Médecins de la Grande Guerre

Sarah Macnaughtan, une brancardière au grand cœur.

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Sarah Macnaughtan, une brancardière
au grand cœur



Sarah Macnaughtan

Une écrivaine féministe et idéaliste

       Sarah fut une Ecossaise au grand cœur. Célibataire, elle ne vivait que pour l’amour des autres. A sa mort, ses héritiers trouvèrent 25 volumes comprenant tous ses diary. Sarah aimait écrire et disait d’ailleurs que l’écriture ou plutôt « l’expression » était un des besoins primordiaux de l’être humain. Dans ses notes journalières qui relataient ses voyages et observations journalières, elle trouvait l’inspiration pour écrire des romans et des nouvelles qui obtinrent en Angleterre un certain succès. La plupart de ses livres figurent aujourd’hui sur le web et peuvent être téléchargés gratuitement.

       Sarah fut une féministe convaincue. Elle était aussi persuadée qu’il fallait mettre « la main à la pâte » pour transformer le monde. C’est ainsi qu’on la retrouva aidant le quartier pauvre du London’East End puis, en Afrique du sud, durant la seconde guerre des Boers (1899-1902) au service de la Croix-Rouge et enfin, aidant les victimes de la guerre des Balkan (1912-1913) en s’engageant dans le « Women’s convoy Corps » dirigée par une autre femme assez extraordinaire, la dynamique Mabel St Clair Stobart[1] !



Mabel St Clair Stobart

Brancardière volontaire dans Anvers assiégé par les Allemands

       A cinquante ans, notre célibataire endurcie se mit à nouveau sous les ordres de Mabel St Clair Stobart au sein de sa nouvelle association, la « Women’s Imperial Service League ». Cette formation hospitalière mobile était composée uniquement de femmes (médecins, infirmières, interprètes, cuisinière…) qui voulaient mettre leurs compétences au service de la « little poor Belgium » envahie par Guillaume II. 

       Nous suivrons ensemble Sarah pendant la Grande Guerre grâce aux notes de celles-ci écrites dans son diary que nous avons traduites et résumées. Le diary de Sarah fut publié sous le nom de « My war experiences in two Continents », en 1919 par la nièce de Sarah qui ajouta en fin d’ouvrage, sa contribution personnelle, en épiloguant sur la vie de sa tante bien aimée.



Mrs Stobart (centre) avec son équipe à Anvers. Sept 1914. (Photo de l’Imperial War Museum Collection)

       Sarah débarque avec son unité à Anvers le 22 septembre 1914. La ville leur offre un  grand bâtiment, la salle de concert philarmonique, qui, aussitôt, reçoit 40 blessés légers provenant d’un autre hôpital. Le 28 septembre, Sarah aidés de deux brancardiers prennent « livraison » d’autres blessés et bientôt les cent lits de l’hôpital sont occupés.

       Les brancardiers ont fort affaire pour nourrir les soldats hospitalisés qui, souvent, n’ont plus mangé depuis plusieurs jours. Quant à l’eau dont un hôpital fait grand usage, son approvisionnement est difficile car un obus a détruit le réservoir de leur immeuble. Le 4 octobre, après quelques jours seulement de travail, le consul britannique vient signifier à  Mabel St Clair Stobert que tous les Anglais doivent quitter Anvers. C’est la confusion la plus extrême.

       Peu après, un contrordre permet aux volontaires britanniques de rester encore sur place. La journée est dramatique car les sonneries annoncent sans aucune accalmie l’arrivée de nouveaux blessés. Sarah mentionne dans son diary que l’on pleure partout et que l’horreur est trop douloureuse pour être décrite. Les 400 lits sont rapidement tous occupés et les infirmières et médecins débordés ne savent plus comment rencontrer les besoins des blessés. Le nombre de soignants est insuffisant et, écrit Sarah, devraient être au moins le double… Nuit et jour, la ville est bombardée. Les nouvelles ne sont pas de bon augure. Des soldats anglais signalent à Sarah que Churchill leur aurait donné l’ordre de tenir Anvers jusqu’au dernier homme !

       L’hôpital finit par manquer de lits et l’on doit disposer les nouveaux entrants sur de la paille dans le grand hall d’entrée. Certains d’entre eux sont parvenus à être évacués du front grâce à la voiture d’une certaine Mrs O’Gommon qui raconte à Sarah que personne ne se préoccupe des blessés qui sont abandonnés autour de la ville… Hélas, Sarah ne nous dit pas plus sur cette courageuse Lady O’Gommon. Avec une certaine perplexité, elle mentionne ensuite dans son diary qu’elle a essayé de trouver un peu de répit dans la chapelle improvisée dans son hôpital. Mais le calme qui y règne ne la soulage pas et Sarah expérimente que c’est encore près des blessés qu’elle se sent le mieux. Ceux-ci réagissent différemment à la douleur, écrit-elle, selon que ce sont des Anglais ou des Belges. Les Anglais, d’après Sarah, sont plus dignes et elle cite, dans ses mémoires, le cas d’un officier Belge à qui on doit arracher une dent et qui supplie le docteur de lui injecter de la cocaïne. On le lira à de multiples reprises dans son diary, Sarah voue une admiration sans bornes aux soldats britanniques et encore plus à ceux qui proviennent d’unités écossaises. Nous laissons à Sarah ce petit chauvinisme bien compréhensible qui ne la quittera jamais.

       Le 7 octobre, le dernier bateau a la possibilité de quitter Anvers pour l’Angleterre. Finalement l’ordre vient d’abandonner la ville. Les blessés sont évacués et le personnel monte dans trois bus anglais remplis de caisses de munitions. Sarah note avec effroi que des infirmières fument une fois assises sur les caisses !  Finalement, c’est à la gare d’Anvers que Sarah est déposée. Elle embarque alors dans un train à la longueur démesurée qui rejoint Ostende. Le 10 octobre, la quasi-totalité de l’unité de Madame Stobart rejoint l’Angleterre mais Sarah et une nurse, Sister Bailez refusent de terminer prématurément leur mission.

Sarah s’engage dans l’équipe du Dr Munro pour ne pas rentrer en Angleterre

       Le 12 octobre, Sarah déambule dans Ostende jusqu’au moment où, dans la soirée, elle rencontre le Dr Munro, chef d’une autre unité anglaise de volontaires, le Munro’s Flying Ambulance Corps, composée uniquement d’ambulances motorisées. Une unité qui n’est pas destinée à se transformer en hôpital de campagne mais dont la vocation est le transport et l’évacuation des blessés. Dans l’équipe du Dr Munro, se trouvent des femmes remarquables.

       Elsie Knocker et Mari Chisholm auront leur heure de célébrité pour avoir créé de leur propre initiative, sur le front belge à Pervyse un poste de secours. Dorothie Fielding gagnera elle aussi une certaine notoriété pour avoir été un chauffeur d’ambulance ayant fait preuve d’un courage peu commun, particulièrement lors des nombreuses évacuations des soldats français blessés de Nieuport. Rappelons ici que, si l’Yser était défendu par l’armée belge, les Français gardait cependant l’extrémité nord du front, c’est-à-dire, l’embouchure de l’Yser à Nieuport, tandis qu’au sud, l’armée anglaise occupait le saillant d’Ypres.

