Médecins de la Grande Guerre
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On falsifia la date de la mort du
berger Augustin Trébuchon, le dernier poilu tué en
France ! Soldat Augustin Trébuchon C’est dans la nuit du samedi 9 au
dimanche 10 novembre qu’Augustin Trébuchon (né le 30
mai 1878), estafette de la 9ème compagnie, s’élança avec ses
camarades sur un pont de fortune pour traverser la Meuse à Vrigne-Meuse
(Vrigne-Meuse, entre Sedan et Charleville-Mezières,
est situé, à vol d’oiseau, à seulement
30 km de la Belgique). Sous la pluie et
le feu, il fut un des 700 hommes qui parvinrent sur l’autre rive puis montèrent
à l’assaut du village et de la crête meusienne et de son point dominant, le
« Signal de l’Epine » où les Allemands se sont retranchés. C’est le
général Marjoulet, qui commandait le 14ème
corps d’armée, qui avait ordonné de franchir la Meuse à tout prix pour mettre
fin aux dernières hésitations de l’ennemi à signer l’armistice, un ennemi qui,
disait-il, aurait pu se croire encore invincible, retranché derrière le fleuve ! Plaque commémorative Augustin Trébuchon
fait des allers-retours entre le poste de commandement, installé dans la cave
du bureau des PTT à Dom-le-Mesnil, jusqu’aux soldats à quelques centaines de
mètres de là, au pied du Signal de l’Epine. Le monument du Signal de l’Epine glorifiant la 163e Division. Vue du Signal de L’Epine sur le village de Vrigne et sur la vallée de la Meuse. Les Français atteignirent ce lieu tenu par l’ennemi mais lors d’une contre-attaque, ils furent repoussés jusque la gare de Vrigne. Sur cette carte on peut s’apercevoir que ce sont des régiments de la Garde impériale de Guillaume II qui affrontèrent les Français montés à l’assaut de Vrigne et du signal de l’Epine à partir du village de Dom-le-Mesnil. Remarque : ici, sur cette table d’orientation, le nord est en bas et le sud en haut ! Mais après la traversée meurtrière de la
Meuse et l'avancée de la nuit, les Allemands contre-attaquent. Vers 10h30, le
dimanche 10 novembre, ils arrivent à repousser le 415e régiment près
de la gare située entre le village et la Meuse. Durant la nuit du 10 au 11
novembre chacun restera sur ses positions. Le 11, à 05h15 le général Foch
avertit par télégraphe les chefs des armées alliées de la signature effective
de l’armistice et de l’heure à laquelle la paix serait effective. Sur
l’ensemble du front, la plupart des mouvements et des combats avaient déjà
cessé à l’annonce des négociations mais les unités qui avaient, malgré tout,
continué de combattre cessèrent tout coup de feu à la réception du message du
généralissime transmis par les états-majors à toutes leurs unités. C’est à 8h30
que celui-ci au 415e à 8h30, à Vrigne,
l’ordre d’arrêter le combat ne fut pas donné et les tirs continuèrent. A 10 heures cinquante, le 11 novembre, une
mitrailleuse allemande retentit encore. Le soldat Augustin Trébuchon,
agent de liaison, qui portait un message de peu d’importance concernant le
ravitaillement venait à nouveau de franchir la passerelle au-dessus de la Meuse
pour rejoindre son unité retranchée près de la gare quand il s’effondra, le
crâne fracassé par une balle tirée des hauteurs. En sont témoin, deux de ses
camarades, l’agent de liaison Gazoreth et le clairon Delaluque qui s’apprêtait à sonner l’armistice… Photo du 12 novembre. Le soldat Delaluque qui fit office de clairon le 11 novembre, quelques minutes après avoir découvert Augustin Trébuchon le crâne fracassé est représenté au premier rang entre les deux mitrailleurs. Sur la tombe du soldat Trébuchon et de 17 de ses camarades tombés peu avant lui
dans la matinée, on inscrivit comme date de décès le 10 novembre 1918 alors
qu’ils avaient été tués le matin de l’armistice. Pourquoi cette tromperie ?
