Médecins de la Grande Guerre

Brève histoire du Service de Santé Belge.

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Brève histoire du Service de Santé Belge.

 

Par le Dr Patrick Loodts

 

Dans cette brève histoire du Service de Santé Belge se tient le résumé succinct de notre site « Médecins de la Grande Guerre ». Le lecteur intéressé trouvera dans cet article tous les personnages, lieux ou événements qui font l’objet d’un développement plus complet dans des rubriques séparées de notre site.

L’histoire du service de santé de l’armée belge durant la guerre 14-18 constitue une véritable  « histoire belge » saugrenue, incroyable et finalement à l’image de l’histoire de  la nation belge. A cause de l’incurie de certains hauts fonctionnaires, les soins de santé aux blessés  furent, au début du conflit, scandaleusement inappropriés. Les Belges, cependant  ne se découragèrent pas, et  rassemblèrent leurs talents  pour  créer en quelques mois  une véritable structure de soins qui  deviendra même un modèle du genre pour nos alliés!

Pendant les premiers mois de la guerre, les médecins et les brancardiers  acceptèrent de se dévouer avec des moyens de fortune car  le 4 août 1914, on  se rendit compte que  la Croix-Rouge qui s’était engagée par ses statuts de 1892 à fournir le plus gros du matériel médical nécessaire à l’armée belge en campagne ne pouvait  pas  tenir ses engagements : ses dépôts étaient  quasi vides. La Croix-Rouge était en faute mais l’armée avait aussi commis une lourde erreur en se privant de son droit de regard envers cet organisme. En effet, pour conseiller la Croix-Rouge dans le domaine de la  préparation à  la mobilisation, le poste de vice-président de la Croix-Rouge devait être réservé au Général médecin, Inspecteur général du Service de Santé. Cette obligation fut respectée jusqu’en 1905, année où le Département de la Guerre décida qu’un général retraité provenant de l’infanterie ou de l’artillerie ferait tout aussi bien l’affaire qu’un général médecin du service de santé !  Evidemment, il y avait certainement une raison à ce changement et on peut imaginer que derrière celui-ci se cachait  un  beau cadeau  de départ   à un   général influent  qui voulait rester en vue  l’âge de la pension venu ! Entre 1905 et 1914, le Service de Santé fut donc tenu dans l’ignorance la plus complète des mesures prises par la Croix-Rouge  pour le temps de guerre !  Quoiqu’il en fût, lorsque la mobilisation fut décrétée on s’aperçut donc que la Croix-Rouge ne savait pas fournir le personnel et le matériel essentiel qui avait été promis pour le temps de guerre à savoir des voitures d’ambulance, des voitures de pharmacie, des brancards, des objets de pansement, des médecins pour les trains sanitaires… En fait pour tout matériel, la Croix-Rouge ne disposait que de 5 voitures d’ambulance, deux voitures de pharmacie et un fourgon de matériel hospitalier. Pour pallier à cette situation désastreuse, on fit appel au professeur Depage pour prendre en mains l’organisation des ambulances particulières que la charité publique offrit de toutes parts.


Portrait du Dr Antoine Depage debout dans son laboratoire, peint par Lucie Lambert.

Deux autres éléments intervinrent dans l’incurie du service  de santé au début de la guerre. L’armée d’active n’avait quasi aucun brancardier de carrière et l’on comptait sur les « Dispensés du service en temps de paix » appelés les D .T. S. P.  pour constituer les Corps d’ambulance. Comme nous le verront plus loin, les D.T. S. P. étaient constitués par les instituteurs, les religieux et séminaristes. Rien n’était prévu pour eux dans notre armée : ni matériel, ni même uniforme. Mobilisés comme brancardiers ils se mirent en route immédiatement vers leurs unités et apportèrent leurs aides aux blessés des combats en les transportant sur des brouettes  confisquées dans les fermes ! Ils étaient répartis en six Colonnes d’Ambulances de  350 brancardiers  chacune, chaque Division de l’armée belge ayant sa colonne d’ambulance.  Ces instituteurs, curés ou séminaristes, dans leurs tenues civiles ou  revêtus de leurs soutanes, suivirent l’armée en campagne derrière la Gette  puis  dans sa retraite  vers Anvers et ensuite vers la côte belge.

