Médecins de la Grande Guerre

Le sergent Joyce Kilmer devint célèbre par un petit poème mais il le devrait être aussi pour son courage !

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Le sergent Joyce Kilmer devint célèbre par un petit poème mais il le devrait être aussi pour son courage !



1) Sa vie :

       Kilmer est né le 6 décembre à New Brunswick, dans le New Jersey, le quatrième et plus jeune des enfants d’Annie Ellen Kilburn (1849–1932), écrivaine et du Dr Frederick Barnett Kilmer (1851–1934), médecin employé dans la firme pharmaceutique « Johnson and Johnson » et qui fut l’inventeur de son produit phare la poudre « baby powder » employé pour soigner les irritations fessières des bébés !



       Il est diplômé en littérature et en journalisme de l'Université de Columbia en 1908, l'année où il épouse Aline Murray, avec laquelle il aura 5 enfants. Parmi les cinq enfants, se trouve leur fille Rose Kilburn Kilmer (1912–1917) atteinte de poliomyélite. L’enfant paralysé fait beaucoup réfléchir les parents qui se tournent alors vers Dieu pour demander aide et consolation. Dans leur parcours, de protestant épiscopalien, ils deviennent catholiques en 1913.

       Kilmer se fait une réputation dans la rédaction de vers et de poésies populaires à connotation ou caractère religieux. En 1913, son poème « Trees » fait un tabac et le rend célèbre.

       En avril 1917, Kilmer s’engage au 165ème Régiment d’infanterie mieux connue sous le nom du "Fighting sixty-nine ", unité qui eut son heure de gloire durant la guerre de sécession. Il était composé de nombreux Américains d’origine irlandaise. Kilmer était fort attaché à cette unité dont il voulait raconter les futurs exploits en Europe. Pour éviter toute mutation, il refusa à plusieurs reprises de devenir officier. Juste avant son départ pour l’Europe, sa fille rose s’éteignit et 12 jours après son fils Christopher vit le jour. Sous l’uniforme, Kilmer devint un ami et admirateur du célèbre aumônier Francis Duffy) qui fut maintes fois décoré et dont beaucoup estimaient qu’il aurait pu magnifiquement commander son régiment ou même sa brigade !



Statue du Père Francis Patrick Duffy (1871-1932) par Charles Keck (1875-1951), Times Square, New York City, New York, USA.

       Kilmer meurt au combat le 30 juillet 1918, alors que son régiment se bat du côté de Meurcy, au Bois Colas, lors de la 2e Bataille de la Marne, en Picardie-Champagne. Le Sergent Joyce s’était porté volontaire, avec un groupe d'hommes, pour une mission de reconnaissance nécessaire au repérage des positions ennemies situées au Nord du Bois Colas. C'est là qu'il se fera tuer par un tireur isolé. Il fut enterré au cimetière militaire américain de Seringes-et-Nesles dans l’Aisne.




Photograph of Aline Kilmer and her first child, circa 1909. Source: New Brunswick Free Public Library, New Brunswick, NJ.

2) Deux poèmes

L’arbre



L’arbre

Je ne verrai jamais, je crois,
De poème aussi beau qu'un arbre.

L'arbre dont la bouche affamée se presse
Contre le sein généreux de la douce terre ;

L'arbre qui regarde Dieu tout le jour,
Et lève ses bras feuillus pour prier ;

L'arbre qui, peut-être en l'été,
Porte un nid de rouges-gorges dans sa chevelure ;

Sur son sein la neige s'est posée ;
Il est intime avec la pluie.

Les poèmes sont l'œuvre d'insensés comme moi,
Mais seul Dieu peut faire un arbre.

(Traduction de Maurice Le Breton, Anthologie de la poésie américaine contemporaine, Éditions Denoël, 1947)

Toits

(Rem : Poème mis en prose après traduction)

La route est large, les étoiles brillent, doux est le souffle de la nuit. Et voici l'heure où l'envie de voyager s'empare de mes pieds. Mais je suis content de quitter la grand-route et la lumière des étoiles qui illumine mon visage, de quitter les splendeurs de la vie au grand air pour une résidence plus humaine.

Je n'ai jamais rencontré de vagabond qui aimait vraiment errer sans but dans les rues du monde entier et ne pas avoir de « chez soi » : Le clochard qui a couché dans ta grange et l’a quitté au point du jour flânera jusqu'à ce qu'il ait trouvé un autre endroit où rester.

Le gitan dormira dans sa charrette sous un morceau de toile ; ou il ira coucher sous la tente le soir venu. Il s'assiéra dans l'herbe et prendra ses aises tant que le soleil brillera, mais à la tombée de la nuit, il voudra un toit pour se protéger du ciel.

Si vous traitez un gitan de clochard, vous êtes, je crois, injuste envers lui, car il ne part jamais en voyage, puisqu'il amène sa maison avec lui et si la route est bonne, comme le savent tous les clochards, c'est uniquement parce qu'elle mène quelque part, chez soi, chez soi, chez soi.

        On dit que la vie est une grand-route dont les jalons sont des années. Il y a de temps à autre un poste de péage où vous payez votre passage avec des larmes. C'est une route difficile, c'est une route escarpée, qui s'étend longue et large, mais elle mène finalement à une Ville d'or où s'élèvent des Maisons d'or.

Joyce Kilmer

3) Conclusion

       Le poète entraîné par ses réflexions sur le sens de la vie, entraîné aussi par sa petite fille chérie qui, handicapée et malade, montrait ce qu’était le sacrifice d’un ange, a voulu vivre une part de la vie inconfortable qu’elle menait. Il s’engagea donc, père de famille nombreuse à 31 ans, laissant sa courageuse épouse et ses enfants loin de sa présence ! Le poète qui aimait tant un « chez soi » si bien décrit dans son poème « Toit » en a fait le lourd sacrifice.

       En ce mois de la fête de Pâques 2025, la guerre continue encore en de nombreux endroits !  En outre, beaucoup de familles n’ont toujours pas de toits pour avoir le « chez soi » si bien décrit par le poète. Le pessimisme peut nous submerger et nous noyer mais la dernière strophe de son poème peut nous sauver du désespoir. Alors, je n’hésite pas à vous la retranscrire encore une fois pour que, jamais plus, vous n’oubliez la Ville d’Or :

        « On dit que la vie est une autoroute dont les jalons sont des années. Il y a de temps à autre un poste de péage où vous payez votre passage avec des larmes. C'est une route difficile, c'est une route escarpée, qui s'étend longue et large, mais elle mène finalement à une Ville d'or où s'élèvent des Maisons d'or. »

Dr P. Loodts  

 

 

 

 



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