       Sarah rencontre donc le Dr Munro et ses ambulancier(e)s qui après avoir œuvré à Anvers et à Gand se sont repliés aussi sur Ostende. Sarah est manifestement impressionnée par ces femmes, chauffeurs d’ambulance, qui sont les toutes premières femmes à porter des pantalons de couleur kaki ainsi que des bottes semblables à celles que portent les hommes. Cet équipement les fait ressembler à des soldats. Sarah pourtant féministe est surprise par cette audace vestimentaire !

       Après une courte discussion, le Dr Munro engage Sarah dans son personnel. Il sait l’importance qu’il y a de compter dans son personnel un écrivain qui pourra jouer de sa notoriété pour publier dans la presse anglaise des comptes-rendus et des appels à la générosité. Pour le Dr Munro, sa rencontre avec Sarah  est providentielle car il vient de perdre dans son équipe, May Sinclair, auteure très connue de romans psychologiques dans lesquels elle faisait grand usage des découvertes de Freud. May Sinclair s’était vue obligée de rejoindre l’Angleterre, incapable qu’elle était, de supporter plus longtemps les misères de la guerre. Sarah rejoint alors Dunkerke avec l’équipe du Dr Munro qui espérait trouver là-bas une nouvelle destination pour se rendre utile.

       Sarah, dans son diary, émet parfois des réflexions intéressantes sur les différences entre les hommes et les femmes. On reconnaît là sa lutte féministe. C’est ainsi qu’elle signale que les femmes protègent la vie avant tout parce qu’elles savent ce que cela leur coûte en la produisant, tandis que les hommes protègent avant tout leurs biens matériels parce qu’ils les ont produits. Et Sarah conclut : « je revendique autant de protection à la vie que ce que les hommes exigent pour leurs biens ; il y a un manque total de cohérence entre le désir des hommes d’accroître leurs possessions et le fait qu’ils puissent si facilement laisser de jeunes hommes en train de mourir, les poumons perforés ou perdant leur sang »

Sarah, brancardière à Furnes, dans le seul hôpital du front de l’Yser

       Le 22 octobre, le convoi d’ambulances motorisées du Dr Munro est affecté à l’hôpital anglais qui a quitté Anvers pour s’établir à Furnes. Il s’agit du « British Field’s hospital for Belgium ». Cet hôpital de volontaires anglais représenta une aide capitale à l’armée belge. En effet, jusqu’au mois de janvier 1915, il fut le seul hôpital au service des soldats belges (et français) en service dans les tranchées de l’Yser. Les ambulancières et les brancardiers anglais auront fort affaire pour chercher les blessés de la bataille de l’Yser et les ramener au seul hôpital en fonction. Dans la cour du collège où s’est installé l’hôpital, le spectacle est impressionnant. Les véhicules d’ambulance sont constamment déchargées et à côté du parking réservé à ces voitures, on aperçoit une zone dans laquelle les matelas imprégnés de sang et sur lesquels ont succombés des blessés sont nettoyés tandis qu’un gros tas de pansements sales ne cesse de brûler. Dans les locaux du collège, les cas urgents y sont opérés tandis que les blessés légers sont pansés puis conduits à la gare de Furnes pour être évacués vers Dunkerke et Calais. La Reine des Belges est vite mise au courant de la tâche essentielle dévolue à l’hôpital anglais. Elle viendra rapidement visiter les blessés et encourager le personnel. Parmi les soldats hospitalisés, Sarah mentionne le nom d’un héros méconnu, il s’agit de Mr Dick Reading, un anglais, éditeur d’un journal de sport et qui, curieusement, servait dans une voiture blindée de l’armée belge. Son véhicule atteint par un obus, il parvint à s’en extraire malgré les deux jambes cassées et arriva à l’hôpital de Furnes, raconte Sarah, aussi luisant qu’un bouton et fumant en riant un cigare !

       Le 2 novembre, les combats diminuent en intensité. La brancardière Sarah se demande alors comment mieux être utile car elle n’est pas infirmière ni chauffeur. Ayant constaté que beaucoup de soldats blessés étaient évacués par train sans avoir pu se restaurer les dernières 48 heures, elle a l’idée de créer une cuisine volante à l’intérieur de la gare de Furnes pour fournir aux soldats de la soupe et du café.

       Avant de réaliser son objectif, elle prend au préalable un congé durant lequel elle rejoint la Normandie. Le 7 novembre, on la retrouve cependant à Saint-Malo en train de travailler : elle panse durant la nuit des dizaines de soldats blessés en transit dans un immense hangar des chemins de fer. Il y a là plus de 700 blessés qui reposent sur de la paille ! Ce sont des Français, des Belges, des Sénégalais… De Saint-Malo, elle rejoint Boulogne où elle visite une de ses connaissances, un officier anglais du nom d’Alan et hospitalisé après avoir été blessé à Ypres. Elle retourne ensuite via  Dunkerque à Furnes.



Furnes – Ambulance de la gare

Sarah installe une cuisine roulante dans la gare de Furnes

       Le 27 novembre, Sarah démarre son projet à la station de Furnes. Elle investit un coin de la gare avec deux marmites. L’une destinée à la soupe et l’autre au café. Le premier convoi de blessés arrive à 9h30. Des centaines de blessés ont la joie de se réchauffer et de se nourrir un minimum. Une routine qui va durer plusieurs mois s’installe avec des journées de plus en plus longues pour Sarah, car sa petite cuisine répond à un besoin essentiel. Ce n’est que, la nuit bien entamée, qu’elle peut enfin rejoindre son logement. Entre la gare et sa chambre, elle doit encore marcher un « miles ». Cette dernière est située dans la villa du docteur Joos qui a décidé, avec sa famille, de partager sa demeure avec le staff de l’ambulance du Dr Munro ! Très beau geste ! Dix-sept volontaires anglais y logent malgré le fait qu’ils ne disposent que de trois lits ! Le seul luxe de Sarah est de posséder une lampe électrique qui l’éclaire la nuit dans les rues désertes de Furnes quand elle rejoint enfin sa paillasse où souvent, écrit-elle, elle découvre une délicate attention du jeune aumônier faisant partie de l’équipe du Dr Muro. Une attention qui est souvent, glissé dans ses draps un thermo d’eau chaude ou un peu de nourriture enveloppé dans un sac en papier.

       Chaque jour Sarah doit trouver des légumes pour sa cuisine volante. Contre vents et marées, elle y parvient. Des constatations toutes simples lui donnent de nouvelles idées. Tout en distribuant sa soupe, elle a vite fait de remarquer l’état lamentable dans lequel se trouvent les pieds de nombreux soldats. Elle réclame alors à ses amis anglais des centaines de bas à lui faire parvenir par caisses entières via Douvres et, dès leur réception, entreprend de les distribuer !

       Un évènement douloureux marque la bienfaitrice : dans le village de Lampernisse, l’église dans laquelle dormaient 500 soldats a été bombardée faisant de nombreuses victimes.  De nombreux blessés transiteront par la gare et suscitent la pitié de Sarah.



