Médecins de la Grande Guerre
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Trois frères et un cousin pendant la grande guerre Le
fugitif Ernest Clarysse Ernest Clarysse (Couckelaere 1884 - Leke 1967) a
un bébé de quelques mois quand les Allemands envahissent la Belgique le 1er
août 1914. Il quitte son village de Sint-Pieters-Capelle
tout près de l'Yser au tout dernier moment le 14 octobre. Pendant deux mois et demi la jeune famille
erre dans le nord du « Westhoek », la seule
partie non occupée de la Belgique entre l’Yser, la mer et la frontière
française, tandis que les bombes explosent autour d’eux. Ils logent à Furnes, à
Adinkerke et pendant quelques semaines dans une villa sur la côte, non loin d’Oostduinkerke, où sont logés aussi des soldats français qui
leur donnent de quoi manger. Le 1er janvier 1915 il sont obligés de quitter la
Belgique pour la France. Leur dernier logement à Furnes est démoli par une
bombe, mais heureusement ils n’étaient pas dans la maison quand le bombardement
a eu lieu. Le 5 janvier 1915 ils sont mis dans le train pour l’exil. Ils
quittent Furnes à 6h30 le matin et arrivent à Bordeaux le matin suivant à 7 h,
après avoir traversé Paris à pied. Déjà le 12 janvier Ernest commence à travailler dans
l’usine de Gustave Biset dans
le faubourg de Talence, où quatorze ouvriers produisent des chaussures
militaires. Il est le seul Flamand parmi les ouvriers. La vie devient plus régulière.
Le 13 juin 1915 ils font une visite au couvent des pères Passionistes à
Mérignac, avec leur enfant, et Ernest écrit un long rapport à son frère Victor,
qui est un membre de cet ordre. Pendant son séjour en France Ernest mène une
correspondance extensive, surtout à l'aide de cartes postales, avec des amis en France, des soldats belges
au front, des prisonniers de guerre en Hollande et quelques belges aux
Etats-Unis. Il tient aussi un journal, qui enregistre sa correspondance, ses
finances et les faits familiaux les plus importants (peu de choses à propos de
la guerre). Le 11 février 1916, grâce à l'aide des sœurs de St. Pieters-Capelle,
ses voisins, il devient cordonnier de la colonie scolaire belge à St
Aubin-Epinay près de Rouen. Ici Ernest et sa famille reçoivent plusieurs fois
des visiteurs, ce qui n’était pas le cas à Bordeaux : ses frères Victor et Constant,
son neveu Noé et d'autres, quand l'armée leur donne un court repos. Le journal et la correspondance d'Ernest sont mis en
ligne sur internet : On peut consulter une partie de la documentation en
photo sur le site de europeana :
Le
père Victor Clarysse Victor Clarysse (Couckelaere 1894 - Courtrai 1972) était entré dans l'ordre
des passionistes avant la guerre, comme séminariste. Le 7 octobre 1914 le
commandant de la gendarmerie venait au monastère avec l'avis de partir, ce que
faisait Victor dans les 5 minutes. Après un voyage de deux jours et une nuit,
il arrive dans le cloître de Mook, près de Nymegen, d'où il envoi une carte postale avec photo du
bâtiment : Son séjour à Mook
prends fin le 11 janvier 1916, quand il prend le bateau pour l'Angleterre, avec
17 autres volontaires. Il arrive à Folkestone, d'où il est immédiatement
transporté en France. Le 19 janvier il est dans le camps militaire d'Auvour, mais
de la il va à Rennes, où il doit travailler durement comme infirmier. En mars
il tombe même malade. Il envoie une carte postale le 24 mars, avec une photo de
quelques soldats indiens : Le 21 janvier 1917 il devient infirmier à
Villiers-le-Sec en le 23 mars de la même année il est finalement placé dans l'hôpital
de Bonsecours près de Rouen. Il visite maintenant régulièrement son frère
Ernest, qui est cordonnier dans un camp scolaire pour enfants à St. Aubin
Epinay, près de Rouen. Les deux frères se revoient pour la première fois à
Rouen 5 avril 1916, pour le baptême de la petite fille d'Ernest (qui mourra
quelques mois plus tard). A l'occasion du baptême il voit aussi un autre frère,