L’armée belge était divisée en une Armée de Forteresse et une Armée de Campagne. L’armée de campagne comportait six Divisions d’Armée et une Division de Cavalerie. Chaque  dans Division d’Armée (D.A.) possédait six régiments composés chacun de trois bataillons. Un bataillon possédait quatre compagnies de plus ou moins 200 hommes et une compagnie Etat-Major.

 Ces hommes, comme René Glatigny  et le père de Groote  se montrèrent souvent  extrêmement courageux si pas héroïques. Cette troupe hétéroclite d’instituteurs et de religieux était mal considérée  par la hiérarchie qui les voyait comme des trublions d’intellectuels inaptes à l’obéissance et à la discipline (effectivement ces jeunes hommes possédaient un certain sens critique de par leur niveau d’études !). Bien entendu ils n’avaient reçus aucune instruction militaire au préalable, et c’est entre deux marches ou combats qu’ils apprirent le BABA du soldat et du brancardier. Plus tard, derrière l’Yser, bon nombre d’instituteurs ayant servi comme brancardiers voulurent comme René Glatigny devenir officier. On les en empêcha d’abord en leur signifiant qu’ils n’avaient pas leur diplôme d’humanités complètes.


René Glatigny soignant un blessé. (Collection Dr Loodts).

Les instituteurs étaient formés de la manière suivante

-études moyennes du degré inférieur

- suivie de 4 années d’école normale.

Ce n’est qu’en 1967, que la formation des instituteurs belges commença à être dispensée en deux ans aux candidats en possession d’un diplôme d’humanités complètes.

Par après leur insistance à pouvoir devenir officier  et leurs mérites  derrière l’Yser purent vaincre les obstacles  et le 4 avril 116, une dépêche du Ministre de la Guerre datée du 4 avril 1916 Cabinet n°24 939) autorisa le chef d’Inspecteur Général de l’Armée, le Lieutenant Général de Selliers de Moranville à détacher des brancardiers instituteurs au C. I. S.L.A.I (Centre d’instruction pour sous-lieutenants auxiliaires instructeurs) de Bayeux.


Le Dr August Depoorter le 4/12/1915 (collection André Van Nieuwkerke)


Le Docteur Dolhen.

Un troisième problème à résoudre fut celui du personnel médecin. Au début du conflit, il y avait en Belgique  4.500 médecins. De ce nombre, 2000  à 2500 avait moins de quarante ans. Les médecins de carrière, les médecins rappelés en fonction des obligations militaires et 124 volontaires constituèrent le corps des 900 médecins disponibles. Ce nombre était insuffisant et ne put être augmenté  malgré les appels répétés que fit le Général médecin Mélis aux 1.500 médecins en âge de s’engager comme volontaires et qui étaient restés en zone occupée ! Le déficit en médecins était tel que l’on considéra comme  médecins militaires les étudiants en médecine ! Tel fut le cas des étudiants en médecine Depoorter et Dolhen dont nous décrirons plus loin la carrière mouvementée ! Il faut dire que les médecins plus âgés n’avaient pas envie de se retrouver dans la tenue d’un bleu. L’armée n’avait prévu aucun statut pour les engagés volontaires qui malgré leur grande expériences pouvaient se retrouver sous les ordres d’un médecin militaire de carrière beaucoup plus jeune qu’eux ! A ce propos on lira avec amusement le conflit qui eut lieu entre le docteur Depage et le Général médecin  Mélis.


Le Dr Mélis, inspecteur général du Service de Santé.


En la cour d’honneur de l’hôpital Militaire, à Ixelles, a été inauguré le mémorial, œuvre du sculpteur de Bremaeker, du lieutenant-général Dr Mélis. (patriote illustré de 1935)