Ci-dessus la tombe commune installée à côté de l’église en ruines. Deux soldats belges furent parmi les vctimes : Verbeek Pierre Hubert et Winten Pierre Guillaume

       Décembre 14. Sarah mentionne la visite à Furnes de Marie curie et de sa fille. Elle explique que sa vie est limitée à la soupe et aux hommes qui la boivent ! Le transport des blessés s’améliorent. Les wagons sont maintenant munis d’éclairage et sont chauffés. Des prêtres-brancardiers accompagnent les blessés couchés. Le 8 décembre, Sarah mentionne qu’elle possède maintenant une charrette peinte en rouge pour transporter son matériel et se déplacer facilement avec sa soupe le long des wagons. Sa petite carriole donne de l’amusement aux soldats. C’est son amie Clemmie Warring qui orna la carriole et lui fit envoyer. Ce jour-là la gare fut bombardée et entraîna la mort d’un homme tandis, qu’en même temps, la station était envahie par des civils fuyant Coxyde très sévèrement bombardé. Sarah mentionne avoir dût refaire de la soupe pour ces malheureux civils.

       Le 12 décembre, Sarah explique sa tristesse en voyant un blessé arrivé à la gare et transporté à l’hôpital. Il était gelé et était resté sans aucuns soins pendant 8 jours. Personne ne savait qui il était. Seul signe de reconnaissance, un portrait de femme tatoué sur sa poitrine ! Sarah, conclut avec justesse que ce soldat avait donc été jusqu’à sacrifier son nom à sa patrie !

     Le 16 décembre, elle mentionne que suite à l’offensive alliée, de nombreux blessés sont arrivés à la gare. Parmi eux un jeune officier français qui seulement répétait « C’était horrible, horrible ! ». En un mois, sa cuisine s’est aussi améliorée car elle dispose d’un endroit plus spacieux pour ses fourneaux où sont continuellement préparés soupes et même repas. Sarah s’est entourée aussi d’une équipe de volontaires qui peuvent l’aider. Parmi ces volontaires, des religieuses et des femmes belges. Parfois des querelles surviennent et, écrit Sarah dans son diary, ces disputes paraissent ridicules lorsque la mort est si proche mais rien n’y fait car la nature humaine a ses limites…

       Le 22 décembre, Sarah s’en va à Dunkerque pour faire du shopping. Malheureusement son chauffeur repart à Furnes sans elle, et elle est obligée de mendier un logement. Un compatriote, le capitaine Whiting lui céda son logement et alla dormir au mess. Elle eut la bonne surprise de trouver le matin ses bottillons cirés et de l’eau chaude à sa porte. C’était l’ordonnance de l’officier qui lui avait préparé ces douceurs et écrivit-elle, elle se sentit presque comme chez elle en Ecosse !

       De retour le 25 à Furnes, Sarah assiste à l’office religieux dans la salle des infirmières de l’hôpital, transformée en chapelle pour la fête de Noël. Le jeune aumônier Streatfield avait décoré l’autel de façon extraordinaire. La cérémonie fut suivie par une fête pour égayer les enfants des réfugiés. Chacun d’entre eux reçut un cadeau au préalable suspendu à l’arbre de Noël. Ensuite les enfants les plus âgés s’assemblèrent pour chanter en anglais l’hymne national « God save our nobler King ». La fête venait de se terminer quand un terrible bombardement toucha la ville. Un enfant surgit devant Sarah et l’aumônier Streatfield en criant que sa Maman était gravement touchée au bras par un obus. Le bombardement dura une heure, après quoi, le repas de Noël du personnel eut lieu mais le cœur n’y était plus. Sarah ne s’y attarda pas et se rendit à la gare pour distribuer la soupe.

       Le 31 décembre, Furnes connaît une rare journée de soleil que regretteront tous les habitants et soldats qui y séjournent. Les pilotes allemands profitent du beau temps pour bombarder la ville et sèment la désolation autour de la gare, tuant des femmes, des hommes et des enfants. Un chauffeur français signale à Sarah avoir ramassé une cuisse d’homme dans la rue ! Le mauvais temps qui règne souvent est en fait une bénédiction pour Furnes.

       6 janvier 1915. La gare de Furnes semble devenue trop dangereuse. Sarah décide qu’il serait plus adéquat de continuer la distribution de soupe à la gare d’Adinkerke.

       Le 14 janvier, elle retourne en Angleterre pour prendre un repos bien mérité. Elle conclut son séjour à Furnes en écrivant :
Quelques personnes profitent de la guerre. Je pense que c’est la pire époque que j’ai vécue avec néanmoins une seule exception (Note de l’auteur de cet article :  Sarah n’explique pas dans son diary l’évènement qui fut pour elle dans sa vie le pire de tous).
J’ai vu souffrir des hommes beaucoup plus que la plupart des gens. Un médecin connaît son hôpital et une infirmière ses malades et blessés mais moi, je les ai vus par centaines défiler devant moi sur les quais d’un train sans fin. Je peux m’en faire une réalité mieux que quiconque. Je les ai nourris, et puis ils s’en allèrent...

       Sarah écrit aussi qu’elle se souviendra toujours de Furnes comme un endroit composé de rues humides et sombres. Comme d’un endroit où elle passa des soirées longues et pluvieuses durant lesquelles elle se sentit extrêmement solitaire, accompagnée la nuit de sa seule lanterne…. Pas une fois, avoue-t-elle, elle n’eut l’occasion d’exprimer ses sentiments à quelqu’un. Ses conversations, dit-elle, se limitèrent en français à seulement quelques gentilles personnes de la « middle class ».



La gare d’Adinkerke


La gare d’Adinkerke

Sarah installe cette fois sa cuisante roulante dans la gare d’Adinkerke

       Le 25 janvier 1915, la courageuse Sarah est de retour sur le continent. Le 8 février, elle se trouve à La Panne mais attrape froid. Elle décide alors de se faire soigner à Dunkerque. Ma journée à La Panne, écrit-elle, fut très triste et je mourus presque de froid. Pas une âme ne s’approcha de moi et j’aurais voulu être à ce moment-là un réfugié belge pour pouvoir bénéficier d’un peu d’attention. Comble de tout, ce-jour-là, un officier belge vint aussi la trouver à la gare d’Adinkerke pour lui signifier qu’il voulait réquisitionner l’emplacement de sa cuisine dans la gare et cela pour y placer son bureau. Quelle ingratitude !

       Le 14 février, malade, Sarah séjourne à Dunkerque dans un flat où se réfugie, pour trouver un peu de repos, de temps à autre, un membre de l’ambulance du Dr Munro. Sa solitude est rompue, elle y retrouve en effet l’aumônier anglican Strickland ainsi que l’infirmière Miss Logan. Le 18 février, elle reçoit la visite de Mr Holland, un chauffeur d’ambulance et, ensemble, ils évoquent les anecdotes de leur travail au service des soldats. Sarah lui raconte alors les horripilantes visites à la gare de femmes qui se portent volontaires et qui finalement la quittent après seulement quelques heures de travail. Sa dernière expérience avec une de ces dames fut surprenante. Une Américaine osa lui dire : « Je souffre de dépression et c’est pour cela que je suis venue ici. Ce qui est « votre guerre » est pour moi « ma paix », et maintenant je dors comme un bébé ». Ces femmes, qui viennent lui proposer de l’aide et qui ne restent pas, Sarah les appelle les « Celui-là n’a encore rien reçu ». Elles ont l’art, après quelques minutes, de lui faire remarquer que tel ou tel soldat n’a encore rien reçu alors qu’il est peut-être interdit de lui donner à manger parce qu’il souffre d’une affection abdominale. Elles seules, croient-elles possèdent un cœur généreux mais, dit Sarah, quand elles donnent un peu d’eau à un blessé, ces Ladies demandent qu’on l’aide et il leur faut toujours à leurs côtés quelqu’un pour écouter leurs doléances !

