du jeune homme. Léon Trulin obtint alors une nouvelle mission plus importante : établir des postes d’observations ferroviaires à Deinze, Courtrai, Ingelmnster, Mouscron et Tourcoing. Léon commença avec succès sa nouvelle mission mais un des membres de son réseau s’approchant trop près d’un emplacement d’artillerie fut arrêté par la police allemande. Léon Trulin et son ami Derain, se sentant en danger d’être dénoncés ou découverts décidèrent de rejoindre l’Angleterre. Les deux jeunes gens arrivèrent à la frontière belgo-néerlandaise qui avait été électrifiée. Ils  entreprirent de creuser un passage sous les fils mais  hélas furent surpris en plein travail et immédiatement  arrêtés. Léon jeta son portefeuille qui contenait des papiers compromettants  en territoire néerlandais mais les policiers allemands le récupérèrent. Le 12 octobre les jeunes gens sont transférés à Lille. Le jugement tomba le 7 novembre 1915 : Léon Trulin était condamné à mort et son ami Raymond Derain condamné aux travaux forcés à perpétuité. L’exécution de Léon Trulin âgé de17 ans eu lieu à l’aube du 8 novembre 1915 dans le fossé septentrional de la citadelle de Lille. Il refusa le bandeau et mourut en héros. Le pasteur Peterson en fut fort affecté.

Dernière lettre de Léon Trulin avant son exécution :

 

                                                                                                                Le 7 novembre 1915.

 

                                                             Ma bien chère mère,

 

Je suis désolé de tout ce que j’ai fait depuis le 30 juin, jour du départ. J’ai bien souffert pendant le mois de juillet, souvent sans feu, ni lieu, puis au mois de septembre la vie a changé. J’ai été un peu plus heureux, je me suis distrait pendant 1 mois (en Hollande, en Angleterre) puis de retour en Belgique, pus crac voilà le malheur. Je me fais prendre par malchance à ½ minute du territoire hollandais.

Je vous en supplie ne désespérez pas et vivez pour René qui serait orphelin (malheureux) vivez aussi pour mes frères et sœurs et montrez l’exemple de la résignation et marchez la tête haute votre fils s’est dévoué pour sa patrie (Vive la petite Belgique).

Je vous embrasse bien fort et courage mère. Nous nous reverrons un jour, embrassez mes frères et sœurs pour moi et dites-leur que votre fils a su mourir en brave.

Maintenant je vais me coucher, il est déjà tard pour être près, frais et dispos demain jour de l’exécution.

Je pardonne à tout le monde, amis et ennemis, je fais grâce parce que l’on ne me la fait pas.

Vous trouverez un carnet où je marque mes volontés.

Je vous demande de pardonner D… ce qu’il a fait, je lui ai pardonné, c’est la parole d’un condamné qui vous la réclame.

Votre fils qui vous fait tant souffrir et qu’il en est peiné.

                                                                                                           Léon Trulin.

 

Je mets dans le carnet qui se trouve dans ma valise 5 marks pour 1 ou 2 messes en indulgence, j’ai donné le reste au prêtre pour en faire autant.

Dernier jour avant ma mort.

Excusez-moi si je n’écris pas très bien, je suis mal installé sur une table de jardin.

Courage, chère Mère, courage, mes frères et soeurs et vivez tous en paix et sans haine.

Je meurs en bon chrétien.

                                                                                                    Léon Trulin.

 

Il prit bien soin d’inscrire sur le verso de la feuille « à ne pas remettre avant 10 heures », puis soucieux, comme il l’avait écrit, d’être le lendemain « frais et dispos » il se livra, cet enfant, au sommeil du juste.

Peterson eut cependant à Folkestone quantité d’événements plus joyeux à fêter : il reçut officiellement le Prince Léopold et sa tante Henriette, la duchesse de Vendôme le 6 novembre 1914 : les illustres visiteurs parcoururent les infirmeries belges : le « Manor House » à Folkestone, l’hôpital au camp Shorncliffe et le « Beven Home » à Sandgate.     

En mai 1915, la princesse Clémentine et son époux le prince Victor Napoléon visitèrent la ville balnéaire. Cette fille du roi Léopold II exprima sa reconnaissance aux autorités de la ville pour tout ce qui avait été réalisé pour les Belges. Au cours de sa visite, elle put s’entretenir avec de nombreux réfugiés belges dont Madame Dubois qui avait retrouvé du travail à Folkestone après avoir été amputée des deux jambes suite au  torpillage du navire « Amiral Gantineau[3] »  qui l’avait emmenée en Angleterre !

