Médecins de la Grande Guerre

Hommage à Joseph Volkerick, alias « Cher Frère Bernard » de l’institut Saint-Berthuin

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Hommage à Joseph Volkerick, alias « Cher Frère Bernard » de l’institut Saint-Berthuin

Dédicacé à ma chère fille Sabrina Loodts, si heureuse d’être institutrice à Saint-Berthuin !



Introduction

       Il s’agit de Volckerick Joseph, né à Tamise le 13 mars 1891, instituteur, mobilisé comme brancardier à la 2ème DA en aout 14 et démobilisé le 4 mars 1919. Il devint par la suite frère des Ecoles Chrétiennes à Malonne sous le nom de Frère Bernard. Le 16 février 1958, on célébra le jubilé de ses cinquante années de vie religieuse à l’Institut Saint-Berthuin. Fait important, on fêta le religieux, le « Cher Frère Bernard » et non le brancardier Joseph Volckerich dont le nom ne fut jamais mentionné lors de cette fête.

       Chers lecteurs, vous trouverez ci-dessous le compte rendu de cette manifestation qui fut publié dans la revue « Les échos de Malonne du mois de juin 1958. Cet écrit est émouvant car il rend compte de l’absolue humilité de ce Frère dont j’ai fini par retrouver le nom dans le « livre d’or du clergé et des congrégations » (Editions Bonne Presse, Paris, volume II, page 990, 1925). Le Frère Bernard est représentatif de tous ces instituteurs religieux qui se consacrèrent aux jeunes durant le vingtième siècle à l’Institut Saint-Berthuin. L’anonyme héros qu’il fut et désira rester, dira lors de son jubilé une phrase qui résume bien sa vie et… sa grande sagesse : « Vous êtes ce que vous êtes devant Dieu et les discours des hommes, quels qu'ils soient, n'y changeront rien ». Quelle belle leçon de vie, Cher Frère Bernard, vous nous donnez !



Le compte rendu du jubilé de Frère Bernard, alias Victor Volckerick :

       Le dimanche 16 février 1958, pendant le congé, la communauté se mit en fête. Il s'agissait de célébrer en famille le jubilé de 50 ans de vie religieuse du Cher Frère Bernard. Beaucoup de nos lecteurs l'ont connu et ont bénéficié de son enseignement et de ses soins attentifs car son arrivée à Malonne date de 1927. Cette étape de 31 ans s'est écoulée sans interruption dans la classe de 2e préparatoire, la classe des benjamins de l'Institut. C'est là chose peu ordinaire dans nos annales et qui postule, on en conviendra, un mérite exceptionnel au jubilaire. Faire la classe exige de sa nature bien des fatigues. Qu'en est-il donc s'il s'agit d'enfants de dix ou douze ans ! Il est question non seulement d'instruire et d'éduquer ce petit monde pétulant et espiègle, ce qui déjà suppose une bonne provision de dévouement, mais encore est-il requis de leur dispenser une série de soins particuliers réclamés par leur âge.

       Telle fut la tâche du C. F. Bernard. Il la remplit avec un courage, une abnégation que ses élèves ont été unanime à reconnaître. Nous ne décrirons ni son caractère réservé, ni sa méthode pour enseigner, exhorter et reprendre : ses anciens se les rappelleront. Disons seulement que le jubilaire réalise à la lettre cette strophe dans laquelle le poète exalte la mission du véritable éducateur :

Ne calculez jamais vos peines
Dans les combats ;
Donnez jusqu'au sang de vos veines
En vrais soldats !
Qu'importe un peu plus de souffrance
Pour plus de bien !
C'est Dieu là-haut qui récompense
Maître chrétien !

       Ce qu'il y a d'héroïsme obscur, dans sa mission d'éducateur le C. F. Bernard en avait fait preuve sur un tout autre théâtre. Lorsqu’éclata la guerre de 1914 - 18, il fut mobilisé en qualité de brancardier. Nous n'entreprendrons pas de signaler comment il se distingua au cours de ces quatre années de guerre. Le tableau ci-dessous l'exposera avec une éloquence à laquelle nous ne pourrions prétendre. Il nous excusera si nous blessons sa modestie, non pas comme disait cet humoriste parce qu'il n'en a pas, bien au contraire. Jamais on ne l'entendit rappeler les souvenir de sa vie aux tranchées. Mais il est bon de sacrifier parfois la modestie pour mettre la vérité en relief. Tant d'autres écoutent bien volontiers la chanson de la vanité qui ne consent pas à se taire.

Citations et décorations.

 : Croix de feu : Voir livre d'or du clergé et ses congrégations. Bonne Presse, Paris, Volume II, page 990.

2° : Décoration militaire de 2ème classe avec palme et attribution de la croix de guerre

« Brancardier d'un courage et d'un dévouement dignes d'éloge. S'est particulièrement distingué pendant les combats du 28 au 29 septembre 1918. A été grièvement blessé par balle de mitrailleuse le 29 septembre 1918 au sud de Noorslede. Présent au front depuis le début de la campagne ».

 : Croix de guerre avec deux palmes.

4° : Médaille de l'Yser.

 : Médaille de la victoire.