Personne ne le sait avec certitude. On peut cependant aisément imaginer qu’une
ou plusieurs autorités militaires ont ressenti que ces soldats morts le jour de
l’armistice, avaient été sacrifiés inutilement, ce qui pouvait porter atteinte
à la réputation de la hiérarchie dont dépendait le 415e. Le carré des soldats se trouve à droite lorsque l’on franchit le mur clôturant le cimetière et l’église. Le carré des soldats morts le 11 novembre et dans lequel repose Augustin Trébuchon, est situé dans le cimetière jouxtant l’église de Vrigne. Sur la croix de la sépulture figure toujours la date falsifiée de la mort d’Augustin. La pauvre Augustin avait pourtant
survécu pourtant à la bataille de la Marne, de Verdun et de la Somme ! Un
véritable héros de 40 ans, blessé deux fois et qui n’avait bénéficié que d’une
seule permission pendant les quatre années de guerre. Augustin, dernier tué,
est pourtant un symbole de paix car,
avant la guerre, il exerçait le métier de berger sur les plateaux du Lozère du
côté de Montchabrier ! Un berger idéaliste qui
s’occupait, comme aîné, de sa fratrie nombreuse privée de père et de mère.
Comme soutien de famille nombreuse, il était un des rares hommes à pouvoir être
exempté de service. Mais malgré ce privilège, à l’âge de 36 ans, il n’hésita pas
à quitter le 4 aout 1914 et sa famille et sa fiancée Hortense pour rejoindre la
ville de Mende afin de s’engager. On imagine qu’il devait beaucoup aimer
la terre de sa famille et de ses brebis pour être un des premiers volontaires à
se battre pour elle ! Dans son
village, on le regretta car, expliqua Léon Bourrier, le fils d'un ami proche
d'Augustin, qui l'honora en 2017 dans un recueil de poèmes, « Augustin
était réputé pour ses airs de bourrée et de brise-pied avec lesquels il animait
toutes les soirées et les veillées du canton ». Le petit (1M62) berger du Lozère à la belle
voix et aux yeux si doux, s’en fut donc en guerre pendant quatre ans ! Sur le mur du cimetière, figurent les photos émouvantes de Trébuchon et de quelques-uns de ses camarades qui reposent avec lui. Proriol Jean D’Hoker Marius Bourrouihm Jean-Pascal Balut Victor Ducroco Julien Hurtaud Marcel Le Chemin de Mémoire de Vrigne nous rappelle aussi les victimes allemandes de ce dernier combat. A l’emplacement de la gare de Vrigne, là où les soldats français se replièrent, un monument imposant rappelle la souffrance entraînée par la guerre. La stèle est l’œuvre récente du sculpteur Tonglet et représente la République tenant dans ses bras un soldat tué qui tient le clairon à la main. Un panneau du chemin de mémoire de Vrigne nous rappelle la tragédie de cette guerre avec 1.400.000 Français tués, 2.033.700 Allemands et en France 600.000 veuves et 986.000 orphelins. Près de cent ans après sa mort, c’est un
journaliste, Alexandre Duyck qui redonna vie au héros
dans son roman « Augustin Trébuchon » (Editions
Lattès). Couverture du livre L’histoire a retenu que le courageux
berger de Lozère fut le dernier soldat français tué au combat. Cependant, des recherches menées par des
lycéens belges et une association bretonne (voir Auguste Renault,
dernier Poilu mort sur le front ouest) ont révélé qu’un
autre poilu, Auguste Renault, serait mort 8 minutes plus tard en Belgique,
fauché par un obus français tiré par erreur. Auguste RENAULT est né le 6
décembre 1897 à Saint-Trimoël (Côtes d’Armor). Il venait d’une fratrie de six enfants dont
trois périrent en se battant pour la France. Son père, Jean Renault avait été veuf trois fois
et élevait avec courage seul ses enfants ! C’est dans le 411e régiment
d’infanterie qu’Auguste Renault fit son entrée en Belgique lors de l’offensive
finale. Il sera tué à Robéchie secteur de Chimay
(Belgique) par éclat d’obus à 10 heures 58, le 11 novembre 1918 comme en fait
foi son registre matricule. Extrait du registre matricule C’est un des derniers tués de la guerre,
voire le dernier. Il est inhumé en la nécropole nationale de Dinant (Belgique),
tombe 220, carré 2. Ici aussi, il y a erreur sur l’inscription de sa sépulture
qui mentionne comme date de décès le 11-11-1914 ! Les noms du premier mort français de la
guerre et du dernier sont faciles à retenir, le premier étant PEUGEOT et le
dernier RENAULT ! Trébuchon reste cependant
considéré comme le dernier soldat français ayant péri en France juste avant l’armistice. N’oublions cependant
pas que Renault et Trébuchon ne furent cependant pas
les derniers soldats à périr de la guerre. Une multitude de soldats blessés
gravement perdirent malheureusement la vie après l’armistice ! Dr
P. Loodts |