Médecins de la Grande Guerre
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L’abbé Peeters, curé de Comblain-au-Pont : un
sourire indéfectible en toute
circonstance ! Introduction Le curé Peeters mérite certainement d’être rappelé à la mémoire des Belges. Patriote exemplaire, héroïque Flamand au service des Wallons et particulièrement des paroissiens de Comblain-au-Pont, il fut aussi un homme sans peur et sans reproches et, n’hésitons pas à employer ces mots, un véritable saint ! Imaginez-vous en effet un instant sourire en toutes circonstances aux autres, quelque soit votre état d’âme et votre santé ! Combien de personnes peuvent parvenir à réaliser ce challenge ? L’abbé Peeters fut une de ces personnes. A force de volonté, de sagesse, et sans doute de prières, il put mettre sa devise en application sans défaillir : « la peine pour moi, le sourire pour les autres ». Toutes les innombrables personnes qui l’ont rencontré ont été impressionnées par le constant sourire qu’il affichait et qui l’accompagnera jusqu’au poteau d’exécution ! Joseph Peeters
garde-civique condamné à mort en août 1914 Joseph Peeters est né en Flandres à Brusthem. Quand la Grande Guerre éclate, Joseph fait partie de la garde civique. Le 9 août 14, il se trouve dans la campagne de Saint-Trond. En avant-garde, il est couché avec cinq de ses camarades et tiraille sur les soldats ennemis. Mais bientôt l’adversaire plus nombreux encercle le petit groupe et le fait prisonnier. Pour l’officier allemand qui ne reconnaît pas dans l’uniforme des gardes-civiques un uniforme de soldat belge, les six Belges sont des francs-tireurs et doivent être fusillés sur le champ. On aligne les Belges et un peloton d’exécution prend place devant eux. Un garde-civique demande un dernier répi, le temps de réciter un acte de contrition. L’officier accepte… au moment où la prière se termine, une auto s’arrête en trombe devant les condamnés à mort. Un général allemand en sort et s’enquiert de ce qui se passe ! Joseph Peeters lève alors la main pour demander la parole. Contre toute attente, le général accepte et Joseph parvient à le convaincre que les Belges qu’il a devant lui ne sont pas des francs-tireurs mais de véritables soldats. L’ordre est donné d’annuler l’exécution. Le peloton d’exécution se disloque et les gardes-civiques sont à présent considérés comme prisonniers. Mais qui est ce Joseph Peeters, le « beau causeur » venant de sauver la vie de ses camarades ? C’est un jeune étudiant qui vient de terminer au Petit-Séminaire de Saint-Trond sa rhétorique ! Sa nature fougueuse l’a poussé à s’engager dans les gardes-civiques malgré son handicap physique : il porte en effet un corset de cuir en permanence et souffre de boiterie, séquelle probable d’une tuberculose osseuse survenue dans sa tendre enfance. Le vicaire d’Othée Joseph ne restera pas longtemps prisonnier. Il fausse rapidement compagnie aux Allemands et parvient à rejoindre l’armée belge où, à défaut d’être accepté comme soldat, il est embauché comme estafette au profit d’une unité de cavalerie ! Il se sert d’un vélo pour remplir ses missions et brave pluie et boue pendant plusieurs semaines jusqu’à la reddition de la place forte d’Anvers. L’armée belge s’en va vers l’Yser et n’a plus besoin de Joseph. L’officier belge pour qui il a travaillé le remercie des services prestés en lui offrant… un superbe révolver muni d’une crosse incrustée de nacre. Joseph, qui veut devenir prêtre, décide de continuer ses études. Il rejoint le séminaire de Liège où, très rapidement, il acquiert une réputation de joyeux luron par sa bonhomie et sa bruyante gaieté ! Prêtre en 1920, il est d’abord nommé professeur de travaux manuels à l’école Normale de Theux. Le jeune professeur Peeters est un blagueur impénitent avec ses collègues mais il est aussi un professeur remarquable pour les futurs instituteurs car il adore bricoler ! Nous verrons plus loin qu’il conservera d’ailleurs ce goût pour les travaux manuels pendant tout son sacerdoce. En 1923, son professorat se termine et le voilà notre abbé envoyé à Othée comme vicaire pour seconder le vieux curé malade. Vicaire à Othée Il se présente à ses habitants avec humour : Je suis reconnaissable dit-il, facilement, j’ai deux signes distinctifs : « ma rossète tièsse et mes houlèyès djambes » ! Il commence par aménager sa maison vicariale de telle sorte qu’il puisse y accueillir sa maman ! Ensuite, il installe un atelier de menuiserie pour réparer lui-même la boiserie de la toiture et le mobilier du local des œuvres paroissiales. Les habitants d’Othée sont rapidement étonnés par le dynamisme de leur jeune vicaire qui quitte souvent sa soutane pour une salopette ! Joseph Peeters aime le travail bien fait ! Chacun peut s’en rendre compte en pénétrant dans son bureau qu’il a lui-même rénové afin de le rendre confortable et accueillant. Une particularité étonnante de ce bureau attire le regard de tous les visiteurs : dans une encoignure se trouve rassemblé tout un arsenal : fusils de guerre et de chasse ! Joseph