Marie Depage

Quant aux infirmières, la Belgique en comptait très peu en 1914 et dans ce domaine, des soins infirmiers, était fort en retard par rapport aux pays anglo-saxons. C’est le docteur Depage et son épouse Marie Depage qui créa la première école d’infirmière en 1907 à Bruxelles et qui en confia la gestion à une infirmière anglaise Edith Cavell. Quand la guerre éclata, Edith Cavell ne voulut pas rejoindre l’Angleterre et resta à son poste. Elle fut alors sollicitée pour abriter des militaires anglais qui blessés lors de la bataille de Mons désiraient une fois guéri rejoindre l’Angleterre via la Hollande. Edith Cavell les hébergeaient donc en les faisant passer pour des ouvriers Belges blessés puis elle les faisait conduire vers la frontière hollandaise où des passeurs arrivaient à les faire franchir le réseau de fils électrifiés ! Edith Cavell fut trahie et après un procès très rapide fut  fusillée au Tir National qui jouxte aujourd’hui RTBF. Une deuxième école d’infirmière rapidement après celle du Dr Depage, il s’agit de l’école Saint- Camille qui formait plutôt des infirmières religieuses. Ces deux écoles d’obédience différente rivalisèrent souvent entre elles. Le docteur Depage par exemple, lorsqu’il engagea des infirmières pour l’hôpital de l’Océan refusa la candidature de la comtesse van den Steen de Jehay parce qu’elle était « une  Saint Camille ». C’est en tout cas l’explication donnée par la comtesse elle-même.


Edith Cavell - Gouvernante à Bruxelles en 1890


La comtesse dans son uniforme d'infirmière "Sainte Camille".

Quoiqu’il en soit en 1914, les infirmières diplômées étaient encore très peu nombreuses. En 1912, il n’y avait que cinquante infirmières diplômées en Belgique (Rapport du Lieutenant général De Coune sur l’association de la Croix-Rouge de Belgique et sa gestion pendant l’année 1912. Centre d’Histoire militaire du musée Royal de l’Armée. Fonds.nr 4) Les hôpitaux militaires belges avaient bien des religieuses soignantes de l’ordre des Sœurs Hospitalières de Saint Augustin mais ces religieuses au dévouement irréprochable qui étaient arrivées de Paris en Belgique en 1835 à la demande de Léopold II n’avaient pas de diplôme d’infirmière. La guerre déclarée, ces femmes firent cependant  preuve de courage et beaucoup d’entre elles rejoignirent les hôpitaux belges installés en France. Après la guerre, la plupart reprirent alors des études pour obtenir leur diplôme d’infirmière.  L’histoire de leur ordre religieux mérite de ne pas être oubliée d’autant plus que cet ordre n’existe plus. Parmi les rares infirmières belges diplômées, une religieuse belge est à mentionner. De l’ordre  des Sœurs Missionnaires Notre-Dame d’Afrique, elle connut un destin curieux puisqu’elle servit dans un hôpital militaire français réservé prioritairement aux soldats nord-africains ! Cette douce femme, Sœur Cléophas acquit même une renommée de sainte femme !        


Mère Marie Cléophas à 30 ans. (Tiré du livre « Dans la Paix, Vie de Sœur Marie-Cléophas ») 

Il fallut donc recourir aux initiatives privées pour combler les déficits structurels du service de santé de l’armée belge. En quelques jours, sous la direction d’un comité spécial de la Croix-Rouge dont faisaient partie les très connus  professeurs Depage et Héger, s’ouvrirent à Bruxelles des ambulances privées dans des cliniques privées, écoles, maisons du peuple et même dans une aile du palais royal de Bruxelles.

L’ambulance du palais royal comprenait une salle d’opération, une salle de pansement, une installation RX et 13 salles de malades de 219 lits, une lingerie, une blanchisserie, une chapelle une morgue. Seule rescapée des innombrables ambulances qui virent le jour en août 14, elle resta ouverte toute la guerre et ne ferma ses portes que le 19 février 1919. Durant son existence elle hébergea 945 blessés dont 605 belges, 293 allemands, 43 français, 3 anglais et un Russe. On y dénombrait la présence de 124 infirmières dont 20 religieuses et 26 nurses anglaises.


Une pièce de l'ambulance Anspach. Les quatre jeunes femmes sont de g à dr Marie-Anne Lemaire, Simone Anspach, Alberte Delseaux, Jane Rutten.

  A Liège, c’est sous l’impulsion du Président de la Croix-Rouge locale, le docteur Snyers, que de multiples lazarets furent ouverts, comme celui de la place Emile Dupont dont nous lirons l’histoire plus loin. L’hôpital militaire de Liège fut quant à lui renforcé et doublé dans hôpital créé de toute pièce, l’hôpital des Rivageois  installé dans l’école normale des filles. Cet hôpital installé en trois jours offrit mille lits qui furent occupés en moins de trois jours ! Les Allemands rentrèrent à Liège le 6 août malgré des combats épiques dont certains peuvent être qualifiés de victoire belge comme la bataille du Sart-Tilman dans la nuit du 5 au 6 août  et la bataille de Rhées. C’est sur les  hauts plateaux du Sart-Tilman que le Père de Groote qui devint l’aumônier le plus célèbre de la Grande Guerre, fit ses premières armes de brancardier et vécut la peur de sa vie. Le Père Degroote devint par après l’ami du soldat communément appelé Papa Merx, le doyen des soldats Belges qui s’engagea volontaire à l’âge de 65 ans !


