Médecins de la Grande Guerre

Jean Cocteau à Coxyde.

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JEAN COCTEAU À COXYDE

L’AMBULANCE DU 4ème ZOUAVE 1915-1916

Par Michel Piérart

PARTIR

      Le 17 décembre 1915, une caravane hétéroclite quitte Paris pour rejoindre le front Belge. Devant l’insuffisance de la Croix Rouge Française, encouragé par la pianiste Misia Godebska, le comte Etienne de Beaumont a créé des convois de voitures chirurgicales qui porteront secours aux blessés du front des Flandres. Il recrute, notamment, son ami et protégé Jean Cocteau pour son service ambulancier. Ce dernier arrive à Coxyde le lendemain avec le convoi automobile de la « Société de Secours aux Blessés Militaires ». Il sera attaché en tant que convoyeur à la « section sanitaire automobile de Coxyde » liée au 4e régiment de zouaves.

       Tout d’abord hébergé dans un hôtel de Saint-Idesbald en compagnie d’officiers Belges et Français, c’est une chambre qui lui sera allouée à Coxyde-village à proximité de l’antenne médicale « Ambulance n° 7 ». Son adresse : « Jean Cocteau, SSCR2 secteur 131 » (Service de Secours de la Croix-Rouge, convoi n° 2, secteur postal 131)



Le convoi (extrait du film « Thomas l’Imposteur »)

LES MÉCÈNES

       Misia (Marie Sophie) Godebska Servais est une pianiste à succès. C’est la petite-fille du violoncelliste belge Adrien Servais. Elle est surnommée « la reine de Paris » et est une proche de Mallarmé, Proust, Satie, Colette, Coco Chanel et Picasso. Misia a mis Cocteau en contact, dès 1912, avec les ballets russes de Diaghilev et Nijinski. Cocteau rédige le livret du ballet « Le Dieu Bleu ». Il rencontre Proust et la veuve de Georges Bizet. Il fait la connaissance de Jacques-Emile Blanche et de François Mauriac. Ses recueils de poèmes paraissent, ses dessins sont publiés.



Misia Godebska par Toulouse-Lautrec


Misia Godebska par Renoir


Misia Godebska par Jean Cocteau

       Le comte Étienne de Beaumont est un généreux mécène, décorateur, costumier, créateur de bijoux et librettiste. Dans son hôtel parisien, en véritable styliste, il crée spécialement des scénographies, décors et costumes qui n'existent que le temps d'une fête. En 1924, il inaugurera les « Soirées de Paris » de la Cigale à Montmartre. Celles-ci mêlent spectacles de music-hall, ballet, poésie et théâtre, avec la participation d’artistes aussi variés que Jean Cocteau, Pablo Picasso, Georges Braque ou encore Erik Satie et Darius Milhaud. Ainsi, à son initiative, ont lieu, dans une magnificence et une largesse inédites, une série de bals, où Christian Dior apparait, un jour, déguisé en lion. Paul Morand, Maurice Sachs, Jean Cocteau, Marc Allégret, Bernard Faÿ, Léonide Massine, Lucien Daudet, René Crevel ont décrit l’extraordinaire personnalité du comte de Beaumont.



Etienne de Beaumont et Cocteau

JEAN COCTEAU

       Clément Eugène Jean Maurice Cocteau dit Jean Cocteau (1889-1963) est issu d’une famille bourgeoise parisienne. Son grand-père paternel avait été notaire et Maire de Melun. Son grand-père maternel, chez qui la famille habite, agent de change, collectionneur d’art et mélomane. Tout respire l’aisance matérielle, la convention, l’ennui, l’immobilisme. Peut-être pour rompre avec la banalité d’une vie répétitive et au fond sans grand intérêt, son père, qui vit de ses rentes et peint à ses heures perdues, choisit de mettre fin à ses jours en 1898 en se tirant une balle dans la tête. Ce drame brutal et affreux bouleverse le jeune garçon alors âgé de 9 ans. Il n’en parlera qu’en 1963, année de sa propre mort. On le décrit comme un enfant gâté, nerveux, de caractère souvent difficile et de santé précaire. Jean est fasciné par le théâtre et les concerts. A l’école primaire déjà, il joue au théâtre. C’est là qu’une brutale révélation de la beauté dans la personne d’un élève lui fait éprouver ce « désir d’être avec ceux qu’il trouvait beaux et non de s’en faire aimer ». L’homosexualité se révèle, il a 12 ans. A l’école, il ne brille qu’en dessin, en gymnastique et… en allemand. Ses professeurs le trouvent intelligent mais inégal, distrait et agité. C’est un adolescent rebelle habitué des cafés-concerts où se produit, entre-autre, Mistinguett qui, inscrite dans l’imaginaire des poilus, est d’ailleurs représentée sur un des murs d’une villa de Coxyde-Bains auprès de l’inscription « Moulin Rouge ».



Mistinguett au Casino de Paris


Sur le mur d’une villa de Coxyde. (D.Vanhemelen)

       Il échoue 2 fois au baccalauréat mais il écrit des poèmes, se passionne pour le théâtre et semble se persuader qu’un grand destin l’attend. Jean Cocteau se fait vite une réputation de jeune dandy. On le surnomme « le prince frivole ». Il se lie d’amitié avec Lucien Daudet, écrivain comme son père Alphonse, et Maurice Rostand. On organise, pour lui, des matinées poétiques. Son activité littéraire est intense. En 1911, la comtesse de Noailles, qu’il admire, le reçoit. Il fait la connaissance d’Alain-Fournier, de Charles Péguy et d’Igor Stravinsky. Il est présenté à l’impératrice Eugénie. Il entre ainsi dans le monde du «Tout Paris» artistique et littéraire.

       Une semaine après son installation à Coxyde, Cocteau écrit à Misia : « J’ai pensé à vous toute ma nuit de Noël aux premières lignes. Silence de Bethléem, odeur de crèche, trêve de mitraille, tirailleurs debout et graves comme des mages, grosses étoiles d’aluminium qui, hélas, règlent les tirs ! On croise la nuit sur les routes des ânes, des indigènes, des machines étranges, bible, et apocalypse ».

LE 4ème ZOUAVE

       C’est fin janvier 1915 que le 4e zouave passe sous le commandement du général Roger Hély d’Oissel au sein du « Groupement de Nieuport » qui comporte quatre régiments aux tranchées (2 régiments de zouaves, 1er et 4e et la brigade des fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h) et deux autres régiments en appui (des Territoriaux). Au total, environ 18.000 hommes qui défendent un front qui va de la plage à Ramskapelle. Il existe, à l’époque, quatre régiments de zouaves « historiques » : le 1er basé à Alger, couleur rouge, le 2e basé à Oran, couleur blanche, le 3e basé à Constantine, couleur jaune et le 4e basé à Tunis, couleur bleue.

       Le 4 février 1915, le 4e zouave «mixte» (mixte parce qu’il compte aussi des tirailleurs du 8e tunisien) prend position dans le sous-secteur du polder qui lui a été affecté par le général Hély d’Oissel entre la Geleide, une petite rivière qui coule depuis Lombardsijde vers l’ embouchure de l’Yser, et la route d’Ostende du côté des écluses de la « patte d’oie ». C’est un régiment qui a été créé en Tunisie et est composé, majoritairement, de « pieds-noirs ». Il est commandé par le lieutenant-colonel Gustave (Emmanuel Eugène) Eychêne, un franc-maçon toulousain de 53 ans qui deviendra en 1944, à 82 ans, le doyen de l’assemblée consultative après avoir fondé « Patriam Recuperare », un groupe de résistants de Levallois.