doit alors expliquer à ses visiteurs que l’on peut être vicaire et en même temps être passionné par le tir ! Ce goût pour le tir, Joseph l’avait reçu de son père qui l’emmenait souvent chasser dans la campagne de Brusthem. En chaire de vérité, le vicaire excelle et parle avec grande aisance. Au catéchisme, il charme les enfants car il possède l’art du conteur qui sait rendre passionnantes les histoires saintes. Au patronage, le bonheur des gosses est de voir leur vicaire se transformer en un joyeux partenaire de jeux que ce soit autour d’une table ou au milieu du terrain de foot improvisé. Joseph a le don de ramener le sourire chez ceux qui l’on perdu. Un exemple parmi d’autres : ce petit infirme privé de l’usage de ses jambes et qu’il essaie de distraire chaque jour de la semaine par une visite qu’il rend drôle par une blague ou un jeu. Il y a cependant dans le village un autre handicapé auprès duquel Joseph éprouve plus de difficultés à sourire. Il s’agit d’un jeune ouvrier immobilisé par une affreuse plaie purulente à la cuisse droite. L’odeur de sa plaie décourage les soignants mais pas le jeune vicaire qui vient deux à trois fois par jour la nettoyer. L’abbé Peeters soigna des mois le brave Nicolas et cela jusqu’au décès du malheureux qui hélas ne put se rétablir. Son amour des autres se traduit pour Joseph par son dévouement, son sourire mais aussi par la grande distribution des bénédictions qu’il aime à faire autour de lui ! Ce geste de bénir lui est précieux car il concrétise son amour pour ses semblables. Pas étonnant que l’abbé récite souvent le poème de Guido Gezelle consacré à la petite croix paternelle que les enfants reçoivent sur le front avant d’aller dormir : ‘T
KRUISKE ‘T eerste dat mij
moeder vragen ‘k Heb een kruiske dan gekregen, menig keer, en wierd geslegen Maar, dat kruiske, ‘t is geschreven Traduction La petite croix Ce que maman
m’apprit à demander En premier lieu,
en des jours Depuis longtemps
passés, quand Pauvre en parole,
je bégayais Encore, ce fut,
joignant mes deux Petites
mains : « Papa, fais-moi une Petite-croix,
s’il te plaît ! Et je reçus alors
une petite croix, µmaintes fois, et
en une double caresse, Elle me fut
déposée sur la joue. Hélas, tous deux
vous m’avez Quitté, papa,
maman, et J’en suis bien en
peine. Mais cette croix,
elle est gravée, Fixée
profondément en ma tête ; Signe de mon
héritage : Celui qui me
briserait le cerveau Pour me priver de
cette croix Il ne l’aurait pas encore cette croix Auguste avait l’art de scander
ces vers avec tant de force que l’on avait l’impression d’entendre de
véritables coups de clairon. L’abbé Peeters, avec tant de nobles qualités, pouvait
cependant décevoir une catégorie de gens, celle qui juge par l’apparence. Pas de grande taille, peu de prestance, nul
air imposant et puis cet éternel sourire sur les lèvres qui pouvait être un
signe de niaiserie ! Mais derrière son apparence bon enfant qui n’est pas
sans faire penser à celle du « Don Camillo »
qui enchanta notre enfance, quelle abnégation, quelle volonté, quel
dynamisme ! Nommé en 1915, aumônier de l’A. C. J. B. (Association
Catholique de la Jeunesse belge), sans
relâche, il sillonne le soir les routes boueuses de Hesbaye pour animer et
susciter les activités de cette association. Dans les villages, il se déplace
souvent pour rien ou pour quelques jeunes, cependant après des semaines de
labeur, il parviendra à ses fins et verra des effectifs de jeunes de plus en
plus importants se réunir. C’est avec une immense joie et une toute aussi
grande fierté, qu’il emmènera une importante cohorte de jeunes au congrès de
Bruxelles de 1925. Là, sur la Grand-Place, les jeunes assistent à la messe célébrée par le cardinal
Mercier avant de défiler et de ripailler sous de tentes installées pour
l’occasion ! L’abbé Peeters est un animateur exceptionnel qui aime
assister à toutes les manifestations religieuses ou publiques parmi lesquelles
celles qui marquèrent le centenaire de notre indépendance. Il organise
d’ailleurs lui-même, en 1930, pour les
anciens combattants un mémorable verre de l’amitié dans sa maison
vicariale. Joseph est finalement
toujours resté un vrai soldat malgré la soutane ! De temps en autre, il
montre son adresse au tir en sortant sa carabine à répétition de 6 mm. Quant à
son courage, il le montre rapidement aux villageois quand le tocsin alerte le
village ! Cette fois-là, une grange venait de s’embraser ! Les habitants
stupéfaits virent Joseph enfourcher son vélo et, sur les lieux du sinistre,
grimper sur les plus hautes échelles pour enlever les tuiles faitières et
ensuite couper
à la hache les chevrons et le faîtage afin d’empêcher le feu de se
propager ! Quel exploit, tout cela
avec une soutane et des mauvaises jambes ! Mais ses paroissiens
continueront d’aller de surprise en surprise en observant leur vicaire. Un
jour, on lui offre de faire un tour en moto ! Pour Joseph qui manque
toujours de temps pour ses multiples occupations, c’est une véritable
révélation : que de temps gagné quand on est motocycliste !
