Médecins de la Grande Guerre

Josué Henry de la Lindi;combattit pendant plus de dix ans du Lualaba à l’Yser!

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Josué Henry de la Lindi combattit pendant plus de dix ans du Lualaba à l’Yser !

1)  Sa jeunesse

       Josué Henry est né en 1869 à Bohan, petit village de la vallée de la Semois, à proximité de la frontière française.



Bohan au début du vingtième siècle


Bohan est situé à la fin du parcours belge de la Semois. La Semois continue alors son parcours en France en traversant Hautes-Rivières, Thilay et Haulmé pour se jeter dans la Meuse à Monthermé.


Bohan-sur-Semois

       Dans les années 1800, la vie était très rude dans l’Ardenne. Chaque famille survivait en exerçant plusieurs métiers. On cultivait quelques lopins de terre, et l’on exerçait souvent la profession de cloutier. Entre 1870 et 1880, plus 300 personnes, soit 50% de la population de Bohan exerçaient ce métier. Les Bohannais avaient appris ce métier dans la vallée de la Semois française. Vers 1830, de nombreux habitants se rendaient en France le lundi et rentraient le mercredi soir pour en repartir le lendemain matin et réintégrer leur foyer le samedi soir ! Les choses se gâtèrent en 1848 quand les évènements politiques en France causèrent une crise économique grave. Les ouvriers belges des clouteries françaises furent alors chassés mais les Bohannais se mirent alors à créer leurs propres ateliers. Un bon cloutier pouvait fabriquer de 1.000 à 1.400 clous par jour. Le travail était dur mais se pratiquait dans la joie. Il s’y entraînait aussi au lancement du marteau. Chaque « boutique » (atelier) avait son champion. Le jour du mardi gras avait lieu le championnat. On choisissait une cible parfois désignée à plus de deux kilomètres. Le jeu consistait à lancer le marteau le plus loin possible puis à le ramasser et à le relancer jusqu’au but à atteindre. Celui qui le jetait le moins de fois était désigné champion et la forge d’où provenait ce dernier était désigné par le terme  « La Glorieuse » à qui les autres forges devaient quelques bouteilles d’alcool…. La dernière forge éteignit ses feux en 1930. Le père de Josué, Eugène, exerça d’abord ce métier de cloutier avant de trouver un métier plus lucratif, celui de boucher. On avait recours à lui pour occire le cochon et procéder à sa salaison. Courageux, il avait l’habitude de longues randonnées en France pour vendre sa charcuterie. Quand la culture du tabac devint à la mode, à partir de 1880, Eugène la pratiqua et ouvrit une des premières manufactures de la vallée.



Tabac de la Semois

       C’est grâce à tout son travail opiniâtre qu’Eugène put élever ses cinq garçons tout en leur donnant le goût des études. Josué était le 3ème de la fratrie. C’était un enfant doué qui s’intéressait à tout et qui adorait les expéditions dans les bois. C’est lui qui avait aussi la garde du taureau communal qu’il conduisait dans les landes et qu’il oubliait parfois lorsque ses camarades et lui se transformaient en indiens et cow-boys. Pour une famille telle que les Henry, il était difficile de payer des études à tous leurs enfants mais l’armée, avec ses nombreuses écoles, offrait un tremplin social pour les jeunes qui voulaient saisir leur chance.

       C’est ainsi qu’à l’âge de15 ans, Josué, en 1885, s’engagea comme volontaire de carrière au régiment des chasseurs à pied de Mons. A l’école régimentaire, son sérieux lui fit rapidement gagner ses galons de caporal puis de sergent. Avec un camarade, il prépare alors l’examen d’admission à l’école militaire. Il réussit brillamment cette épreuve et fit partie en 1889 de la 40ème promotion. En décembre 1891, il rejoint alors son unité comme sous-lieutenant. Il n’y reste pas longtemps car tenté par l’aventure, il s’engage à servir Léopold II, dans  l’Etat Indépendant du Congo.



Le caporal Josué Henry en tenue de 2e Chasseur à pied (coll Musée Royal d’Afrique Centrale. Tervueren – 1993)


       Il s’embarque le 6 octobre 1892 à Anvers sur un navire baptisé du nom prédestiné de  « Lualaba ». Josué Henry, en effet naviguera de nombreuses fois sur le fleuve Lualaba affluent principal du fleuve Congo. L’aventure africaine de Josué Henry consistera principalement à la lutte contre la traite d’esclaves dans l’immense contrée du Maniema qui s’étendait de ce fleuve Lualaba  jusqu’aux rives du lac Tanganyika.



2) Préambule pour expliquer l’historique de la traite d’esclaves dans le Maniéma.

La station des « Falls », qui deviendra Stanleyville puis Kisangani, fut fondée en 1884 par Stanley.

       Des marchands originaires de Zanzibar avaient trouvés moyen de s’enrichir rapidement en organisant le commerce de l’ivoire. Ils organisaient des expéditions afin de s’emparer des précieuses défenses des éléphants, très nombreux alors dans la savane du Maniema. Les acheter à bas prix n’était pas un problème mais il fallait ensuite les transporter jusque la côte qui faisait face à l’île de Zanzibar. C’était un périple de mille kilomètres et un calvaire atroce pour les esclaves chargés de porter les défenses. Pour alimenter les caravanes en esclaves, une partie importante des habitants du Maniema fut réduite en esclavage. La plupart du temps, les razzias menées dans ce but dans les villages étaient effectuées par des bandes d’autochtones belliqueux, qui avaient conclu des alliances avec les esclavagistes. Ils remettaient leurs prises aux marchands qui les payaient notamment en fusils et munitions. Au fil du temps ces bandits délaissèrent leur propre culture et adoptèrent le mode de vie des marchands de Zanzibar.

