Médecins de la Grande Guerre

Médecins des Fusiliers-Marins de Dixmude

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Médecins des Fusiliers-Marins de Dixmude[1]

       Intrépides au feu, les médecins prodiguaient à leurs blessés et à leurs malades les soins empressés d'un dévouement sans bornes et de toutes les heures, trouvant à l'occasion le mot qui fait supporter la fatigue et adoucit la souffrance, médecins de l'âme autant que du corps.


Plan de Dixmude le 10 novembre 1914

       Voici le Dr Le Marc'hadour, un spécialiste parisien des plus réputés, plusieurs fois cité à l'ordre du jour, la première fois, le 3 décembre 19I4, en ces termes : « Officier d'un zèle et d'un dévouement remarquables, n'a pas cessé de donner au combat l'exemple d'un sang-froid et d'un dévouement inlassables[2]. »

       Il était au pont de Dixmude le 10 novembre, au milieu du fracas ininterrompu de la mitraille quand il vit un de ses collègues, le Dr Petit-Dutaillis, blessé le 3 novembre à Dixmude d'un éclat de shrapnell à la mâchoire, et qui venait à lui, la tête bandée, aussi calme qu'à l'hôpital, et cette conversation s'engage entre les deux hommes : « Que viens-tu faire ici, personne ne t'a demandé. J'ai assez de monde pour assurer le service.

       – Je viens me faire tuer avec vous[3]. »


Marins nouveaux sur le front

       Il ne faut pas négliger non plus le Dr Seguin qui dirigea le service médical de la brigade avec dévouement et compétence ; Liffran, médecin accompli ; les Dr Taburet et Plouzané, le premier intrépide au feu, le second, évadé de la politique et qui, très dévoué et très attentionné, organisa remarquablement le service des brancardiers et de l'évacuation des blessés[4].

       Il convient de citer encore : le Dr Bertrou qui soigna les blessés avec un courage et un dévouement extraordinaire sous le déchaînement des balles et de la mitraille ; le médecin principal Bessière : resté le médecin-major du bataillon des fusiliers-marins et auquel l'Officiel décerne ces éloges : « Au front depuis novembre 1914. A toujours fait preuve de brillantes qualités professionnelles jointes à un dévouement et à un courage dignes des plus grands éloges. S'est particulièrement distingué à Steenstraate, en décembre 1914 et à Nieuport les 9 et 10 mai 1915[5]. »

       Comment oublier le docteur Guillet ?

       Il avait repris du service à 54 ans. On le voyait dans les tranchées, coiffé de la casquette que portaient ses aînés de 1870, telle que la montre de Neuville dans ses tableaux qui représentent les épisodes de l'année terrible. Dans les marches il s'avançait toujours à pied. Sa figure fine et énergique avait la gravité douce qu'on prête aux saints et aux héros bienfaisants.

       Un de ceux qui vécurent à ses côtés les grandes heures de la résistance, nous le représente ainsi le 10 novembre : « Je me rappellerai toujours le docteur Guillet dans la tranchée soignant les blessés et repartant à son ambulance. Au moment de me quitter il me serra la main. Je lui dis : « Vous partez docteur ? – Oui, me répondit-il. Je réplique : « Ce n'est pas prudent, vous ne ferez pas 10 mètres , attendez un moment. – Ma vieille carcasse, ajouta-t-il, ne craint rien et vous verrez que je passerai. »  Je le suivis des yeux parmi la fumée des obus éclatant autour et au-dessus de lui... Enfin je le vis disparaître. Je vis aussi les Boches à la porte de son ambulance presque au même moment[6]... »

       Le docteur Guillet avait établi son poste de secours dans une maison située sur la route de Beerst au bord du petit canal.


Sections de mitrailleuses dans les Dunes

       Quand il rejoint son ambulance, les Boches arrivent baïonnette au canon. Craignant qu'ils massacrent ses blessés, il se place, revolver au poing, devant la porte cochère qui commande l'entrée de son poste de secours, après avoir préposé l'aide-major Chastang à la garde des blessés qui se tiennent dans la cave de la maison.

       Voyant que les Allemands vont passer outre, il fait feu sur eux.

       Les Allemands répondent par un feu de salve dont la décharge lui enlève l'extrémité de l'oreille. Guillet se réfugie alors dans le grenier où les Allemands le suivent et le bousculent à coups de crosse. Il est blessé au bras.