L’apprenti motard est doué et très vite,
l’on vit le vicaire pétarader dans Othée
! La vie réserve pourtant son
lot de chagrin à Joseph. Il y eut d’abord la perte de son papa pendant qu’il
était professeur à Theux, puis à Othée la mort de sa
chère maman en 1930. Il lui restait alors ses deux frères et ses deux sœurs
mais la plus jeune Maria fut emportée par la maladie en 1932. Un peu plus tard
c’est Jules, le cadet qui est terrassé subitement. Les deuils successifs
affectent Joseph profondément mais jamais sa tristesse ne transpira ! En
dix ans, de 1923 à 1933, Joseph finalement remporte un important
challenge : il a gagné l’estime de
tous les habitants qu’ils soient croyants ou non. C’est avec une grande
consternation que les Othéens apprennent le 25 avril
que leur vicaire est nommé curé à Comblain-au-Pont. Il y arrive sur sa moto par
une belle matinée de mai 1933. Attitude familière du curé de Comblain Curé à Comblain-au-Pont A Comblain,
Joseph va exactement réaliser le même exploit
qu’à Othée : croyants et non croyants
vont rapidement l’apprécier. Il se fait connaître particulièrement des
mouvements patriotiques, devient un camarade comme un autre des anciens
combattants et réussit l’exploit de rassembler tous les villageois qu’elles que
soient leurs croyances dans une grand-messe célébrée pour le repos du roi
Albert. Voici l’invitation qu’il lança : Comblain-au-Pont, le 22
février 1934 Chers paroissiens Un deuil cruel vient de frapper la
Nation Belge. Notre Roi bien-aimé Albert le Grand est mort ! Nous n’en
doutons pas, il a paru devant le tribunal du Maître Suprême pour recevoir la
récompense promise à ceux qui feraient le bien ici-bas. Nous pleurons tous en
Lui, le grand Chef, l’illustre Général, le diplomate avisé, le Protecteur des
arts, l’ami des pauvres, le Chrétien éminent. Comme la Nation entière, la
paroisse Saint-Martin de Comblain-au-Pont veut rendre à son Souverain tant
regretté les derniers honneurs. Dimanche prochain, le 23 février, nous
célébrerons solennellement à 10 heures, la Grand’messe pour le repos de son
âme. Vous y assisterai tous, sans
distinction de classes et d’opinions, vous surtout anciens combattants qui avez
souffert à ses côtés et combattu sous ses ordres. Des chaises seront
réservées aux Autorités Communales et Fabriciennes
ainsi qu’aux anciens combattants. Signé : Jos.Peeters, curé A l’école paroissiale, c’est la même
joie pour les enfants qu’à Othée : le curé est
disputé entre les enfants pour partager
leurs jeux y compris les séances de glisse en hiver. S’il tombe, c’est évidement
l’allégresse générale. A la cure, Joseph est vite connu pour sa grande
hospitalité et son art de bien recevoir. Les prêtres du doyenné de Sprimont le
savent et se réjouissent des réunions chez Victor qui, ayant appris rapidement le
patois, ose dire en présentant son étui à cigares : Un cigare ? C’è-st-on bon sav’ ! allé prindez-l’, vos l’foumerez à
m’santé ! Monsieur le curé amuse les gosses Le curé aussi à son aise à Comblain qu’à Othée continue de
pétarader. Il est certainement la
personne la plus bruyante du village car ses anciens paroissiens d’Othée lui ont offert une puissante moto, une Saroléa de 500 cc, qu’il nommera « La
fougueuse ». Avec son sourire, après quelques années, le curé Peeters arrive
à ce que la plupart de ses paroissiens acceptent qu’il les tutoie comme de véritables amis.
Pas étonnant car son dévouement aux malades édifie toute la population. Ainsi,
dans une roulotte entre Comblain-au-Pont et Comblain-la-Tour
se trouvait un pauvre malheureux condamné par sa maladie à une complète
solitude car même ses proches ne pouvaient supporter l’odeur émise par sa plaie
profonde et purulente. Le curé Peeters vint tout les jours laver la plaie et
apporter des gâteries. Après plusieurs semaines, le grand malade s’éteignit
dans les bras du seul ami qui lui restait. Joseph paya de sa poche le
cercueil ! Dévoué, bienveillant avec tous, le curé
de Comblain ne renonçait pas pour autant à employer
ses autres qualités au profil de sa paroisse. Doué comme on le sait pour le
travail manuel, il se lance dans de grands travaux de rénovation. Comblain lui devra l’agrandissement et embellissement de la
chapelle de Mont, la construction de la chapelle du Pont de Sçay,
la restauration de l’église, l’érection
d’une croix au cimetière et la création de l’école du Pont de Sçay ! L’exode
en France La guerre vint interrompre le doux et
profitable apostolat de Joseph. Le 10 Mai 40, le commandement des troupes
françaises qui viennent d’arriver dans la localité ordonne aux habitants de
quitter la localité. C’est l’exode qui commence et emporte vers la France les Comblinois. Le curé s’en va lui aussi et sur « la Fougueuse » emmène sur son
siège-arrière sa servante Lutgarde. Il finit par s’arrêter, après des jours et
des jours de pérégrinations, à Toulouse où il se met au service des autorités
religieuses. Il a le plaisir de retrouver des compatriotes prêtres qui ont
trouvé refuge au séminaire de Toulouse. L’abbé Jacques Guyaux
est l’un de ceux-ci et témoigne : « Nous
allions causer un peu avec M. Peeters et, quelques instants plus tard nous
étions redevenus gais et joyeux, confiants dans la divine Providence. Car si M.
