Médecins de la Grande Guerre
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Le
pèlerinage émouvant du Cercle
« PATRIA » de Mons à Marche-les-Dames un mois après le tragique décès
du Roi Albert Introduction Le 17 février 1934, le Roi perdit la vie
accidentellement à Marche-les Dames au cours de l’escalade d’un rocher. Les Belges
se rendirent par milliers en pèlerinage sur les lieux de l’accident. L’afflux
de la foule à Marche-les-Dames durera de nombreuses semaines comme le prouve le
compte-rendu ci-dessous d’une visite effectuée le 25 mars par le cercle
catholique « Patria » de Mons. Ces milliers de Belges venus sans
discontinuité pendant de nombreuses semaines visiter l’endroit où leur Roi-Chevalier perdit la vie constituent une des preuves du
lien très fort qui unissait les Belges à leur souverain. Le lecteur découvrira
à la lecture du compte-rendu de cette excursion-pèlerinage des Montois toute
l’ambiance d’une époque à jamais révolue. On notera aussi le style désuet mais
très coloré du journaliste du « Le Progrès » (dont le nom n’est hélas
pas renseigné). Ce fut le secrétaire du « Cercle Patria »,
Georges Loodts qui fut le principal organisateur de cette journée. Georges
Loodts est mon grand-père et c’est à lui que je dédie cet article. Compte-rendu de la journée d’excursion du cercle montois
« Patria » effectuée à Marche-les-Dames le
25 mars 1934. Ce compte-rendu, écrit par un journaliste, fut publié le 26-27
mars 1934 dans le journal « Le Progrès ». « C'est
véritablement un pèlerinage, pèlerinage inspiré de la piété patriotique, maïs
pèlerinage tout de même que la visite de tant de Belges et d'amis de la
Belgique aux roches de Marche-les Dames depuis l’heure tragique où notre grand
Roi Albert y est tombé, dans une apothéose dont la clarté fulgurante a rayonné
dans le monde entier. « Patria » que tant
d’initiatives nobles et généreuses honorent déjà depuis sa fondation, se devait
de nous conduire sur le théâtre d'une tragédie qui aura certes été une minuté
d’Histoire et ; qui, si elle a endeuillé nos cœurs, a eu le mystérieux
privilège de nous grandir. Le pèlerinage de « Patria » s’est accompli dimanche. Il était conduit par
l'échevin : chevalier Jean de Patoul, président du
Cercle, qu'accompagnaient le colonel Demart,
commandant le 1er chasseurs à pied ; le R -P. Van Santen qui en l’occurrences aura été notre aumônier et
quelques quatre-vingts pèlerins, partis en trois cars, et entourés, on ne peut
le dire, de la prévenante sollicitude de l’homme qui a toutes les sollicitudes,
toutes les délicatesses, pense à tout, : prévoit tout, nous avons nommé Georges
Loodts qui seconde si merveilleusement
le président comme animateur de tout ce mouvement. Partis de la grand’ Place de Mons vers 6
heures 45, nous nous abandonnons avec une sereine confiance à la prudence d’un
homme qui, ainsi que son personnel d’ailleurs, mérite tous nos éloges, nous
avons nommé M. Jadouille dont on n’appréciera jamais
assez la prudence et sa rare expérience
de tous les dangers de la route. Au départ le ciel est brumeux, un vague
brouillard s’accroche et voile les lointains, le soleil semble bouder. Mais au
sens physique comme au sens symbolique de l’expression, on ne ferait, jusqu’à
Marche-les-Dames que monter dans la lumière. La première aube, d’ordre religieux,
nous est ménagée par les moines de Maredsous. Nous
arrivons vers 9h 15 devant l’harmonieux ensemble architectural, élevé de cette
belle et bonne pierre du pays dont la patine discrète n’a rien des rides
endeuillées de la pierre de France, mais conserve aux monuments un air
indéfectible jeunesse. Dès qu’on pénètre dans l’église
abbatiale, le contraste vous saisit. Tout ici est polychromé avec art et un
soin jaloux. On peut discuter l’opportunité de cette décoration, déplorer
qu’elle recouvre des matériaux de prix, il n’en restera pas moins qu’elle donne
une impression de chaleur, de richesse, de splendeur qui met l’âme en forme
pour vivre pleinement sa vie liturgique. La vie liturgique ! Nous arrivons au bon
moment pour nous abandonner au cours solitaire et éloquent qui porte l’âme à la
manière d’un fleuve majestueux. C’est le dimanche des rameaux et nous allons,
non assister à la cérémonie de l’ouverture des portes, mais y participer comme