       Le Maniema se dépeuplait donc au profit de quelques villes fondées par les marchands zanzibarites qui servaient avant tout d’entrepôts destinés aux esclaves et aux défenses d’éléphants. La ville d’Udjidjisur la rive est du lac Tanganyika en était la principale mais il y avait aussi dans le Maniema les villes de Nyangwe, Kasongo,Kabambare. La piste des caravanes partant de ces centres jusqu’à la côte est de l’Afrique était jonchée d’ossements humains. Ils appartenaient aux esclaves morts d’épuisement en transportant des charges écrasantes sous un soleil de plomb. On estime que seul un quart des esclaves parvenaient vivants à la côte. L’Ivoire vendu, les survivants étaient alors mis à l’enchère et exportés jusqu’en Perse et en Inde. Stanley, qui traversa en 1877 l’Afrique d’est en ouest, signala en Europe les méfaits des esclavagistes. Il en fut de même pour d’autres explorateurs, comme par exemple, le célèbre Livingstone.

       Stanley après sa traversée de l’Afrique fut reçu par Léopold II qui l’invita à se mettre à son service. Stanley accepta et fut chargé de créer des « stations », le long du fleuve Congo, stations qui allaient constituer plus tard l’ossature de son « Etat indépendant du Congo ». Stanley  remplit cette mission de 1879 à 1884 en achetant aux autochtones des terrains tout le long du fleuve Congo. Une fois achetées, les concessions étaient remises à des officiers (la plupart du temps Belges) au service de Léopold II qui devaient les occuper au nom de l’Association internationale du Congo (qui deviendra en 1885 l’état indépendant du Congo) avec une escouade de soldats.

       Stanley parvint en navigant sur le fleuve Congo jusqu’à l’endroit où le fleuve, prenant une direction plein sud se divise en Lomani et Lualaba. Sur ce dernier fleuve, Stanley créa, en 1884, une dernière station, celle des « Falls » nommée ainsi à cause de la série de chutes d’eau impressionnantes qui se trouvaient en amont de la station.



         La station des « Falls » devint ensuite la ville de Stanleyville, aujourd’hui appelée Kisangani. Le premier commandant de la station des « Falls » déposé par Stanley fut le matelot belge Adrien Bennie. Il avait sous ses ordres 12 soldats zanzibarites. Bennie restera là, isolé du monde, durant six mois avant d’être relevé. En 1886, la station est occupée par le Belge Dubois) et l’Anglais Deane).



La station des Falls en 1893. On aperçoit au centre l’île sur laquelle était installée la première station qui fut attaquée en 1886

       Ces deux Européens durent alors faire face à une attaque des esclavagistes qui voyaient leur expansion vers le nord empêchée par cette nouvelle station européenne. La faible garnison ne put  résister longtemps. Le lieutenant Dubois meurt noyé et Deane, durant un mois, se cacha dans la forêt avant d’être finalement recueilli par le capitaine Coquilhat.

1887, Stanley va au secours du gouverneur de la province Equatoria du Soudan via le fleuve Congo. L’esclavagiste Tippo-Tip est alors choisi par Stanley comme gouverneur des « Falls ». 



Tippo-Tip

       L’année suivante, en 1887, Stanley organise une expédition pour aller secourir Emin Pacha Emin Pacha, qui gouverne la province d’Equatoria au Soudan, province prête à tomber aux mains des Mahdistes. Il compte se faire rembourser des frais de l’expédition par Emin Pacha lui-même qui garde auprès de lui un imposant trésor en défenses d’éléphants. Pour atteindre le Soudan, il remonte en baleinière le fleuve Congo puis l’Aruwini avec des moyens considérables en hommes et en matériel. Pour assurer ses arrières, Il décide de s’allier momentanément avec Tippo-Tip, le Zanzibarite esclavagiste qui règne sur quasi tout le Maniema. Tippo-Tip doit lui fournir des caravanes pour évacuer vers la côte l’ivoire d’Emin (75 tonnes !) lorsque ce dernier sera retrouvé. Tippo-Tip accepte aussi de rétablir l’autorité de l’Etat Indépendant du Congo sur la région des « Falls » dont la station européenne avait été détruite l’année précédente. Tippo-Tip est donc fait gouverneur de toute la région des « Falls » par le célèbre Stanley qui agit pour le compte de Léopold II. En échange de ses services, le nouveau gouverneur recevra une importante rétribution en or remise chaque mois par un résident belge au Maniema. Résident que le chef Zanzibarite accepte de protéger et d’héberger dans sa ville de Kasongo. Tippo-Tip s’engage aussi à empêcher toute nouvelle incursion de ses compatriotes zanzibarites au-delà des « Falls ».

       Cette alliance curieuse ne tiendra pas longtemps. Tippo-Tip a bien pris conscience que des campagnes anti-esclavagistes vont se mettre en place et que, d’autre part, il ne pourra longtemps empêcher les Zanzibarites et leurs alliés d’étendre leur zone de razzias très lucratives ! Sa situation de « tampon » entre les Belges et esclavagistes deviendra, il le sait, rapidement intenable. Mais, sans doute, trouve-t-il intéressant pour son égo de jouer quelques temps ce rôle diplomatique important !

L’expédition de Stanley est un échec. Après plus de trois ans d’absence, il rentre en Europe tandis que le rusé Tippo-Tip, abandonne à la même époque son poste de gouverneur des « Falls ».

       Stanley rejoignit Emin Pacha à Kavaliau nord du lac Albert. Il reconduisit ce dernier accompagné de tous ses gens jusqu’à la côte en descendant d’abord jusqu’au lac Victoria. C’est lors de ce voyage qu’il découvrit la chaîne des volcans du Ruwenzori entre le lac Albert et le lac Edouard.