le Curé était ainsi, c’était peut-être par une disposition naturelle, mais
c’était surtout par une orientation surnaturelle. On sentait en lui un prêtre
vivant profondément sa foi… » A Toulouse, Joseph apprend qu’un groupe
de flamands est réfugié à 50 km de là, à Cintegabelle. Il les rejoint en moto
et les console. Son ministère en terre française, il l’interrompt le 11 août
car il a décidé de reprendre sa place à Comblain. De
retour à Comblain. Le 14 août, le voilà de retour à Comblain. C’est un peu comme l’arrivée d’un général sur le
champ de bataille : il réconforte partout où il passe. Bien vite, il prend
son parti, celui d’être du côté des opprimés et des résistants… Avec son
énergie, ses actions ne se font pas attendre ! Il manifeste sa foi
patriotique dans ses sermons, organise « Les secours d’Hiver » pour nourrir
les nécessiteux, en devient le secrétaire. Il n’hésite pas à montrer l’exemple
en allant lui-même arracher les pommes de terre ou les carottes et en
transportant dans la petite remorque de « La Fougueuse » des légumes
et autres denrées. Plus dangereux, durant l’année 41, il va cacher chez lui
deux proscrits. Des Juifs viennent aussi presque tous les jours au presbytère
pour y demander des secours. Bientôt sa réputation lui vaut l’image d’un homme
audacieux et sans peur. Voici le témoignage éloquent de son, ami, le commandant
de brigade de gendarmerie de Comblain, Léon Quollin : L’abbé Peeters fut sur la brèche dès la
première heure et fit bientôt figure de chef de la résistance. Grâce à lui, Comblain devint rapidement un centre de lutte active contre
l’occupant. Son presbytère nous servit de quartier général ; c’est là que
furent imprimés des milliers et des milliers de tracts clandestins. Sous sa
direction, nous avons pratiqué toutes les formes de la résistance :
diffusion de journaux non censurés, fabrication de fausses cartes d’identité,
hébergement de patriotes traqués et de jeunes Malmédiens
réfractaires de la Wehrmacht, aide aux juifs, achat d’armes et de munitions,
recel d’explosifs enlevés des carrières de la région, distribution de timbres
de ravitaillement aux hors-la-loi, mise à l’abri du matériel de roulage
réquisitionné : autos, motos, pneus etc. ,sabotage du matériel de chemin
de fer. Au début nos tâches furent modestes, mais grâce à notre brave curé,
nous fûmes assez vite en liaison avec d’importants services de Liège et de
Bruxelles. Je connaissais l’abbé Peeters depuis longtemps, c’était un homme qui
ne pensait qu’au bonheur de ses semblables. Mais il faut l’avoir vu à l’œuvre
dans la longue lutte silencieuse et obscure qu’il a menée contre l’occupant
pour comprendre ce qu’il y avait de grand et d’exceptionnel en lui. Il a été
l’âme de la résistance dans toute la vallée
de l’Ourthe. Monsieur le curé sur « la fougueuse » Le 14 octobre 41, un bombardier s’écrase
en feu à Oneux. Les habitants retrouvent cinq corps
mutilés. Deux aviateurs ont pu s’échapper. Les allemands survinrent mais ne
trouve aucuns documents sur les cadavres. Ceux-ci ont été cachés par les
habitants. Le curé Peeters veut les ensevelir au cimetière de Comblain après une cérémonie religieuse mais les Allemands
se méfient du zèle patriotique du curé et pour l’empêcher de dire la messe des
funérailles emportent les corps. C’était mal connaître Joseph ; il fit
annoncer partout un solennel service funèbre le 19 octobre pour les cinq héros.
Ce jour là l’église fut comble pour entendre son sermon patriotique !
Décidément le curé de Comblain n’avait peur de
rien !! Ce que l’on appela « l’affaire de l’avion anglais »
révéla malheureusement qu’il y avait des mouchards à la solde de l’ennemi à Comblain. En effet, une lettre anonyme adressée à la
Gestapo, fut interceptée au bureau des postes d’Esneux. Dans celle-ci se
trouvaient dénoncés plusieurs Comblinois. Ces hommes, se sentant menacés décidèrent alors
de rejoindre l’Angleterre et c’est ainsi que le curé Peeters perdit trois
collaborateurs précieux : le commandant Léon Quoilin,
le maréchal des logis de gendarmerie Jean Levert et
Omer Etiennne. Auguste Peeters resta lui à Comblain et devint le centre de la résistance. Pour un seul
homme, c’était beaucoup ! Il cachait même à la cure un poste émetteur que lui avait confié Emmanuel Jooris, parachuté le
24 mai 1942 avec la mission de
constituer un vaste Service de Renseignements.
