Médecins de la Grande Guerre
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Brève histoire du Service de Santé Belge. Par le Dr Patrick Loodts Dans
cette brève histoire du Service de Santé Belge se tient le résumé succinct de
notre site « Médecins de la Grande Guerre ». Le lecteur intéressé
trouvera dans cet article tous les personnages, lieux ou événements qui font l’objet
d’un développement plus complet dans des rubriques séparées de notre site. L’histoire du
service de santé de l’armée belge durant la guerre 14-18 constitue une
véritable « histoire belge »
saugrenue, incroyable et finalement à l’image de l’histoire de la nation belge. A cause de l’incurie de
certains hauts fonctionnaires, les soins de santé aux blessés furent, au début du conflit, scandaleusement
inappropriés. Les Belges, cependant ne
se découragèrent pas, et rassemblèrent
leurs talents pour créer en quelques mois une véritable structure de soins qui deviendra même un modèle du genre pour nos
alliés! Pendant les
premiers mois de la guerre, les médecins et les brancardiers acceptèrent de se dévouer avec des moyens de
fortune car le 4 août 1914, on se rendit compte que Portrait du Dr Antoine Depage debout dans son laboratoire, peint par Lucie Lambert. Deux autres
éléments intervinrent dans l’incurie du service
de santé au début de la guerre. L’armée d’active n’avait quasi aucun
brancardier de carrière et l’on comptait sur les « Dispensés du service en
temps de paix » appelés les D .T. S. P. pour constituer les Corps
d’ambulance. Comme nous le verront plus loin, les D.T. S. P. étaient constitués
par les instituteurs, les religieux et séminaristes. Rien n’était prévu pour eux
dans notre armée : ni matériel, ni même uniforme. Mobilisés comme
brancardiers ils se mirent en route immédiatement vers leurs unités et apportèrent
leurs aides aux blessés des combats en les transportant sur des brouettes confisquées dans les fermes ! Ils
étaient répartis en six Colonnes d’Ambulances de 350 brancardiers chacune, chaque Division de l’armée belge
ayant sa colonne d’ambulance. Ces
instituteurs, curés ou séminaristes, dans leurs tenues civiles ou revêtus de leurs soutanes, suivirent l’armée
en campagne derrière la Gette puis dans sa retraite vers Anvers et ensuite vers la côte belge. L’armée belge était divisée en une Armée de Forteresse et une Armée de
Campagne. L’armée de campagne comportait six Divisions d’Armée et une Division
de Cavalerie. Chaque dans Division
d’Armée (D.A.) possédait six régiments composés chacun de trois bataillons. Un
bataillon possédait quatre compagnies de plus ou moins 200 hommes et une
compagnie Etat-Major. Ces hommes, comme René Glatigny et le père de Groote se montrèrent souvent extrêmement courageux si pas héroïques. Cette
troupe hétéroclite d’instituteurs et de religieux était mal considérée par la hiérarchie qui les voyait comme des
trublions d’intellectuels inaptes à l’obéissance et à la discipline
(effectivement ces jeunes hommes possédaient un certain sens critique de
par leur niveau d’études !). Bien entendu ils n’avaient reçus aucune
instruction militaire au préalable, et c’est entre deux marches ou combats
qu’ils apprirent le BABA du soldat et du brancardier. Plus tard, derrière
l’Yser, bon nombre d’instituteurs ayant servi comme brancardiers voulurent
comme René Glatigny devenir officier. On les en empêcha d’abord en leur
signifiant qu’ils n’avaient pas leur diplôme d’humanités complètes. René Glatigny soignant un blessé. (Collection Dr Loodts). Les instituteurs étaient formés de la manière suivante -études moyennes du degré inférieur - suivie de 4 années d’école normale. Ce n’est qu’en 1967, que la formation des instituteurs belges commença à
être dispensée en deux ans aux candidats en possession d’un diplôme d’humanités
complètes. Par après leur
insistance à pouvoir devenir officier et
leurs mérites derrière l’Yser purent
vaincre les obstacles et le 4 avril 116,
une dépêche du Ministre de Le Dr August Depoorter le 4/12/1915 (collection André Van Nieuwkerke) Le Docteur Dolhen. Un troisième
problème à résoudre fut celui du personnel médecin. Au début du conflit, il y
avait en Belgique 4.500 médecins. De ce
nombre, 2000 à 2500 avait moins de
quarante ans. Les médecins de carrière, les médecins rappelés en fonction des
obligations militaires et 124 volontaires constituèrent le corps des 900
médecins disponibles. Ce nombre était insuffisant et ne put être augmenté malgré les appels répétés que fit le Général
médecin Mélis aux 1.500 médecins en âge de s’engager comme volontaires et qui
étaient restés en zone occupée ! Le déficit en médecins était tel que l’on
considéra comme médecins militaires les
étudiants en médecine ! Tel fut le cas des étudiants en médecine Depoorter
et Dolhen dont nous décrirons plus loin la carrière
mouvementée ! Il faut dire que les médecins plus âgés n’avaient pas envie
de se retrouver dans la tenue d’un bleu. L’armée n’avait prévu aucun statut
pour les engagés volontaires qui malgré leur grande expériences pouvaient se
retrouver sous les ordres d’un médecin militaire de carrière beaucoup plus
jeune qu’eux ! A ce propos on lira avec amusement le conflit qui eut lieu
entre le docteur Depage et le Général médecin Mélis. Le Dr Mélis, inspecteur général du Service de Santé. En la cour d’honneur de l’hôpital Militaire, à Ixelles, a été inauguré le mémorial, œuvre du sculpteur de Bremaeker, du lieutenant-général Dr Mélis. (patriote illustré de 1935) Marie Depage Quant aux
infirmières, Edith Cavell - Gouvernante à Bruxelles en 1890 La comtesse dans son uniforme d'infirmière "Sainte Camille". Quoiqu’il en
soit en 1914, les infirmières diplômées étaient encore très peu nombreuses. En
1912, il n’y avait que cinquante infirmières diplômées en Belgique (Rapport du
Lieutenant général De Coune sur l’association de Mère Marie Cléophas à 30 ans. (Tiré du livre « Dans la Paix, Vie de Sœur Marie-Cléophas ») Il fallut donc
recourir aux initiatives privées pour combler les déficits structurels du
service de santé de l’armée belge. En quelques jours, sous la direction d’un
comité spécial de L’ambulance du palais royal comprenait une salle d’opération, une salle
de pansement, une installation RX et 13 salles de malades de 219 lits, une
lingerie, une blanchisserie, une chapelle une morgue. Seule rescapée des
innombrables ambulances qui virent le jour en août 14, elle resta ouverte toute
la guerre et ne ferma ses portes que le 19 février 1919. Durant son existence
elle hébergea 945 blessés dont 605 belges, 293 allemands, 43 français, 3
anglais et un Russe. On y dénombrait la présence de 124 infirmières dont 20
religieuses et 26 nurses anglaises. Une pièce de l'ambulance Anspach. Les quatre jeunes femmes sont de g à dr Marie-Anne Lemaire, Simone Anspach, Alberte Delseaux, Jane Rutten. A
Liège, c’est sous l’impulsion du Président de Papa Merx et le Père de Groote Liège occupé
par l’ennemi, les hôpitaux continuèrent à fonctionner comme par le passé mais
dès le mois de septembre le personnel était remplacé par un personnel allemand.