il convient à des chrétiens, à la suite du cortège liturgique de toute beauté. Derrière la croix portée par un moine en
chape violette et entourée des enfants de chœur, s’avancent porteurs de grandes
branches de buis les élèves du pensionnat, les novices, les pères faisant
escorte au révérend abbé Golenveau, mitre en tête,
dans le décor merveilleux des chapes et des chasubles se mouvant à un rythme
lent sous les yeux d’une lumière diffuse toute en demi-teintes. Après le chant
de l’hymne « Gloria, Laus et Honor
tibi Rex Christe Redemtor », les portes s’ouvrent et l’office commence
au sein de cette perfection dont l’influence élevante
ravit incroyants presqu’autant que croyants. L’office terminé, sous la conduite
du R.P. Dahier, un enfant de Pâturages, les messieurs
visitent le cloitre, séjour de méditation féconde, puis le cimetière où passe
un vent de résurrection et nous gagnons Dinant d’où après nous être restaurés
quasi à l’ombre de la merveilleuse collégiale au clocher bulbeux, à la nef
splendide, aux prestigieuses verrières, nous repartons pour Vezin
par Namur et la prestigieuse vallée de la Meuse. Ici une nouvelle aube se lève :
celle d’un art lumineux. Nous sommes en effet reçus par M. le baron Ultain de Coppin, bourgmestre du
lieu et cousin de notre cher Président qui célèbrera dignement l’hospitalité de
cet hôte délicat, qui nous accueille entouré de sa charmante fille et des
notabilités de la localité et qui trouve le moyen d’être tout à vous à l’heure
où d’autres devoirs l’appellent, car le village est en fête et, dans quelques
instants, on va installer le curé. Afin que la beauté soit conservée dans sa
pure et sereine pérennité sur la terre, il faut vraiment qu’elle se puisse
réfugier dans la ferveur de ces sanctuaires de l’art que seront toujours nos
vieux manoirs. A la vérité, le manoir de Vezin ne
date que de 1784, époque à laquelle il remplaça, pour s’harmoniser avec le
pacifisme trompeur de Jean Jacques, le vieux manoir fortifié. Il n’empêche
qu’il est aménagé avec bon goût au centre d’un parc magnifique et que pour le
visiteur, il fait figure de merveilleux musée. Le salon empire, le salon
Directoire décoré par les frères Moretti, la grande salle aux parois toutes
revêtues de hauts lambris de chêne abritent dans leur splendeur des richesses
incomparables rangées religieusement dans des armoires vitrées : des
porcelaines, des émaux, des ivoires, des pièces d’orfèvrerie de toute beauté,
ou ornant les murs des tableaux, des estampes d’un prix inestimables. » Le château, appelé manoir de Vezin dans ce compte-rendu, était la demeure du bourgmestre le baron Ultain de Coppin L’âme de M. le baron Ultain de Coppin est à l’unisson
de toutes ces harmonies qui chantent depuis sa naissance autour d’elle comme
naguère autour de l’âme de ses aïeux. Notre hôte a pour nous accueillir des
mots ravissants. En nous voyant venir n’a-t-il pas fredonné l’air du
doudou ! Il s’informe de la santé du chanoine Puissant à qui il ambitionne
de faire les honneurs de son home ; il loue fort la pensée pieuse qui nous
conduit sur les chemins de Marche-les-Dames qui passent tout naturellement par
son manoir attendu que M. le Baron Ultain de Coppin est le Président du comité fondé en vue de l’érection
du monument. Pour remercier d’un accueil si charmant, c’est notre ami Georges
Loodts qui s’est fait notre interprète en termes aussi heureux que sentis et
cordiaux. Après avoir bu le vin de l’amitié nous avons pris congé de notre hôte
qui nous promit de nous rendre visite avec quelques-uns de ses amis Vézinois et cette fois nous piquons vers Marche-les-Dames. Préludant à la troisième aube vers
laquelle nous marchons, nous roulons, le soleil se lève et apothéose tout de sa
lumière. Nous approchons et le mouvement intense de cars, d’autos, l’affluence
des pèlerins, nous remémore à tous les jours prestigieux de Beauraing. A mesure
que les roches sévères teintes du sang de notre roi se profilent, nous voyons
qui en reviennent, après un pieux pèlerinage eux aussi ; des élèves de
l’école militaire, l’amicale des officiers, anciens de Saint-Michel, une foule
énorme au sein de laquelle nous remarquons les généraux Pontus et Donay de Casteau, le lieutenant –
colonel Chardonne, commandant les chasseurs ardennais, le colonel de Hainen, commandant du détachement cycliste etc, etc. Et cela dure comme cela depuis le matin.