Emin Pacha


Le trajet de Stanley pour rechercher Emin Pacha au nord du lac Albert et ensuite pour rejoindre Zanzibar.

       Arrivés sur la côte, à Bagamayo, le mystérieux Emin Pacha, au grand dépit de Stanley qui craignait pour sa renommée, ne voulut pas retourner en Europe. Stanley dut donc se résoudre à y retourner seul mais il s’arrêta d’abord, le 6 décembre 1889, à Zanzibar puis séjourna au Caire durant le premier trimestre 1890 pour écrire le compte-rendu de son expédition. A Zanzibar, il intenta un procès, à Tippo-Tip, devant la Cour de Justice anglaise. Stanley accuse l’esclavagiste devenu gouverneur des « Falls » de n’avoir pas respecté le contrat prévoyant de lui fournir, en temps opportun, des porteurs pour se charger des défenses d’éléphants d’Emin Pacha. Il semble qu’il n’obtint pas gain de cause. On ne sait pas exactement ce que cet ivoire est devenu. Vraisemblablement, Emin voulut rester en Afrique pour récupérer son trésor stocké quelque part dans un dépôt sur le chemin des caravanes. Quoi qu’il en soit, Emin n’eut pas le loisir de le récupérer. Trois ans plus tard, le 23 octobre 1892, des hommes du chef esclavagiste Kibonge l’assassinèrent !

       L’expédition de Stanley s’avère être un échec à tout point de vue : il ne ramène finalement pas Emin en Europe et il n’a pas pu mettre la main sur le stock d’ivoire appartenant à Emin. D’autre part, les  pertes humaines de son expédition furent importantes. Barttelot, son officier en second laissé en arrière garde sera notamment assassiné par un chef caravanier. Au total, seuls 70 hommes sur 270 hommes que comptait son arrière garde échappèrent à la mort. Stanley se défendit des accusations à son égard en accusant Barttelot d’avoir commis nombre d’erreurs pour ne pas avoir respecté ses consignes. La famille de Barttelot publia alors le carnet de route du major pour contrer les médisances de Stanley (Journal et correspondance du Major Edmund Musgrave Barttelot, publié par Walter George Barttelot, office de publicité, Bruxelles, 1891). La famille de Barttelot ne fut pas seule à récuser Stanley. Les survivants blancs de l’expédition, Troup et Ward, firent de même ainsi la famille de Jameson, décédé de maladie.



Le major Barttelot laissé à l’arrière garde de l’expédition fut assassiné. Stanley l’accusera de tous les maux.

       Retenons cependant de toute cette affaire que Stanley arriva finalement à sauver sa mise en écrivant, au Caire, dans le temps record de 50 jours  le récit de son expédition qu’il intitula « In DarkestAfrica » (Dans les ténèbres de l’Afrique). Ce livre devint rapidement un  bestseller : 150.000 exemplaires, furent vendus ! Stanley rentra ainsi en Angleterre la tête haute ayant transformé, par son talent littéraire et quelques contrevérités, une expédition tragique de trois ans en une aventure passionnante et héroïque ! Après cette expédition malheureuse, Stanley, ne revint plus en Afrique. Il entama une autre partie de sa vie. Son renom au zénith, il se maria, en grande pompe, le 1er juillet 1890 dans l’abbaye de Westminster. La mariée, Dorothy Tennant, portait des ornements offerts par  la reine Victoria et le roi Léopold II.

       Mais revenons à Tippo-Tip ! Sachant ses intérêts en péril, il quitta, en mars 1890, le Maniema pour, dit-il, se rendre en pèlerinage à La Mecque. Il remit son pouvoir de « gouverneur » à un proche, vraisemblablement à son fils Sefu.

1892, Tippo-Tip est parti au bon moment car, peu après, une expédition commerciale commandée par Hodister est massacrée et la guerre éclate entre l’Etat indépendant et les esclavagistes

       Tippo-Tip part au bon moment, en effet deux ans plus tard, une expédition commerciale avec à sa tête un nommé Hodister, est entièrement décimée dans le Maniema. Hodister rêvait d’établir des stations commerciales destinées à acheter l’ivoire du Maniema et à le faire remonter vers l’Europe via le fleuve Lualaba puis le fleuve Congo. Pour les marchands zanzibarites, c’est une concurrence qu’ils ne peuvent supporter. La dizaine d’Européens qui compose l’expédition est massacrée en mars 1892 dans les quelques stations commerciales qu’ils viennent à peine de fonder le long du fleuve Lualaba. Une véritable guerre vient de commencer avec ce massacre. L’officier belge Dhanis, commandant du camp retranché de Lusambo sur le fleuve Sankuru, en mai 1892, inaugure les combats contre les bandes d’esclavagistes par une victoire sur le fameux chef Bakusu, Ngongo Lutete, qui opérait des razzias pour le compte des Zanzibarites. Ngongo Lutete, vaincu à Gandu, non loin de la rive ouest du Lomani, décide alors de se rallier à son vainqueur. L’ancien ennemi va rapidement devenir le meilleur allié des Belges face aux Zanzibarites. Ce revirement va particulièrement irriter le sultan Sefu, un des fils de Tippo-Tip



Portrait de Ncongo Lutete


Sur cette carte, on aperçoit très bien, au centre du Congo, la localisation de l’ethnie Bakusu entre le Lualaba et le Lomani

En 1892, le sultan Sefu exige des Belges la tête du traître Ngongo Lutete. Il en résultera la mort de Lippens et De Bruyne. Sefu est cependant battu par l’officier belge Michaux grâce… à une pluie tropicale providentielle !