       Le 25 février, Sarah est de retour à La Panne où elle loge à l’hôtel Kursaal. Chaque jour elle se rend à Adinkerke où elle distribue la soupe aux soldats blessés en attente du train qui les conduira en France dans les hôpitaux de l’arrière. Le 27, elle quitte sa chambre pour aller loger à la villa « Les chrysanthèmes » dans une chambre qu’elle partage avec une certaine Mrs Clitheroe… Les distractions sont rares mais Sarah trouve de temps à autre une consolation en allant souper dans la péniche de Maxime Elliott, Lady Drogheda et mademoiselle Close. Ces mécènes ont acheté une péniche sur le canal et l’ont rempli de vivres et d’habits. Tout ce matériel est destiné à aider les réfugiés !

       A la gare, la pauvre Sarah a bien du mal à garder son matériel. Son beau thermo est volé comme une grande quantité de cuillères en métal. Cela lui fait dire que l’aide directe n’est peut-être pas la bonne solution. Il faudrait-mieux, dit-elle, aider le gouvernement belge et le laisser lui-même distribuer cette aide. Evidemment malgré cette amertume, Sarah continue son travail. Ses relations sociales sont rares, parce que, dit-elle, elle est considérée comme « une simple cuisinière ». Mais en réalité, pense Sarah, nous sommes de toute façon toujours seul et incompris, exactement comme le Christ qui, s’adressant à Philippe, lui dit « J’ai été parmi vous si longtemps et vous dites ne pas encore me connaître ? » La méconnaissance est difficile à supporter.

       Sarah se sent à nouveau malade mais il n’y a personne pour le remarquer. Deux exceptions : un artiste belge malade, Monsieur Rotsartz qui la regarde travaillant et fit son portrait et une dame anglaise, Lady Bagot[2]. Cette dame faisant partie de l’organisation « Church Army »  fonda un petit hôpital de volontaires à Caen avant de le transférer en janvier 1915 à Adinkerke à proximité de la gare. Une femme très idéaliste qui participa aussi, comme volontaire secouriste, à la seconde guerre des boers. Elle écrivit son aventure dans un livre « Shadow of the war » publié en 1900.  Sarah, quand elle se sent seule va souvent prendre le thé avec Lady Bagot dont les baraques en bois jouxtent la gare.



Lady Bagot

       Le 13 mars, déception pour Sarah, au moment où elle rentre dans la gare elle est abasourdie en voyant la propreté des installations, la nouvelle paille etc… Elle apprend que la Reine Elisabeth est passée la veille, juste au moment où elle se trouvait à Dunkerque pour faire provision de légumes, fruits, cigarettes…

       En avril 1915, Sarah passe quelques jours, à Londres pour mettre au point la publication de son petit livre « A woman’s war diary » dans lequel elle raconte ses premiers mois de guerre en Belgique et grâce auquel elle espère pouvoir gagner quelques sous pour sa cuisine roulante. Sarah reprend bien vite le chemin de l’Yser après avoir vécu un parcours très stressant pour obtenir à Londres un passeport lui permettant de revenir sur le front belge. Elle écrit qu’emporter tous ses papiers, lui donne l’impression d’emporter une véritable bibliothèque.

       Quand enfin elle parvient à Adinkerke, c’est pour découvrir sur le quai de la gare un wagon rempli d’enfants sans parents, en attente d’évacuation vers la France. Des soldats brancardiers leurs donnent des biscuits. Le spectacle est d’une grande tristesse !

       Sarah veut distribuer des bas aux soldats blessés mais les femmes volontaires qui l’aidaient pendant son absence ont épuisé entièrement son stock d’une centaine de paires. Sarah leur en veut très fort mais, écrit-elle, elle finit par leur pardonner en pensant qu’elles ont certainement eu fort affaire pendant son absence. De plus, continue à écrire Sarah, se quereller dans la petite cuisine de la gare semblerait tout-à-fait inconvenant !

       Le dimanche 2 mai, on la retrouve en visite à l’hôpital l’Océan pour voir le Dr Depage. Elle a l’occasion de voir un bébé de trois semaines avec ses deux petits pieds blessés. Sa maman blessée partout vient de mourir sur la table d’opération. Un jeune homme, les larmes aux yeux, regarde l’enfant et dit « Un joli coup au but à 15 miles ! ». Cette phrase heurte Sarah qui n’en comprend pas la triste ironie et, qui écrit sur son diary, qu’on ne devrait jamais blaguer avec ces choses-là.

       Retournée dans sa gare surpeuplée, Sarah commente l’odeur qui y règne pour en arriver à cette conclusion amusante. J’ai découvert, écrit-elle, qu’en Belgique, toutes les choses ont exactement la même odeur. Aujourd’hui, j’ai senti différentes objets qui devraient avoir des odeurs différentes (tabac, fromage, lilas..), et bien non, aucune différence !

       10 mai, Sarah se rend à l’hôpital l’Océan pour visiter deux soldats écossais. L’un des deux lui dit en éclatant en pleurs  « Je ne peux oublier cette nuit ! ». Cette nuit, celle, où il fut blessé à sept endroits et dut péniblement ramper jusqu’à un dug-out !

Sarah, horrifiée de l’attitude de certains femmes devant les soldats

       Le 12 mai, Sarah est horrifiée en entendant des ragots provenant des femmes volontaires qui travaillent avec elle dans la gare. Elle se demande pourquoi ces femmes sortent de chez elles pour aller sur le front :
Donnez-nous des hommes pour la guerre, écrit-elle et personne d’autres sauf… des nonnes !  Je suis étonnée, dit-elle, de l’engouement des femmes pour les hommes ; je vois des femmes mortes de fatigue qui d’un seul coup deviennent étincelantes lorsqu’un homme apparaît ; et lorsqu’elles sont seules, elles semblent de suite replonger dans l’apathie et la fatigue. Pourquoi ne restent-elles pas chez elles ? Il y a des exceptions mais la guerre semble les pousser dehors. C’est vraiment inacceptable pour l’honneur des femmes et de l’Angleterre.
L’autre jour, j’ai entendu des ladies ayant une discussion osée sur des questions morales…Honte à mes modestes ancêtres ! Sommes-nous en temps de guerre quand je vois dans une pièce remplie d’hommes, des femmes qui boivent et fument en culotte de golf  ? Je crois que je devrais être plus tolérante mais là cela va trop loin !  Les jolies femmes et les femmes faciles devraient être enchaînées. Laissons les hommes rencontrer leur Dieu avec leur conscience claire. La plupart d’entre eux seront tués avant que la guerre se termine. La seule chose que nous pouvons sûrement faire est de ne pas leur offrir de tentation. La mort, la destruction et l’horreur et le magnifique héroïsme semble si proche d’eux et si transcendant et, à portée de leurs mains, se trouve la malveillance en action.

Sarah raconte l’histoire du pilote Rhodes Moorhouse  

       Le 14 mai, Sarah mentionne plusieurs faits de guerre dont l’histoire de Rhodes Moorhouse. Ce pilote anglais en bombardant la gare de Courtrai fut atteint par des balles et, malgré ses blessures, ne voulut pas atterrir dans les lignes allemandes. Il réussit à atterrir dans les lignes britanniques sans occasionner de dégâts à son appareil. On le sortit de son cockpit très mal en point mais Rhodes Moorhouse insista pour rédiger son rapport avant d’être transporté à l’hôpital. Il mourut le jour suivant, le 27 avril et fut le premier pilote à obtenir la Victoria Cross.