Malgré ses protestations le médecin principal Henrard ne parvint pas à obtenir
que la convention de Genève fut observée et 31 médecins belges furent envoyés
en Allemagne. Henrard (qui devint plus tard général) fut lui-même envoyé en captivité
le 12 octobre en Allemagne. Le 17 janvier, il fut libéré et pu rejoindre le front
de l’Yser. Les forts de Liège encerclés tombèrent les uns
après les autres mais pendant dix jours parvinrent à immobiliser autour d’eux
100.000 hommes de trois corps allemands. Le 12 août, deux pièces d’artillerie
lourde d e Fort de Loncin en août 1914. Le cratère de l’explosion et une coupole de 15 cm. déchaussée. Ces deux obusiers avaient été livrés juste avant la guerre par les
usines krupp. Ils arrivèrent à Herbesthal par train le 10 août à 23 heures. Le
déchargement des gigantesques éléments des obusiers se révéla une tâche ardue.
Dix lourdes voitures transportant au total 100 tonnes et tirées chacune par un
véhicule à vapeur partirent le 11 août dans l’après-midi pour arriver dans le
village de Mortier le 12 dans l’après-midi. Vers 18hoo le bombardement de
Pontisse commençait ! Après l’envoi de 51 projectiles de Le 13 août, le fort de Chaudfontaine succombe
sous une violente explosion ayant causé la mort de 55 hommes. Le 15 août, c’est le fort de Loncin à 17 h15 qui subit une
explosion d’une violence inouïe : le magasin à poudre est atteint par un
projectile et entraîne dans son explosion l’effondrement du fort qui ensevelit
trois quart de son effectif soit 350 hommes ! Ces hommes reposent toujours
aujourd’hui dans les ruines du fort !
Par miracle le général Leman qui commandait la défense de Liège et
s’était réfugié à Loncin après l’entrée de l’ennemi à Liège échappe à
l’ensevelissement et est fait prisonnier indemne. Transféré en Allemagne, il
fut libéré après quelques mois mais ne recouvrit jamais la santé et mourut en 1920. Le général Leman. Seul le fort de Loncin était pourvu d’électricité. Cette forteresse
disposait également de latrines à l’intérieur de ses murs. Dans les autres
forts, on devait quitter les casemates afin d’aller faire ses besoins en plein
air dans des latrines construites en bois. De nombreux
blessés brûlés graves sont évacués par les allemands vers l’hôpital militaire
de Bavière. Le 15 août se rendit aussi le fort de Boncelles. A l’intérieur de
celui-ci oeuvrait un médecin civil, le docteur Broden, qui bien que sexagénaire, avait accepté de mettre
ses compétences au service de l’infirmerie du fort. Nous aurons l’occasion de
parler d’un brancardier héroïque, Amédée Gilkinet qui oeuvrait dans un des
forts de Liège. Ce professeur, père de famille connut un destin de héros, sa
devise était « Pugno, credo ». Il fut l’une des 48 personnes fusillée
au fort de Document envoyé par Monsieur Luc Malchair. La situation
au 10 août est peu banale : Liège est déjà aux mains de l’ennemi mais les
forts belges qui l’entourent résistent toujours et retardent l’avancée
considérablement l’avancée de l’ennemi !
L’armée belge sauf une division qui renforce la défense de Namur est sur ses
positions de défense derrière Dinant défendue
par nos alliés français parmi lesquels se trouvait un jeune officier du nom de
De Gaulle tomba le 15 août. La population civile est accusée d’avoir soutenu
les Français et est punie par la pire
des barbaries : le massacre de 674 civils dont le plus âgé avait 88 ans et
le plus jeune trois semaines (en plus de ce massacre,
Dinant perdit 950 maisons détruites et 416 Dinantais furent envoyés en
déportation à Cassel) ! La position fortifiée de Namur tomba
elle le 23 août et le dernier
fort à résister fut celui de Suarlée qui succomba le 25 août. Elle était tenue
par les troupes de forteresse et par une des six Divisions d’Armée, la 4 D.A. Les
neufs forts de Namur et ses 25.000 soldats résistèrent pendant trois jours
décisifs à trois corps d’armée ennemis. Des ambulances accueillirent les
blessés dans l’abbaye de Maredsous et aussi dans le collège des Jésuites à
Namur. Incroyable retraite : des unités belges ayant quitté
Namur de justesse purent éviter
l’encerclement et se replièrent en France. A Rouen, 12.000 Belges de la 4 D. A.