       Six mois avant l’arrivée de Cocteau, ce régiment s’est glorieusement illustré à Lizerne. Le 23 avril 1915, à 5 heures du matin, deux bataillons au repos à Coxyde, sont alertés, vont à pied jusqu'à Furnes, sont embarqués en chemin de fer en présence du général Hély d’Oissel, débarquent au Nord d’Ypres, et sont jetés à 15 heures en pleine bataille. Les Allemands ont émis du gaz et ont réussi à percer la ligne Française. Les deux bataillons arrivent à temps pour boucher le trou formé entre l'armée belge et les débris de la division. A 17 heures, ils font front devant Lizerne et Steenstraate, et la ligne bien mince est reformée. Les mitrailleuses sont installées. Le 24, un des deux bataillons attaque en direction de Lizerne, avance de 300 mètres mais décimé par des mitrailleuses, ne peut pousser plus avant. Les bataillons s'installent et s’enterrent en dépit d'un violent bombardement. La 9e compagnie subit des pertes sensibles. Ces dernières ne font qu'irriter les zouaves et excitent leur ardeur. Des patrouilles sont lancées, ils font des prisonniers, s'assurent que le village de Lizerne est fortement tenu et le 26, après une préparation d'artillerie courte mais violente, le 3e bataillon reçoit enfin l'ordre d'attaquer. Dans le crépitement de la fusillade, les hommes en chéchia et uniforme kaki s'élancent, bondissent dans les hautes herbes. La première tranchée allemande est atteinte. Ses occupants ne sont bientôt plus que des cadavres. Les zouaves ont réglé leurs comptes.

       Le 7 mai, le général Hély d’Oissel organise une revue à Coxyde-Bains en contrebas de sa villa en présence du Prince Alexander de Teck, frère de la reine Mary d’Angleterre, et de Dorothie Feilding en l’honneur des survivants des deux bataillons du 4e zouave qui ont repris Lizerne. Il les félicite pour leur conduite héroïque et puis, ces deux bataillons défilent précédés de la musique et du drapeau du régiment. Ensuite, un impressionnant défilé suit conduit par les musiques du 1e zouave et du 11e Territorial.



La revue du 7 mai 1915 à Coxyde (JDG du général Hély d’Oissel) A l’horizon, la villa « Zetty »


Général Hély d’Oissel. (Coll.Michel Piérart)

DOROTHIE FEILDING

       Dorothie Feilding est issue d’une famille Britannique noble. Dorothie sera l’ange des fusiliers marins Français dans le Westhoek. Après avoir suivi quelques cours, elle se retrouve dans le « corps d’ambulance Munro ». Débarquée à Ostende dès septembre 1914, elle est à Melle et se replie vers Furnes en octobre où elle met en route le « Belgian Field Hospital » qui est installé au collège épiscopal de Furnes (Karel Coggelaan, 8) dès octobre 1914. L'équipe, entièrement britannique, dispose de 54 hommes et femmes, dont 12 médecins et 25 infirmières professionnelles d’origine irlandaise, écossaise et anglaise. Dorothie sillonne la région au volant de son ambulance « Daniel » avec son fox-terrier « Charles » pour ramener les blessés sur l’arrière notamment à Coxyde où sont installés deux postes de secours. Elle a été au collège à Paris avec une fille du général Hély d’Oissel ainsi qu’avec la belle-fille du 1er Ministre Belge Charles de Broqueville. Dorothie est donc proche de ces deux personnalités importantes qui résident le premier à Coxyde-Bains, le second à La Panne. Dorothie Feilding apparait dans de nombreux ouvrages.

       L’amiral Ronarc’h écrit : « L’une des autos de cette ambulance est conduite par une jeune miss fort jolie, qui nous a déjà rendu des services à Gand. ... Quelles que soient les circonstances, elle a déjà conquis les cœurs de tous les marins par son dévouement et son indifférence complète au danger. »

       Extraits de « Thomas l’Imposteur » et du « Discours du Grand Sommeil » intitulé d’abord « Secteur 131 » du nom de la zone postale de Nieuport et Coxyde. Cocteau nous parle de Dorothie Feilding, l’ambulancière anglaise des fusiliers marins : « Le bois triangulaire (situé à côté de l’usine Assa Abloy de Nieuport) tonne comme une chasse royale. A Nieuport, le cimetière des fusiliers Marins repose près de l’église informe. Plus loin de Nieuport, du boyau qui mène à Saint Georges, on voit à droite, émergeant de l’inondation, une carcasse de ferme dite Vache-Crevée (c’est à St Joris, aujourd’hui le café « De Toevlucht »). L’auteur de ce surnom, adopté par les cartes d’état-major, est une jeune Anglaise, miss Elisabeth Hart (Dorothie Feilding). Miss Hart, que tout le monde appelle miss Elisabeth (en réalité « Miss Dorothée »), est la fille du général des troupes anglaises du secteur (non pas la fille du général d’Oissel mais l’amie de sa fille Suzanne). Sous prétexte de Red-Cross, elle pilote une ambulance de poche et vit avec les Fusiliers Marins…. Elisabeth Hart est un vrai garçon, un diable. Elle s’habille presque en matelot. Elle porte des cheveux courts, bouclés autour d’une figure d’ange. Elle offre plus d’un rapport avec les amazones modernes du film américain, sauf qu’on ne la voit jamais trembler. Elle va et vient, de La Panne aux lignes, et laisse son ambulance n’importe où, comme dans les rues de Londres.

       Les fusiliers en font une sainte. C’est d’ailleurs, sans aucun doute, une héroïne. La condition même de l’héroïsme étant le libre arbitre, la désobéissance, l’absurde, l’exceptionnel. »



Dorothie Feilding. (Musée FM Lorient)


Avec l’amiral Ronarc’h. (Musée FM Lorient)


Devant sa roulotte à Oostduinkerke. (Musée FM Lorient)

LA COUR MARTIALE

       Les 6 mois que Cocteau passe à Coxyde le marquent profondément. Il en tirera 2 ouvrages romanesques (« Thomas l’Imposteur » & « Le Discours du Grand Sommeil »). Bien que lié aux zouaves, il reçoit l’autorisation d’un capitaine de fusiliers marins de porter leur uniforme à Coxyde. Un uniforme de fantaisie. Il a échappé à la cour martiale grâce à son ami le diplomate Philippe Berthelot, alors secrétaire général du ministère des Affaires Etrangères et promoteur des Arts. C'est revêtus d'élégants costumes réalisés par le grand couturier Paul Poiret que Jean et Misia ont l’habitude de parcourir ensemble les arrières du front pour récupérer des blessés sous les yeux des photographes. C’est à cette époque aussi, en plein délire de charité, qu'elle fait transformer sa Rolls-Royce en ambulance par Jacques Saoutchik, le carrossier à la mode. Tout en recueillant leurs blessés, Jean Cocteau, savoure ses confidences.

L’AMBULANCE N° 7



Plan militaire français – février 1916 (Commune de Coxyde)

       Cocteau le nomme « le plus vaste hôpital de campagne de la grande machine ». La machine, c’est la guerre. Les photos dont nous disposons datent de la période Coxyde et ont été prises sur la plage, dans des abris, tranchées ou dans l’avenue de la Mer. L’hôpital de campagne des zouaves, où travaille Cocteau, se déploie à proximité de l’avenue de la Mer en face de la dune du Hoge Blekker et est adossé à la « dune de l’ambulance » qui le délimite au Sud. Cette situation est idéale puisqu’elle permet une circulation aisée vers le front et les hôpitaux de l’arrière. L’avenue de la Mer est une chaussée Nord-Sud qui relie Bains et Village, elle a été construite en 1895 et est revêtue de pavés, un luxe pour l’époque. Les véhicules peuvent facilement s’arrêter dans l’avenue, les blessés sont débarqués et acheminés sur civières par le chemin de sable aménagé jusqu’aux baraques. A l’époque et contrairement à actuellement, il s’agit d’un espace peu planté. Les arbres à hautes tiges se limitent au Nord vers l’actuel garage Renault d’aujourd’hui. Il y a là quatre grands baraquements de bois ou de toile et une bonne dizaine d’autres constructions de dimensions plus réduites. Des salles de pansement, des salles des malades. Aujourd’hui, il reste deux clairières dans les bosquets entre le garage «Renault» et le restaurant « Blekkertje » qui sont situées à l’endroit précis des baraquements d’alors. C’est là aussi que passe maintenant le sentier de Grande Randonnée (GR5A – nord point 68 Anvers – La Panne). Les randonneurs foulent donc un terrain arpenté par notre poète sans le savoir.