       Son fils appelé William avait moins d’un an quand son père mourut. Il devint lui aussi pilote et joignit le 601 Squadron de la RAF. Il fut abattu et tué durant la bataille d’Angleterre juste après avoir été décoré de la DFC. Père et fils, pilotes de guerre, reposent ensemble à Parnham House, Dorset, England.



William Bernard Rhodes Moorhouse

Encore une histoire racontée par Sarah ; celle d’un géant héroïque sans bras ni jambes

       Sarah raconte aussi dans son diary l’anecdote concernant un héroïque soldat dont le nom n’est pas mentionné, un géant de six pieds et deux « inches », à qui l’on dut amputer les deux bras et les deux jambes. Ce grand invalide se tourna vers le docteur qui venait lui rendre visite et lui dit, « je ne pourrai plus me plaindre maintenant des lits trop courts ! » On raconta aussi à Sarah que, quand les médecins et infirmières venaient s’occuper de lui, il avait toujours cette phrase à la bouche : «  J’ai bien peur que je prenne tout votre temps ». Les parents du soldat parvinrent à l’hôpital mais arrivèrent trop tard pour voir leur fils vivant.

Sarah continue raconte ce qu’elle entend sur les anges de Mons et les mains d’enfants coupées

       Le 17 mai, Sarah raconte à nouveau des nouvelles qui lui sont rapportées. Notamment l’histoire des « Anges de Mons » apparus en août 14 dans le ciel et qui protégèrent les Anglais dans leur retraite. Sarah écrit aussi que Mrs Wynne, lui confia qu’un médecin belge lui avait confié avoir un jour regardé dans le sac d’un officier allemand blessé et qu’il y avait trouvé quantité de mains d’enfants ! Cette histoire, une fausse rumeur, est semble-t-il prise au sérieux par Sarah comme elle fut prise au sérieux plusieurs mois auparavant par le grand poète belge Verhaeren. Qui était Mademoiselle Wynne ? Une des chauffeurs du corps d’ambulance du Dr Munro.

       Sarah mentionne ces choses, dit-elle, parce qu’elles doivent être connues du public et je les dirai, continue-t-elle, lors de mes conférences quand je serai de retour au pays ! On en conclut que si Sarah avait beaucoup de qualités, elle ne se préoccupait pas beaucoup de vérifier ses sources !

       Sarah a maintenant pris sa décision, elle veut passer à autre chose et rentrer en Angleterre pour témoigner de la réalité du front. Des témoignages qu’elle veut d’abord donner aux ouvriers des usines d’armement, qui doivent comprendre pourquoi et pour qui ils travaillent !

       Le 23 mai, elle assiste à l’office à l’hôpital l’Océan et puis s’en retourne avec le Prince Alexander qui fait partie de la délégation britannique à La Panne. Sarah décrit aussi une soirée passée avec des compatriotes au restaurant Teirlinck, appelé par elle « the Ierlinck ». Elle est heureuse d’y retrouver des compatriotes comme un certain Mr Clegg et un certain Mr. Hubert Walker.



L’hôtel Teirlinck

       A la gare le travail continue, beaucoup d’évacués, soldats anglais, sont des victimes des gaz. Beaucoup ont trouvé un refuge provisoire dans l’hôpital de Lady Bagot dont les baraquements sont situés à proximité de la gare. Il y a des Highlanders, des Seaforths, des Higland Territorials… Sarah prépare pour eux du vin chaud qu’elle distribue sur le quai. Curieusement, à un moment donné, une musique militaire (« A band ! ») apparaît sur un quai et joue « God Save the King ». Sarah voit alors les blessés se redresser et juste à ce moment un avion survole la gare tandis que le train d’évacuation pénètre dans la gare. Un train sanitaire dénommé « Lou-Lou » et très coloré dit-elle ! Tous ces évènements survenus en même temps créent un moment surréaliste.

       Le 28 mai, Sarah visite Nieuport qui sous les obus est littéralement transformé en champ de ruines. Mr.Bevan lui montre un immense cratère de 42 « pieds » créé simplement par un obus 75. Elle visite aussi deux postes de secours. Sur Nieuport, écrit-elle, les Allemands tirent 3.000 obus par jour !

       Sarah écrit un long texte sur les rossignols qui chantent le printemps malgré la guerre au-dessus des sons de mort et de larmes.

Sarah veut passer à autre chose. Elle termine sa « cuisine volante »

       Le 3 juin, Sarah s’en va pour Boulogne puis pour l’Angleterre.

        Voici ce qu’écrivit un journaliste sur son travail en Belgique. Sarah conserva dans son diary cet article découpé d’un journal anglais et dont nous ne savons rien sur l’auteur.

       « Il faisait noir quand mon véhicule stoppa à la petite gare d’Adinkerke où j’étais invité à visiter la cuisine de soupe établie là par une dame écossaise. En temps de paix elle est un auteur distingué ; en temps de guerre, elle est comme une mère pour les soldats belges qui la croisent. Je peux le voir maintenant, elle est à côté de ses marmites ; distribuant des gants et des moufles aux hommes qui ont été acheminés du front durant la nuit. Il faisait bigrement froid et ses dons étaient donc reçus avec beaucoup de gratitude. Depuis un bon moment, cette femme talentueuse prépare elle-même chaque goutte de sa soupe et elle a, comme un médecin militaire belge me le disait, sauvé plus de vies que lui grâce à ses tasses de chaude et nourrissante soupe. Ce sont seulement les plus gravement blessés qui rejoignent l’hôpital de campagne directement ; les autres sont transportés directement à la gare et doivent souvent attendre des heures qu’un train puisse les charger. Et les trains de blessés souvent doivent être aiguillés pour laisser passer en priorité les trains chargés de troupe pour le front. Mais, grâce à cette initiative, et au travail de cette brave dame, il y a toujours suffisamment de nourriture pour les hommes qui, déjà affaiblis par les pertes de sang, sont souvent, en plus, tenaillés par la faim. »

Sarah, conférencière en Angleterre dans les usines de guerre

       En Angleterre, Sarah a accepté de donner des conférences dans les manufactures d’armes. Elle intitule ses causeries : Histoires et illustrations de la guerre ». Sarah utilise une lanterne pour projeter ses photos et dessins. Il est dommage que personne ne semble les avoir conservé jusqu’à nos jours !

       Petite anecdote rapportée par le journal Western Mail : Sarah, écrit un  reporter ayant assisté à une conférence, fut sans doute la première à découvrir un remède contre les gaz employés par les Allemands. Elle nous raconta que la première envie des gazés était de se débarrasser de l’affreux goût qu’il gardait dans leur bouche. Elle eut alors l’idée de leur faire boire un peu de whisky dilué avec de l’eau et constata avec étonnement que les gazés qui avaient bu sa potion, se sentaient de suite beaucoup mieux ! Certains soldats refusèrent le remède parce qu’ils voulaient rester abstinent mais les médecins belges, continue à écrire le reporter, l’encouragèrent à continuer sa thérapeutique !