Des dizaines et des dizaines d’initiatives furent prises par la communauté belge de Folkestone pour lutter contre l’ennui et favoriser la solidarité. Le pasteur collabora à beaucoup d’entre elles. Au régistre de ces initiatives on relève notamment la création d’un journal d’information « Le franco-belge de Folkestone » et de multiples conférences. Celle donnée le 9 août 1916 par le peintre Fredo Franzini[4] sous l’auspice de la « Ligue des Patriotes de Belgique » au Town Hall avait pour sujet  Pourquoi et comment l’Italie se bat aux côtés des Alliés. Celle donnée le 13 septembre 1916 par Georges Foulon sur la Belgique dévastée était agrémentée de projections lumineuses de clichés fournies par le British Gift qui  montrait les destructions des villes martyres belges. Maître Foulon était avocat à la Cour d’Appel de Bruxelles. Ce fut encore notre pasteur Peterson qui remercia longuement et avec un grand talent d’orateur le conférencier.    

D’autres évènements plus festifs animaient la vie des Belges de Folkestone.

Le 10 juin 1916 fut organisé dans tout l’empire britannique une journée en faveur des enfants belges sous-alimentés. A Folkestone, les élèves de Grace Hill montèrent un spectacle et les sommes récoltées furent transmises au  National Committee for relief in Belgium. Le pasteur Peterson eut l’honneur de présider l’événement. Il  pris la parole en anglais pour remercier les élèves de l’école. Parmi les événements festifs, une tournée du corps de musique de la Garde républicaine rencontra un franc succès à Folkestone et exalta le sentiment patriotique francophile ; le concert donné par la fanfare du 1er Régiment des Guides sous la direction du Capitaine Léon Walpot remporta un succès considérable et, en récompense de la brillante prestation, tout le corps de musique fut invité à faire une excursion à Cantorbéry pour y visiter la vieille cathédrale. Le concert donné par la musique du Premier régiment de Carabiniers sous la direction d’Alfred Mahy eut lieu quant à lui le 15 avril 1917 et les musiciens  fortement applaudis par les nombreuses personnalités qui avaient été invitées par le pasteur Peterson.

La commémoration des dates anniversaires prenait une grande place dans la vie des réfugiés belges. Le 14 novembre 1914 fut l’occasion d’un émouvant Te Deum et d’une séance d’hommages présidée par le pasteur dans la grande salle de l’hôtel de ville. Le 8 avril 1915, on fêta avec faste l’anniversaire du Roi Albert. Après un déjeuner officiel une conférence réunit plus de 800 auditeurs. Le Pasteur y prit la parole qui fut  reprise ensuite par le député  Borboux qui évoqua longuement la personnalité du Roi. La conférence se termina par la projection d’un film sur les villes-martyres de Belgique.

 

 Le 21 juillet faisait évidemment partie des jours de fête: il y avait un Te Deum à l’église catholique et ensuite réception au Town Hall organisée par le Vice-consul.

En 1915, lors de la fête nationale, une délégation se rendit au cimetière militaire de Shorncliffe dont la partie occidentale hébergeait 13 tombes de soldats belges qui avaient succombés à leurs blessures en Angleterre. Le député Lefevre magnifia le sacrifice des soldats. Plus tard on y éleva un Mausolée à la mémoire des militaires belges décédés en Grande-Bretagne et construit en style égyptien. Sur ce mémorial ressemblant à un obélisque se trouvait gravé ce texte :

   To the hospitable soil of England. To the people we have learned to know and love. To those who were so good and charitable to us. We for ever entrust our dear sons who are sleeping here their last rest. The Belgian Exiles.

Anecdotique ce petit fait lié autour de ce monument : en 1928, le Colonel van Zuylen van Nyevelt demanda audience au Ministre de la Défense Nationale pour revendiquer pour lui seul l’initiative de ce monument. Il arguait que le Vice-Consul Peterson dans un rapport adressé au Service des Sépultures militaires s’en appropriait la conception !

 

En 1916, la fête nationale fut particulièrement émouvante grâce aux dames belges qui avaient rassemblés des fonds  pour faire apposer une plaque commémorative au Town Hall en signe de reconnaissance des Belges à la ville de Folkestone. Sur la plaque, le public put découvrir ces mots:

To the Town of Folkestone, the Committee and all who worked so devoutly for their relief, this tablet is gratefully offered by the Belgian War Refugiees. 1916.

Le pasteur expliqua longuement, au nom du Comité des Dames, l’importance que les Belges accordaient à ce cadeau et puis les membres de la chorale belge revêtus des couleurs nationales chantèrent la Brabançonne et Vers l’Avenir.

Peterson était un homme sociable et un très grand orateur en anglais ou en français. Ecouté de tous, il est énormément sollicité par les multiples « Sociétés » crées à Folkestone par les Belges en exil. Il fut notamment Vice-président de l’Union belge.  