Constant, qui est chauffeur dans l'armée belge. En novembre 1917 il peut voyager à Lourdes
et en mars 1918 il est à Bordeaux. Deux jours avant l'armistice il est déjà à
Adinkerke, prêt pour aller visiter sa famille à Couckelaere,
après quatre ans d'exil. Mais le 7 décembre il est de nouveau à Bonsecours, où
il reste jusqu'à la fin du mois. Il servira encore une année dans la compagnie
universitaire de Bruxelles, avant d'être consacré prêtre le 2 janvier 1921. Le
26 avril 1919 il visite, en vainqueur, les tranchées allemandes dans la région
de l'Yser et le 21 juillet il est présent au défilé pour la fête nationale à
Bruxelles, où il voit le roi, le président Poincaré et le général Foch. La plus grande partie des informations sur
Victor vient du journal que son frère Ernest a tenu pendant la guerre
et de la correspondance que ce dernier a aussi préservée Le
soldat Noé Clarysse Dès le 26 septembre 1914 Noé Clarysse
(Couckelaere 13 août 1894 - 23 octobre 1984) est
soldat dans le deuxième régiment de ligne, 9e compagnie. Il sera au
front pendant toute la guerre, commençant le 1er mai 1915, quand il est dirigé
vers Calais et La Panne. Le 7 décembre 1916 sa compagnie est impliquée dans un
combat grave, où meurent deux de ses compagnons. Il reçoit régulièrement de
petites sommes en argent (cinq francs, dix francs) de son neveu Ernest, qui,
lui, échappe le service militaire en tant que père de famille. Quand Ernest
s'installe à St. Epinay près de Rouen, Noé vient régulièrement passer ses
vacances chez lui. La première visite à lieu le 6 mars 1916. Après une telle
visite Noé apporte même un chien avec lui au front. Son dossier au musée de
l'armée [C/33563] et à Evere [2231750] montre qu'il a été plusieurs fois malade
pendant cette période. Pendant la dernière offensive alliée Noé est pris
prisonnier à Langemark; il revient de Göttingen
le 11 janvier 1919 et continue à servir dans l'armée jusque septembre
1919. Le
soldat Constant Clarysse Constant Clarysse (Couckelaere 5 déc. 1889
- 3 octobre 1971) est un frère cadet d'Ernest Clarysse.
Au début de la guerre il est encore dans la partie non occupée de la Belgique.
Début 1915 il travaille aux betteraves dans le nord de la France. Vers 15 juin
1915 il est à St Just. En juin 1916 il se trouve dans les environs de Rouen
chez son frère Ernest, où il apprend à rouler en voiture. Au mois d'août il est
appelé sous les drapeaux et le 10 octobre 1916 il entre effectivement dans
l'armée (10e régiment
de ligne, 5e compagnie). Les trois frères ont
essayé de le faire refuser, mais sans résultat. Il devient chauffeur militaire
et « coureur dans les tranchées », ce qui est apparemment moins
dangereux que la vie d'un simple soldat. Après la guerre il reste encore sous
les armes comme chauffeur; d'abord il est à Bruges, mais en mars 1919 il est
campé en Allemagne. Sa démobilisation a lieu le 25 juillet. Constant aussi
vient à Rouen chez Ernest pour prendre ses congés et il travaille même de temps
en temps avec son frère dans la colonie. Les quelques cartes postales
dans le dossier d'Ernest montrent que Constant ne sait pas bien écrire : il
fait des tas de fautes d'orthographe et de dialecte, tandis que les deux autres
frères écrivent bien. Pour cette raison ses courts messages directement du
front, dans un langage qu'il maîtrise avec difficulté, font une forte
impression d'être saisi sur le vif. J'en traduis un, mais il faut le lire dans
l'original flamand (pas néerlandais !) pour mieux sentir l'effet : « Aujourd'hui
j'ai vu le combat de l'avion. Deux de nos avions le tiraient dessus et il
tombait, l'un était mort, l'autre vivait encore, en quand ils sont venus, il
brûlait. C'était curieux à voir. Ils tiraient au-dessus de notre tête, de sorte
que nous nous cachions. Je dois travailler beaucoup maintenant, mais je gagne
beaucoup d'argent. Je vous enverrai une gazette avec les nouvelles de l'avion. »
(écrit le 2 mai
1915, donc avant son entrée
dans l'armée). Willy
Clarysse |