Papa Merx et le Père de Groote

Liège occupé par l’ennemi, les hôpitaux continuèrent à fonctionner comme par le passé mais dès le mois de septembre le personnel était remplacé par un personnel allemand. Malgré ses protestations le médecin principal Henrard ne parvint pas à obtenir que la convention de Genève fut observée et 31 médecins belges furent envoyés en Allemagne. Henrard (qui devint plus tard général) fut lui-même envoyé en captivité le 12 octobre en Allemagne. Le 17 janvier, il fut libéré et pu rejoindre le front de l’Yser.

 Les forts de Liège encerclés tombèrent les uns après les autres mais pendant dix jours parvinrent à immobiliser autour d’eux 100.000 hommes de trois corps allemands. Le 12 août, deux pièces d’artillerie lourde d e 420 mm, du type Kurze Marine Kanonnen, surnommée « Grosse Bertha » sont mises en batterie par l’ennemi.


Fort de Loncin en août 1914. Le cratère de l’explosion et une coupole de 15 cm. déchaussée.

Ces deux obusiers avaient été livrés juste avant la guerre par les usines krupp. Ils arrivèrent à Herbesthal par train le 10 août à 23 heures. Le déchargement des gigantesques éléments des obusiers se révéla une tâche ardue. Dix lourdes voitures transportant au total 100 tonnes et tirées chacune par un véhicule à vapeur partirent le 11 août dans l’après-midi pour arriver dans le village de Mortier le 12 dans l’après-midi. Vers 18hoo le bombardement de Pontisse commençait ! Après l’envoi de 51 projectiles de 796 kg chacun, dont 13 atteignirent l’objectif, le fort capitula le 13 août à 11h 30. Immédiatement après la reddition le professeur Fritz Rausenberger, directeur technique des établissements Krupp vint se rendre compte sur place du travail des grosses Bertha. Les canons furent ensuite transportés sur la plaine des manœuvres de Bressoux pour tirer sur le fort de Loncin !

 Le 13 août, le fort de Chaudfontaine succombe sous une violente explosion ayant causé  la mort de 55 hommes.  Le 15 août,  c’est le fort de Loncin à 17 h15 qui subit une explosion d’une violence inouïe : le magasin à poudre est atteint par un projectile et entraîne dans son explosion l’effondrement du fort qui ensevelit trois quart de son effectif soit 350 hommes ! Ces hommes reposent toujours aujourd’hui dans les ruines du fort !  Par miracle le général Leman qui commandait la défense de Liège et s’était réfugié à Loncin après l’entrée de l’ennemi à Liège échappe à l’ensevelissement et est fait prisonnier indemne. Transféré en Allemagne, il fut libéré après quelques mois mais ne recouvrit jamais la santé et mourut en  1920.


Le général Leman.

Seul le fort de Loncin était pourvu d’électricité. Cette forteresse disposait également de latrines à l’intérieur de ses murs. Dans les autres forts, on devait quitter les casemates afin d’aller faire ses besoins en plein air dans des latrines construites en bois.

De nombreux blessés brûlés graves sont évacués par les allemands vers l’hôpital militaire de Bavière. Le 15 août se rendit aussi le fort de Boncelles. A l’intérieur de celui-ci oeuvrait un médecin civil, le docteur Broden, qui  bien que sexagénaire, avait accepté de mettre ses compétences au service de l’infirmerie du fort. Nous aurons l’occasion de parler d’un brancardier héroïque, Amédée Gilkinet qui oeuvrait dans un des forts de Liège. Ce professeur, père de famille connut un destin de héros, sa devise était « Pugno, credo ». Il fut l’une des 48 personnes fusillée au fort de la Chartreuse de Liège.


Document envoyé par Monsieur Luc Malchair.

