Médecins de la Grande Guerre

Le Cardinal Mercier.

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Le Cardinal Mercier.

Son Eminence le cardinal Mercier.

Illustration d’Anto-Carte

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Prière pour la Belgique

Extrait du testament spirituel

Le Cardinal Mercier

 

Sa lettre pastorale « Patriotisme et Endurance. »

     L’univers entier a rendu hommage à la noble figure du cardinal Mercier qu’on a justement comparé aux grands évêques qui, à l’époque des invasions barbares, par le seul prestige de leur parole et de leur courage, surent défendre leur peuple et leurs villes contre les Huns et les Vandales. Ses mandements, ses lettres pastorales ont fixé, avec une admirable élévation de langage et de sentiments, la doctrine catholique dans ses rapports avec l’idée de patrie. D’autre part, dans ses démêlés avec le baron von Bissing, le second gouverneur de la Belgique, le prélat a fixé, au point de vue de la justice éternelle, le droit des peuples, momentanément vaincus, vis-à-vis de l’occupant.

Dumont-Wilden

     Le 2 août 1919, le cardinal Mercier fut nommé grand cordon de l’ordre de Léopold et cité à l’ordre du jour de la nation avec attribution de la Croix civique de 1re classe 1914-1918 : « S’arma se sa haute dignité de prince de l’Eglise et de primat de Belgique pour mieux servir ; fut, au dire même de l’ennemi, l’incarnation de la Belgique occupée. A prêché par la parole et par les actes, du premier au dernier jour de la guerre, le patriotisme et l’endurance, et a ajouté à ses titres de penseur illustre et d’évêque magnanime, celui de grand citoyen ».

          Le 3 janvier 1915, le cardinal Mercier, archevêque de Malines, adressa au clergé et aux fidèles de son diocèse une lettre pastorale dont on ferait lecture dans toutes les églises. Cette lettre, chef-d’œuvre de sentiments élevés et de sublime patriotisme, irrita les Allemands au plus haut point. Aussi, tout le monde s’attendait-il à l’arrestation du cardinal ; von Bissing, cependant, n’osa pas recourir à cette mesure de rigueur contre un prince de l’Eglise. Il se borna donc à défendre la publication et la distribution de la lettre, il eut même recours à des mensonges pour amener le clergé à ne pas donner, du haut de la chaire, connaissance du mandement, mais aucun de nos prêtres ne se laissa intimider par les menaces du gouvernement allemand.

     D’abord, la lettre rappelait les atrocités commises à Louvain et dans d’autres communes, les fusillades, les tortures infligées à des femmes, à des enfants, à des hommes sans défense. Comme prêtre, le cardinal exhorte les croyants à se soumettre à la volonté de Dieu et leur parle de Jésus à qui il a plu de souffrir et de mourir pour nous.

     Le vénérable prélat exprime en termes émus la reconnaissance qui l’anime envers nos soldats : « C’est qu’en effet nos soldats sont nos sauveurs. Une première fois à Liège, ils ont sauvé la France ; une seconde fois en Flandre, ils ont arrêté la marche de l’ennemi vers Calais : la France et l’Angleterre ne l’ignorent point, et la Belgique apparaît aujourd’hui devant elles, et devant le monde entier, d’ailleurs, comme une terre de héros. Jamais de ma vie, je ne me suis senti aussi fier d’être Belge que, lorsque traversant les gares françaises, faisant halte à Paris, visitant Londres, je fus partout témoin de l’admiration enthousiaste de nos alliés pour l’héroïsme de notre armée.

     » Notre Roi est, dans l’estime de tous, au sommet de l’échelle morale ; il est seul, sans doute, à l’ignorer, tandis que, pareil au plus simple de ses soldats, il parcourt les tranchées et encourage de la sérénité de son sourire ceux à qui il demande de ne pas douter de la patrie.

     » Le premier devoir de tout citoyen belge, à l’heure présente, est la reconnaissance envers notre armée.

     » Si un homme vous avait sauvé du naufrage ou d’un incendie, vous vous jugeriez lié envers lui par une dette d’éternelle gratitude.