La fausse carte d’identité du curé Peeters A cette époque, les journées du
curé sont donc surchargées ; il est certainement
l’homme le plus occupé de Comblain et on le voit
sillonner sans arrêt la campagne sur « La fougueuse » emmenant avec
lui des documents ou des objets parfois bien compromettants ! A tout
moment, l’abbé Peeters peut être arrêté. Il en est conscient mais son sentiment
patriotique domine son angoisse. Le moment tant redouté vint en août 42 avec
l’hébergement par le curé d’un résistant, Jean Delville de Liège. Cet homme
était un des collaborateurs du résistant
Félicien Van Dest, directeur de l’Ecole coloniale de Liège et qui venait
d’être arrêté. En même temps que Jean Delville, un prisonnier polonais nommé
Thaddée, trouve au même moment refuge chez le curé. Jean Delville tentera de rejoindre la Suisse avec l’aide de l’agent
Militis qui inaugure une nouvelle ligne d’évasion à
partir de Virton. La tentative échoue et
voilà Jean Delville malencontreusement de retour à Comblain.
Impatient, trop impatient, Jean cherche
aussitôt un nouveau réseau pour l’aider à sortir de la Belgique. Il trouve un inconnu
qui, dit-il possède un bon tuyau…. Quelques jours plus tard, il est mis en
contact avec un soit disant passeur à Liège. Celui-ci non seulement lui promet de
le faire sortir de Belgique mais promet un parachutage d’armes destiné à la
résistance de Comblain ! Rentré à Comblain, Delville met le curé Peeters au courant de cette opportunité
sensationnelle. Jean possède une confiance totale envers ses mystérieux
interlocuteurs. D’abord sceptique, Joseph accepte finalement de rencontrer l’un
d’entre eux. En compagnie de Thaddée et de Jean Delville, le curé se rend au
rendez-vous fixé le 1er
décembre dans un hôtel de Remouchamps.
Le curé Peeters et Jean se munissent chacun d’un révolver. Le rendez-vous se révèle rapidement être un guet-apens. A peine arrivés dans l’hôtel
que sept hommes de la gestapo surgissent et arrêtent les trois hommes. Fait
très grave, les Allemands trouvent les révolvers cachés dans les vêtements du
curé et de Jean. L’arrestation du prêtre est vite connue à Comblain
où de justesse on parvint à cacher à la
cure tous les documents et tout le
matériel compromettants. L’hôtel de Remouchamps ou l’abbé fut arrêté Le curé, Jean Delville et Thaddée,
prisonniers, sont transportés à Bruxelles et interrogés dans les bâtiments de
la G.F.P. avenue Rogier. Après la séance de questions, les voilà emmenés à la
prison Saint-Léonard où l’abbé Peeters ressent en une fois un sentiment
d’effroi et la tristesse envahir son âme. Mais, rapidement, il se découvre un
nouveau champ d’action qui l’oblige à se ressaisir : le soutien à ses malheureux
compatriotes emprisonnés comme lui. Il ne faut pas longtemps pour que son
allure franche, son sourire, la façon qu’il a de saluer en clignant de l’œil apportent espoir et
consolation à ses compagnons de
détention. A la prison de Saint-Gilles Le
17 décembre, les trois hommes sont transférés à Saint-Gilles. On l’autorise à
célébrer la messe dans sa cellule. Un prisonnier, Maurice Biard, témoigne du
caractère de Joseph Peeters : j’ai pu converser clandestinement avec
l’abbé Peeters et j’ai gardé de ces entretiens un souvenir inoubliable. Son
courage tranquille, sa sérénité, sa ferveur religieuse nous communiquaient à
tous les plus grands espoirs. Rien n’altérait son stoïcisme. Au préau, bien des
amis s’approchaient de lui, soit pour obtenir une bénédiction clandestine, soit
pour un mot d’espérance et d’encouragement, car il excellait à rendre confiance
aux plus déprimés. Il était en prison l’âme de la résistance. Victor Bamps
un autre prisonnier est tout aussi admiratif : Au préau, nous étions étroitement
surveillés mais malgré toutes les précautions des gardiens, M. le curé
réussissait à s’entretenir avec ses compagnons les plus proches. Nous
employions tous les trucs pour tromper la vigilance des allemands. Lorsque l’on
était pris en flagrant délit de bavardage, on était conduit pour quelques
heures, parfois pour quelques jours dans la cellule noire. Toutefois, M. le
curé était si adroit qu’il ne se fit jamais pincer. Tous les jours après six
heures, par un trou que nous avons pratiqué sous les tuyaux de chauffage, il
engageait une longue conversation avec un vicaire occupant la cellule voisine. Le brave curé ne laissait pas de place à
l’inaction. Partie de cartes, jeux d’échec et même séance de lutte corporelle