La situation au 10 août est peu banale : Liège est déjà aux mains de l’ennemi mais les forts belges qui l’entourent résistent toujours et retardent l’avancée considérablement l’avancée de  l’ennemi ! L’armée belge sauf une division qui renforce la défense de Namur est sur ses positions de défense derrière la Gette où elle occupe un front de 20 km. Elle bloque ainsi l’avance allemande vers Bruxelles et Anvers.  Le 10 août, deux Divisions de Cavalerie allemande s’approchèrent en exploration de notre armée sur son flanc gauche tenu justement par notre division de cavalerie. Nos cavaliers pieds à terre et aidés par la quelques unités de fantassins résiste aux charges de la cavalerie ennemie et lui inflige des pertes énormes. Cette bataille condamnera sans appel l’hérésie des charges de cavaleries renouvelées inutilement contre un feu posté. Malgré cette victoire, l’armée belge, en position extrêmement difficile décide de se replier dans la position fortifiée d’Anvers qu’elle atteint le 20 août pendant que l’ennemi atteint le même jour Bruxelles.         

Dinant défendue par nos alliés français parmi lesquels se trouvait un jeune officier du nom de De Gaulle tomba le 15 août. La population civile est accusée d’avoir soutenu les Français et  est punie par la pire des barbaries : le massacre de 674 civils dont le plus âgé avait 88 ans et le plus jeune trois semaines (en plus de ce massacre, Dinant perdit 950 maisons détruites et 416 Dinantais furent envoyés en déportation à Cassel) ! La position fortifiée de Namur  tomba  elle  le 23 août et le dernier fort à résister fut celui de Suarlée qui succomba le 25 août. Elle était tenue par les troupes de forteresse et par une des six Divisions d’Armée, la 4 D.A. Les neufs forts de Namur et ses 25.000 soldats résistèrent pendant trois jours décisifs à trois corps d’armée ennemis. Des ambulances accueillirent les blessés dans l’abbaye de Maredsous et aussi dans le collège des Jésuites à Namur. Incroyable retraite : des unités belges  ayant quitté  Namur  de justesse purent éviter l’encerclement et se replièrent en France. A Rouen, 12.000 Belges de la 4 D. A.  se reconstituèrent en unités et s’embarquèrent au Havre le 1er septembre pour rejoindre Ostende et puis Anvers où s’était regroupé l’armée belge.


Germain Foch (fils du maréchal). Photo prise alors qu'il etait sergent aux manoeuvres de 1913.

Au moment même où la position de Namur se rendait aux Allemands, l’armée française qui s’était portée à notre secours sur nos frontières d’Arlon à Charleroi  après trois jours de violents combats décida d’effectuer sa  retraite vers la Marne. Il n’y avait pas d’autres solutions car, en trois jours seulement,  les  pantalons rouges, décimés par les mitrailleuses allemandes, perdirent dans les villages ardennais plus de trente mille des leurs ! C’est dans cette guerre des frontières que périt le fils du Général Foch, le jeune sous-lieutenant Germain Foch ! C’est aussi dans cette bataille à Baranzy qu’un autre jeune officier du nom de Rommel faisait ses premières armes ! Le service médical français ne fut  pas épargné sur le champ de bataille comme le prouve le sort réservé à l’ambulance tenue par les docteurs Charrette et Sedillot, médecins militaires français  à Gomery.  Ces soldats  reposent aujourd’hui en Belgique dans les impressionnantes fosses communes des cimetières militaires français. Les Allemands accusèrent mainte fois la population belge d’avoir aider les Français au combat et se vengèrent sur elle par de terrifiantes exactions en Gaume et dans nos Ardennes comme à Maissin, Ethe, Baranzy, Rossignol, Latour ! Entre le 22 août et le 23 août rien que pour les traversées des troupes allemandes dans les provinces de Namur et de Luxembourg on compta 6.937 maisons incendiées et 2.812 civils tués !


Erwin Rommel en 1913.