       Sarah donna des dizaines de conférences partout en Angleterre, parfois dans des conditions exceptionnelles comme du haut d’un camion pendant la pause de midi. A Sheffield, ce sont trois mille personnes qui l’écoutent à l’intérieur du grand hall tandis que trois cent personnes doivent rester à l’extérieur. Partout on l’accueille à bras ouverts et parfois, à la fin de sa conférence, les cornemuses jouent « Auld lang syne ». Malgré cela, Sarah écrit qu’elle souffre toujours souffrir de la solitude : « Jamais auparavant je n’ai passé une année où je me suis sentie aussi seule malgré la quantité de personnes rencontrées dans mon travail. Je sais maintenant ce que des milliers d’hommes et de femmes ressentent en vivant et travaillant seul. Je sais que je pourrais les aider. Il n’y a plus beaucoup de mariages aujourd’hui. Que pourrions-nous faire pour toutes ces jeunes filles qui restent seules ! »

       Maigre consolation pour Sarah, manifestement dépressive, elle apprend la nouvelle qu’elle a reçu la médaille de chevalier de l’Ordre de Léopold.

              En un an, écrit-elle, j’ai écrit quatre livres, écrit de nombreux articles, donné plus de 35 conférences, répondu à un abondant courrier et tout cela sans secrétaire ! Et elle ajoute : Comme je ne suis plus toute jeune, cela m’a semblé une époque exténuante !

       Sarah impressionnée par une partie de foot très particulière

       Sarah signale qu’elle est hantée par les faces livides des jeunes soldats tournées vers le ciel, qu’elle les entend pleurer et voit leurs agonies que jamais, dans leur jeunesse, ils n’auraient jamais pu imaginer devoir supporter.

       Mais l’héroïsme des jeunes anglais la console en partie et Sarah mentionne l’exploit du neuvième régiment des Gallois (9 th Welch) dont une compagnie s’élança hors des tranchées le 1er juillet 1916 lors de la bataille de la Somme à la poursuite du ballon de football lancée par son commandant.

       Sarah se trompe sur le nom du régiment. Il s’agit en fait du East Surrey Regiment.



EAST SURREY REGIMENT

       Le commandant de la compagnie, le Capitaine W.P  Nevill, en congé en Angleterre en mai 1916, acheta des ballons de football et les ramena à sa compagnie sur le front de la Somme. Il en distribua un à chaque peloton, les exhortant à mener une série de dribbles tout au long du no man’s land qu’ils devaient traverser en s’élançant contre les tranchées ennemies. Le capitaine Nevill fut tué au début de la charge, et les hommes tombèrent rapidement sous le feu des mitrailleuses allemandes mais les ballons de football continuèrent à être frappés par les survivants. Puis, quand enfin l’ennemi fut chassé, les hommes du East Surrey cherchèrent leurs ballons et en récupérèrent deux dans les tranchées capturées. Ceux-ci ont été envoyés au Dépôt régimentaire de Kingston en tant que trophées.



Le capitaine Neville est mort à l’âge de 21 ans. Il est commémoré au Ploegsteert Mémorial et repose au cimetière militaire de Carnoy (près de Peronne)

Sarah, volontaire pour le front russe en Perse !

       Son année de conférences passées, Sarah s’engage dans une nouvelle aventure, elle fait partie maintenant d’un corps d’ambulanciers volontaires en partance pour la Russie sur le front perse. Elle quittera Londres avec Mrs Wynne et Mr Bevan. Ils arrivent le 28 octobre à Petrograd. Les ambulances doivent arriver par voie maritime. Il faut s’occuper comme on peut en visitant la ville et en faisant connaissance de la colonie anglaise.

       Sarah émet dans son diary la réflexion suivante, (note de l’auteur de cet article : cette réflexion fait penser à Spinoza !)  sur la pratique de la religion :

       La religion a été un succès depuis longtemps avec sa série de martyrs mais nous devons avec courage continuer avec quelque chose qui nous enseigne à vivre pour le meilleur et le plus élevé. Cela pourrait venir de nous-mêmes et conduire à Dieu. Cela ne nécessite ni enseignement, ni prêtres, ni même de prières. L’humanité est assez grande pour cela. Cela nous libérerait des cordes et chaînes des vieilles histoires de la bible qui racontent carnages et tueries et nous donnerait le devoir de trouver un nouveau schéma de vie qui soit responsable, net, sensible, pratique et dans lequel chaque homme s’éloignerait des vieilles idoles et avancerait par lui-même.

       Sarah commence à douter de sa mission. Elle croyait dit-elle que la Croix-Rouge russe avait accepté les missions de son unité. Ce n’est pas le cas, il faut attendre….

       Les dîners mondains se succèdent mais ne font pas passer le temps…

       Le 29 novembre, Sarah quitte enfin Petrograd pour Moscou. Elle est donc en route pour le caucase via Tilfis mais sans les véhicules ambulances qui devaient être débarquées à Archangel et ne sont pas encore arrivées. A Moscou, les membres de l’expédition ne restent que quelques jours. Le 22 décembre, elle apprend qu’enfin les ambulances de Mrs Wynne et Mr Bevan ont été acceptées pour servir dans le district de Téhéran[3].


       Si, explique Sarah dans son diary, elle peut établir un petit hôpital au nord de Téhéran, cela serait un bon endroit pour soigner les blessés. D’autant plus, ajoute-t-elle, que Mr. Hills et Dr Gordon, des missionnaires américains ont émis l’idée de les rejoindre à cet endroit là pour aider les réfugiés arméniens. Ce peuple a été extermine à 75%, écrit Sarah, et les photographies que le Général Bernoff possède sont une preuve de cette monstruosité. Il paraît précise-t-elle, que l’empereur Guillaume a promis aux Turques de devenir musulman. Dans chaque mosquée l’empereur est invoqué sus le nom de « Hajed Mahomet Wilhelm » et les photos d’églises ou de cathédrales françaises ou belges y sont montrées pour prouver que Guillaume dit vrai…

       Un long voyage commence alors….

Sarah au cœur de la Georgie, invitée par le Grand-Duc Nicolas

       Sarah atteint Tilfis (l'actuelle ville de Tbilissi, capitale de la Géorgie) où elle passe les fêtes de Noël et apprend que les véhicules sont bloqués par la glace à 30 miles d’Archangel.

       Le 26 décembre, Sarah mentionne qu’elle a été invitée pour déjeuner avec le Grand-Duc Nicolas le jour de Noël à l’Hôtel Orient. Le repas est impressionnant par ses fastes et au milieu de celui-ci, le Grand-Duc prononça un speech pour remercier les volontaires anglais, speech qui se termina par un toast à leur santé.   

       Peu après, Sarah apprend que les ambulances les rejoindront d’ici une quinzaine de jours. L’espoir renaît de devenir utile prochainement mais en observant autour d’elle elle se pose des questions sur les généreux dons que les Anglais ont faits à la Croix-Rouge russe et qui ne semblent servir à rien faute d’organisme compétent pour distribuer cette aide aux Arméniens…

Sarah témoigne à Erevan du calvaire vécu par les Arméniens

       Sarah semble démoralisée mais décide de rejoindre Erevan pour être plus près des réfugiés arméniens. Elle y arrive avec Mrs Wynne[4] et Mr Bevan et le 20 janvier, elle rentre en contact avec les réfugiés. Elle y trouve beaucoup de femmes qui lui disent avoir été épargnées parce qu’elles étaient déjà vieilles tandis que les jeunes femmes ont été envoyées dans des harem et tous les hommes massacrés. Dans notre village, lui disent ces femmes, nous étions 4.000 et nous sommes seulement 143 à avoir pu leur échapper ! Sarah écrit alors son amère réflexion :

       Les arméniens furent le premier peuple christianisé et les voici martyrisés à cause de leur foi… Mais les Chrétiens entre eux ne sont pas tendres non plus. Pour des réponses différentes que les théologiens apportaient sur la question de la nature du christ, ils se sont massacrés entre eux. La conclusion de Sarah est sans appel : le Christ fut crucifié par ceux qui ne crurent pas en lui mais il fut en plus démembré par les hommes qui crurent en lui !  La résurrection termine-t-elle, survient quand nous découvrons la simple notion que nous sommes tous Dieu et qu’il est en nous !