       Furieux, Sefu exige de Dhanis la tête du traitre Ngongo Lutete. Il garde alors prisonnier les Belges Lippens et De Bruyne qui, selon la convention passée avec Tippo-Tip, avaient pourtant le statut de résidents (une fonction d’ambassadeur mais aussi de contrôleur des activités du gouverneur) du Maniema dans la ville arabisée de Kasongo. C’est dans cet important centre que résidait principalement le gouverneur des « Falls » Tippo-Tip puis son successeur. Les deux « résidents » sont privés de toute liberté tandis que, rassemblant ses troupes forces, Sefu se rend sur les bords de la rive est du Lomani. Une entrevue est organisée, le 15 novembre 1892, avec les émissaires Belges des troupes de Dhanis qui se trouvent sur la rive ouest et qui proviennent de Lusambo. De Bruyne sur la rive est parti discuter avec le lieutenant Scheerlinck et le Dr Hinde qui se trouvent sur la rive opposée. Il explique que Lippens est gravement malade à Kasongo et que Sefu exige la tête de Ngongo Lutete comme prix de leur libération. Comme il n’est pas question pour les Belges de se passer de ce nouvel allié, Scheerlinck propose à De Bruyne qui sait nager, de sauver sa peau en sautant à l’eau pour le rejoindre. Les soldats de Scheerlinck, camouflés dans la végétation  pouvaient, au moment du plongeon de De Bruyne, le couvrir facilement par leur feu. De Bruyne refuse de se sauver par devoir envers son chef malade, prisonnier à Kasongo.



Monument dédié à De Bruyne et Lippens à Blankenberge

Les Belges traversent le fleuve Lualaba et conquièrent Nyangwe et Kasongo, deux agglomérations importantes fondées par les esclavagistes : le sud du Maniema est délivré des esclavagistes.



       Quelques jours après cette entrevue, Sefu traverse alors le fleuve Lomani avec ses troupes. Le 22 novembre 1892, le lieutenant Michaux et les troupes auxiliaires de Ngongo Lutete qui forment l’avant-garde de Dhanis se retrouvent face à l’armée considérable de Sefu à Shige. Faut-il attendre des renforts ou battre en retraite ? Non, il faut attaquer sans tarder car il pleut et cette pluie rend les fusils de l’ennemi inutilisables !  Il s’en suit une grande victoire belge. Sefu, blessé, fuit et retraverse le Lomani avec les survivants de son armée. Terrible vengeance, Sefu donne l’ordre de tuer Lippens et De Bruyne. Ils seront assassinés le 1er décembre à Kasongo. Ils deviendront les héros de la campagne anti-esclavagiste.

       Le 11 décembre, Dhanis travers à son tour le Lomani pour poursuivre Sefu. Il s’ensuit une série de combats se terminant par la bataille de Goia Kapopa où le chef Munié Mohara est tué. Les deux armées se font maintenant face de chaque côté du Lualaba. Dhanis décide de traverser le fleuve et de s’avancer dans le territoire fortifié de l’ennemi. Ce dernier abandonne Nyangwe et est poursuivi jusqu’à Kasongo. La ville est entourée de plusieurs bomas (boma=fortin) la protégeant. Le lieutenant Doorme lieutenant Doorme aperçoit dans un de ceux-ci une des portes ouvertes qui faisait l’objet de travaux de consolidation. Il parvient à s’y précipiter et remporte le fort glorieusement. C’est la fuite des troupes esclavagistes et la ville tombe aux mains des Belges. Dans celle-ci, on retrouve le journal d’Emin Pacha ainsi que les dépouilles de De Bruyne et Lippens.

3) 1893 le Sous-lieutenant Henry participe à la campagne anti-esclavagiste : cette fois c’est le nord du Maniema
qui est libéré des esclavagistes.

       C’est en ces temps troublés, le 31 octobre 1892 que débarque au Congo, notre héros, le sous-lieutenant Henry. Il accomplit d’abord diverses fonctions avant de prendre part à la deuxième partie de la campagne antiesclavagiste. Cette fois, nous sommes en avril 1893, c’est la partie nord du Maniema qui est menacée. Les marchands d’esclaves ont dépassé les Falls et se sont installés en aval, sur le fleuve Congo, notamment au lieu dit « Romée ». Il reste une petite garnison de soldats aux Falls sous la direction du capitaine Tobback capitaine Tobback.

       Mais, entourée au nord et au sud d’établissements tenus par les esclavagistes, elle ne tarde pas à être attaquée le 12 mai 1893. Le sergent Rue est alors choisi pour aller quérir des secours. Il arrive à rejoindre le fleuve Congo et rencontre la baleinière de Chaltin qui venait de remonter le Lomani. Chaltin délivre Tobback des arabisés le 18 mai. Il était plus que temps. Le même jour, le lieutenant Henry quittait la station d’Itembo avec un sergent et 14 hommes pour porter aussi du secours au capitaine Tobback. A la station de Basoko, il retrouve l’inspecteur d’Etat Fivé, le capitaine Daenen et 14 soldats supplémentaires. Ensemble, ils parviennent à faire fuir les esclavagistes de leurs établissements établis au nord de la station des Falls. Les établissements d’Isanghi, de Jafora, et de Jauwami sont investis puis la petite flottille arrive à hauteur de Romée. Les forces principales feignent de prendre d’assaut la station arabe de face tandis que Daenen et Henry débarquent en aval et attaque l’ennemi à revers. Cette tactique réussit. Plus de 200 fuyards essaient alors de traverser le fleuve Congo mais ils se heurtent sur l’autre rive aux soldats de Chaltin qui ayant délivré les Falls venait leur apporter son concours. Les stations esclavagistes au nord des Falls sont ainsi toutes démantelées. Fivé commande les troupes réunies aux Falls et décide de profiter de la présence d’une troupe belge renforcée pour s’attaquer aux stations esclavagistes, cette fois établies au sud des Falls. Mais auparavant, il fallait se débarrasser d’un important fortin construit par des fuyards à l’ouest des Falls dans la forêt.