Sur la plage


Avenue de la Mer (Albums Valois)


L’ambulance à gauche


Cocteau et ses collègues

       Cocteau loge au village de Coxyde non loin des cantonnements des fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h qu’il affectionne tant. Sur une photo, on voit Cocteau poser à côté de son ambulance dans l’avenue de la Mer de Coxyde. Ce poste médical a pour nom « Ambulance n° 7 ». C’est ici que sont acheminés les zouaves blessés au front avant d’être emmenés vers les hôpitaux de l’arrière pour les actes médicaux plus complexes. C’est la nuit qu’a lieu le fonctionnement le plus actif du service chirurgical des ambulances. Les blessés de la journée ne peuvent souvent être transportés que la nuit au poste de secours, les boyaux de communication étant exposés, le jour, au feu de l’ennemi, ou bien le bombardement de Nieuport empêchant jusqu’à une heure tardive l’arrivée des voitures automobiles. Parfois, un coup de téléphone du poste de commandement de Nieuport les avertit du nombre de blessés, mais souvent le renseignement manque. Aussi, les soirs de garde, après avoir fait les cent pas sur la dune voisine et alors que le bourg s’endort, tous feux masqués suivant la consigne, ils se rendent à l’ambulance. Mais voici une auto qui corne et stoppe, la porte s’ouvre, un gentleman de la Red-Cross prononce en français quelques mots gutturaux, puis, cérémonieux, enlève son gant pour donner le shake-hand traditionnel. C’est quelque fois un chauffeur militaire, mais on a aussi fréquemment la surprise de voir apparaître l’agréable visage de l’intrépide lady Dorothie Feilding, si convoitée, fusilier marin « honoraire » qui porte à son bonnet le ruban des fusiliers marins et que les obus n’effrayent pas plus à Nieuport qu’à Dixmude. Les brancardiers aident alors à descendre les blessés ingambes ou débarquent les brancards lourds de leur sanglant fardeau et les transportent par le chemin de sable vers la baraque qui fait office de salle de soins, sans oublier le mince bagage qui contient souvent toutes les reliques des pauvres blessés.



Brancardiers zouaves (Raoul Frippier)


Poincaré, président et Millerand, ministre de la Guerre en visite à l’ambulance n° 7 de Coxyde

ENTRE COLLEGUES

       Depuis Coxyde, Jean Cocteau écrit journellement à sa mère. Ces lettres très affectueuses nous sont d’un grand secours pour comprendre la vie quotidienne de Jean. C’est notamment ainsi que, dès le 20 décembre 1915, notre poète décrit ses compagnons de manière acerbe : Giraudeau – qu’il avait rencontré au collège – pingouin fœtus, brave andouille, type brave et qui est ici à l’insu de sa famille ; Pierre Bouvet, le chef du convoi qui lui a déniché une chambre à proximité du poste et qui l’aidera souvent, bon pianiste ; Louis Juge qui se fait appeler Ludovic de Juge, croix de guerre, perruque « acheteur fâché qui avait demandé de vrais cheveux » et œil de verre « fait avec de la porcelaine des dents , dents faites avec de la faïence de l’œil », pique-assiette et mauvaise langue ; Duveau, bruyant, immonde, ducochon, « Etienne devrait envoyer ce cochonnet, ce bébé chauve, cette boule puante à Salonique » ; Aubert, termine ses lettres – le regard indiscret de Cocteau – par « Ma poupoule, je bibise ta boubouche, ton gros patou » ;  Rossolin, quelconque, menu, malade ; Boulton, un anglais chic susceptible et benêt ; le lieutenant Pesty, doreur du quartier du temple, genre titi, béret avantageux, œil langoureux, aimable mais vulgaire. Le reste de la troupe « figure », confie Cocteau. Le zouave Baldi, leur cuisinier, son ordonnance sans éducation et enfin sa chienne Malines… En rien, le monde précieux de Cocteau.

       D’emblée, il demande à sa mère de lui envoyer un appareil Kodak avec un bon objectif, de quoi aiguiser son rasoir, des douceurs de la maison Hédiard, une épicerie fine de Paris, et une lampe électrique militaire en cuir noir avec courroie et deux piles de recharge. Il continuera à demander d’autres accessoires : un sac de couchage, des chaussettes, des mouchoirs etc

       Son appareil Kodak sera du type « Autographic Junior n° 1 » qui travaille avec des pellicules de 6 x 9cm. Appareil Américain fabriqué à partir de 1914.



Le Kodak de Jean Cocteau




et quelques photos (photographies et dessins de guerre)

LE ROI ALBERT

       Le 24 décembre, au retour de Dunkerque, il tombe en panne avec son ambulance à La Panne et, alors qu’il est penché sur sa boîte à outils, il entend derrière lui : « Je m’étonne qu’on ne me réponde pas du ministère de la guerre ». C’est le roi Albert accompagné de son aide de camp. Jean le décrit ainsi : « Bon chic, binocle, l’air du prof de maths chic type ».

NOËL 1915

       Le 25, après avoir caché son véhicule sous un hangar de Nieuport-Bains, Cocteau passe la nuit de Noël dans la cave du médecin-chef. Cave très chaude, trop chaude, « Cabine » du docteur et de ses deux lieutenants, merveille d’ingéniosité grâce à des pillages, vol « officiel », luxe étrange du front. Cocteau a apporté deux bouteilles de Sauterne et du foie gras pour les vingt zouaves présents qui l’ovationnent et lui offrent une chéchia d’honneur. Salle de festin superbe, aux chandelles. Pinard dans les gourdes des zouaves – les soldats ont tous reçu, en cadeau de Noël, une gourde en faïence de Sarreguemines bleu horizon remplie de Cognac fine champagne –, vaisselle d’aluminium. Au moment de se mettre à table, on amène un blessé, c’est un tirailleur qui a le bras cassé. Cocteau doit l’emmener à Zuydcoote avec promesse de revenir. Course de film américain, passages à niveau qu’on ouvre et ferme soi-même, sentinelles qui surgissent de terre, sanatorium endormi. Il « livre » son pauvre bougre et retourne à Nieuport-Bains en vitesse. La porte s’ouvre. On annonce un mort. On fouille le pauvre caporal et on trouve notamment sur lui la photo de Lady Dorothie qui est, écrit Cocteau, « une jeune anglaise qui se déguise en zouave et visite les lignes grâce au général Hély d’Oissel ».

       Clair de lune tiède, climat spécial de Noël. Les lieutenants ne veulent pas que la fête finisse. On décide de se rendre en première ligne, entendre si les Boches chantent. Il endosse un uniforme de « zouzou » et on part. On passe les quatre sentinelles qui gardent la zone fameuse au bord de l’Yser. Le groupe traverse « le pont Joffre », planches houleuses sur des barques, pont de poutres, de solives, de madriers, de rondins, de barriques qui s’entrechoquant traverse l’Yser à son embouchure. Ici commence le front qui se termine à Salonique. Ils pénètrent alors dans ces catacombes, dans cette « attraction de Magic City ». Eau à mi-jambe et sable rose. « Eau à mi-jambe » : nous ne sommes donc pas dans les dunes de bord de mer du 1er zouave mais bien dans le secteur du 4e zouave, son régiment, dans le polder entre la Geleide et la route de Nieuport. Gourbis, cabanes, villes secrètes que révèle une fente lumineuse, un chien qui jappe. Chaque corridor porte un nom. Il y a la rue du capitaine B., le boulevard Babazzun (rue Bab-Azoun à Alger), l’avenue des Quatre-Cadavres. Nos trois amis arrivent aux deuxièmes lignes à cent mètres des Boches. Silence. Il est quatre heures du matin. On barbote en évitant que l’eau clipote et on se courbe lorsque le casque dépasse les sacs. On rencontre des Arabes, des rats, des bêtes nouvelles. Première ligne. De dix en dix mètres, aux meurtrières, debout, vêtus de peaux de mouton, de ficelles et de journaux, les tirailleurs veillent. Ce sont des goumiers (infanterie légère autochtone à cheval). Cocteau constate qu’ils ne se retournent pas plus à leur passage que dans les cafés maures de Blida (ville d’Algérie). Ils guettent et les Boches guettent. Ils se regardent les yeux dans les yeux.