se
reconstituèrent en unités et s’embarquèrent au Havre le 1er septembre pour
rejoindre Ostende et puis Anvers où s’était regroupé l’armée belge. Germain Foch (fils du maréchal). Photo prise alors qu'il etait sergent aux manoeuvres de 1913. Au moment même
où la position de Namur se rendait aux Allemands, l’armée française qui s’était
portée à notre secours sur nos frontières d’Arlon à Charleroi après trois jours de violents combats décida
d’effectuer sa retraite vers la Marne. Il
n’y avait pas d’autres solutions car, en trois jours seulement, les pantalons rouges, décimés par les
mitrailleuses allemandes, perdirent dans les villages ardennais plus de trente
mille des leurs ! C’est dans cette guerre des frontières que périt le fils
du Général Foch, le jeune sous-lieutenant Germain Foch ! C’est
aussi dans cette bataille à Baranzy qu’un autre jeune officier du nom de Rommel
faisait ses premières armes ! Le service médical français ne fut pas épargné sur le champ de bataille comme le
prouve le sort réservé à l’ambulance tenue par les docteurs Charrette et
Sedillot, médecins militaires français
à Gomery. Ces soldats reposent aujourd’hui en Belgique dans les impressionnantes
fosses communes des cimetières militaires français. Les Allemands accusèrent mainte
fois la population belge d’avoir aider les Français au combat et se vengèrent
sur elle par de terrifiantes exactions en Gaume et dans nos Ardennes comme à Maissin,
Ethe, Baranzy, Rossignol, Latour ! Entre le 22 août et le 23 août rien que
pour les traversées des troupes allemandes dans les provinces de Namur et de Luxembourg
on compta 6.937 maisons incendiées et 2.812 civils tués ! Erwin Rommel en 1913. Mais revenons
à l’armée belge en campagne. Nous l’avons vue refluer dans la position
fortifiée d’Anvers. Dans celle-ci, de nombreuses ambulances furent improvisées (75 au total soit 15.000
lits dont 12.000 furent occupés), comme celui installé dans le célèbre jardin
zoologique pour recevoir nos blessés
qui en majorité avaient pu être évacués par les trains sanitaires. A Anvers se trouvait en effet installé le « Parc sur rail du Service de
Santé » sous la direction du major Monseur. Ce parc ferroviaire comptait 218 voitures soit 18 rames à 8 voitures pour
blessés couchés et 12 rames à six voitures pour blessés couchés et à deux
voitures pour blessés assis. Parmi ceux-ci se trouvaient les trois trains
sanitaires dits « Notre-Dame de Lourdes » qui avaient été donnés par Mgr
De Ploige et qui rendirent d’immenses services. En effet, ces trains étaient munis de leur
matériel sanitaire et de leur personnel. Tous ces trains furent utilisés pour
ramener les blessés de l’armée vers Anvers et plus tard pour les évacuer vers
la côte Belge. Pendant son séjour à Anvers, l’armée belge effectua plusieurs sorties pour contrer l’ennemi sur
son flanc. La première eut lieu du 25 au 26 août pour attaquer Hofstade et Elewyt. L’opération
coûta 4.000 hommes mais obligea les allemands à doubler leurs effectifs devant
Anvers. Durant cette première sortie, l’armée belge s’approcha même à quelques
kilomètres de Bruxelles et de Louvain, ce qui provoqua la panique dans les
rangs allemands. On pensa que les civils tiraient sur les soldats. Le 25 août,
les allemands incendièrent Louvain à titre dissuasif. On dénombra 218 victimes
civiles et 2.117 maisons furent incendiées. La précieuse bibliothèque de
l’université disparut complètement dans les flammes avec tous ses
trésors ! Une petite fille de 13 ans décrivit les jours de détresse de
Louvain avec des mots très émouvants. Ce texte resta longtemps dans
l’oubli. Ruines de Louvain – Université, Bibliothèque. La deuxième sortie
eut lieu entre le 9 et le 13 septembre dans la région d’Aarschot et nous
occasionna de nombreuses pertes (huit mille tués, blessés ou disparus). Parmi
les médecins militaires se trouvait le docteur Duwez (alias Max Deauville)
qui devint par la suite célèbre en publiant deux livres sur son expérience de
guerre. Les descriptions de la vie du front et particulièrement des vies des
médecins, des brancardiers et de leurs blessés sont indiscutablement des
morceaux d’anthologie ! Selon le célèbre critique de livres Norman Cru, le
docteur Duwez écrivit un des plus beaux
témoignages de ce que fut vraiment la guerre de 14-18 ! Le docteur Duwez alias Max Deauville. Norman Cru analysa dans Témoins près de 300 ouvrages concernant la
première guerre mondiale, édités en langue française de 1915 à 1928. En fin
d’ouvrage il classa les 300 auteurs en six catégories : excellent, bon,
assez bon, médiocre, faible et nul. La catégorie 1 ne contient que 29 noms. Max
Deauville est parmi-ceux-ci avec notamment
Maurice Genevoix Duwez fut accusé d’être défaitiste alors qu’il
n’était que réaliste et ses livres furent censurés entre les deux
guerres. Plus tard, l’éminent professeur
Bernard de l’Ecole Royale Militaire de
Bruxelles, dans les années soixante, recommanda
à ses élèves-officiers de l’école royale militaire les livres du docteur Dewez pour qu’ils puissent découvrir le vrai visage
de la guerre. « Pour ma part, en tant que professeur d’histoire, et en
particulier d’histoire militaire, j’estime que des ouvrages vécus comme jusqu’à
l’Yser, doivent être lus par tous les officiers – sans oublier les
officiers- médecins - et sont autrement profitables que maints ouvrages dits scientifiques,
de haute stratégie, péremptoires souvent, pédants parfois, et dont les recettes
risquent d’être un jour, à nouveau, démentis par les faits. Ces ouvrages-ci ne
parlent qu este que des machines et de
leur mise en œuvre. Max Deauville, lui traite de l’HOMME. Les machines sont des
variables et l’homme est une constante. Il traite de l’homme dans sa réalité.
Et c’est pourquoi- à l’opposé de mes prédécesseurs d’avant 40- je recommande
aux élèves-officiers de lire et de méditer l’œuvre de Max Deauville, lorsqu’ils
étudient la première guerre mondiale, comme je leur recommande, pour l’étude de
la seconde, cet autre chef-d’œuvre de psychologie « The Cruel sea »,
par Michel Monsarrat. Car la réalité ne peut être cachée à ceux qui peut-être
un jour appelés à la vivre. On n’a pas le droit de tricher avec eux. La guerre
romancée « avec drapeaux déployés et flamberges au vent » est
une fiction. La guerre, ce n’est pas seulement l’ennemi invisible et meurtrier,
c’est aussi la vie pénible et monotone. C’est l’ennui, la malpropreté, les
parasites. C’est l’angoisse de la vie : des ménages brisés, les soucis
matériels, l’incertitude quant à son avenir et celui des enfants. (…) A toutes les pages de jusqu’à l’Yser, l’élève-officier puisera des
leçons de choses. Vivre avec ses hommes, partager leurs souffrances
physiques ; comprendre leurs souffrances morales, donc être avant tout
psychologue et humain ; donner en toutes circonstances l’exemple du
savoir, renoncement et du devoir. Ainsi le soldat respectera-t-il dans son
chef, l’homme et non le grade, car, disait encore Souvarov, le respect exclusif
du grade n’a jamais résisté à l’épreuve du feu ». Professeur Henri Bernard
(Préface de la réédition du Livre « Jusqu’à l’Yser »de Max Deauville,
Editions Pierre Meyere, 1964) La
colonne d’ambulance eut à évacuer plus de 1.200 blessés que des trains sanitaires
transportèrent d’Aarschot à Anvers. Le 27 septembre les Allemands lancèrent un
assaut de la position fortifiée entre Lierre et Malines. Le Fort de
Wavre-Ste-Catherine s’écroula le 28 septembre. C’était le plus solide de nos
forts et cette catastrophe fit comprendre aux autorités militaires que l’on ne
pouvait plus résister longtemps malgré l’arrivée le 3 octobre à Anvers du
renfort composé des deux mille fusiliers marins anglais parmi lesquels se trouvait le jeune officier Winston Churchill.