avec ses camarades de cellule et cela malgré ses infirmités. C’est aussi lui
qui présidait à la répartition judicieuse du tabac ! Jamais une plainte
alors qu’il avait le torse enserré dans un corset de cuir et qu’il devait
dormir sur une mince paillasse étendue sur le sol ! Et toujours cette
bonhommie contagieuse dont le sourire était la pièce maîtresse ; un
sourire dont il rappelait les bienfaits à ses camarades en entonnant souvent sa
chanson fétiche justement nommée
« Le sourire » et
que les écoliers de Comblain lui avaient apprise. L’hiver se passa à Saint-Gilles. Ces
longs mois d’inaction sont seulement interrompus par des exécutions
dramatiques. Ainsi, le curé Peeters s’était
lié d’amitié avec un jeune résistant de 18 ans, Julien Ferrant. Quelle
cruelle déception, lorsque le 27 avril le jeune homme se vit appeler chez le
commandant pour s’entendre signifier que son recours en grâce avait été
refusé ! Le lendemain 28 avril, Julien est emmené au poteau d’un
pas ferme et la tête haute comme lui a recommandé son ami Joseph. Quelques
jours après, le 3 mai, c’est un autre compagnon du curé qui est emmené à son
tour au poteau. Il s’agit de Gaston Lambert. Ses derniers moments nous sont
connus par le témoignage d’un autre prisonnier, Victor Bamps :
Quand on est venu le chercher, il était
très pâle, mais il avait une attitude très courageuse. Il nous a fait ses
dernières recommandations pour sa famille puis s’est mis à genoux et M. le curé
lui a donné sa bénédiction. A ce moment il a pleuré tandis que de grosses
larmes coulaient aussi sur les joues de M. le curé. Bloc 24 de la Citadelle de Liège, cellules de condamnés à mort Retour à Liège à la prison Saint Léonard. Jean Delville, le polonais Thaddée et
Joseph Peeters sont transférés à Liège pour y être jugés. Joseph, aguerri par
cinq mois de prison ne se laisse pas décontenancé. Il profite de toutes les
occasions pour entrer en communication avec les cellules voisines. Plusieurs
fois par jour, on entend sa voix lancer de sa lucarne des appels, des boutades
ou des consignes. Lorsqu’il sent le cafard envahir les cellules, il se fait
plus exubérant ! Mais bientôt, le premier juin, il comparaît devant le
Conseil de Guerre pour apprendre sa condamnation : la mort et cinq ans de
travaux forcés. Prisonnier à la Citadelle, il assiste les condamnés à mort et chanta des
dizaines de fois « Le sourire »… Il est alors transféré le jour même vers
la Citadelle de Liège dans le bloc 24, celui des condamnés à mort ! Hmm, dira-t-il à ses compagnons, la mort et cinq ans
de travaux forcés, c’est plutôt embarrassant, je me demande par où je dois
commencer ! Sa bonhommie est mise à rude épreuve
dans le bloc 24 où quelques jours auparavant sept condamnés à mort après un
long séjour à la citadelle venaient d’être passés par les armes. Il s’agissait
de très grands patriotes : le capitaine Henry de la Lindi, les avocats
Paul Brouha et Joseph Renkin, l’avoué Malmendier, l’architecte Debouny,
René Lorent et Pierre Thomas. Dans les cellules, les détenus ne faisaient que
de parler de leurs derniers gestes, de leurs ultimes propos. C’est dans cette
ambiance morose que l’on entendit Joseph, le nouvel arrivant, chanter son chant favori qui résumait sa
philosophie de vie : « Le Sourire ». Le
« sourire » chanté sur l’air de « La lettre du Gabier de Botrel » 1° Il est un moyen bien certain De devenir bien vite un saint Ce moyen sûr, c’est de sourire, Point n’est besoin de grands discours Si l’on répond à tout toujours, « Par un sourire ». 2° Si l’on, n’est pas toujours
content On sauve tout apparemment, Par un très aimable sourire. Voulez-vous aider, entraîner, Faire grandir, faire monter, « Sachez sourire » 3° Quand tout devient contrariant, C’est juste le meilleur moment, De tout accueillir d’un sourire. Dieu le permet pour notre bien, Tout est pour nous présent divin, « Divin sourire » 4° Rien ne plaît davantage à Dieu, Que de voir ses enfants heureux, Et, quoi qu’il arrive, sourire. Pour devise, prenons ce mot, Qui nous élèvera bien haut : « Toujours sourire » 5° Ici parfois dans la prison, Entre copains nous nous disons Où est donc le …sourire ? Dans notre cœur la belle foi, « Par le sourire. » 6° Pensons toujours à nos amis, Avec lesquels souvent jadis, Nous partagions le …sourire. En attendant l’heureux retour, Joyeux disons sans détour : « Il faut sourire. » 7° Si le travail nous reprenons Au cher Comblain de beau renom Nous irons avec le sourire, Mieux que jamais à nos enfants, Nous donnerons à tout instant : « Un bon sourire » 8° Si le pays en ces moments, Nous dit à tous, »soyez présents », Son appel exige le sourire Dans un ultime, suprême effort, Avec Jésus bravons la mort « Dernier sourire » 9° Voilà que s’ouvriront les cieux, Endroit béni où règne Dieu, Avec son paternel sourire, Venez ici, et pour toujours, Gardez, heureux, par mon secours, « Mon beau sourire » Ce chant avait paru dans la revue