     » Ce n’est pas un homme, ce sont deux cent cinquante mille hommes qui se battent, souffrent, tombent pour nous, afin que vous demeuriez libres, afin que la Belgique garde son indépendance, sa dynastie, son union patriotique et que, après les péripéties qui se déroulent sur les champs de bataille, elle se relève plus noble, plus fière, plus pure, plus glorieuse que jamais. »

     Le cardinal dit ensuite la profonde douleur que lui causent les souffrances de son pays :

     « De nombreuses paroisses furent privées de leur pasteur, J’entends encore l’accent douloureux d’un vieillard à qui je demandais s’il avait eu sa messe, le dimanche, dans son église ébréchée. 

« Voilà deux mois » me répondit-il, « que nous n’avons plus vu de prêtre. » Le curé et le vicaire étaient dans un camp de concentration à Munsterlager, non loin de Hanovre.

     » Des milliers de citoyens belges ont été ainsi déportés, dans les prisons d’Allemagne, à Munsterlager, à Celle, à Magdebourg. Munsterlager seul a compté 3.100 prisonniers civils. L’histoire dira les tortures physiques et morales de leur long calvaire.

     » Des centaines d’innocents furent fusillés ; je ne possède pas au complet ce sinistre nécrologe, mais je sais qu’il y en eut, notamment, 91 à Aerschot, et que là, sous la menace de mort, les citoyens furent contraints de creuser les fosses de sépulture. Dans l’agglomération de Louvain et les communes limitrophes, 176 personnes, hommes et femmes, vieillards et nourrissons, riches et pauvres, valides et malades, furent fusillées ou brûlées.

     » Dans mon diocèse seul, je sais que treize prêtres ou religieux furent mis à mort. L’un d’eux, le curé de Gelrode, est, selon toute vraisemblance, tombé en martyr. J’ai fait un pèlerinage à sa tombe et, entouré des ouailles qu’il paissait hier encore, avec le zèle d’un apôtre, je lui ai demandé de garder du haut du ciel sa paroisse, le diocèse, la patrie.

     » Nous ne pouvons ni compter nos morts ni mesurer l’étendue de nos ruines. Que serait-ce si nous portions nos pas vers les régions de Liège, de Namur, d’Andenne, de Dinant, de Tamines, de Charleroi ; vers Virton, la Semois, tout le Luxembourg ; vers Termonde, Dixmude, nos deux Flandres ?

     » Là même, où les vies sont sauves et les édifices matériels intacts, que de souffrances cachées ! Les familles, hier encore dans l’aisance, sont dans la gêne ; le commerce est arrêté ; l’activité des métiers est suspendue ; l’industrie chôme ; des milliers et des milliers d’ouvriers sont sans travail ; les ouvrières, les filles de magasin, d’humbles servantes sont privées de leur gagne-pain ; et ces pauvres âmes se retournent, fiévreuses, sur leur lit de douleur et nous demandent : A quand la fin ? Nous ne pouvons que répondre : C’est le secret de Dieu. »

     Nous n’avons donné ici qu’une très petite partie de la lettre pastorale du cardinal Mercier. L’écrivain belge Georges Leroy en dit à bon droit :

     « Dans cette œuvre magistrale, le primat de Belgique a parlé courageusement, en vrai citoyen belge. Dédaigneux de tout ce qui pouvait lui advenir, conscient uniquement de remplir sa haute mission épiscopale, il a, sans souci des foudres qu’il amoncelait sur sa tête, attesté des faits irréfutables, étalant sans réticences les destructions sauvages des localités, les tueries de civils innocents, les fusillades de prélats inoffensifs, de femmes sans défense et même d’enfants à la mamelle ! Il a, répondant à d’impudents mensonges dont le gouvernement allemand s’était lui-même fait le porte-parole, établi que la Belgique a, dans le concert des nations, loyalement rempli ses engagements d’honneur, mais que, par contre, l’Allemagne a violé ses serments les plus solennels.

     » Cette lettre, où la mâle éloquence d’un Bourdaloue se mêle aux sentiments les plus élevés, est un modèle de civisme et de grandeur d’âme. »

H. Van Kalken.

 

    



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