       C’est d’une grandeur, d’une puérilité, d’une folie indescriptible écrit Cocteau. A vingt mètres des Boches. Boyaux et tunnels, Cocteau marche dans une flaque. Un tirailleur se retourne, il le regarde, il pose un doigt sur ses lèvres. Le lieutenant presse l’épaule de Cocteau et lui chuchote la bouche contre l’oreille : « Nous sommes à huit mètres d’eux ! ». Huit mètres d’eux ! Les Allemands se taisent, les Français se taisent. C’est la trêve de Noël. « Ce tirailleur, écrit Cocteau, c’est Melchior qui fait signe aux bergers de se taire dans la crèche ».

       Pendant son séjour à Coxyde, Cocteau recevra périodiquement la visite de François de Gouy d’Arsy qui est un aristocrate sans profession et qui mène une vie de loisirs qu’il partagea avec le peintre américain Russell Greeley durant la première moitié du vingtième siècle.

       Les zouaves insistent pour que Cocteau écrive quelque chose pour eux. Il leur répond qu’il a trop de travail.

RENÉ BADOR

       Pierre Amette est l’aumônier des zouaves. Cocteau le côtoie souvent et le photographie, notamment, sur le « pont Joffre ». Amette le guide fréquemment parmi les corridors et tunnels inextricables du polder.



Pierre Amette sur le pont Joffre à l’estacade de Nieuport-Bains (Jean Cocteau)

       Pierre Marrast (1884-1918), lieutenant de vaisseau, commandant de la 3e compagnie du bataillon des fusiliers marins, invite Cocteau à l’hôtel Terlinck de Coxyde pour un « thé-tango » le soir du 24 janvier 1916. Ce matin-là, Etienne de Beaumont l’emmène à Dunkerque. Ils y rencontrent Francis de Croisset qui est un auteur de comédies légères, romancier et librettiste, de son vrai nom Franz Wiener dont l’épouse, Marie-Thérèse de Chevigné, habitait le même immeuble Parisien que les Cocteau. Franz-François est issu d’une famille d’origine juif-allemande installée à Bruxelles. Son oncle, Léopold Wiener, sculpteur, a été bourgmestre de Watermael-Boitsfort entre 1872 et 1891. Il annonce qu’il est convié à diner le lendemain avec le général Hély d’Oissel à la villa Ravensteen de Coxyde.



Coxyde s/Mer – L’hôtel Terlinck et la digue

       Ce même jour, les Allemands déclenchent une importante attaque précédée d’un intense bombardement et qui est destinée à emporter la rive Nord de l’Yser et rejeter les zouaves sur l’autre rive. Cette tentative, similaire à celle du 9 mai 1915, échoue. Le 4e zouave se distingue une nouvelle fois puisque c’est dans son secteur que se déroulent les événements les plus graves. 900 soldats perdent la vie. Le général Hély d’Oissel établit une très longue liste de citations. Il en est ainsi du soldat René Bador sur le corps duquel on a trouvé le testament suivant : « Ceci est mon testament. S’il m’arrivait de tomber au service de la France, voici mes dernières volontés : Sain de corps et d’esprit, je donne à ma mère ce que je possède et ce que je dois recevoir dans le futur à ma majorité, c'est-à-dire la maison de ma grand-mère, …

       Je demande une sépulture religieuse dans le caveau de famille à Besmont (en France, au Sud de Chimay). Que tout le monde se console. Je meurs pour ma patrie, quoi de plus beau ! Petite mère, ton fils est près de père, où il te prépare une glorieuse place. Pleure mais espère ! Je t’embrasse comme autrefois, quand j’étais petit et que tu me berçais sur tes genoux.  Fait au camp Ribaillet, le 29 décembre 1915. René Bador 4e z, 44e cie 7e escouade ». Bador a 21 ans.



René Bador et son escouade


Attaque du 24 janvier 1916 (Général Hély d’Oissel)

       Le camp situé à la sortie de Coxyde-Bains vers Oostduinkerke, qui sera construit dès février, portera le nom de « Camp Bador ». Vers 16 heures et alors qu’il est encore à Dunkerque, Cocteau reçoit l’ordre de rentrer d’urgence à Coxyde. L’attaque Allemande vient de commencer. On a besoin des ambulances. Croisset lui prête son véhicule. Les lignes flambent. Les Allemands désorganisent le thé-tango et la petite fête chez le capitaine Helbert alors commandant de la 14e compagnie du 4e zouave. « Autre danse, autre musique » écrit Cocteau.

       Le 29 et alors que le 1er zouave dispose déjà de sa propre troupe théâtrale (« le Chacal Hurlant »), de ses acteurs, de ses textes (René Clozier, « Au Clair de la Dune »…), les zouaves du 4e , qui souhaitent organiser un théâtre au camp Ribaillet situé entre Oostduinkerke-Village et Nieuport-Ville entre la Polderstraat et la NieuwpoortSteenweg, défilent du matin au soir chez Cocteau pour solliciter ses conseils. Cocteau écrit à Gabriel Astruc, administrateur du théâtre des Champs-Elysées, pour obtenir la venue d’un acteur connu. « Rendez-moi grand service et grand service aux zouaves. Voici la chose : le secteur zouave tirailleur mixte organise un théâtre mobile pour le repos entre la relève des lignes. Nous possédons déjà quelques artistes mais l’entreprise manque d’étoiles. Une très bonne œuvre serait d’obtenir le concours amical de Dranem (1869-1935 chanteur-fantaisiste) ou autres vedettes et l’autorisation de nous les faire parvenir au front. C’est un voyage et un public splendides. Une femme – une Flory ou Mistinguett – aurait un triomphe, mais il me semble qu’on interdirait à une femme nos régions volcaniques. Je vous demande votre aide active. Cette lettre est écrite dans une guitoune d’Alger avec autour de moi le « peuple zouave » qui vous salue ». Mistinguett ne viendra pas à Coxyde même si elle est représentée sur des graffitis à Coxyde-Bains.

       31 janvier 1916. Les zouaves demandent à Cocteau de « dire quelque chose » à leur théâtre. On ne refuse rien à pareil public, rétorque Cocteau.

LA CABALE

       Le 4 février 1916, le lieutenant-colonel Richaud (ex-commandant au 1er zouave) qui a remplacé son collègue Eychêne à la tête du 4e zouave dès juillet 1915 donne l’ordre d’écrire un poème dédié au 4e zouave pour la grande fête en préparation. Richaud est surnommé par ses hommes « Réchaud » tant il est actif. Marseillais avisé, héroïque et cordial, grosse moustache, ses soldats l'adorent.



Le colonel Richaud

       Yvonne Sarcey (romancière, épouse d’Adolphe Brisson, journaliste et critique dramatique) écrit dans sa chronique « Croix-Rouge française-Union des femmes de France » pour le n° du 30 janvier des « Annales » (Cocteau y a donné des conférences) : « M.Boucher, médecin auxiliaire, 4e zouave, 4e bataillon, secteur 131, souhaite des castagnettes, guitare, flûte. Cette demande me parait d’autant plus charmante qu’elle est appuyée par le poète Jean Cocteau, soldat au 4e zouave ». Un groupe d’officiers est irrité et pense que Cocteau a signé « J.C. Du 4e Z. ». Le 5 mars apparait alors une rectification « Jean Cocteau, service des convois automobiles de la société de secours, n’appartient pas au 4e zouave, mais infirmier de la Croix-Rouge, il sert les soldats de ce régiment et c’est pourquoi il nous les avait recommandés, ce qui fut notre confusion ». Le colonel avouera par la suite que cette rectification est stupide et injuste et n’est qu’un malentendu. Néanmoins, les problèmes continuent. Cocteau est persuadé qu’on fouille dans ses papiers dans le but de le déconsidérer aux yeux des zouaves et de tenter de l’éloigner. Etienne de Beaumont, qui a certainement eu vent de l’affaire, prépare une refonte de son groupe. Un à un, les collègues sont remplacés. Cocteau semble épargné. Bernard Faÿ (1893-1978, écrivain, croix de guerre 14-18 à Verdun) écrira « la section d’ambulances aux armées est composée d’artistes et ressemble à un cirque en déplacement ce qui désolait Etienne de Beaumont ». 