« Petits belges » et avait été exécuté avec mimiques le 19 mars 42, à
l’occasion de sa fête et en l’honneur de son sourire, par les enfants des
écoles. Il lui avait tellement plu qu’il l’avait appris par cœur pour le
chanter à ses malades. Dans la prison de Saint-Gilles, il y avait ajouté cinq couplets de circonstance. Un rescapé de la citadelle
témoignera que lorsque la journée était
grise on disait au curé : « Allons, Monsieur le curé, chantez-nous
« le Sourire ». Il s’exécutait alors de bonne grâce. Couloir du Bloc 24 Le bloc 24 à l’approche de la soirée
devenait calme car ses hôtes se préparaient à la tragique surprise. C’est en
effet entre cinq heures et huit heures du soir que les soldats venaient chercher
les prisonniers qui devaient être exécutés le lendemain matin. Le rituel était
à chaque fois le même, ils étaient emmenés dans le bureau du capitaine Haecke où ils étaient informés que leur recours en grâce
était rejeté. Ensuite, ils étaient enfermés dans les cellules près de la
sortie, les Ausgangszellen 13, 14 et 15. Les condamnés n’avaient plus alors qu’à
préparer leur mort. Pendant toute la nuit, ils parlent entre eux des êtres
chers qu’ils vont laisser et s’encouragent l’un l’autre à garder la tête haute.
Le matin fatidique, c’est souvent avec un vigoureux « Au revoir
camarades » qu’ils quittent leurs cellules pour être exécutés. L’abbé Peeters devient bien vite un
soutien précieux pour tous les condamnés du couloir de la mort. On l’entend rire,
chanter, prier mais aussi parfois faire des sermons. Son thème favori, c’est la
confiance en Dieu. Le lundi 14, Félicien Van Dest reçoit la visite de sa femme
qui émue tombe en syncope au parloir !
Le capitaine Haecke lui avait dit auparavant
qu’il serait fusillé le lendemain de cette visite. Il s’attend donc au pire. Un
deuxième homme est désigné pour le poteau du lendemain : son voisin de
cellule Marcel Beaufays. A l’annonce de l’exécution,
le couloir prend un air encore plus lugubre. La prière s’élève pendant des heures jusqu’à neuf heures du
soir, moment où des soldats emmènent les deux hommes chez le capitaine. Par
faveur on les laisse dans leur cellule et ils sont autorisés à circuler dans le
couloir pour faire leurs adieux. Une messe de communion est célébrée le matin
puis les deux hommes sont emmenés au poteau. Le lendemain de cette exécution, les
condamnés sont changés de cellule et le curé de Comblain
se retrouve avec son ami Jean Delville et Louis Piquemil.
Les trois hommes passèrent trois jours ensemble jusqu’au 21 juin, date à laquelle
trois condamnés, Braun Guillaume, Xhhayet Lambert et Mollers Jean furent appelés à leur tour chez le capitaine
pour apprendre que leur exécution aurait lieu le lendemain. Ils sont conduits
vers les cellules de sortie, les Augsgangszellen où
l’aumônier allemand leur tient compagnie. Le lendemain de leur exécution, c’est
Jean Delville qui est désigné pour le poteau. L’aumônier n’étant pas
disponible, c’est l’abbé Peeters qui est chargé de préparer le condamné ! Un événement assez incroyable somme toute si
l’on se rappelle les liens qui unissent les deux hommes depuis l’arrivée de
Delville à Comblain.
A l’aube, la messe fut dite par l’aumônier avec Delville et le curé
comme servants ! Puis Delville mangea de bon appétit et fut ensuite
autorisé à circuler dans le couloir pour s’entretenir avec ses compagnons
d’infortune. A 6 heures, les feldgendarmes
l’emmenèrent. Il passa devant toutes les cellules et à travers l’ouverture des
guichets serra les mains. Ce départ fut encore plus
triste que d’habitude car il était extrêmement rare qu’un condamné parte seul
au poteau ! Le 26 juin, six autres hommes furent
emmenés dans les ausgangszellen. Ce fut encore l’abbé
Peeters qui prépara les condamnés en attendant l’arrivée de l’aumônier
allemand. Les six hommes étaient Lambert Droixhe,
Simon Vrancken, Jules Rigo, Célestin Stassen, Jacques Albert, Jules Guelen.