       Ce sont Henry et le sergent Rue qui en vinrent à bout début juin 1893. Le fortin d’un kilomètre carré, était isolé dans une clairière de la forêt entre le fleuve Congo et le Lomani. Profitant de la nuit et d’un terrible orage qui forçaient les sentinelles à s’abriter dans les huttes, le commando de Rue parvient à arracher des pieux dans le sol détrempé et à créer une brèche dans la palissade. Au signal convenu, Henry rejoint Rue et c’est la surprise totale. Cette victoires valut à Rue d’obtenir son brevet d’officier tandis qu’Henry était cité à l’ordre du jour. De nombreux esclaves furent libérés et les populations locales, devant cette victoire, n’hésitèrent plus à  envoyer de nombreux volontaires pour se battre aux côtés des Belges.

       Peu après les officiers Tobback, Daenen et Fivé retournèrent au Bas-Congo. Ils sont remplacés par Lothaire et Ponthier. C’est ce dernier qui dirige alors les « Falls ». Le 28 juin 1893, les Belges et leurs soldats se mettent en route vers le sud. Le long des rapides de Wanie-Rukula, les esclavagistes avaient installés une série de bomas (fortins). Débarqués devant le premier, Henry, Van Lint et quatre pelotons de 25 hommes se portent sur les arrières du premier fortin tandis que Lothaire effectue une attaque de diversion de face. Il ne se passe pas longtemps avant que les esclavagistes fuient avec tous leurs gens vers le boma suivant… Les soldats emboitent alors leurs pas et pénètrent avec les fuyards dans le deuxième boma. Les fortins tombent ainsi les uns après les autres et des centaines d’esclaves sont libérés. Les Belges poursuivent leur avance parsemées des victoires de Kewe, Kisubi, Bamanga, Wabunga. Le gros centre de Kirundu ne doit pas être pris d’assaut car il est abandonné par l’ennemi. Il faut alors réorganiser les forces car  il ne reste plus que trois Belges valides et 200 soldats. Lothaire commandera la Première compagnie, Henry la seconde tandis que Ponthier garde dix hommes auprès de lui. Hanquet sera laissé à la garde de Kirundu. L’expédition continue alors son avancée vers le sud.

       La colonne traverse le Lualaba et arrive sur la rive est. Elle est alors attaquée à Mohamed Turky mais l’assaut ennemi est repoussé puis les fuyards poursuivis. A Kima-Kima, le 13 juillet 1893, le chef Lubutu est vaincu au prix d’un combat très pénible et long car l’ennemi s’était organisé en colonnes sur une grande profondeur. A la nuit tombante, Lothaire et Henry étaient cependant parvenus à franchir toutes les défenses ennemies. Epuisés et isolés du gros de la troupe, les deux officiers rallient leur chef, Ponthier, vers sept heures du matin grâce au  brave caporal Kalindula qui trace un sentier dans la forêt épaisse. Lothaire le tenait par la ceinture et Henry tenait Lothaire par son veston. Le caporal Kalindula se distingua par un autre fait d’armes : avec sa seule voix puissante, il rallia de nombreux membres de la tribu Mongelima (Bakusu), alliés aux esclavagistes, à se rendre aux Belges.

       Episode émouvant de cette bataille : Djoko, un soldat dévoué à Henry reconnaît sa maman parmi les esclaves libérés ! Sept mille fusils sont enlevés et transportés à Kirundu par les prisonniers Bakusu à qui on promet la libération à condition qu’ils se transforment en paisibles agriculteurs de riz du côté de Léopoldville. Deux chefs Bakusu sont parmi eux : Mirambo et Kapanga-Panga. (Kapanga-Panga périra à Kirundu dans une rixe avec un Arabe tandis que Mirambo sera, un an plus tard, exilé par Lothaire à la station de Nouvelle-Anvers). Rachid, Kibonge et Mzerera réussissent cependant à fuir.

       Lothaire et Henry parviennent en aout 1893 à emporter une dernière position esclavagiste à Utia Mutongo sur la rivière Lowa mais le fameux chef Kibonghe parvint à nouveau à s’échapper. Parmi les prisonniers libérés se trouvait un enfant d’origine européenne qui aurait été l’enfant d’Emin Pacha ! Je n’ai pas su déterminer ce qu’il est ensuite advenu de cet enfant.

       Le sous-lieutenant Henry avait montré depuis son arrivée au Congo ses talents de meneur d’hommes. Il ne perdait jamais le contrôle des opérations et était toujours présent là où il fallait être. Ses soldats le nommèrent alors « Bwana N’Deke », « l’homme blanc oiseau » tant il se déplaçait rapidement.

       Quelques semaines de repos ne furent pas de trop pour les Belges et leurs soldats. Les surprises ne manquaient pas pour certains. Ainsi, Lothaire rejoignit sa station des Bangala (Station aussi appelée « Nouvelle-Anvers », aujourd’hui Mankanza) où il découvrit une lettre du gouverneur lui reprochant d’avoir quitté son district ! Des jalousies se firent quant à son butin pris à l’ennemi, aussi Lothaire renonça à la moitié des 12.000 kg d’ivoire qu’il avait pris aux esclavagistes.