       La fameuse représentation des zouaves du 4e a lieu le 17 février. En représailles, Cocteau n’y va pas.

       Le rêve des zouaves aurait été d’obtenir un cinéma, il semble à Cocteau que Pathé ou Gaumont seraient trop heureux de rendre service. A notre connaissance, il n’y aura jamais de cinéma à Coxyde, seulement de très nombreuses représentations théâtrales.

       Le 27 février 1916, Cocteau se trouve au poste zouave de Nieuport-Bains. Le midi, il a mangé à la table du colonel située dans les tranchées. Le jeune lieutenant promoteur de la cabale « Annales » est présent. Il fait la gueule à Cocteau pendant tout le repas. Après celui-ci, le médecin-chef propose d’aller jusqu’au PC du commandant situé à deux kilomètres de couloir noir. Tout à coup, Cocteau se heurte à quelqu’un qui vient en sens inverse. Il a dessiné la scène. C’est Adolphe Brisson, le directeur des « Annales » en bonnet de zibeline qui est accompagné de civils et d’un guide de l’état-major. Quelle coïncidence ! Brisson, très ému, l’embrasse. Cocteau en profite pour lui annoncer qu’il ne donnera aucune suite à « l’affaire ». « Les pauvres visiteurs, écrit Cocteau, on ne leur montre rien de grave, on leur fait croire qu’ils traversent les lignes, le drôle est qu’on se cogne la tête protégée par un casque aux voutes de rondins, que de bosses le pauvre Brisson pourra-t-il exhiber avec orgueil ». Le colonel rit aux anges et dit : « Voyez-vous, si on ne veut rien montrer, on ne montre rien ». Les anecdotes de Cocteau tournent souvent au Vaudeville.



Dans la tranchée avec Adolphe Brisson (Lettres à sa mère)


Portait A. Brisson

       En mars, la purge entreprise par Etienne de Beaumont se poursuit.

       De fin mars à début avril 1916, Cocteau est en permission à Paris. Picasso, dont il avait fait la connaissance en décembre 1915 juste avant de partir en Belgique, l’introduit à Montparnasse et, le 1er mai, Picasso dessine son portrait en uniforme. Cocteau revient à Coxyde le 7 mai.



Cocteau par Picasso - 1er mai 1916


Olga et Pablo Picasso, Cocteau - 1918

GROENENDIJK

       Autre extrait du « Discours du grand sommeil », Cocteau est dans l’ambulance avec un blessé. Son ami Gabin est au volant, la scène se passe vers Groenendijk à Oostduinkerke :

       « Capitaine ! Mon capitaine ! Nous allons arriver. » Quelle route ! Ces trous d’obus. Le brancard défonce la paroi en mesure. Impossible de l’attacher. Mon capitaine ! J’ai sa main qui sue, son bracelet-montre. « Pitié. Achevez-moi. Prenez mon revolver. Soyer charitable. » On arrive, mon capitaine, on approche. On ne voit rien au dehors. Sa balle est dans le ventre. « Ma femme, ma femme, il faut…» Taisez-vous, ne me parlez pas, vous parlerez à l’ambulance de Coxyde-village. Sortons d’abord de ce chemin où les marmites … Pouf ! Quatre. Sa pâleur éclaire, on voit ses mains, sa moustache qui tremblent. Calmez-vous, mon capitaine, on approche. « Où sommes-nous ? » À Groenendijk. « Encore ! Je ne pourrai jamais, il vaut mieux m’achever. » Calmez-vous, mon capitaine. « A boire. » Il ne faut pas boire. Il saute ! Ha, je me couche sur ses jambes pour qu’il ne saute pas dans cet enfer de ferraille, de bois, de vaisselle. Gabin ! ralentissez. Gabin ! Gabin ! Je tape. Il n’entend pas. Qui pourrait-on entendre ? Cet endroit du boyau Caporal Mabillard est traître, on y est vu de biais. Voilà déjà cinq victimes. Bon Dieu, quel choc ! Il ne dit rien. Il râle, il s’accroche à ma veste. Mon capitaine, accrochez-vous. Cet homme enfant et ces enfants qui sont des hommes.

       On ne sait plus quoi dire. Je voudrais le sauver, le tuer. « Ma femme ».  Taisez-vous. « A boire ».  Taisez-vous. C’est pour votre bien. Il faut guérir. Je vous emmène à l’hôpital, dans un lit frais, avec des femmes, votre femme. « Oh ! quel choc. Je n’en peux plus. Je n’en peux plus. J’ai soif ». Les yeux finissent par voir clair dans le noir : ses jumelles, ses bottes, son 57, l’uniforme arraché par Rodrigue au poste. Sa fiche. Son étui à cartes. Calmez-vous. Si j’avais de la morphine. Là, là, là. Ici la route est meilleure. Gabin a dû prendre à gauche. C’est un détour mais c’est meilleur. Son casque roule aux quatre coins comme une grosse coquille de moule. J’ai la migraine, la nuit étroite empeste. Il doit avoir la vessie perforée. Il se calme. Il se calme. Il se calme. Il est mort ». 

LA VIE À COXYDE  

       « On se lave avec de l'eau fétide et on couche dans des armoires à glace, écrit-il à Misia Godebska en janvier 1916, Si vous saviez comme votre tendresse me réconforte ! Envoyez douceurs pour mes zouaves – il y aurait à faire ici pour une Jeanne d'Arc – Venez. Demandez à Berthelot la permission de photographier ».

       « La cantine … campe sur la route entre Nieuport-ville et Coxyde-ville. Elle ravitaille et ravigote les troupes de relève. Elle se compose d’une remorque fumante d’alchimiste où se relayent les neufs volontaires et verse au bord de la route des litres de café noir ou de punch. Ces volontaires, assimilés au grade de sous-lieutenant, surveillés par un sous-lieutenant véritable, logent à Coxyde-ville dans une bicoque de crime. Toutes ces bicoques ressemblent à des maisons du crime, surtout celles de Coxyde-Bains, mi-détruites, anciennes villégiatures des baigneurs, Coxyde-Ville, relient, à vol d’oiseau, un cadre distordu de routes. Entre Coxyde-Bains et Nieuport-Bains, c’est la dune. Des champs, belges le long de la mer du Nord. Nieuport-Ville, Nieuport-Bains, Coxyde-Bains des fermes et un bois surnommé « Bois-Triangulaire », entre Coxyde et Nieuport-ville. L’ensemble, vide et peuplé en cachette. L’artillerie anglaise et française, mélangée, profite des dunes et des arbres. Les Zouaves et les Tirailleurs occupent les tranchées de l’embouchure de l’Yser… Ensuite, du côté de Saint-Georges, les Fusiliers Marins veillent sur un terrain chèrement conquis lors de la bataille de l’Yser. Zouaves et Fusiliers Marins se réunissent, au repos, dans les anciens hôtels et les anciennes propriétés de Coxyde-Bains. Les deux Nieuport, en ruine, n’offrent plus que l’abri de leurs caves aux chefs et aux postes de secours des différents corps. Ces villes et cette campagne, sans âme qui vive, cachent un incroyable labyrinthe de couloirs, de routes, de galeries souterraines. Les hommes y circulent comme des taupes, et on peut, entrant dans un trou à Coxyde, sortir par un autre trou, en première ligne, sans voir le ciel. Ce secteur 131 est un secteur calme. Une entente tacite nous empêche de tirer sur Ostende pour que les ennemis ne tirent pas sur La Panne, exil du roi et de la reine. Ces souverains y habitent avec les enfants royaux, enchantés, eux, de l’imprévu et d’une charmante basse-cour… Dort-on à Coxyde ? On est réveillé par les pièces de marine. Ce tir ébranle le monde et jette contre les vitres un grand liseron de lumière mauve… Les chefs des Zouaves et des Fusiliers Marins se relayent aux lignes et habitent une villa de Coxyde-Bains… Tout à coup, éclate dans l’ombre une musique extraordinaire. C’est la nouba (musique arabo-andalouse) des Tirailleurs nègres. Ils traversent Coxyde-ville. La nouba se compose d’un galoubet indigène (flute) que les soldats imitent en se bouchant le nez, en prenant une voix de tête, et en frappant leur pomme d’Adam. Ce galoubet nasillard joue seul une mélodie haute et funèbre. On dirait la voix de Jézabel (reine d’Israël). Les tambours et les clairons lui répondent. La troupe s’approche comme le cortège de l’Arche d’Alliance sur la route de Jérusalem. Les nègres viennent de Dunkerque, stupéfaits de froid et de fatigue. Ils sont couverts de châles, de mantilles, de mitaines, de sacs, de gamelles, de cartouches, d’armes, de dépouilles opimes (dépouilles d’ennemis), d’amulettes, de colliers de verroterie et de bracelets de dents. Les bas de leur corps marchent ; le haut danse sur la musique. Elle les soutient, les soulève. Leurs têtes, leurs bras, leurs épaules, leurs ventres remuent, doucement bercé par cet opium sauvage ».