La position fortifiée d’Anvers, qui était
qualifiée d’imprenable, s’était donc
révélée un colosse aux pieds d’argile devant l’artillerie allemande ! Cette
constatation amère causa un immense
désarroi dans les rangs militaires et
dans les civils qui s’étaient réfugiés
en grand nombre dans Anvers. Personne ne s’attendait à l’abandon si rapide
d’Anvers comme le prouve la décision de l’Etat-major de l’armée qui quelques semaines auparavant avait
permis aux femmes et enfants des sous-officiers et des officiers de tenter de
rejoindre Anvers. Parmi ces civils au statut particulier se trouvait la jeune
hennuyère Florina Flamme venue
retrouver son père Adjudant –Major à Anvers
et qui deviendra une des
premières infirmières militaires de notre armée. Son histoire illustre le destin peu banal des femmes belges qui
réussirent à rester auprès d’un mari ou
un père combattant. Florina Flamme, 1917 Le 29
septembre l’ordre secret fut donné d’évacuer la base d’Anvers vers la côte. Le
chemin de fer fut utilisé à raison de 25 à 30 trains par nuit sur la ligne
Anvers-Boom-Tamise-St Nicolas, une boucle qui passait à un kilomètre des forts
bombardés. Pour le seul service de santé
on fit passer ainsi le 30 septembre douze trains sanitaires et le premier
octobre quatre trains de blessés légers. Le 2 octobre secret de l’évacuation
fut éventé et l’annonce de cette retraite entraîna une immense panique dans la
population civile. Un million de civils belges vont alors fuir par tous les
moyens possibles vers Léon Juckler, Marie Lorent, Joseph et Edmond Mais revenons
à notre armée belge qui pu une nouvelle fois échapper à l’étau ennemi en
rejoignant la côte belge avec armes et bagages mais aussi avec tous leurs
innombrables blessés et les familles des gradés. Le sept octobre le grand
mouvement des troupes belges encore composées de 80.000 hommes s’opère vers la
côte. Le 10 octobre alors que ce
mouvement s’achève, l’Etat-major
convaincu que l’armée ne pouvait défendre les Un peintre inconnu, nommé Pascal et élève de l’académie du « Village Albert » de Zeist,a peint ce magnifique portrait du Dr De Beir. L’infirmière
Jeanne de Launoy accompagnera deux
ou trois milliers de soldats blessés qui évacués
d’abord à Dunkerke
sont embarqués à destination de
Calais dans l’ « Indore » énorme bateau qui
venait de débarquer plus de 1.500 soldats anglais et de 900 chevaux ! Les soldats belges blessés gisent sur le foin
ou à même le sol. On imagine la surinfection des plaies et le risque de tétanos
dans de telles conditions ! L’accueil des anglais fait à nos blessés est extraordinaire. Mais à
l’accueil des soldas blessés s’ajoutent l’accueil des civils belges ayant
atteints par de multiples rafiots dont la flottille de pêche la côte anglaise. A
Folkestone, les Belges ont la chance d’être accueilli par le pasteur belge Peterson, parfait
bilingue et organisateur hors-pair. Rapidement,
cet homme va réussir à ce
que le débarquement de milliers de Belges (entre octobre et décembre 14, la
moyenne quotidienne des réfugiés débarquant à Folkestone se chiffrait à 2.500) nécessiteux se passe dans les meilleures
conditions. Transferts dans les hôpitaux anglais, recrutement de familles
anglaises hôtes, récolte de fonds, alimentation : tout doit être prévu et
organisé en quelques heures ! En France la ville de Calais accueille des
milliers de nos soldats blessés et écoles, couvents, temples évangélistes, et même
une loge maçonnique sont transformées en ambulances : il y en aura plus de
quarante ! Des médecins belges civils et militaires font ce qu’ils peuvent
pour transformer des classes en salle de soins tandis que les Calaisiennes
offrent leurs services et s’improvisent infirmières ! Le pasteur Adolphe Frédéric Péterson en uniforme de Vice-consul de Belgique. (Photographie prise par H. Wheeler de Folkestone, collection de la famille Edwards-Péterson) Cet afflux de
blessés qui arrive chez nos alliés français et anglais ne va pas se tarir de
sitôt car l’armée allemande lance le 18 octobre l’assaut contre les positions
belges soit seulement quatre jours après
l’arrivée des derniers soldats belges derrière l’Yser. La fameuse bataille de l’Yser durera jusqu’au
30 octobre. Les Français aidèrent l’armée belge épuisée à tenir sa
ligne de front. Les fusiliers marins de l’amiral Ronarch
nous aidèrent à tenir Dixmude, les goumiers de la division Grossetti
nous aidèrent à tenir Nieuport. Les troupes belges résisteront de justesse. Les
Allemands arriveront même à traverser l’Yser dans la boucle de Tervate le 22 octobre et à mettre en pièces les troupes du major
d’Outremont envoyées en contre-attaque….. Le colonel Clément Lefébure du premier
régiment de grenadiers avait émit publiquement des doutes sur le courage du
major Henri d’Outremont. Celui-ci blessé
dans son honneur, attaqua continuellement jusqu’au moment où avec quelques
centaines de ses soldats il tomba au champ d’honneur. Aujourd’hui un monument
sur les rives de l’Yser rappelle ce sacrifice ! La route
semble libre pour l’ennemi qui ayant
traversé l’Yser prit possession du
village de Ramskapelle. Les Belges abandonnent les rives de l’Yser
pour se replier derrière le « Grote Beverdijkvaart » (grand canal de le
digue de Bever) et derrière la ligne de chemin de fer Nieuport-Dixmude. Dans un
furieux corps à corps, maison après maison ils peuvent cependant reprendre le village de Ramskapelle
avec l’aide des soldats Français. Une deuxième
tentative des Allemand failli réussir à Dixmude. Durant la nuit, le 14 octobre, une compagnie
ennemie parvint à traverser le pont de l’Yser. L’alerte fut donnée suffisamment
tôt pour empêcher une pénétration dans nos lignes de troupes plus nombreuses.