4) 1894, la lutte reprend : Rumaliza veut reprendre Kasongo aux Belges. La guerre reprend donc dans le sud du Maniema

       Le repos des Belges ne dura pas longtemps. Un évènement tragique allait faire perdre des alliés précieux aux Belges. On se souvient que Ngongo Lutete, le chef bakusu allié aux esclavagistes, après avoir été vaincu par les Belges, leur avait prêté allégeance ! Or le lieutenant Scheerlinck assiste à Gandu à une fête donnée par Ngongo Lutete en l’honneur de ses victoires récentes aux côtés des Belges. On égorge à cette occasion des esclaves !  Le lieutenant ne supporte pas ces meurtres et fait arrêter Ngongo par ses soldats. Jugé rapidement par un tribunal créé par le lieutenant, il est condamné et fusillé ! Cet évènement va amener la défection de nombreux alliés autochtones qui vont se remettre au service des esclavagistes. Les chefs arabes qui s’étaient échappés des mains des Belges vont alors reprendre de l’assurance. Rumaliza, notamment établit une série de fortins à 30 km à l’est de Kasongo. Ces fortins doivent servir de base pour chasser les Belges la ville de Kasongo.



Le sultan Rumaliza

       Dhanis attaque vainement les fortins. Le courageux Ponthier est tué le 19 octobre et Lange est mis hors de combat. Ponthier était très aimé de ses soldats. Pour éviter le découragement de ses hommes, Dhanis le fait enterrer dans sa tente, le temps que les combats se terminent !



Le commandant Pierre Ponthier – 1858 - 1893

       Un mois plus tard, le 16 novembre, le fortin du chef Ogella est attaqué vainement par Wauters. Le lieutenant Odilon de Heush est tué mais aussi le terrible Sefu, le fils de Tippo-Tip responsable de la mort de Lippens et De Bruyne.



Sefu, fils de Tippo-Tip ordonna la mort de Lippens et De Bruyne

       Dhanis fait appel à du renfort provenant des stations des Falls, Kirundu, Basoko et Bangala (Nouvelle-anvers).  Henry et Lothaire accourent et parviennent à Kasongo le 6 janvier 1894. Enfin, le 14 janvier, le fortin de Rumaliza est investi de façon tout-à-fait inattendue. Un vieux canon Krupp a été mis en batterie par le lieutenant Hambursin sans beaucoup de conviction. Les obus ne parviennent pas à créer la moindre brèche mais un de ceux-ci crée un incendie à l’intérieur du fortin en tombant par une chance extraordinaire sur un dépôt de munitions. Une panique se déclenche et les esclavagistes sont battus. Rumaliza parvient cependant à fuir et à rejoindre Kabambare. C’est Henry qui le poursuit tandis que Dhanis retourne à Kasongo. Il parvient à prendre la cité le 24 janvier 1894 en rentrant avec une douzaine de ses soldats par une porte laissée ouverte. Le sultan Rachid se constitue prisonnier mais Rumaliza, une fois de plus, est parvenu à fuir. Le butin en armes et munitions est très important. Henry continue la poursuite des esclavagistes jusqu’au lac Tanganyika. Apercevant des boutres aux voiles blanches qui transportaient les fuyards vers la côte ouest, Henry se saisit d’une longue pirogue où il se jeta avec une douzaine de ses soldats. Les Bangala d’Henry étaient des pagayeurs extraordinaires. Ils capturèrent de nombreuses chaloupes puis une tempête subite souleva les flots. Henry s’échoua sur la presqu’île de l’Umbawari. Il ne tarda pas à comprendre qu’il se trouvait à proximité d’un camp de l’ennemi qui, comme lui, attendait la fin de la tempête. Henry prit d’assaut le camp où il trouva un riche butin… notamment des barques remplies de poissons …. Il faut savoir que le poisson constituait justement la nourriture préférée des soldats bangala d’Henry qui préféraient mourir de faim plutôt que de manger le maïs emporté par leur chef. A la tête de sa troupe repue, Henry se remit en route et atteignit Uvira, au nord du lac Tanganyika, le 17 mars pour constater, avec plaisir, que cette formidable position retranchée avait été abandonnée par l’ennemi.

5) Henry doit aller combattre Kibonghe à

l’extrême nord du Maniema, à l’ouest du lac Albert

       Le Maniema pouvait maintenant être considéré comme pacifié mais il restait quelques bandes sous les ordres du chef Kibonghe qui contrôlaient tout au nord, la zone se trouvant à l’ouest du lac Albert (Avakubi, Irumo, Beni, Makala). En novembre 1894, Henry prit part à l’expédition sous les ordres de Lothaire. Il dirigea l’avant-garde. Par une politique de dialogue, il parvint à entraîner la désertion d’une grosse partie des Bakusu, alliés des Zanzibarites. Il en fut ainsi pour le fortin d’Ibrahim et pour celui du chef Mokumlangadu qui se rendirent sans coup frémir. Les Bakusu déserteurs s’engagèrent à s’établir comme agriculteurs dans des centres crées  pour eux près de leurs villages. Kibonghe avait donc vu toutes ses troupes fondre et passer du côté de l’Etat. Un beau jour, il trouva dans sa propre forteresse de Makala, parvenu  devant sa porte le jeune lieutenant de 24 ans accompagné de 70 de ses soldats ! Fait prisonnier, il fut jugé par un Conseil de Guerre et fusillé le 1er janvier 1895. Un peu plus tard, Henry parvient à surprendre le camp du trafiquant anglais Stokes.



Stokes


Lothaire

       Ce dernier s’apprêtait à livrer des armes à Kibonghe. Le butin est important : 200 mausers ! Stokes fait prisonnier par Henry est envoyé à Lothaire. Passé immédiatement devant un Conseil de Guerre, Stokes est condamné à mort et est pendu le jour même. La condamnation à mort de Stokes fera l’effet d’une bombe en Angleterre. On accusa Lothaire de meurtre et il dut passer lui-même en jugement devant le tribunal d’appel de Boma où il fut acquitté puis, devant la Cour d’Assisses de Bruxelles, où il reçut le même jugement.