 : Médaille commémorative de la guerre. Le ruban orné d'une barrette en vermeil et de 2 barrettes en argent.

7° : Chevalier de l'ordre de Léopold Il avec glaives.

8° : Cité à l'ordre du jour de l'armée du 15 - 8 -1918.

« Pour le courage et le dévouement dont il a fait preuve au cours de sa longue présence au front. »

9° : Cité à l'ordre du Régiment  N°37 du  23 - 9 - 1916.

« Pour avoir fait preuve d'une énergie inlassable et d'un dévouement digne de tout éloge, en étant courageusement et sans aucune hésitation, de jour comme de nuit au redan du Passeur, pour y soigner des blessés graves et le transporter au poste de secours, traversant chaque fois une zone très violemment battue par des obus et des bombes. »

10° : 8 chevrons de front.

11° : 1 chevron de blessure.

Le cérémonial :

       La communauté rassemblée au grand salon, entoure le Cher frère Bernard. Monsieur  l'Aumônier, revêtu des ornements sacristie de la chapelle et gravit le perron. Il prend la parole pour fêter le jubilaire. Son allocution se distingua autant par la finesse que par la sympathie. « Les ornements violets du carême, dit-il ne diffèrent pas trop du rouge en usage pour célébrer les martyrs. Or, faire la classe aux petits enfants comme l'a faite le C. F. Bernard durant 31 ans à St-Berthuin, on peut le considérer comme un martyr. En outre, la pluie qui tombe en ce moment regardons-la, mes Frères, comme le symbole des grâces accordées par le ciel à celui que nous fêtons en ce jour. »

       Le jubilaire est conduit processionnellement à la chapelle, au chant du Magnificat, et prend place au chœur durant la messe dominicale. Avant la fin de l'office divin, devant le Saint Sacrement exposé, le C. F. Bernard renouvelle ses vœux de religion, sa consécration totale au service de Dieu dans la Congrégation.

Le banquet.

       C'est Sainte Thérèse, croyons-nous qui a émis l'axiome : « Quand il y a fête à la chapelle, il faut aussi qu'il y ait fête au réfectoire.» Cette antique sentence s'exécuta sans soulever aucune protestation : Au cours de ce festin monastique, le Cher Frère Maxime-AIphonse donna lecture d'un sonnet de sa composition en l'honneur du jubilaire.

« Bien mieux que la parole. Ici parlent les faits l
Ils tiennent en trois mots d'honneur et de bienfaits
Patrie apostolat Dieu, dix lustres sans voile
Sur un blason d'azur adorné d'une étoile.
Dans les boues de l'Yser comme en d'autres marais
Il mena le combat d'un cœur vaillant et frais
Et sa double victoire aujourd'hui nous dévoile
Le féal chevalier que fixerait la toile.
Ainsi, frère Bernard fidèle à son devoir
Sans orgueil et sans bruit, presque sans le vouloir
Des plus nobles vertus nous donnent l'attirance.
Religieux philosophe, il goûta la constance
De ce vers cornélien, bouquet de jubilé :
« Que de fois il faut vaincre, avant de triompher ».

       A son tour, le Cher Frère Directeur, au nom de la Communauté congratula chaudement le Ch. F. Bernard. Celui-ci, visiblement ému répondit avec une sobriété conforme à son caractère. Il termina sa brève allocution par cette citation : « Vous êtes ce que vous êtes devant Dieu et les discours des hommes, quels qu'ils soient, n'y changeront rien ».

       On conviendra que des fêtes de ce genre sont salutaires. Elles sont une source de joie en resserrant davantage les liens de la vraie charité fraternelle.



       La plaque commémorative aux nombreux héros, anciens de l’Institut, qui donnèrent leur vie durant la Première Guerre mondiale dont, parmi eux René Glatigny. Les noms peuvent être consultés ici




Conclusion

       N’oublions jamais cette pépinière d’instituteurs religieux qui se dévouèrent toute une vie, souvent dans l’anonymat, à Malonne !  Saint Mutien-Marie[1] les représente évidemment de façon exemplaire. Si vous vous penchez un jour sur sa sépulture, c’est à eux tous que vous rendrez hommage !

 

 

 

 

 

 

 



[1] Né le 20 mars 1841 à Mellet (au nord de Charleroi), Louis-Joseph entra, à l’âge de 15 ans, au noviciat des Frères des écoles chrétiennes. Recevant le nom de Frère Mutien-Marie, il fut, dès 1859, affecté à l’institut Saint-Berthuin de Malonne, où il passa le reste de sa vie. Peu doué pour l’enseignement, il était affecté à des emplois subalternes qu’il acceptait avec joie et humilité : surveillances et cours de dessin et musique, catéchisme. Ses élèves le surnommaient le frère qui prie toujours.
Il est mort le 30 janvier 1917. Sa tombe, au cimetière de Malonne, attira de nombreux pèlerins. Pour faire face à cet afflux, son corps fut transféré dès 1926 au pied de l’église, puis, en 1980, dans la chapelle actuelle.
Frère Mutien a été béatifié en 1977 et canonisé en 1989.sa sépulture, c’est certainement une façon de leur rendre hommage !

 



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