La chèvre des tirailleurs


La nouba (film Thomas l’Imposteur)

EN PERMISSION A BOULOGNE

       Du 1er au 10 juin, Jean Cocteau repart en permission. Il a décidé de passer ce séjour à Boulogne-sur-Mer où il rejoint Valentine Gross. Cette ville se situe à 100 km de Coxyde et est un des deux ports importants pour l’Angleterre. Valentine y est née. C’est une artiste surréaliste qui appartient aux mêmes cercles et que Jean a connue aux ballets russes pour lesquels elle a dessiné des costumes. Elle se mariera en 1919 avec Jean Hugo, l’arrière petit-fils de Victor, lui aussi peintre. Valentine a réservé une chambre à l’hôtel Dervaux dans la grand-rue. Elle habite à quelques rues avec sa mère et lui voue, comme Cocteau, un amour dévorant. Ce penchant rapproche Valentine et Jean depuis longtemps. Cocteau se sent bien à Boulogne loin du front. Il peut profiter enfin du soleil, du balcon, du pyjama, d’un bain, d’une excellente nourriture, d’un fauteuil digne de ce nom. Il se félicite d’être là loin d’un Coxyde qui le hait mais le tient « par un cordon ombilical, qui fait du bruit ». Néanmoins, son poème en création « le secteur 131 » hante son esprit. De Beaumont qui n’était pas au courant du départ de son protégé semble s’inquiéter. Après tout, Bouvet qui lui a accordé la permission n’est pas « le grand chef ».

       Cocteau rate, de peu, la venue de Loïe Fuller qui se produit à La Panne le 10 juin. Mary Louise Fuller est une danseuse américaine, lesbienne, en France depuis le début du siècle, égérie de Toulouse-Lautrec et des Folies-Bergères et qui est un précurseur des danses Art Nouveau. Cocteau a écrit à son sujet en parlant de l’exposition de Paris 1900 : « De cette foire confuse et poussiéreuse, je conserve une seule image vivante et flamboyante : Madame Loïe Fuller. Est-il possible d'oublier cette femme qui debout sur une trappe de verre manœuvre avec des perches des flots de voiles souples, et sombre, active, invisible comme le frelon dans la fleur, brasse autour d'elle une orchidée de lumière et d'étoffe qui s'enroule, qui monte, qui s'évase, qui ronfle, qui tourne, qui flotte, qui change de forme comme la poterie aux mains du potier ? ».

OPIUM



L’opiomomane (Jean Cocteau)

       Le lendemain, 11 juin, Cocteau est de retour à Coxyde d’où il écrit : « Je vais travailler, seule ressource contre la catastrophe inerte qui endort avec pavots rouges ». Le pavot à opium, le pavot qui endort… Voilà Cocteau l’opiomane, ce créateur qui écrit et dessine, c’est la même activité, dira-t-il. Son compagnon, Raymond Radiguet, dépressif et initié à l’opium par Cocteau, mourra en décembre 1923, à l’âge de 20 ans, emporté par une fièvre typhoïde mal diagnostiquée. Dans son délire, il déclarera : « J'ai peur, dans trois jours, je serai fusillé par les soldats de Dieu ». C’est Coco Chanel qui paiera les frais d’hospitalisation et les obsèques. Chanel était une proche de Cocteau depuis 1912. C’est pendant une cure de désintoxication en 1928 que Cocteau écrira « Opium ». On peut comprendre qu’au fond, pour les zouaves, Cocteau a dû représenter tout ce qui les différencie : « parigot », mondain, dandy, homosexuel, peut-être même éphébophile, opiomane…



Cécile Sorel


Dans une publicité « Bourgeois »


Plus tard avec Jean Cocteau

       Cocteau a réussi puisque, le 15 juin 1916, le train de Paris conduit à Dunkerque la grande comédienne Cécile Sorel. La suite du trajet sera franchie en automobile. Sorel a 43 ans et est à la comédie Française depuis 1901. C’est l’éternelle fiancée de l’architecte et richissime américain Whitney Warren qui est du voyage comme à l’accoutumée. Warren sera, en 1928, l’architecte de la bibliothèque universitaire de Louvain. Font aussi partie de la virée : Beatrix Dussane de la comédie française, Carlotta Zambelli, Antonine Meunier, toutes deux danseuses à l’opéra de Paris, et Lucy Isnardon, la séduisante soprano de l’opéra de Paris. Le 17, tout ce beau monde est reçu en grande pompe à La Panne dans un cortège de fusiliers marins. Sur ordre du général Hély d’Oissel, toute la troupe loge à l’hôtel Terlinck. « Fêtes, champagne, automobile, Nieuport. Re-gerbe, re-cortège, re-accolage, caves. Cécile casque toile à sacs un peu ruiné à l’aube genre capitaine territorial, huiles et promenades clandestines près Boches » écrit Cocteau. Un spectacle est organisé au camp Bador de Coxyde-Bains en présence du prince de Teck et des souverains belges. La salle est comble. Les poilus sont aux anges. Cécile broutant des roses avec ruban des fusiliers marins autour du cou. Cécile dans un arbre cassant le télescope du colonel. Cécile chantant « Sambre-et-Meuse » dans une chambrée à 2 heures du matin. Cécile assistant avec Cocteau sur la terrasse du colonel Richaud à une attaque d’artillerie. Cécile, bonnet pompon rouge et fusil fleur au canon. Cécile sermonnant les poilus occupés à faire des trous avec leurs baïonnettes dans la toile pour la voir dans sa loge improvisée. Cécile présidant la table du général».



La fille du Tambour-major


La Marseillaise


La salle (film Thomas l’Imposteur)

       Cocteau utilisera cet épisode burlesque dans son « Thomas l’Imposteur ». Burlesque, Barnumesque, il a, en effet, jugé ces événements avec sévérité : « Parfum Sorel embaume secteur mais pauvres cabotins accumulèrent les gaffes chantant des Marseillaises, donnant des conseils d’héroïsme et du réconfort ridicules. Rien au monde n’énerve plus les poilus. C’était au seuil de tourner mal mais ils ne s’aperçurent de rien et partirent ravis sauf le Marseillais Jacques Isnardon, professeur au conservatoire de Paris qui accompagne, oublié dans les dunes par le général ». Cet épisode rocambolesque a mis Jean Cocteau en valeur aux yeux des fusiliers marins et des zouaves.

LA DOUCHE




Photos de Jean Cocteau

       L’unité médicale dispose de bains-douches et Cocteau affectionne « d’offrir des bains aux soldats » qu’il prend en photo avec l’appareil Kodak qu’il a reçu de sa mère. Cocteau écrit « Douche » avec une majuscule Preuve que cette activité est importante pour lui. De Beaumont, qui se déplace souvent à Coxyde pour contrôler le travail de ses équipes, écrit qu’il doit « se démener pour sauver la vie du pauvre poète qui risquait de se voir écharper par des Marocains ». Il s’agit d’un épisode peu glorieux qui s’est déroulé à Coxyde. Cocteau a été découvert accordant une trop grande « profusion d’intérêt » pour un jeune goumier.