Le lendemain Belges et Français parvinrent à neutraliser la centaine de soldats
ennemis qui tentèrent vainement de rejoindre les leurs. Le médecin militaire van der Ghinst
fut un témoin privilégié de cet
événement. La bataille de
l’Yser se terminera pour les troupes épuisées avec l’inondation salvatrice de
la plaine se trouvant entre l’Yser et le chemin de fer Nieuport-Dixmude. Grâce
à l’éclusier Geeraerts, en une nuit l’inondation est
telle que le commandement allemand est forcé de se replier et au-delà de
l’Yser (les Allemands conservèrent cependant quelques tranchées à l’ouest de l’Yser,
notamment au nord de Dixmude en face du boyau de la mort !) On peut toujours aujourd’hui visiter le boyau de la mort sur la rive
ouest de l’Yser. Ces tranchées belges étaient connues pour leur grande
dangerosité car l’ennemi se trouvait en face, de l’autre côté de l’Yser dans
des tranchées mais aussi dans la minoterie de Dixmude du haut de laquelle ils avaient une vue plongeante sur nos
lignes) mais aussi à l’extrémité nord du
boyau dans des tranchées conservée sur la rive ouest. Les soldats belges du
boyau de la mort étaient donc souvent soumis à un tir en enfilade. De plus, les
extrémités des tranchées belges et allemandes sur la rive ouest n’était séparée que d’une trentaine de mètres. Pour empêcher les assauts
allemands, on fit exploser une mine entre les deux extrémités Madame Tack, la « Maman des soldats » (peinture Allard L’Olivier – 1917) (Photographiée par F. De Look) Le 30 octobre,
l’afflux de blessés se termine enfin. Un premier bilan peut être fait sur
une période de deux semaines, c’est plus de vingt mille blessés et malades qui furent
évacués. Un exploit sans aucun doute ! Il s’agit maintenant de conforter
les positions militaires et de les rendre viables pour nos soldats. En
attendant, la vie restera encore très dure dans les tranchées durant l’hiver
1914. Parfois quelques civils extraordinaires essaieront d’adoucir les
conditions de vie de nos « jass » comme madame Tack
et la vieille Joconde. Une héroïne belge très populaire sur les bords de l’Yser : la « Joconde ». (Tiré de « Le Miroir » du dimanche 11 avril 1915) Quant aux
civils qui s’exilèrent en France et en Angleterre pour les quatre ans de guerre,
ils furent plus d’un demi-million ! La vie n’était pas facile pour eux
mais ils reçurent généralement un bon
accueil de leurs alliés français et anglais. L’abbaye de Briquebec
en Normandie se souvient encore aujourd’hui des familles qu’elle accueillit. Après la guerre
l’abbé fut décoré du Roi Albert pour les services qu’il avait rendu aux
réfugiés belges. Ces moines cisterciens n’avaient pas froid aux yeux et outre l’accueil des réfugiés, ils
acceptèrent aussi de se transformer en
infirmiers dans leur abbaye devenue par leur volonté hôpital militaire
français ! Les réfugiés belges ne restèrent pas inactifs dans leurs pays
d’accueil. Ils reconstituèrent même de véritables cités belges comme à Richmond sur Des réfugiés belges. (Collection Abbaye de Bricquebec). La bataille de
l’Yser terminée grâce aux inondations, l’armée belge put s’installer pour une
guerre de positions qui allait durer quatre longues années. Elle put même renflouer ses effectifs grâce à l’afflux des jeunes gens belges qui au péril de leur
vie passèrent de Joseph Zilliox, soldat allemand (photo du livre) Dans la nuit du 4 février 1918 à 21 heures, quatre jeunes Visétois à Lanaye se jettent dans
l’eau glacée de Le vaillant capitaine Le six février toujours pendant la nuit, deux autres jeunes gens tentent
à nouveau le passage à la nage : Julien Devos et Léon Léon. Ce dernier meurt noyé. Vers la même époque,
Marcel Quaden et Pierron de Florenne,
tous deux de Visé meurent électrocuté en passant la clôture. Hellin Modeste est lui abattu par une sentinelle alors
qu’il franchissait la dernière rangée de fils. (source :
L’odyssée du remorqueur Atlas, Edourd Dehareng, 1976) A noter que
des mères de soldats accomplirent
parfois le même trajet pour revoir un fils soldat derrière l’Yser (du moins
avant la mise en place de barrière électrifiée à la frontière
belgo-hollandaise). Comme il regagne son poste, une femme se présente à lui, une mère
anxieuse de voir son fils, venu pour cela de la patrie de (Henri Malo « Le drame des Flandres, un an de guerre », Paris
1916, Editions Perrin) De Nieuport à
la frontière française, le front était cependant encore trop long pour les six divisions
belges. Notre petite armée se contenta donc de tenir l’Yser de Nieuport à Steenstraat.
Au-delà, nous avions les Français jusqu’au
Saillant d’Ypres tenu par les Anglais. Parlons un peu
de ce fameux saillant d’Ypres. Après la bataille de l’Yser, les Allemands
cherchèrent un autre endroit pour mener l’assaut sur l’Yser et ils consacrèrent
leurs efforts sur Ypres. Cette bataille, la « première bataille
d’Ypres » débuta le 21 octobre par l’assaut des lignes anglaises par le 26ème
corps et de la 51ème division allemande. Ces unités étaient
essentiellement constituées de très jeunes étudiants allemands qui n’avaient
quasi pas été entraînés. Les formations des étudiants furent décimées impitoyablement
par les mitrailleuses des soldats de métier anglais. Aujourd’hui ces étudiants reposent dans
le Deutscher Soldatenfriedhof
de Langemark. Ce cimetière présente un aspect sombre par rapport aux cimetières
anglais. Pas de pierre de Portland mais
du grès rose de la région de Charles Camiel Delaere et Sœur Marguerite d'Ypres Les combats de
la première bataille d’Ypres, sans résultats concrets pour les Allemands, se
terminèrent fin novembre par le bombardement de Ypres.
La halle aux draps fut la proie des
flammes. Les troupes anglaises de métier avaient tenu bon au prix de 58.000 soldats.
Plus de la moitié de l’armée anglaise débarquée en août sur le continent sous
la direction de French étaient hors de combat. Les survivants furent renvoyés
en Angleterre où ils formèrent le noyau d’une nouvelle armée de volontaires.