La découverte de l’or de Kilo-Moto

       Henry fut ensuite chargé par Lothaire de mener une reconnaissance dans le nord de l’Ituri. Il fut le premier à découvrir de l’or à Kilo-Moto et fit la relation de sa découverte dans un rapport officiel. En 1903, le gouvernement de l’Etat organisa une expédition qui confirma cette découverte !

6) 1895, Henry doit faire face à la révolte des Batetela

       Henry n’avait hélas pas fini de devoir se battre. On se rappelle que les soldats Batetela de Luluabourg s’étaient révoltés contre le lieutenant Pelzer qui maintenait une discipline inhumaine. D’autre par ces Batetela avaient été affectés par la condamnation à mort de Ngongo Lutete avec qui ils avaient servi l’Etat Indépendant. Plusieurs guerriers de sa garde rapprochée avaient été déplacés à Luluabourg. Quoi qu’il en soit les soldats Batetela de Luluabourg se révoltèrent. Ils représentaient un grave danger car parfaitement entraînés aux maniements des armes les plus modernes. Le Père Cambier avait pu sauver sa mission mais il n’en était pas de même partout. En octobre 1895, Henry seconde Lothaire pour cerner un camp de révoltés à Dibué (situé au nord-est de Luluabourg) après qu’ils aient tués deux lieutenants Collet Delava) et deux sergents (Heyse et Casman) ainsi que 40 de leurs soldats. Les crânes des européens ont été placés sur les bords de la piste pour effrayer l’expédition punitive. Le camp de Dibué est pris par Lothaire. Il faudra cependant encore de nombreux combats  pour vaincre totalement les rebelles.

7) Henry de retour en Belgique : un repos bien mérité !

       Le 28 mai 1896, Josué Henry est de retour au pays. Il est reçu par le roi le 1er avril 1897. Ce dernier le décore abondamment pour sa conduite. Ayant signé un deuxième terme, Henry est de retour au Congo en décembre 1897.

8) 1897, Henry remporte la victoire contre les soldats révoltés de Dhanis. La colonne Dhanis constituait l’arrière-garde de l’expédition Chaltin envoyée pour occuper au Soudan l’enclave de Lado

       Arrivé à Avakubi, il apprend la surprenante nouvelle de la révolte des troupes de Dhanis.  Le roi Léopold II avait en effet prié ses troupes congolaises d’aller occuper l’enclave de Lado, seul territoire du Soudan attribué à Léopold II malgré le fait que les Belges avaient atteints  Fachoda sur la rive gauche du Nil. Chaltin après de durs combats parvint à prendre la ville de Bedden puis défait l’ennemi en fuite. Il assiège ensuite Redjav qui tombe le 18. Chaltin parvient à occuper l’enclave sans avoir attendu l’arrière-garde commandée par Francis Dhanis. Les soldats batetela de cette colonne, contrairement à ceux de la colonne de Chaltin avait été recrutés trop rapidement et insuffisamment entraînés.  Le ravitaillement faisait défaut dans la traversée de la forêt de l’Ituri.

       Après cinq mois de jungle, ces hommes se révoltent sous l’influence du chef Munie Pore, fils de Mohara, tué en combattant l’Etat dans les campagnes anti-esclavagistes. Le bilan de la révolte est catastrophique : Le commandant Leroy, Adriane, Inver et Mellen sont tués. A Ekwanka, Francis Dhanis et quelques survivants mènent un dernier combat contre les révoltés mais le frère de Dhanis, Louis, est blessé gravement. Pour ne pas retarder la fuite des survivants, Louis Dhanis préfère se suicider. Francis Dhanis et Hambursin avec quelques soldats fidèles parviennent, le 2 avril 1897, à fuir jusqu’à Avukabioù se trouve Henry qui vient de recommencer un nouveau terme au Congo.



Campagne Madhiste

En gras le trajet de la colonne Chaltin qui parvint victorieusement jusqu’à Redjaf, ville principale de l’enclave de Lado. En-dessous en noir surligné jaune, le trajet de la colonne Dhanis qui se révolta près de Dirfi. Les survivants regagnèrent Avakubi, petit poste de l’Etat sur la rivière Aruwimi et dans lequel venait d’arriver Henry.

       Henry va immédiatement prendre des mesures urgentes. Il envoie le sergent Lufungula et Djko avec quarante hommes pour retenir les rebelles le plus au nord possible. Ces derniers ont une conduite héroïque : ils parviennent à rassembler cent soldats qui fuyaient devant les rebelles et ils parviennent à retrouver une centaine de caisses d’armes et de munition jetées dans la rivière par Dhanis. Quand ils reviennent à Avukabi, ils sont accueillis comme des héros. En un mois, Henry a reconstitué une colonne expéditionnaire de 450 soldats et gradés. Le 6 mai 1897, il part à la poursuite des révoltés.

Le 15 juillet, Henry parvient sur les bords de la rivière Lindi et écrase une grosse partie des révoltés. C’est une grande victoire. Henry a la tristesse de perdre au combat son fidèle sergent Djoko. Son sergent N’Gudje, est lui blessé sérieusement à la mâchoire mais cela ne l’empêche pas de revêtir une tenue militaire anglaise trouvée dans le butin des révoltés. Cette tenue écarlate, ornée de Brandebourgs dorés lui donne un air de général qui fait la joie de toute la colonne.



En noir surligné jaune, le trajet d’Henry à la poursuite des révoltés jusque la rivière Lindi

       En récompense de cette action d’éclat, Henry sera promu par décret du Roi, le 14 octobre 1897, chevalier de l’Ordre de l’Etoile Africaine. 