       On sent à ces phrases combien Sarah, a épuré sa foi, combien elle est rebelle à l’intolérance trop souvent charriée par les croyances religieuses.

Sarah malade est de retour à Tilfis

       De retour à Tilfis, Sarah assiste à la fête de Sainte Nina fêtée dans toutes les rues. Les gens s’offrent à l’un l’autre des gâteaux. Un peu de joie mais qui ne remonte pas très haut le moral de Sarah qui n’éprouve plus d’inspiration pour écrire malgré ou à cause de son oisiveté forcée. Elle n’est plus non plus en bonne santé car elle a maintenant deux doigts « blancs » qu’elle panse comme elle le peut. Ici dit-elle, cette maladie est épidémique. La poussière est remplie de microbes et on est pas bien nourri. Les gens de Tilfis, stoïques trouvent normal de faire de temps en temps un pic de température et l’attaque bilieuse est appelée « camp fever ». Vraisemblablement les symptômes rapportés par Sarah découlent de la malaria endémique en Georgie. Les parasites peuvent donner lieu à la production sanguine de cryoglobulines, des protéines qui suite au froid se coagulent et obstruent les fines artérioles des doigts.

       Le 3 février Sarah mentionne qu’elle a joué à l’hôtel une partie de bridge et que les princes et princesses qui y séjournent ne sont pas déshonorés en crachant dans le crachoir disposé dans l’escalier. Sarah en voyant ce spectacle regrette amèrement la société anglaise.

       Les étrangers les mieux élevés, dit-elle, sont les natifs de l’Inde, puis les français suivis des Espagnols. Sarah conclut : je suis certaine que la nation britannique est réellement supérieure aux autres : c’est la seule bien élevée et la seule nation qui soit vraiment  généreuse et hospitalière.



Sarah à Hamadan

       Le 6 février, l’épidémie des « doigts blancs » continue. Le 8 février, elle rejoint Bakou ou se trouvent déjà ses collègues, Mrs Wynne et Mr Bevan. C’est ensuite Kasvin (Qazvin, au nord-ouest de l’Iran actuel) qu’ils rejoignent puis, Hamadan, le 24 fevrier, qui se trouve à 1.800 mètres d’altitude et qui est une des villes les plus froides de l’Iran. Nous sommes en plein hiver. Une seule ambulance a pu enfin rejoindre les volontaires. Sarah s’occupe en offrant son aide aux patients de l’hôpital russe. Quand elle n’est pas à l’hôpital, Sarah joue au bridge ou reprise des chaussettes.   

       Le 27 février, elle signale que la Croix-Rouge russe ne lui donne plus l’autorisation de travailler à l’hôpital ! La peur du typhus, sans doute, mentionne-t-elle. Sarah loge chez le consul britannique servi par un domestique indou. La neige tombe sans arrêt mais Sarah effectue une visite du site de la vieille ville d’Hamadan en compagnie d’un ami du consul Cowan, nommé Mr Lightfoot. Elle visitera la tombe de la Reine Esther et du grand médecin Avicenne et ira aussi se présenter à une certaine Miss Montgomerie, missionnaire américaine qui vit à Hamadan depuis 33 ans et a fondé une école dans le quartier arménien.

       Sarah est bloquée chez le consul dans Hamadan isolé du reste du monde par la glace et la neige. Elle pense qu’être ainsi sur une colline gelée avec de la fièvre, des furoncles, trois chiens et un blizzard est la pire des choses à laquelle personne ne peut résister !

Sarah souffre intensément du sacrifice des soldats

       C’est à ce moment qu’elle réfléchit à la parabole du fils prodigue :
Celui-ci était un fils indigne quittant le toit parental pour connaître tous les vices, mais écrit-elle, il y a aussi tous les jeunes qui quittent le toit parental parce qu'ils veulent faire leur devoir dans la fidélité, l’espoir et la charité et beaucoup d’entre eux malgré leur conduite exemplaire, n’auront pas la chance de revenir chez eux. De ceux qui rentrent, certains auront approché la Gloire, l’héroïsme mais il y a aussi tous ceux qui rentrent au foyer avec, au-dessus d’eux, un ciel qui ne leur montrera plus jamais le soleil. Ils ont perdu toute illusion et lorsqu’ils éteignent la lumière avant d’essayer de dormir, ils se mettent à regretter leurs nombreuses qualités qui les ont empêchés de profiter des choses agréables de la vie. 

       Ce commentaire de la parabole du fils prodigue montre combien Sarah vivait la souffrance des jeunes soldats (et sans doute se considérait-elle comme une personne ayant le même destin que ses jeunes compatriotes) mais aussi combien elle était dépressive, ayant du mal à garder intact son idéal dans l’inaction forcée et dans la solitude.

Sarah, toujours malade rejoint Téhéran pour y chercher du secours pour elle-même

       Malade, Sarah parvint finalement à rejoindre Kasvin (Qazvin) puis, épuisée, décide de rejoindre à tout prix Téhéran où elle espère se faire soigner. Elle y parvient et se fait hospitaliser. Esseulée à Téhéran dans un hôpital russe, elle désespère jusqu’au 19 mars, date à laquelle un médecin britannique qui, a entendu parler de sa présence, vint la visiter. Ce médecin, le docteur Neligan prend pitié de sa compatriote et propose à Sarah de l’héberger chez lui à la Légation anglaise.

Le retour en Angleterre de Sarah très malade

       Malade, Sarah rejoindra ensuite l’Angleterre. Elle quitte Téhéran mi-avril. Elle doit entamer une marche épuisante sur les rives de la mer Caspienne afin d’obtenir un laisser-passer lui permettant d’embarquer sur un bateau et arrive ensuite à Petrograd.

       Finalement elle parvint épuisée en Angleterre le 5 mai.

Les derniers jours de Sarah

       Désormais c’est sa dévouée servante Mary King qui prendra soin d’elle. L’état de santé de Sarah sembla s’améliorer en juin. Elle s’occupait de ses affaires, dictait un abondant courrier et avait de nouveau plein de projets pour décorer sa maison. Elle conservait malheureusement une terrible pâleur qui ne s’améliora pas malgré le repos au lit et le régime strictement lacté pendant 8 semaines. (Vraisemblablement elle souffrait de malaria. La malaria peut en effet être une cause d’anémie importante)

       Jamais elle ne se plaignit. Sarah reçut une ultime consolation en apprenant qu’on venait de lui accorder le titre de “Lady of Grace of the Order of St John of Jérusalem”.   

       Elle décéda le 24 juillet 1916.