Ypres durant l’hiver fut confié aux Français. Les habitants d’Ypres malgré la
violence des combats ne voulurent pas quitter leurs maisons et il fallut les
secourir en eau nourriture et
soins ! Une épidémie de typhus
éclata en janvier 1915. C’est une infirmière belge remarquable la comtesse
van den Steen de Jehay qui organisa les secours
aux civils d’Ypres avec l’aide du curé Delaere et
de sœur Marguerite. Ils furent aidés dans leur tâche par une ambulance
civile Quaker sous la direction de Geoffrey
Winthrop qui avec ses chauffeurs, médecins, infirmiers se dévoua jours et
nuits. Au printemps 1915, les habitants d’Ypres furent forcés par les autorités
militaires anglaises d’abandonner la ville devenue trop dangereuse et réduite à
l’état de ruines ! La comtesse van den Steen n’abandonna cependant pas le
saillant d’Ypres et continua à œuvrer dans l’hôpital qu’elle créa à Poperinghe au profil de la population civile mais aussi au
profil d’une unité d’artillerie belge isolée au milieu des
« tommies » et qui était chargée de soutenir les Anglais dans le
saillant d’Ypres. Geoffrey Wintrop Young en 1952 Des milliers
de Tommies se rendirent au front par Poperinghe.
Certains y revinrent pour des brefs repos. A Poperinghe et Ypres les souvenirs de Poperinghe possède aussi une tombe militaire particulière : sur la stèle
funéraire militaire est gravé le nom en
caractère chinois de Wang Jungzhi. Ce Chinois fut la dernière personne exécutée par
les autorités militaires anglaises à Poperinghe. Cela
se passa le 19 avril 1919, soit après l’armistice ! Wang Jungzhi appartenait au Chinese
Labour Corps. Le 30 décembre 1916, le premier ministre britannique Lloyd-George
et le président de la république chinoise Sun Yat
Sen, signaient un accord par lequel la nouvelle Chine, s’engageant
civilement » auprès des Alliés, autorisait l’envoi de travailleurs sur le
sol français. 140.000 Chinois furent recrutés par les Anglais pour servir sur le continent. Ils se
retrouvèrent derrière les lignes anglaises
dans des conditions de vie qu’ils n’avaient certainement pas imaginés ! Logés dans des camps dont ils ne pouvaient
sortir, soumis à la discipline militaire, ils durent effectuer le dur
travail de terrassement que
nécessitait l’entretien d’un immense réseau de tranchées. Les coolies dans leurs contrats avaient acceptés de travailler trois ans, dix heures par jour et sept jours sur
sept ! Après la guerre, ce sont eux
qui aménagèrent les cimetières militaires et nettoyèrent les champs de bataille
du saillant d’Ypres et de A l’occasion du 70ème anniversaire de l’armistice, la société
archéologique de Péronne présenta une douille d’obus avec des dessins et
inscriptions chinoises. Le dessin représentait le narcisse, symbole de
rêverie pour les Chinois tandis que les
idéogrammes composaient un poème dont voici la traduction J’ai eu le cœur fendu en quittant
un jour le foyer Voilà que cette séparation dure depuis l’an passé Bien que LA nostalgie envahit mon âme malgré tout.
Deux mille coolies perdirent la
vie en Europe dont beaucoup pendant l’épidémie de grippe espagnole. 17
cimetières chinois parsèment La porte de Menin à Ypres. (photo F. De Look)
Les Anglais souffrirent beaucoup dans le saillant d’Ypres. Le
Tine Cot British Cemetery est le plus grand cimetière
militaire du commonwealth. Il
comprend 11.956 tombes. En outre les noms de 34.957 noms de soldats disparus
depuis le 16 août 1917 ont été gravés sur le Missing
Memorial au fond du cimetière. La monumentale porte
de Menin à Ypres porte le nom de 54.896 soldats disparus avant le 16 août. Elle
fut inaugurée le 24 juillet 1917 par le Maréchal Plumer en présence du Roi
Albert 1er. Depuis le 1er
mai 1928, les pompiers d’Ypres jouent le Last Post chaque soir à 20heures.
Cette courte cérémonie journalière constitue
un hommage à tous les morts de la
première guerre mondiale. Comme chaque soir, ce 15 mai 2006,les pompiers volontaires d’Ypres vont jouer le Last Post. (photo F. De Look)
Les soldats
anglais avaient en Belgique leur propre Service de Santé. Quand après des
premiers soins ils étaient évacués dans un hôpital de l’arrière c’est
principalement vers celui d’Etaples-sur-Mer près de Bologne qu’ils
étaient dirigés. L’histoire de la petite ville portuaire d’Etaples a été
marquée par la présence des militaires Anglais exactement comme le fut Poperinghe. Etaples
a la particularité d’avoir hébergé la plus grande infrastructure médicale de
tous les temps. Son immense cimetière militaire prouve hélas que les soldats
furent nombreux, malgré les soins prodigués, à succomber à leurs blessures.
Dans ce cimetière une stèle avec trois couleurs dénote par rapport aux autres,
c’est c’elle d’un soldat belge, François de Gendt
qui succomba à la maladie loin des siens parmi ses alliés anglais. Quelques tombes. (Photo Dr Loodts)
Revenons au
front de l’Yser tenu par les Belges. La bataille de l’Yser terminée fin
octobre, la plupart des blessés évacués en France et en Angleterre, on fit le
bilan des infrastructures médicales que l’on pouvait disposer derrière nos
lignes. A part une petite ambulance anglaise « le Belgian
Field Hospital » à Furnes, il n’y avait
absolument rien. Le Roi avisa le docteur
Depage, célèbre chirurgien Bruxellois et
président du comité Médical de Au cours de
cet entretien, Depage proposa au roi la création d’un hôpital de Le transatlantique " Lusitania " coulé le 7 mai 1915. (côte d'Irlande) Marie Depage était à bord. L’hôpital modèle du docteur Depage fut
installé dans un hôtel de la côte à Dernière photo du Grand Hôtel l’Océan avant sa transformation en Ambulance l’Océan. (collection P. Falkenback) Sa capacité sera de 1.200 lits.