Notre Président nous a ouvert les voies, M. le bourgmestre Lambert nous reçoit
et nous confie aux bons soins de M. Lerson,
secrétaire des anciens combattants et de trois de ses frères d’armes. Avant de
se remettre en marche, chacun se découvre. Notre cicérone autorisé et pieux
nous donne chemin faisant toutes les explications désirables qu’arrivés au pied
de la roche le garde Wimet qui, avec le comte Jacques
de Dixmide a retrouvé le corps de notre Roi
bien-aimé, veut bien, comme pris dans cette atmosphère de recueillement,
compléter encore. Le Roi est descendu de la hauteur. Arrivé au bas de la roche,
il a voulu l’escalader mais parvenu à quelques 4 mètres du sommet, derrière le
rocher qui est là devant nous, la pierre s’est effritée, le Souverain a fait
une chute de 11m 50, laissant sur les roches des traces sanglantes. Son corps a
rebondi, a roulé trois ou quatre mètres et est venu s’arrêter là entre le
drapeau que nous voyons là et le crucifix planté un peu plus bas et en retrait
duquel s’amoncellent depuis cinq semaines les fleurs et les couronnes. Notons
un agrandissement à la taille d’un blason de l’insigne des « croix de
Feu », une couronne forgée par les ouvriers de Seraing, des couronnes de
tous les groupements patriotiques, de toutes les fraternelles. Non, jamais
homme, jamais Roi n’a ainsi jamais été honoré dans la mort. Photographie offerte à Georges Loodts en souvenir du Pèlerinage organisé le 25 mars 1934 à Marche-les-Dames. Cette photo fut faite vraisemblablement par le journaliste qui accompagna le groupe « Patria » de Mons et qui rédigea son compte-rendu dans le journal « Le Progrès ». Sur la photo, on aperçoit le drapeau à mi-hauteur et plus bas une toute petite croix de bois. Ce fut entre ces deux marques que l’on trouva le corps du Roi Albert. Mort du Roi Albert, 17 février 1934. – Marche-les-Dames – L’endroit où fut découvert le corps du Roi. La tache blanche est le soc d’alpiniste du Roi resté sur place. Auprès
de ces couronnes « Patria » range la
sienne, toute de fleurs naturelles et vraiment magnifique. Devant une foule qui
s’est accrue de tous les pèlerins présents à cette minute-là, le R.P. Van Santen prononce quelques paroles d’édifications empreintes
de patriotisme et de sens chrétien. Notre aumônier récite cinq
« Pater » et cinq « Ave » puis le « De
profundis ». Un moment encore on se recueille devant le Bon Dieu de Pitié.
Et satisfaits du devoir accompli, nous prenons la voie du retour tout en nous
entretenant des projets du monument, projets sur lesquels nous aurons
l’occasion de revenir plus longuement. Il semble qu’au contact des lieux où
notre Roi a rendu sa belle âme à Dieu, chacun se sent anobli. Le retour, après
un arrêt d’une heure à Namur s’est effectué dans une atmosphère élevante, un peu troublée par la vue du sang et de la mort
car nous fûmes quelques secondes après qu’il s’est produit sur les lieux de
l’accident rapporté par ailleurs. Le souvenir que nous conservons de notre
pèlerinage à Marche-les-Dames est impérissable. Tout Belge devrait en marquer
aujourd’hui sa vie et nous formons le vœu que « Patria »
qui a conduit cette démarche de manière si digne, si soignée, si recueillie en
susciter d’autres. Dans l’entretemps nous lui marquons ici notre
reconnaissance, spécialement à son distingué Président M. l’échevin chevalier
Jean de Patoul et à son cher autant qu’actif et
intelligent secrétaire, notre ami Georges Loodts. (écrit par un journaliste du « Progrès ») |