Goumiers dans le Nord


Convoi de soldats allemands fait prisonniers à Dixmude

       Après le départ de la plupart de ses co-équipiers, on comprend que Cocteau aurait dû rester à Coxyde. Mais c’est l’incident de trop et c’est manifestement la raison inattendue et urgente pour laquelle il a été transféré, dès le 24 mai 1916, dans le secteur d’Amiens où il n’y a pas de troupes nord-africaines mais seulement des « poilus » français. Les lundis et vendredis, c’est à l’ambulance zouaves de l’avenue de la Mer que les douches sont accessibles. La douche (« Discours du Grand Sommeil ») : « L’usine à faire des morts avait son service d’hygiène. Tous les jours deux cents condamnés vont à la douche. Deux cents bestiaux tout nus sauf le bracelet matricule … on met les capotes, les casques, à bouillir dans une étuve. Les casques, on dirait des moules… Tous les rires sont en patois … Ils se débattent presque tous tellement ils ont peur de l’eau. Ils veulent garder leur chemise mais les fusiliers marins savent la valeur de l’eau douce qu’on respecte comme une vierge sur les voiliers… Le tour des nègres est un drame. Ils refusent de se montrer nus. Ils résistent de toutes leurs forces.  A moitié morts à l’ambulance,… ils pensaient à cacher leur sexe. Les zouaves, après la douche, se font des farces de collège. Ils se parlent du bout du monde en enroulant leur ceinture… Maintenant, c’est la chéchia. Au 4e zouave de marche, on l’entre sur l’oreille droite. Elle est basse sur la nuque. Une frange de cheveux dépasse. A 3e zouave, on la rentre par derrière. L’oreille est libre. Le 2e zouave la porte ouverte, le gland en arrière. Elle cache les oreilles. Au 1er zouave c’est pareil mais sans cacher les oreilles ».




Photos de Jean Cocteau

NOUVELLE AFFECTATION

       Le 24 juin 1916, Jean Cocteau arrive à Amiens. Son « aventure Coxydoise » est définitivement terminée.

L’ÉGLISE DE COXYDE-VILLAGE

       Sur le mur Sud de l’église de Coxyde-village, deux plaques commémoratives.

       La grande plaque rappelle le courage du 4e zouave et cite 10 noms de soldats. Cinq d’Entre-eux sont morts ensemble à Lombardsijde. Le général Hély d’Oissel écrit à leur sujet : « Le 9 mai 1915, après avoir servi une mitrailleuse dont le feu décimait les colonnes d’attaque allemandes, leur poste étant complètement entouré par les forces ennemies, ont tiré jusqu’à la dernière extrémité, et ont ensuite continué la lutte corps à corps. Sont glorieusement tombés près de leur pièce, à leur poste de combat. Sergent Parent, Caporal Georges, Caporal Trion, zouave Bourdeau et zouave Cestier de la compagnie de mitrailleuses du 4e zouave. ». A cette date, les Allemands ont déclenché une attaque sur tout le front accompagnée d’un intense bombardement. Tout a débuté à 4 H du matin. C’est ce jour-là qu’un obus a traversé le P.C. de l’amiral Ronarc’h au ras du plancher et coupé les 4 pieds de sa chaise. L’amiral s’est évanoui. Les Français perdent 31 officiers et 850 soldats. Les Allemands ont finalement échoué et laissé 1.500 morts dans les barbelés. Et pour les zouaves Bridou et Boucher, il écrit : « En sentinelles dans un poste avancé très bombardé, ont été ensevelis sous le sable. Se sont dégagés, et sont restés à leur poste d’honneur, sous les bombes, jusqu’à ce qu’ils y soient tués tous les deux.» Aucun d’eux n’est enterré dans le Carré Français.

       La seconde plaque, plus modeste, est celle de Jean Stolz, un ami d’enfance de Jean Cocteau. Dans un premier temps, « le Discours du Grand Sommeil » devait être dédié au 4e zouave.  En particulier, le dédicataire aurait été le sous-lieutenant Jean Stolz qui est tombé au front le 7 septembre 1915. Voilà un extrait du projet de dédicace : « Un soir que je me promenais aux tranchées de première ligne… le lieutenant T. me dit : « Voilà où le pauvre Stolz a été tué » – et il me montrait une pile de sacs en face d'une guitoune (en argot maghrébin, une tente). Stolz ? Quel Stolz? Le lieutenant Jean Stolz… Mais c'était mon camarade d'enfance ! … J'avais perdu Stolz à cet âge où suivant chacun sa pente, on se disperse et voici que là, en Belgique, dans la ville Sainte, on me raconte sa mort. La veille de partir en permission, son audace, sa témérité charmante en patrouille. Sa bonne humeur simple et ce « cran » que le Zouave estime par-dessus tout. » 

       Jean Stolz est mort à 25 ans juste trois mois avant que n’arrive Jean Cocteau qui retrouve sa sépulture ici. D’abord enterré dans le carré français de Coxyde, le corps est ensuite rapatrié en France par la famille.

       Extrait du Livre d’Or remis à Dorothie Feilding par le général Hély d’Oissel : « Sous-Lieutenant Stolz : Passé sur sa demande de la cavalerie dans les Zouaves, a toujours donné l’exemple des plus belles qualités de commandement et de bravoure. Tué glorieusement en se portant seul en avant pour repérer l’emplacement d’un lance-bombes ennemi. »

       Citation à l’ordre de la Brigade du 13 septembre 1915 : « A fait preuve du plus grand dévouement, en se portant, au cours d’un très violent bombardement des tranchées, au secours de Zouaves blessés. A montré le plus grand sang-froid dans l’organisation de tous les services au cours de l’action. »

       Citation à l’ordre de l’Armée du 20 septembre 1915 : « Stolz Jean, sous-lieutenant à la 43e Compagnie. Sur le front depuis la mobilisation, passé, à sa demande, des Cuirassiers dans les Zouaves, a toujours donné l’exemple des plus belles qualités militaires, de bravoure et de sang-froid. Pendant la journée du 9 septembre 1915, au cours d’un bombardement d’une extrême violence, a repéré personnellement l’emplacement des batteries ennemies et a été tué à son poste au moment où le bombardement diminuant d’intensité, il exaltait le moral de ses hommes pour faire face à une attaque ennemie qui paraissait imminente. »

EPILOGUE

THOMAS L’IMPOSTEUR

       En 1922, Jean Cocteau édite son roman, « Thomas l’Imposteur ». C’est un ouvrage largement autobiographique et qui est inspiré par son équipée à Coxyde. Le personnage principal est Guillaume Thomas, révélé par Raoul Castelnau qu’il a rencontré en début de la guerre et qui, utilisant son patronyme, se faisait passer pour le neveu du général de Castelnau, un proche du maréchal Joffre… Raoul, c’est l’imposteur. Guillaume sera « de Fontenoy ». On peut aussi faire un parallèle avec l’auteur sous d’autres aspects. Guillaume est orphelin. Cocteau a perdu son père à l’âge de 9 ans et il a été, aux yeux de sa mère, un enfant-roi. L’autre personnage important est la princesse Clémence de Bormes qui monte un service d’ambulances sur le front Belge et qui n’est autre que Misia Godebska, la pianiste ou encore la mère de Cocteau. Un troisième personnage est Henriette, la fille de la princesse, qui organise, avec sa mère, une pièce de théâtre aux armées. On se souviendra, ici, de Cécile Sorel citée plus avant. Guillaume Thomas vit dans un monde imaginaire, celui de l’enfance et des désirs. Les dunes sont les coulisses d’un théâtre, les abris des trompe-l’œil (comme les fausses dunes qui cachent des abris qu’a photographiées Cocteau). Lors de la sortie du livre, on a reproché une légèreté apparente du traitement de la guerre.