Mais revenons à l’armée belge en campagne. Nous l’avons vue refluer dans la position fortifiée d’Anvers. Dans celle-ci, de nombreuses ambulances  furent improvisées (75 au total soit 15.000 lits dont 12.000 furent occupés), comme celui installé dans le célèbre jardin zoologique  pour recevoir nos blessés qui  en majorité avaient pu être  évacués par les trains sanitaires. A Anvers  se trouvait en effet  installé le « Parc sur rail du Service de Santé » sous la direction du major Monseur. Ce parc ferroviaire comptait  218 voitures soit 18 rames à 8 voitures pour blessés couchés et 12 rames à six voitures pour blessés couchés et à deux voitures pour blessés assis. Parmi ceux-ci se trouvaient les trois trains sanitaires dits « Notre-Dame de Lourdes » qui avaient été donnés par Mgr De Ploige et qui rendirent d’immenses services. En effet, ces trains étaient munis de leur matériel sanitaire et de leur personnel. Tous ces trains furent utilisés pour ramener les blessés de l’armée vers Anvers et plus tard pour les évacuer vers la côte Belge. Pendant son séjour à Anvers, l’armée belge effectua  plusieurs sorties pour contrer l’ennemi sur son flanc. La première eut lieu du 25 au 26 août  pour attaquer Hofstade et Elewyt. L’opération coûta 4.000 hommes mais obligea les allemands à doubler leurs effectifs devant Anvers.

Durant cette première sortie, l’armée belge s’approcha même à quelques kilomètres de Bruxelles et de Louvain, ce qui provoqua la panique dans les rangs allemands. On pensa que les civils tiraient sur les soldats. Le 25 août, les allemands incendièrent Louvain à titre dissuasif. On dénombra 218 victimes civiles et 2.117 maisons furent incendiées. La précieuse bibliothèque de l’université disparut complètement dans les flammes avec tous ses trésors ! Une petite fille de 13 ans décrivit les jours de détresse de Louvain avec des mots très émouvants. Ce texte resta longtemps dans l’oubli. 


Ruines de Louvain – Université, Bibliothèque.

La deuxième sortie eut lieu entre le 9 et le 13 septembre dans la région d’Aarschot et nous occasionna de nombreuses pertes (huit mille tués, blessés ou disparus). Parmi les médecins militaires se trouvait le docteur Duwez (alias Max Deauville) qui devint par la suite célèbre en publiant deux livres sur son expérience de guerre. Les descriptions de la vie du front et particulièrement des vies des médecins, des brancardiers et de leurs blessés sont indiscutablement des morceaux d’anthologie ! Selon le célèbre critique de livres Norman Cru, le docteur Duwez écrivit  un des plus beaux témoignages de ce que fut vraiment la guerre de 14-18 !


Le docteur Duwez alias Max Deauville.

Norman Cru analysa dans Témoins près de 300 ouvrages concernant la première guerre mondiale, édités en langue française de 1915 à 1928. En fin d’ouvrage il classa les 300 auteurs en six catégories : excellent, bon, assez bon, médiocre, faible et nul. La catégorie 1 ne contient que 29 noms. Max Deauville est parmi-ceux-ci avec notamment  Maurice Genevoix 

Duwez  fut accusé d’être défaitiste alors qu’il n’était que réaliste  et ses livres furent censurés entre les deux guerres. Plus tard, l’éminent  professeur Bernard  de l’Ecole Royale Militaire de Bruxelles, dans les années soixante, recommanda  à ses élèves-officiers de l’école royale militaire  les livres du docteur Dewez  pour qu’ils puissent découvrir le vrai visage de la guerre.

« Pour ma part, en tant que professeur d’histoire, et en particulier d’histoire militaire, j’estime que des ouvrages vécus comme jusqu’à l’Yser, doivent être lus par tous les officiers – sans oublier les officiers- médecins - et sont autrement profitables que maints ouvrages dits scientifiques, de haute stratégie, péremptoires souvent, pédants parfois, et dont les recettes risquent d’être un jour, à nouveau, démentis par les faits. Ces ouvrages-ci ne parlent qu este que  des machines et de leur mise en œuvre. Max Deauville, lui traite de l’HOMME. Les machines sont des variables et l’homme est une constante. Il traite de l’homme dans sa réalité. Et c’est pourquoi- à l’opposé de mes prédécesseurs d’avant 40- je recommande aux élèves-officiers de lire et de méditer l’œuvre de Max Deauville, lorsqu’ils étudient la première guerre mondiale, comme je leur recommande, pour l’étude de la seconde, cet autre chef-d’œuvre de psychologie « The Cruel sea », par Michel Monsarrat. Car la réalité ne peut être cachée à ceux qui peut-être un jour appelés à la vivre. On n’a pas le droit de tricher avec eux. La guerre romancée « avec drapeaux déployés et flamberges au vent »  est une fiction. La guerre, ce n’est pas seulement l’ennemi invisible et meurtrier, c’est aussi la vie pénible et monotone. C’est l’ennui, la malpropreté, les parasites. C’est l’angoisse de la vie : des ménages brisés, les soucis matériels, l’incertitude quant à son avenir et celui des enfants. (…)