En ce qu concerne les bâtiments
s’’ajouteront au bâtiment de l’hôtel le pavillon « British » de 100
lits nommé en souvenir des nombreux
donateurs britanniques, le pavillon Everyman de 240
lits d’après la fondation Everyman à Edinburgh qui
offrit 4000 $ , un pavillon Albert-Elisabeth de 300 lits, un pavillon de
réception, un pavillon américain de 60 lits, une salle Emile Verhaeren pour le
loisir des blessés, et l’institut Marie Depage regroupant différents
laboratoires pour la recherche scientifique… Les
infirmières étaient en majorité recrutées en Angleterre mais il y avait aussi
des infirmières belges remarquables comme Jeanne de Launoy
qui nous laissa le récit détaillé de la
vie à l’hôpital l’Océan au jour le jour ou comme Suzanne Lippens-Orban qui connut la tragédie de voir arriver un jour un soldat mortellement blessé qui n’était autre que son propre
mari ! En
raison, de toute sa carrière d’infirmière
remarquable, Suzanne Lippens Orban reçut la plus haute distinction de Portrait de Florence Nightingale en 1856. Le docteur
Depage sut réunir une équipe de médecins de très haut niveau autour de lui
comme les docteurs Debaisieux, Janssen, Vandevelde
ou Neuman. Sous sa direction se développa un esprit d’émulation entre médecins
et bientôt l’hôpital de l’Océan se trouva à l’avant-garde de la recherche
médicale. C’est dans l’hôpital l’Océan
que le célèbre médecin français le docteur Carrel développa la technique du
nettoyage des plaies avec un désinfectant de sa composition qui présentait pour
la première fois des qualités désinfectantes sans posséder d’effets caustiques
sur les tissus. Beaucoup de nos alliés envoyèrent des missions médicales
d’étude à l’Océan dont certaines séjournèrent plusieurs mois à Le docteur Georges Debaisieux Le Dr Depage était aussi un amateur d’art et il encourageait les loisirs
des hospitalisés. A l’hôpital de l’Océan, on organisait très régulièrement des
concerts, des pièces de théâtre et des conférences. Il y aura même un orchestre
sous la direction de Camille de Thoran, plus tard
directeur du théâtre de Bien entendu,
il fallut, derrière l’Yser, d’autres infrastructures que l’hôpital
l’Océan. Le Général médecin Mélis,
chef du Service de Santé veilla à la construction des hôpitaux militaires d’Hoogstade, Vinckem, Beveren,
Adinkerke (Cabour). L’hôpital de Beveren fut entièrement
conçu par médecin chirurgien, le docteur Derache.
Cet hôpital était vraiment à la pointe du progrès. L’hôpital de Vinckem fut aussi
très original. Il fut construit pour remplacer l’hôpital l’Océan car on parlait au printemps de 1917 de
remettre Le Lieutenant Général Médecin Derache (photo de Patrick Bossaert Derache, colorisée par Francis De Look) En France, les
Belges créèrent peu à peu différents hôpitaux de l’arrière pour rassembler les
soldats Belges qui avaient été accueillis dans les établissements
français ! Ces hôpitaux étaient
souvent crées à partir des propriétés mis à la disposition des Belges par les
autorités françaises ou par des généreux mécènes. Il serait fastidieux de les
citer tous mais voici les principaux. Au Havre où
s’était réfugié notre gouvernement, les Belges disposèrent d’un hôpital créé
dans le lycée de la rue d’Ancelot. Il disposait de
600 lits et d’éminents spécialistes comme le chirurgien Walter van Havré et …le vénérologue Benoit Dujardin, futur
professeur à l’université de Bruxelles et qui employa à grande échelle le Néosalvarsan et le permanganate ! Madame de Hollogne devant un type de matériel bien familier dans les hôpitaux du front. (photo extraite de la revue « Souviens-toi » 1991) L’hôpital de Bonsecours (Rouen) créé de
toutes pièces par les Belges acquit une grande réputation notamment en matière de rééducation. Son service
de physiothérapie avait engagé douze
médecins gymnastes diplômés de l’Institut Central et Royal de Stockholm sous
les directions successives de Miss Loveday et de Miss
Alund. Aujourd’hui cet hôpital fondé par les
Belges et repris par nos confrères
français est toujours en activité. Autour de Calais furent fondés les hôpitaux de Virval-lez-Calais,
de Petit Fort Philippe et celui de
Le sergent De Vrin Les
tuberculeux, les soldats qui avaient été
gazés étaient soignés au Saint-Jean-Cap
Ferrat dans les propriétés royales qui avaient appartenus au Roi Léopold II
et qu’il avait utilisées pour recevoir en toute discrétion sa maîtresse. Il y avait aussi des sanatoriums
à Montpellier (Hérault), Chambery (Savoie),
Favergues (Haute Savoie). Dans ces deux dernières localités, il y a toujours un
« Carré des Belges » dans
lequel reposent les soldats n’ayant pas survécu à la terrible maladie. A Chanay aujourd’hui encore, on garde un émouvant
souvenir des Belges qui créèrent un sanatorium destiné et non plus aux
militaires mais aux civils. Ce sana fut cependant commandé par un médecin militaire. Le « Carré des Belges » est fleuri. Les
« convulsifs » sont rassemblés
à l’hôpital de Soligny-la-Trappe tandis que les « névrosés »
le sont dans l’hôpital de Juaye-Mondaye.
Enfin les « vénériens » sont dirigés sur les Hôpitaux belges du Havre
et d’Orival ! Les statistiques d’Orival (seine inf) sont parlantes. Du 20 mars 17 au 31
octobre 17, l’hôpital a admis 941 malades. De ceux-ci l’on sait que 460 ont été
contaminés à Paris, 112 à Rouen, 145 à d’autres endroits de France, 83 dans la
zone du front et 22 en Angleterre ! Les « mentaux » eux sont
traités à l’hôpital de Châteaugiron et les albuminuriques à Ligugé ! Il y
avait aussi un hôpital militaire belge à Cannes dans les villas Saint-Jean,
Saint-Charles et Anastasie grâce à la générosité de la duchesse de Vendôme,
belle-sœur du Roi Albert. Le sanatorium de Chanay en 1916. Le centre de convalescence du camp du Ruchard fut vraisemblablement un endroit assez
sinistre si l’on s’en tient aux témoignages des soldats qui y ont séjourné. On
y enterrait un soldat belge « convalescent » toutes les deux
semaines comme le rappelle aujourd’hui le Carré des Belges ! Le brancardier
Arthur Perbal nous a laissé la relation de son passage au camp du
Ruchard qui par ailleurs hébergea aussi le célèbre compositeur liégeois George
Antoine. En 1914, Arthur avec son brassard de brancardier. (document Jean Perbal) Comme on le
voit, des hôpitaux Belges furent disséminés dans toute Enfin on ne
peut pas terminer cette énumération sans parler
de l’Angleterre. Au début janvier 1915, on comptait 25 mille militaires
belges répartis dans les hôpitaux anglais ! Pour alléger les efforts de