       En 1965, Georges Franju en a tiré un film sur un scénario et des dialogues de Cocteau et une musique de Georges Auric. Le narrateur est Jean Marais. Les acteurs sont des vedettes célèbres à l’époque : Emanuelle Riva est la princesse de Bormes (Misia Godebska ?), Jean Ozenne, le comte d’Orange (Etienne de Beaumont), Jean Servais, Pesquel-Duport (Adolphe Brisson ? Jacques Isnardon ?), Sophie Darès (Cécile Sorel ? Lucy Isnardon ?), Fabrice Rouleau, le fils de l’acteur-metteur en scène Raymond Rouleau, joue le rôle de Guillaume Thomas (Jean Cocteau mais il meurt comme Jean Stolz). Il y a aussi Rosy Varte qui est Madame Valiche (Madame Rumilly qui a participé, en septembre 1914, à un convoi de Misia Gobdeska ?), Jean-Roger Caussimon et surtout Edouard Dermit qui est le capitaine Roy. Dermit a joué dans 7 films de Cocteau, bi-sexuel, il a été son amant entre 1950 et 1958, et son légataire universel avant Jean Marais et Pierre Bergé (homme d’affaires et mécène, compagnon successivement de Bernard Buffet et d’Yves Saint-Laurent).

LE DISCOURS DU GRAND SOMMEIL

       Paru en 1924. Cocteau l’avait d’abord intitulé « Secteur 131 », le secteur postal de Coxyde pendant la guerre. Il s’agit d’un recueil de poèmes écrits entre 1916 et 1918. Cocteau nous y parle, en images concises, mots simples et directs, de la guerre, de son quotidien et de son horreur froide. Il a souhaité le dédier à Jean Stolz.

       Extrait de l'Adieu aux fusiliers marins (Discours du Grand sommeil)

« On me rappelle dans la Somme.
Justement ce soir je devais
rejoindre Marrast à la dune,
pour faire une patrouille.
Je viens de dire adieu aux fusiliers.
Je retourne, seul, à Coxyde,

Je ne reverrai plus les villas
De Nieuport, espèce d’Asnières,
La cuisine des ALCYONS.

Moi qui adore le soleil comme un sauvage,
Ai-je aimé cette mer du Nord !

Marrast, Cigly, Comberscure,
vous êtes des héros charmants.
Sans doute aurai-je aimé la guerre
Si j'étais resté près de vous.
J'aurais laissé partir mon ange
si j'étais resté parmi vous

Je te porte, je me résigne.
Adieu marins, naïfs adorateurs du vent ».

Pierre Marie Vincent Marrast (1884-1918), lieutenant-de-vaisseau (correspond au grade de Capitaine)
Paul Félix Cigli (1892-1916), enseigne-de-vaisseau (correspond au grade de Lieutenant)
Clément Jacques François Combescure (1886-1953), lieutenant-de-vaisseau 

HOMMAGE AUX ZOUAVES A COXYDE

       Chaque année, le lundi de Pentecôte, date anniversaire de l’inauguration du monument aux zouaves de Coxyde en 1934, un hommage solennel est rendu aux zouaves à Coxyde-Village et -Bains en présence des représentants des amicales Françaises de l’union nationale des Zouaves et des édiles communaux.

PERSONNAGES

Alain-Fournier Henri-Alban (1886-1914), écrivain

Allégret Marc (1900-1973), réalisateur, photographe

Amette Pierre, aumonier

Bador René (1894-1915), zouave

Berthelot Philippe (1866-1934), diplomate.

Bizet Georges (1838-1875), compositeur. On lui doit notamment « Carmen »

Blanche Jacques-Emile (1861-1942), peintre, graveur, écrivain.

Braque Georges (1882-1963), peintre, dessinateur, sculpteur

Brisson Adolphe (1860-1925), éditeur

Coco Chanel, Gabrielle Chasnel (1883-1971), créatrice de mode

Cocteau Jean (1889-1963)

Colette, Sidonie-Gabrielle Colette (1873-1954), écrivain, romancière

Crevel René (1900-1935), écrivain, poète surréaliste

Daudet Lucien (1878-1946), écrivain, fils d’Alphonse

De Beaumont Etienne (1883-1956), comte Parisien, mécène

De Croisset Francis (1877-1937), romancier

De Gouy d’Arsy Francis (1883-1941), amateur d’Art

De Noailles Anna, comtesse (1876-1933), poétesse, romancière Roumaine

De Teck Alexander ou Alexander Cambridge prince (1874-1957), mission Britannique à La Panne, gouverneur ou vice-roi dans l’empire Britannique

Diaghilev Sergeï (1872-1929), promoteur de l’Art russe

Dior Christian (1905-1957), couturier

Dussane Beatrix (1888-1969), actrice, comédie Française

Eugénie impératrice 1826-1920), épouse Espagnole de Napoléon III

Eychêne Gustave (1862-1952), colonel

Faÿ Bernard (1893-1978), historien, écrivain, universitaire

Feilding Dorothie (1889-1935), ambulancière

Flory Régine (1871-1926), chanteuse et danseuse de revues

Fuller Loïe (1869-1928), danseuse

Godebska Misia (1872-1950), mécène

Greeley Russell (1878-1956), peintre Américain

Gross Valentine (1887-1968), peintre

Hély d’Oissel Roger (1859-1937), général, commandant du « Groupement de Nieuport » 1915-1916

Isnardon Jacques (1860-1930), chanteur d’opéra, professeur au conservatoire de Paris

Isnardon Lucy (1879- ?), son épouse née Lucie Foreau, chanteuse Opéra-comique

Mallarmé Stéphane (1842-1898), écrivan

Massine Léonide (1896-1979), danseur et chorégraphe Russe

Mauriac François (1885-1970), écrivain, prix Nobel littérature 1952

Meunier Antonine (1877-1972), danseuse

Milhaud Darius (1892-1974), compositeur

Mistinguett, Jeanne Bourgeois (1875-1956), chanteuse, actrice

Morand Paul (1888-1976), diplomate, écrivain

Munro Hector, psychiatre Britannique, corps d’ambulance dès 1914

Nijinski Vaslav (1889-1950), danseur, chorégraphe Ukrainien

Péguy Charles (1873-1914), écrivain, poète

Picasso Pablo (1881-1973), peintre, dessinateur, sculpteur Espagnol

Proust Marcel (1871-1922), écrivain, romancier

Radiguet Raymond (1903-1923), écrivain, notamment « Le Diable au Corps »

Ronarc’h Pierre (1865-1940), officier, commandant la brigade Ronarc’h

Rostand Maurice (1891-1968), poète, romancier, auteur dramatique

Sachs Maurice (1906-1945), écrivain

Saoutchik Jacques (1880-1954), maître carrossier d’origine Biélorusse

Sarcey Yvonne (1869-1950), romancière

Satie Erik (1866-1925), compositeur, pianiste

Servais Adrien (1807-1866), violoncelliste Belge, le Pagani du violoncelle

Sorel Cécile (1873-1966), actrice

Stolz Jean (1890-1915), sous-lieutenant zouave

Stravinsky Igor (1882-1971), compositeur, chef d’orchestre, pianiste Russe

Zambelli Carlotta (1875-1968), danseuse Italienne

 

SOURCES

-   BDIC, Albums Valois, Paris

-   Clozier René,

Zouaves, Libraire de la Revue Française, 1931

Chacal Hurlant,

Au Clair de la Dune, Revue, 1915

C’est à Schlitter Partout, Revue, 1916

-   Cocteau Jean,

Thomas l’Imposteur, Gallimard, 1922

Le Cap de Bonne-Espérance suivi du Discours du grand sommeil, NRF, Gallimard, 1924, édition 1967

Lettres à sa mère, Gallimard, 1989

Photographies et dessins de guerre, Acte Sud, 2000

-   Comité Jean Cocteau, site officiel

-   Delaunoy Jeanne, Infirmières de guerre en service commandé, Memogrames, 2015

-   Franju Georges, Thomas l’Imposteur, UniFrance film, 1965

-   Hély d’Oissel Roger,

Journal de guerre, non édité

Livre d’Or remis à Dorothie Feilding, Warwickshire

-   Internet

-   Journal de la Chéchia, 1915-1918

-   Piérart Michel, Coxyde et ses zouaves, commune de Coxyde, 2016

-   Société des amis de Jean Cocteau Méditerranée, Prince des Poètes

-   Université Paul-Valéry Montpellier III, Jean Cocteau, unique et multiple

-   Vanleene Patrick, L’Anglaise et ses fusiliers marins, Academia Press, 2015

-   Zaleski, les frères Zaleski, 1914-1918, Des braves dans la Grande Guerre

 

 

 

 



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