Médecins de la Grande Guerre

Le père Agnello Vanden Bosch, fondateur de l’Œuvre Nationale des Aveugles.

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Le Père Agnello Vanden Bosch[1], fondateur de l’Œuvre Nationale des Aveugles


       Le 24 août au soir, sur les neufs forts de la place de Namur, sept étaient tombés aux mains de l’ennemi[2]. Les deux forts qui résistaient encore, les forts de Dave et de Suarlée,  étaient, depuis la veille, soumis aux assauts terrifiants de  l’artillerie lourde allemande. Le 25 aout, ces deux ouvrages finirent par se rendre. Le fort de Suarlée qui capitula le dernier  reçut  environ 3.600 coups, dont un certain nombre de 420. A l’exception d’une tourelle à éclipse de 57 millimètres, toutes les autres, coincées pour la plupart étaient hors d’état de fonctionner.

       Imaginons la garnison du fort ne sachant plus se défendre et désirant se rendre… Une pluie d’obus tombe sur  le fort dans un nuage de fumées et de poussières !  On ne voit pas l’ennemi et l’ennemi ne vous voit pas à moins de  deux mètres ! Comment signaler à l’ennemi   une reddition dans ces conditions effroyables ?  Il faut un volontaire pour tenter d’approcher les Allemands !

       Le brancardier Charles Vanden Bosch est aussi appelé Padre Agnello car il est prêtre franciscain. Agnello (petit agneau) est le nom de religion qui lui fut attribué par son supérieur, le Père Provincial Venant Jansen. Le commandant du fort, le commandant Moisse s’est  adressé au Père Agnello :

        Vous êtes prêtre. On vous demande de risquer votre vie avant que tout le monde  ne soit tué. L’ennemi se trouve déjà sous les murs. Il va nous tomber dessus. Je crains un invraisemblable massacre, aussi effroyable qu’inutile. Essayez de sortir pour offrir notre reddition. 

       Agnello, plutôt que de se munir d’un drapeau blanc, revêt l’aube sacerdotale et  saisit  son calice. Il va le tenir levé à deux mains le plus haut possible au-dessus du fossé pour que l’ennemi puisse comprendre son geste comme un signe de paix et de reddition tout en s’avançant à travers la mitraille ! C’est de cette façon qu’il parvient miraculeusement  indemne à s’approcher de l’ennemi. On s’empare de lui. Un officier lui applique son révolver sur la poitrine et lui donne alors deux minutes pour ramener le commandant du fort. Les tirs cessent, le Père Agnello ramène le commandant Moisse qui offre son épée en signe de  reddition. C’est ainsi que les derniers défenseurs du fort obtiennent la vie sauve. Ils sortent devant les Allemands qui présentent les armes à leurs courageux ennemis. Encore plus émouvant, le commandant Moisse se voit autoriser à reprendre son épée. Le Père Agnello  fut plus tard décoré pour cette action d’éclat.

       Fait prisonnier, le Père Agnello est transféré à l’hôpital militaire de Namur pour y exercer comme brancardier. Le Père Agnello souffrait depuis longtemps d’un handicap oculaire, vraisemblablement,  une forme  grave et évolutive de myopie.  Le combat du fort de Suarlée avait aggravé les symptômes. Un an après, en septembre 1915, les Allemands l’autorisèrent  à rejoindre son couvent. 

       De retour dans sa communauté, Agnello, qui devient complètement aveugle,  souffre de voir sa vie complètement bouleversée. Il doit abandonner son rêve de devenir missionnaire, doit renoncer à sa passion de lire et est obligé de faire d’immenses efforts de mémoire  notamment  pour apprendre le texte  latin de sa messe par cœur !

       En 1920, le Père Agnello profite des services rendus par l’Institut Royal des Aveugles de guerre à Boitsfort.  Il y apprend l’écriture braille, le piano, le violon et acquiert des techniques pour assurer son autonomie. En 1922, ayant retrouvé confiance en lui-même, il pense à ses « frères en cécité » comme il les appelle et décide de créer une institution pour les aveugles civils. Soutenant le Père Agnello, la Reine Elisabeth, lors de la cérémonie qui clôture les acticités de l’Institut pour Aveugles de guerre, lui offre une montre avec chiffres en relief, fabriquée spécialement pour les non-voyants.

       En 1922, à Bruxelles, une caisse de prêts et de secours professionnels aux aveugles est donc crée par le Père Agnello. En 1925, cette œuvre portera le nom d’œuvre Nationale des Aveugles de Belgique. Des ateliers sont créés, une bibliothèque est organisée et cinquante copistes qui transcrivent des livres entiers en braille. D’année en années l’œuvre s’agrandit  et ira jusqu’à compter un Institut pour enfants handicapés et aveugles à Ganspoel  (Duisburg) en Flandres, une école maternelle pour enfants d’aveugles à La Plante (Namur), un atelier de débitage de bois à Saint-Servais (Namur).

        Le Père Agnello travaillait du matin au soir à l’administration de son œuvre dans son bureau de Woluwé. Le dimanche, il célébrait la messe dans une paroisse à chaque fois  différente afin de solliciter générosité des chrétiens en faveur des aveugles. En plus de ses activités coutumières, le Père Agnello créa une loterie à l’échelle nationale et en 1927  une double revue de vulgarisation (« Vers la lumière » et « Hulp en troost »). En 1930, Agnello pendant dix jours donna une série de conférences illustrées de façons moderne par des diapositives et même un film. Le Père Agnello accompagna aussi les aveugles en pèlerinage à Lisieux (sept  entre 1932 et 1937).

       La Seconde Guerre Mondiale éclatée, le Père Agnello s’intégra dans le réseau de Résistance «  Comète ». Depuis la bibliothèque de L’ O.N.A, avenue Dailly, des informations sont transmises par son collaborateur René Copine à Londres grâce à un émetteur caché parmi les livres. Hélas, les Allemands ont remonté la filière, Copine est arrêté et quelques jours après, le 9 juillet 1942 c’est le tour du  Père Agnello !

       C’est alors un nouveau et ultime chemin de croix qui commence pour Agnello : la prison puis le wagon à bestiaux qui le conduira en Allemagne à Esterwegen en juillet 1943. Au camp, le Père Agnello porte néanmoins la bonne nouvelle jusqu’à la limite de ses forces. En janvier ou février 1945, il est transféré à Dachau. En plus de son handicap, de son mauvais état de santé, le Père Agnello est un jour d’hiver condamné à rester debout à l’extérieur plusieurs heures dans une température de 17° sous zéro. La pneumonie suit cette torture et le 9 mars 1945, le Père Agnello s’en alla « vers la Lumière » âgé de 62 ans ! Sa dépouille mortelle fut rapatriée en 1962. Il repose dans la pelouse d’Honneur du cimetière de Woluwe-Saint-Pierre.  Ce fut l’abbé Froidure, son ancien compagnon de captivité qui lui eut l’honneur de lui adresser un dernier adieu.

Dr Loodts P.

 

 

[1] Source : « Le Père Agnello Vanden Bosch », Frère Agnello Jacquemin, ONA, 1993 (ce livre peut être obtenu auprès de l’Œuvre Nationale des Aveugles pour un prix modique)

[2] Les Allemands firent à Namur 6.700 prisonniers. Les pertes allemandes (mille hommes dont un tiers de tués) ont été beaucoup moins importantes qu’à Liège. Parmi les morts se trouvaient un prince, le Prince de Saxe-Meiningen.



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