A toutes les pages de jusqu’à l’Yser, l’élève-officier puisera des leçons de choses. Vivre avec ses hommes, partager leurs souffrances physiques ; comprendre leurs souffrances morales, donc être avant tout psychologue et humain ; donner en toutes circonstances l’exemple du savoir, renoncement et du devoir. Ainsi le soldat respectera-t-il dans son chef, l’homme et non le grade, car, disait encore Souvarov, le respect exclusif du grade n’a jamais résisté à l’épreuve du feu ». Professeur Henri Bernard (Préface de la réédition du Livre « Jusqu’à l’Yser »de Max Deauville, Editions Pierre Meyere, 1964)

  La colonne d’ambulance eut à évacuer plus de  1.200 blessés que des trains sanitaires transportèrent d’Aarschot à Anvers. Le 27 septembre les Allemands lancèrent un assaut de la position fortifiée entre Lierre et Malines. Le Fort de Wavre-Ste-Catherine s’écroula le 28 septembre. C’était le plus solide de nos forts et cette catastrophe fit comprendre aux autorités militaires que l’on ne pouvait plus  résister longtemps  malgré l’arrivée le 3 octobre à Anvers du renfort  composé  des  deux mille fusiliers marins anglais  parmi lesquels  se trouvait le jeune officier Winston Churchill.  La position fortifiée d’Anvers, qui était qualifiée d’imprenable,  s’était donc révélée un colosse aux pieds d’argile devant l’artillerie allemande ! Cette  constatation amère  causa  un  immense désarroi  dans les rangs militaires et dans  les civils qui s’étaient réfugiés en grand nombre dans Anvers. Personne ne s’attendait à l’abandon si rapide d’Anvers comme le prouve la  décision de l’Etat-major  de l’armée qui quelques semaines auparavant avait permis aux femmes et enfants des sous-officiers et des officiers de tenter de rejoindre Anvers. Parmi ces civils au statut particulier se trouvait la jeune hennuyère  Florina Flamme venue retrouver son père Adjudant –Major à Anvers  et   qui deviendra une des premières infirmières militaires de notre armée. Son histoire illustre  le destin peu banal des femmes belges qui réussirent à rester auprès d’un  mari ou un père combattant.