       Chastang s'élance au secours de son chef et empêche de l'écharper.

       Le Dr Guillet demeure le prisonnier des Allemands et passe devant une Commission Internationale qui l'acquitte en se basant sur ce qu'il avait rempli son devoir en défendant ses blessés les armes à la main.

       L'aide-major Chastang réclame aussitôt l'honneur périlleux d'aller relever les blessés de la brigade sur le champ de bataille. Le lendemain, sa besogne accomplie, il revenait par la route d'Essen, quand il est tué par un shrapnell.

       Il avait forcé l'admiration de l'ennemi qui rendit les honneurs militaires à sa dépouille mortelle.

       Ce jeune médecin dort dans le cimetière d'Essen.

       Les Dr Lancelin, Carpentier et Lefeuntun ont été blessés au feu en pansant les blessés ; leur courage équivaut à leur dévouement.

       Le médecin de 3e classe, Arnoult, s'est acquis une belle page de vaillance dans l'histoire de la brigade. Il s'était déjà signalé pour son dévouement actif et courageux, quand, le 17 décembre 1914, il organise sous le feu une petite ambulance où il sauve d'une mort certaine vingt blessés dont il assure l'évacuation. Bien qu'un obus eût détruit son ambulance, il ne la quitte qu'après  s'être assuré qu'il ne restait aucun blessé à soigner

       Il convient de mentionner encore l'aide-major Kervella, de Plougastel-Daoulas, que la guerre enleva à ses études et qui compte encore au bataillon, après avoir participé à toutes les opérations de la brigade. Il faut le voir se rendre avec un mépris total du danger aux postes avancés pour prodiguer ses soins aux blessés. Son chef ayant été tué, Kervella, malgré son jeune âge, le remplaça et sut se montrer à la hauteur de toutes ses fonctions.

       C'est le type accompli du médecin guerrier. Ce Breton serait incomparable dans la mêlée pour devenir ensuite inimitable pour les soins à donner aux blessés. La lance d'Achille guérissait aussi les blessures qu’elle avait faites.

*       *       *

       A côté des médecin, il convient de placer les deux aumôniers de la brigade, les abbés Le Helloco et Touchard. Le premier fut blessé et laissé pour mort sur le terrain par une patrouille allemande qui avait réussi à se faufiler dans Dixmude.

       L'abbé Pouchard a été le 1er février 1915, l'objet de cette belle citation : « Resté seul aumônier de la brigade, a toujours montré le plus grand courage et le plus grand dévouement à secourir les blessés jusque sous le feu de l'ennemi.»

       D'une haute culture et d'un allant parfait, l’abbé Pouchard se montra constamment un homme d’esprit, et sut, à l’occasion, subir sans se plaindre, avec une bonne humeur constante, le feu roulant des plaisanteries un peu gaillardes qui servaient parfois de piment aux repas lacédémoniens du mess officiers.

 

 



[1] Tiré du livre : LA BRIGADE DES JEAN LE GOUIN – Histoire documentaire et anecdotique des  Fusiliers-Marins de Dixmude. Paris Librairie Académique Perrin et Cie, Libraires-Editeurs - 1917

[2] La seconde citation est du 4 décembre 1915 : « Remarquable par son courage, son activité et sa très haute conscience professionnelle ; a été depuis le commencement de la campagne un conseiller technique précieux pour le commandement dans toutes les questions d'hygiène. Les travaux entrepris sous sa direction ont abouti à l'assainissement de nombreux postes avancés qui seraient devenus sans cela des foyers d'infection pour leur garnison. »

Son nom est populaire parmi les marins. Que de fois il a ragaillardi par sa bonne humeur les hommes qui se présentaient à la visite ! A l'un d'eux notamment, qui ne pouvait invoquer que sa fatigue, il dit : ( Qu'est-ce que tu as ?... D'abord tu vas prendre un bon café. » La conversation va son train entre le docteur et le matelot. Finalement, après une pause, le docteur lui dit : « Maintenant, tu es guéri. »

[3] Le docteur Petit-DutailIis est un des chirurgiens éminents de Paris, qui se recommande autant par sa grande valeur opératoire que par le dévouement absolu qu'il témoigne à ses malades.

[4] Les docteurs Le Marc'hadour, Plouzané et Bessière ont été faits officiers de la Légion d'honneur.

[5] Idem au 4

[6] Carnet de route de Le G... , officier des équipages de la Flotte.



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