Ils chantèrent « le Sourire ». L’aumônier allemand vient prendre le
relais vers minuit. Le lendemain, les condamnés s’en allèrent avec calme et
dignité. Au cours de cette même journée du 29
juin, le curé fut emmené dans la cellule 17 où il se retrouva avec Félix Doumen et Joseph Nols, deux jeunes hommes d’une trentaine d’année et tous
les deux mariés. La soirée fut assombrie par l’annonce pour le lendemain de l’exécution de trois hommes : Joseph Blockx, René Dorckens et Charles Sannen. Le 30
juin, le curé est autorisé à célébrer la messe dans sa cellule. Cette faveur
lui fait énormément de bien, lui qui a
déjà vu partir 19 hommes vers le poteau… Juillet 43 : la petite communauté
des condamnés à mort ne perdit qu’un seul membre, Oscar Delcour
partit seul après avoir adressé un vibrant « Au Revoir ». Le mois
d’août fût quant à lui plus néfaste. Le 2 août, sept condamnés furent
appelés : les deux frères Gustin, Emile
Blondeau, Fernand François, Charles Hebdrickx,
Charles Moureaux, Martin Verviers. Leur départ vers
le poteau se fit comme les autres sans incidents. Dans les cellules qu’ils ont
quittées ne restaient que les pauvres paquets ficelés en toute hâte et
contenant les menus objets à remettre à leurs familles. Le 3 août, dans le
préau, les occupants du couloir de la mort arrêtent leurs exercices de
gymnastique et pendant une minute de silence gardent le garde- à- vous en
souvenir des fusillés du matin. La mort rode hélas toujours dans le bloc 24
malgré l’annonce d’un prochain débarquement allié à Dieppe. Le soir même, trois
nouveaux condamnés sont appelés chez le capitaine : l’inspecteur de police
Collignon, le receveur de l’enregistrement Joseph Henrotte
et le facteur Nicolas Demortier. Le 9 août, trois hommes encore sont désignés
pour être le lendemain exécutés. Il s’agit de Léon Demelenne,
André Féchir et Nicolas Garot.
Le curé Peeters garde encore un infime espoir comme le montre ces phrases
écrites le 5 août : Voilà
déjà 29 ans que, pour la première fois, j’ai été condamné à mort et je
vis toujours…. Voilà déjà deux mois que je le suis pour la deuxième fois, et…
je vis encore... Et dire que depuis huit mois, je n’ai plus vu Comblain !
Dans sa cellule, le curé exerce un
rayonnement extraordinaire. Ses compagnons l’appellent maintenant « Papa Peeters ». Tous les soirs,
après la prière, « Papa Peeters » bénit ses fils. Ses derniers
compagnons partageant sa cellule sont l’abbé Désirant et Alphonse Possemiers. Le 17 août, c’est le tour de Marcel Lesuisse et de Lucien Horion… Ils partent comme les autres
avant eux, la tête haute. Les derniers moments
de Joseph Peeters Le 30 août vers 6 heures, le brave curé
est finalement appelé lui-aussi chez le
capitaine. Il n’est pas seul, il y a aussi Désirant, Possemiers
et Simonet. « Papa Peeters » commençait pourtant à espérer sa survie
car le bruit courait dans la prison qu’un prisonnier qui n’avait pas été
exécuté 90 jours après sa condamnation obtenait la grâce ! Après un court
moment de surprise, Joseph reprit son
attitude enjouée et se mit à écrire de nombreuses lettres d’adieux. Après s’être
acquitté de ce devoir, il demeura longtemps en tête à tête avec l’aumônier
allemand Amschler qui avait su conquérir, par ses
grandes qualités de compassion, les cœurs des
condamnés belges. Vers deux
heures du matin, l’abbé Peeters sortit de sa cellule et s’en fut bavarder avec
ses camarades du couloir. Pour chacun, il passa à travers les guichets un mot
d’encouragement et de réconfort. Lorsqu’il eut passé devant toutes les
cellules, il revint au milieu du couloir et entonna son chant favori « le
sourire ». Il fit ensuite sa dernière messe puis assista à la messe dite
par l’abbé Désirant puis à celle de l’aumônier Amschler.
Vers 5 heures, l’aumônier allemand, encadré des deux prêtres condamnés à être
fusillés à l’aube, distribuèrent la communion à tous les occupants des cellules
du bloc. A 6h15, les condamnés furent emmenés vers les poteaux d’exécution. Joseph
Peeters chanta alors le « magnificat ». Les deux premiers à être liés aux deux
poteaux de l’enclos furent Peeters et Simonet. On leur attacha les mains au
poteau, on leur mit le bandeau devant
les yeux et on leur fixa sur le cœur une cible en étoffe. La salve fut
déchargée pendant que le curé prononçait à voix forte en latin « En vos mains, Seigneur je
remets mon esprit. Vous nous avez rachetés, Seigneur, Dieu de vérité… Quelques
minutes après l’abbé Désirant et Alphonse Possemiers
arrivaient dans l’enclos pour y être à
leur tour fusillés. Une heure après, quand les prisonniers
du bloc 24 demandèrent aux gardiens comment « Papa Peeters » était
mort, ils répondirent : « jusqu’au dernier moment, il a souri… » Le dernier retour du curé de Comblain dans sa paroisse Deux ans plus tard, le 22 juillet 1945,
au cours d’une émouvante cérémonie, le corps de Joseph Peeters est transféré à Comblain. Puissions-nous ne pas oublier l’exploit que cet
homme réalisa : vivre, aimer, résister, souffrir… sans jamais se départir
de son sourire ! Dr
Loodts P. Bibliographie :
L’héroïque curé de Comblain-au-Pont, Laurent Lombard, 315 pages, Edition Vox Patriae, Liège 1946. |