9) 1899, Henry responsable de l’enclave de Lado

Un an plus tard, on retrouve notre vaillant Josué Henry responsable de l’enclave de Lado et du Haut Uele. Fin de terme, il retourne en Belgique en passant par Karthoum. Il arrive en Belgique le 11 juin 1900 et se marie le 12 septembre avec Joséphine Jottay, la fille du boulanger de Bohan, son amie d’enfance. De ce mariage naîtront trois enfants. Josué  ne reviendra au Congo qu’en 1911 après avoir vécu une vie de garnison à Mons.



La famille pendant la période montoise (Archives de C. Mertens)

       Entretemps son frère Eli s’est engagé comme volontaire au Congo. Malheureusement le destin ne la gâtera pas autant que son frère aîné.

10) 1903, Josué Henry est endeuillé : il perd son

jeune frère Eli au Congo



Eli Henry, sous-lieutenant de la force publique, au Congo depuis le 28 septembre 1901

       Le 10 mai 1903, Eli Henry meurt à Lisali (lieu de naissance de Mobutu), terrassé par une dysenterie chronique.

11) 1911, Henry administre le territoire des « Falls » comme Commissaire général de la Province orientale du Congo

       En Juillet 1911, on retrouve Henry au Congo comme administrateur du territoire des Falls. Il développe les cultures vivrières, notamment celle du riz et crée un réseau de routes dans toute la région, notamment entre le Lualaba et le lac Kivu.

12) 1914, Henry organise la défense de la frontière orientale du Congo et mène des offensives dans le nord du Rwanda

       En 1914, la guerre le surprend et il reçoit la mission de défendre la frontière orientale du Congo contre l’emprise des colonies allemandes. Il participera à de nombreux combats, notamment dans la région nord du Rwanda puis tombe malade. Il remet son commandement au major Rouling en décembre 1915. Il s’embarque à Boma le 20 juillet 1916.

13) 1917, rétabli, Henry se retrouve sur le front de l’Yser

       En 1917, promu major, on le retrouve sur le front de l’Yser comme commandant du 2ème Chasseur à pied. Suite à un comportement jugé trop indépendant, il doit subir le 12 juin 18 une mutation et est transféré au 3ème Chasseur à pied. Son bataillon est le premier à occuper la Flandern Stellung. Son régiment est le premier aussi à franchir le Rhin. Proposé lieutenant –colonel le 09 novembre 1918 avec cette mention :

       « C’est à la tête du deuxième bataillon des chasseurs à pied que le major Henry a pris part aux opérations de l’offensive libératrice, opérations pendant lesquelles, il se comporta brillamment et où il put donner toute sa valeur. Calme, décidé, d’une bravoure extraordinaire, il a fait l’admiration de tous. A Moorslede, en particuliers, son intervention et sa conduite personnelle ont exercé sur ses hommes une action favorable. Dans l’une des dernières opérations offensives, blessé par balle, il refusa de se faire évacuer et continua à commander imperturbablement son bataillon. »

14) De 1919 à 1920, commandant du 14e de Ligne

15) 1920, il dirige une expédition géologique au Congo

       En 1920, dirige une mission géologique au Congo et en 1923 fera encore trois voyages au Congo comme directeur d’une grande société minière. En 1927, il est nommé général-major à titre honorifique. En 1938, il est fait chevalier et est autorisé à joindre à son nom « de la Lindi ».



Le général-major Josué Henry de la Lindi

16) 1943, il perd son fils Paul fusillé par les Allemands

       En mai 1943, il a la douleur de perdre son fils Paul qui, parachuté en mission, est capturé par les Allemands et est fusillé le 31 à la citadelle de Liège. Dans une lettre d’adieu à ses parents, il écrira : « Je me souviens d’une formule que nous disions en famille dans les prières du soir pendant l’autre guerre : « Acceptez mon Dieu, le sacrifice de leur vie comme une entière expiation de leurs fautes. Cette fois, c’est pour moi que je demanderai cette faveur à Dieu… » (voir le livre « Paul Henry de la Lindi, Hervé Gérard, éditions Collet, 1985, p.205)



17) La fin d’un héros

       Josué Henry effectuera son dernier voyage au Congo en 1948 et son épouse, Joséphine Jotray, son premier voyage au Congo ! Ils répondent à une invitation pour le jubilé de l’inauguration du chemin de fer du Bas-Congo. Henry, veuf depuis 1951 décède à Bruxelles en 1957 âgé de 87 ans.

       Josué Henry fut sans doute un des rares officiers de l’armée belge à s’être battu pendant une période aussi longue : plus de dix années !

       Josué Henry peut être qualifié de valeureux guerrier, dans le sens le plus noble de ce terme. Il est  un véritable héros dont notre pays peut s’enorgueillir.  Une rue à Etterbeek porte son nom ainsi que la Grand-Place de son village natal qu’il appréciait tant.   

Dr Loodts P.

 

 

 

Sources :

 1) Marcel Pignolet,  « Josué Henry de la Lindi »,  article paru dans  « Les Ardennais dans l’Etat indépendant du Congo », hors-série édité par le Cercle d’Histoire et de Folklore « Terres d’Herbeumont à Orchimont », 2019. (cercle.t.h.o@skynet.be)

2) André Villers, « Nous les avons libérés de l’esclavage », Editions Le Rond-Point, Bruxelles, 1961

3) Albert François, « Congo, Terre d’héroïsme », Office de publicité, rue Neuve Bruxelles, 1943

4) Léo Lejeune, « Lothaire », Editions de l’expansion coloniale, Bruxelles, 1933

5) René. J. Cornet, « Maniema », Editions Cuypers, Bruxelles, 1955

 

 

 



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