nos alliés, les médecins militaires belges fondèrent en décembre1914, janvier
et février 1915 trois hôpitaux militaires d’environ 350 lits chacun : les
King Albert’s Hospitals. Les numéros 2 et 3 devinrent
vite de simples hôpitaux pour convalescents mais le King Albert’s
Hospital n°1 installé définitivement à Gower
Street devint un remarquable hôpital général doublé d’une école d’infirmières
fondée par le docteur Jacob. Hôpital du Roi Albert à Londres En avril 1915, la guerre de position fut
interrompue par la deuxième bataille d’Ypres. Les Allemands pour la première
fois employèrent des gaz de combat ( A Zuidschote, la façade du n°15, général Lotzstraat (commandant le régiment des grenadiers en avril
15) est pourvue d’une plaque de bronze commémorant les morts du régiment de
carabiniers belges pendant l’attaque au gaz du 22. Après le pont de Steenstrate,
un monument est dédié cette fois au 3ème régiment de ligne belge qui subit
également de lourdes pertes le 22. Cent mètres plus loin se trouve une croix de paix
d’aluminium de
Le pharmacien Lajeot de Calais entreprit avec le Duc de Vendôme,
beau-frère du roi Albert de Le Docteur Nolf qui dirigea Cabour à partir du 12 mars 1917 Après la guerre le professeur Nolf devint le
médecin traitant de la famille royale. C’est lui qui fut appelé pour
reconnaître le corps du Roi décédé tragiquement dans les rochers de Marche les Dames. L’attaque au
gaz créa une brèche de Au cœur de
cette bataille, le 3 mai 1915 se trouvait un peu de Steenstraete
un médecin canadien en charge d’un poste de secours à Essex Farm
le long du canal à Ypres. Le docteur Mc Crae devint
célèbre dans le monde entier grâce au poème « In Flanders Fields »
qu’il écrivit ce jour là en mémoire de son ami qui venait de succomber ! « In
Flanders Fields » deviendra le texte fétiche de
tous les anciens combattants du Commonwealth Le docteur Mc Crae
ne profita pas longtemps de sa gloire d’écrivain combattant. Atteint par les
gaz, il développa des problèmes pulmonaires qui l’obligèrent à quitter le front
pour un hôpital de l’arrière à Wimereux e France. Le docteur ne s’y rétablit
hélas pas et succomba. Il repose dans cette petite ville de la côte
d’Opale dans un cimetière militaire face
à la mer caractérisé par les stèles
inhabituellement couchées à cause de
l’instabilité du terrain sableux. Le docteur Mc Crae Depuis 1995, exactement 80 ans
après la rédaction du poème le public peut visiter le
site entièrement rénové. Les bunkers de béton où se trouvaient le poste de
secours sont situés à côté de l’Essex Farm Cementery. Dans ce cimetière repose les soldats que le
docteur Mc Crae n’a pu sauver ! Dans le
saillant d’Ypres un autre médecin du
Commonwealth, cette fois britannique,
allait devenir le symbole du courage et du dévouement : il s’agit
du docteur Chavasse. Dans la bataille d’Hooge, le 15 juin 1915 (cette bataille se déroula sur ce
qui est maintenant le parc d’attraction de Bellewaerde),
ce jeune médecin acquis une renommée de héros qui se confirma dans la suite. Le docteur Chavasse fut un des rares militaires à recevoir la double
Victoria Cross. Il décéda de ses blessures et repose au Brandhoeck
Cemetery situé entre Ypres et Poperinghe.
Sa tombe est fleurie encore abondamment par des coquelicots en tissus offerts
par le Service de Santé de l’armé britannique. Le saillant d’Ypres connut une troisième
période meurtrière avec la troisième bataille d’Ypres quand les Anglais
voulurent prendre possession de Passendaele au
printemps de l’année 1917 Le Service
Médical anglais reçut un renfort
bienvenu dans ces circonstances tragiques : 63 infirmières
américaines volontaires ! Parmi ces courageuses jeunes femmes se trouvait Miss
Helen Fairschild. Cette infirmière décédera sur
le sol belge. Cette troisième bataille du 6 juin au 10 novembre, soit 5 mois pour une avancée du front de Au total, pour
toute la guerre 14-18, les soldats du Commonwealth perdirent 204.770 hommes
derrière l’Yser. Plus de cinquante mille d’entre eux gisent toujours sans
sépulture dans la boue des Flandres ! Le portrait du Dr Chavasse. (photo F. De Look) Les soldats
belges furent épargnés des assauts inutiles auxquels avaient été astreints
soldats français et britanniques. Ils ne furent cependant pas épargnés de
l’assaut final de l’offensive libératrice. Le 28 septembre nos soldats
s’élançaient hors de leurs tranchées. René Glatigny, l’ancien
brancardier devenu officier s’écroula un
des premiers. Cela se passait devant Passendael. Il décéda quelques heures plus tard à
l’hôpital militaire d’Hoogstade. Le docteur Goemans, médecin qui avait déjà connu de nombreux
périls auparavant, perdit la vie le 1er octobre à proximité de son
poste de secours. Sur l’Escaut dans le village d’Eecke,
les Allemands résistent avec acharnement aux Belges en ce 10 novembre 1918,
veille de l’armistice. Les soldats du 1er Grenadiers vont subir là
le plus grand bombardement de toute la guerre : vingt heures sans
interruption. Les obus toxiques sont déversés par centaine et on ne compte plus
les soldats qui tombent. Ce ne sera que le 11 novembre à 6 heures du matin,
le dernier obus tua encore le 1er sergent-Major De Naeyer et le soldat Brancard de la 9ème
compagnie. A 11 heures, les fusées annonçaient l’armistice. La campagne était
terminée. Beaucoup de Belges qui avaient connu le froid, l’humidité, la
promiscuité pendant quatre années périrent au moment même où ils avaient le
plus grand espoir de retrouver bientôt leur famille et leur village. Le prix
payé par les Belges lors de l’offensive finale fut élevé : il y eut 26.000 blessés, 253 officiers, 3.O83 sous-officiers et
soldats y laissèrent la vie. Avec la grippe espagnole, il n’y avait pas
d’armistice et le personnel médical devait encore rester au front pour lutter
contre cet ultime ennemi. Le docteur Nolf ouvrit à
Brugge un hôpital pour les soldats grippés. Il ne put fermer son établissement
qu’en janvier 1919. En dehors des cas soignés dans les infirmeries on compta
plus de 12.000 soldats ayant dû être hospitalisés pour lutter contre le fléau. Bilan
meurtrier de la Grande Guerre pour la Belgique. 26.338 morts au
combat ou d’accident 14. 029 soldats décédés de maladie 1990 prisonniers ou internés décédés dans les camps 1.136 résistants tués ou exécutés 358 marins 23.000 civils tués (bombardements, massacres, déportations) 1895 soldats congolais et 7.124 porteurs congolais 150 brancardiers tués ou disparus 98 décédés des blessures encourues 54 médecins tués ou décédés de leurs blessures 18 infirmières décédées |