Conclusion d’une vie vaillante

       Sarah fut une femme extraordinaire. Malgré son anxiété, son hypersensibilité à la souffrance, la sienne et celle des autres, elle voulut consacrer chaque jour de sa vie aux autres. Plus encore, elle n’hésita jamais à prendre l’initiative d’aller vers les souffrants au lieu d’attendre qu’ils se présentent à elle. Cette dernière caractéristique qui, fait d’elle une héroïne, Sarah la possédait depuis sa jeunesse comme nous le témoigne sa nièce :

        Ma tante, dit-elle, dans sa jeunesse, reçut des nouvelles que son frère en Argentine avait subi un grave accident. Elle n’hésita pas une minute et se rendit seule à son chevet. Ce fut une fameuse expédition pour une jeune fille ! Dans une autre occasion, elle apprit la mort de sa petite nièce en suisse. Le même jour, elle quittait l’Angleterre pour réconforter les parents !

       Quand j’apprends que quelqu’un a des problèmes, je pars de suite, avait l’habitude de dire Sarah. C’est cette pensée qui anima Sarah toute sa vie. Pour être fidèle à son idéal, elle consentit à tous les risques et accepta souvent l’incompréhension et la solitude.

       Sarah était convaincue que chacun pouvait être utile à l’autre et cela qu’elle que soit son niveau d’études. Sarah n’était ni infirmière ni médecin et ne savait pas conduire un véhicule. Ses petits gestes, sa cuisine roulante apportèrent en vérité beaucoup de soulagement autour d’elle. Elle en paya le prix : les gens de son milieu social bien souvent la délaissèrent, la confondant avec une simple cuisinière. Sarah en souffrit mais persista dans sa conduite qui la forçait à l’humilité.

       A chaque moment de doute sur le sens ce qu’elle faisait, l’image des jeunes gens mourant seuls dans les tranchées ou les trous d’obus la faisait revenir à l’essentiel. Il y en avait tant de ces jeunes anglais qui devaient obéir sans se plaindre ! Sarah éprouvait une admiration sans bornes envers les jeunes soldats alliés et particulièrement envers les soldats de sa nation. Elle n’était pas mariée mais on peut affirmer sans se tromper qu’elle considérait ces jeunes gens comme ses propres enfants.

       Sarah était aussi une femme réaliste qui savait avoir un esprit critique envers la société religieuse et civile de son temps. Sa seule faiblesse concerne les « on dit » qu’elle aime raconter dans son diary et dont elle ne vérifie pas la véracité… Mais ces historiettes et anecdotes étaient sans doute d’abord destinées à alimenter les romans et nouvelles qu’elle écrivait.

       Elle entrevoyait, avec acuité, l’absurdité des violences de la guerre, et la bêtise des hommes créant sans cesse entre eux des divisions mortelles…. divisions survenues même à propos du Christ, qui, pourtant, portait un message de tolérance et de paix universel. Sarah se montra aussi très clairvoyante en dénonçant le gaspillage des dons d’argent quand ces derniers n’étaient pas gérés convenablement géré sur place. Malgré toutes les déceptions qu’elle endura, Sarah continua à croire jusqu’à ses derniers instants au Devoir et à l’Amour.  

       Sa nièce nous dit que quelque semaines avant sa mort, elle expliquait à ses sœurs qu’elle entrevoyait de l’autre côté, sur l’autre rive, plein de gens qu’elle aima et qui lui disaient « Traverse, Sally, nous serons tous là pour t’accueillir ».

       Incontestablement, Sarah fut une brancardière héroïque  !

Dr P. Loodts

 

 

 

 

 



[1] Mabel St. Clair Stobart (1862 - 1954) – fondatrice du “ Women's Sick and Wounded Convoy Corps”
Mabel Annie Boulton et née le 3 février 1862 in Woolwich. Elle se maria avec St. Clair Kelburn Stobart, un commerçant le 16th July 1884. Le couple qui vécut à Cornwall puis à Londres, eut deux enfants. Toute la famille s’établit pour quelques années en Afrique du Sud de 1903 à 1907. Le mari de Mabel mourut quelques mois après son retour en 1908.
En Afrique du Dud, Mabel s’affilia au “ First Aid Nursing Yeomanry Corps” –  une association de femmes volontaires pour porter à cheval secours aux soldats blessés sur le champ de bataille. Quand elle revint d’Afrique du Sud, elle fonda en 1907 une association similaire de volontaires, «  the Women’s Sick and Wounded Convoy Corps ». Son mari mourut en 1908 et Mabel se remaria avec John Herbert Greenhalgh à Westminster en 1911, mais elle garda le nom de son premier époux.
Durant la Guerre des Balkans en 1912, son convoi, le « Mabel’s Convoy Corps » servit en  Bulgarie. L’expérience de son unité démontra que les femmes, en temps de guerre, pouvaient non seulement servir comme infirmières mais aussi comme médecins, chauffeurs, interprètes… Elle relata son expérience dans un livre intitulé  Women and War”, publié par  G. Bell & Sons à Londres en 1913.
Madame Stobart critiqua fortement  l’organisation du corps de volontaires de la Croix-Rouge qui sous le nom de « Red Cross Voluntary Aid Detachment »,  ne donnait pas aux femmes les places qu’elles méritaient réellement.  
Quand la Première guerre Mondiale éclata, Madame  Stobart partit à Anvers  avec une ambulance composée entièrement de femmes le « Women’s Imperial Service League ». Malheureusement, ayant dû évacuer la ville d’Anvers en même temps que l’armée belge, Mabel et son personnel réembarquèrent rapidement pour l’Angleterre.
Son unité réorganisée, Mabel Sobart repartit avec elle pour Cherbourg pour fonder à nouveau un hôpital. Après trois mois de travail au service des soldats blessés, elle offrit ses services à la Serbie qui devait faire face à une épidémie de typhoïde. D’avril 1915 à octobre 1915, elle y œuvra. Revenue chez elle, elle raconta son aventure dans un nouveau livre intitulé “The Flaming Sword in Serbia and Elsewhere” publié en 1916.
Mabel mourut à Bournemouth le 7 décembre 1954 âgée de 93 ans..

[2] Lady Bagot  (Theodosia "Dosia" Leslie (1865–1940),  fille du Baron Sir John Leslie) Membre de la  Church Army (à ne pas confondre avec l’Armée du Salut), organisation de volontaires, lié à l’église anglicane, elle organisa  plusieurs  hôpitaux  durant la guerre des Boers et la Première Guerre Mondiale. En octobre 1899, c’est le Dr George Stoker qui lui donna l’idée de créer une unité de volontaires pour former un hôpital au service des Soldats durant la guerre des Boers. Elle établit cet hôpital à Bloemfontein en Afrique du Sud. Cet hôpital fonctionna jusqu’en 1900.  Au début de la première guerre mondiale, elle récidiva en fondant un hôpital à Caen puis à Adinkerke en janvier 1915. Son petit hôpital ferma en 1917 et Lady Bagot retourna à Londres où elle créa à nouveau une institution, cette fois au service des soldats anglais.

[3] Note de l’auteur de cet article : le district de Téhéran était tenu par les Russes. L’empire Perse est en effet divisé en trois afin d’empêcher les turcs de s’en emparer, le nord est sous l’influence russe, au milieu se trouve une zone neutre, et le sud de l’empire perse est   l’influence anglaise

[4] Il semble bien que Mrs Wynne qui fit aussi partie de l’ambulance du Dr Munro conduisit finalement les ambulances à l’hôpital Anglo-Russe de Petrograd (Saint Petersbourg). La révolution russe mit fin à cet hôpital. Et tout le personnel retourna en Angleterre via la Sibérie et le Japon.



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