Après la guerre, Peterson continua à travailler comme Vice-Consul jusqu’en 1926. Il eut la grande joie d’accueillir le Roi Albert et la Reine Elisabeth  pour une courte visite officielle : le roi voulait remercier la municipalité pour l’accueil chaleureux qu’elle avait accordé à ses sujets réfugiés pendant la guerre. Le couple royal arriva le 8 juillet 1921 à la gare à 11h 48. Il devait rester à Folkestone un peu plus d’une heure de visite car le train royal devait déjà repartir à 12 h55 pour Douvres. Un cortège motorisé amena le Roi et la Reine au Town Hall. Sur le parcours, plus de quatre mille enfants agitaient des drapeaux belges et anglais. A l’hôtel de ville il y eut le traditionnel échange de discours. Immédiatement après le départ des souverains, le pasteur procéda à la remise des distinctions que le roi n’avait pu épingler à cause de son horaire contraignant. Le vice-consul remit au maire les insignes d’Officier de la Couronne et au secrétaire municipal celle de Chevalier.

Le Roi et la Reine avaient quitté rapidement Folkestone en train. Peu de temps avant, en 1920, ils avaient survolé la ville en avion lors d’une visite à Croydon. Ce survol avait donné lieu à un fait divers assez amusant. Un promeneur M. G.MANN vit un objet tomber d’un des avions de l’escadrille. Il se mit à le chercher et découvrit un képi de général belge à bande amarante orné de foudres de guerre. A l’intérieur de la coiffe figuraient les inscriptions « Yser » et « 1914-1918 ». Mann remit le képi à la police qui le transmit au vice-consul Peterson qui l’envoya à qui de droit. Le souverain arrivé à destination fut heureux de retrouver son képi qui avait disparu en vol !

A la fin de sa carrière consulaire, Peterson s’établit à Croydon à proximité de la famille de son épouse. La date de sa mort ne m’est pas connue. Par contre nous connaissons la date de la mort de sa mère Marie Léopoldine Saenger. Elle décéda  à Liège le 18 avril 1917 à l’âge de 75 ans.  Connue pour ses fréquentes visites à Folkestone avant la guerre, elle était restée dans la Cité ardente pendant le bombardement et la bataille d’août 14 et ne voulut pas la quitter pendant l’occupation.

En 2002, d’après Hugh R. Boudin, l’auteur de la biographie du pasteur Paterson, à Victoria Grove, l’église du Bon Berger, le sanctuaire où se tenait les cultes français de Folkestone, était toujours debout mais vide et couvert de tôles ondulées parmi des ronces et des arbustes. Je me permets de rêver : pourquoi ne pas faire de ce lieu un musée sur les Belges d’antan, sur les Belges qui, forcés de quitter leur pays à cause de la guerre, trouvèrent en 1914 un rivage  accueillant pour les aider à survivre ?

 

 

Fait à Hannut ce 02/07/06 par le Dr Patrick Loodts.

 

 

 

 

 

 

  



[1] Avertissement :

La source principale de cet article est la très belle biographie du Pasteur Peterson écrite par Hugh R. Boudin et publiée sous le titre « Pastorat, consulat et espionnage. La Vie insolite de adolphe Frédéric Peterson » aux editions Prodoc, Bruxelles, 2002. 

 

[2] Le 22 novembre 14, une réunion des alliés à Furnes décida de créer un bureau mixte d’espionnage à Folkestone. Ce bureau comprenait trois offices, l’un belge, l’autre britannique et le troisième français. L’officine britannique était dirigée par le célèbre officier d’artillerie Cameron, nom de code evelyn. Cameron avait à sa disposition plusieurs collaborateurs dont deux Belges : Georges Gahain et Louis Montheye.  L’officine belge était sous les ordres de Joseph Mage.   

[3] Rempli de plus de trois mille réfugiés le navire français « Amiral Gantineau « du nom du marin qui ramena Napoléon d’Egypte, fut coulé par un sous-marin allemand dans la Manche. Grâce à l’aide rapide de la malle Boulogne-Folkestone S.S. Queen sous les ordres du capitaine Carey, de nombreux passagers furent sauvés. Les grands blessés, dont Madame Dubois furent hébergés et soignés au Royal Victoria Hospital de Folkestone.

 

[4] Fredo Franzoni fut peintre. Il offrit à la ville de Folkestone un très beau tableau « The landing of the Belgian Refugees » comme marque de gratitude pour l’accueil que sa famille et lui reçurent au début de la guerre. Ce tableau est actuellement suspendu dans la cage d’escalier de la bibliothèque centrale de Folkestone à Grace Hill. Lettre de Fredo Franzoni datée de juillet 1916 :

It has been my lot for many months past to reside in Folkestone, where the very efficient work of the local committee for the reception and relief of war refugees has excited my great admiration. As an artist who has painted many large canvasses for the adornment of public buildings in Belgium and elsewhere, it has naturally occurred to me that some such addition to your Municipal Hall, illustrative in a more or less emblematic manner of the splendid reception your Committee has offered to the unfortunate victims of German Ccruelty and lust of power, might be an acceptable gift.

Four months, I have spent in endeavouring to portray my ideas. Some of the leading citizens, and others connected with war-relief have allowed me to depict their faces and I trust that the result may be found worthy of your acceptance. 

 



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