Florina Flamme, 1917

Le 29 septembre l’ordre secret fut donné d’évacuer la base d’Anvers vers la côte. Le chemin de fer fut utilisé à raison de 25 à 30 trains par nuit sur la ligne Anvers-Boom-Tamise-St Nicolas, une boucle qui passait à un kilomètre des forts bombardés.  Pour le seul service de santé on fit passer ainsi le 30 septembre douze trains sanitaires et le premier octobre quatre trains de blessés légers. Le 2 octobre secret de l’évacuation fut éventé et l’annonce de cette retraite  entraîna une immense panique dans la population civile. Un million de civils belges vont alors fuir par tous les moyens possibles vers la Hollande. Pendant l’ultime nuit du 6 au 7 octobre, toute l’armée de campagne passe dans le pays de Waes, sauf le 2ème D.A., qu’on laissa encore quelques heures quelques heures au Général Deguise, ultime défenseur de la position. Le 7 au matin on fit sauter les voies. Les derniers  blessés restés à quai traversèrent alors le fleuve par le pont de bateaux au milieu d’une foule énorme de fuyards civils. Le dernier train revint, cependant après le passage du fleuve à Tamise pour les charger. Quant aux derniers  défenseurs d’Anvers, surtout des troupes de forteresses qui devaient défendre la ville, ils  essayèrent à leur tour de rejoindre l’armée belge entre le 8 et le 10 octobre en passant par la Hollande. Le 10 octobre la ville se rend. Des troupes de forteresse, beaucoup seront faits prisonniers et partiront quatre longues années dans les camps. Léon Juckler fut un de ces prisonniers. Séparé des siens pendant cinq ans il eut le privilège d’être libéré avant la fin de la guerre grâce à la Croix-Rouge parce qu’il était devenu  tuberculeux. Avant de retourner chez les siens, il dut se soumettre à une longue hospitalisation à l’hôpital militaire de Saint- Jean- Cap-Ferrat. 33 mille autres  soldats des troupes de forteresse  parvinrent cependant à s’enfuir en Hollande mais aussitôt  ils furent  désarmés et  internés  par les Hollandais entendant conserver une stricte neutralité dans ce conflit (article 10 de la Convention de la Haye). L’histoire de ces soldats qui vivront quatre ans internés  en Hollande vaut la peine d’être racontée. Leurs conditions de vie furent très précaires durant  les deux premières années et puis s’améliora. Il y eut même une révolte de soldats belges au camp d’Amersfoort le 9 décembre 14 et neuf de ces soldats furent tués par balles !  Après la guerre, l’armée et la nation considéreront avec un certains dédain ces soldats qui n’avaient pas combattu derrière l’Yser et qui n’avaient pas été de véritables prisonniers de guerre. Les officiers internés qui continuèrent leur carrière à l’armée après la guerre souffrirent très fort de discrimination et leurs nominations à un grade supérieur tardait plus que normalement. Un officier belge nommé  Omer Habaru racontera dans ses mémoires la longue lutte qu’il dût mener avec ses compagnons d’infortune  pour être considérés avec respect. Quant au million de civils qui avaient quitté Anvers pour se réfugier  en Hollande, après quelques semaines, ils furent encouragés par tous les moyens par les autorités à regagner la Belgique occupée.  Seuls restèrent les femmes et les enfants des  soldats internés  qui préféraient la misère auprès de leurs maris qu’ils pouvaient visiter de le solitude qui les attendait en Belgique occupée. Ce  courage des femmes belges est impressionnant et marqua fort les autorités hollandaises qui finalement acceptèrent de créer pour elles et leurs enfants de véritables villages belges à proximité des camps d’internés qui se trouvaient à Zeist, Herderwijk, Amersfoort, Gasterland. Après la guerre le gouvernement des Pays-Bas réclama le remboursement par la Belgique des sommes dépensées pour le logement et l’entretien des réfugiés et internés !  Le docteur De Beir fut un médecin du camp de Zeist nous a laissé un témoignage de ce que fut la vie des internés et des familles en Hollande. Dans ce camp se trouvait le célèbre peintre Belge Rik Wouters avec qui il se lia d’amitié.


Léon Juckler, Marie Lorent, Joseph et Edmond

Mais revenons à notre armée belge qui pu une nouvelle fois échapper à l’étau ennemi en rejoignant la côte belge avec armes et bagages mais aussi avec tous leurs innombrables blessés et les familles des gradés. Le sept octobre le grand mouvement des troupes belges encore composées de 80.000 hommes s’opère vers la côte.  Le 10 octobre alors que ce mouvement s’achève, l’Etat-major  convaincu que l’armée ne pouvait défendre les 60 km de côte du pays, ordonne le repli de l’armée dans la boucle de l’Yser. Dans un si petit réduit de polders et de dunes  sans aucune infrastructure autre qu’une voie de chemin de fer vers la France, il est impossible d’héberger et de soigner  blessés et malades. L’ordre vient de rassembler tous les  blessés belges  à Ostende et de les évacuer  vers la France et l’Angleterre. Les belges réaliseront la prouesse d’évacuer tous leurs  blessés. Le13 et le 14, le Général médecin Mélis obtint que les tramways du littoral soient réquisitionnés au profil exclusif des blessés de la côte pour les amener à Ostende. De là en gare ferroviaire, sept trains transporteront 8 à dix mille blessés vers Dunkerke et Calais. En gare maritime, quatre malles se chargeront de cinq mille blessés  et trois bateaux  privés ou de l’amirauté anglaise transporteront deux mille blessés. Le 14 octobre, le dernier bateau à quitte la côte avec des blessés fut le « Martha » un charbonnier de 800 tonnes qui quitta Nieuport avec dans ses soutes noires 500 blessés des ambulances de Nieuport, Oostdunkerke et La Panne.  Les trajets en train étaient longs et donc très pénibles pour les blessés. Rien que le trajet de Dunkerke à  Calais pouvait durer selon les circonstances entre 6 et 32 heures.  A la gare de Calais, les blessés reposaient sur de la paille avant d’être répartis dans les ambulances de la ville, le seul luxe de la gare consistait en l’eau chaude que leur donnait à profusion une locomotive !


Un peintre inconnu, nommé Pascal et élève de l’académie du « Village Albert » de Zeist,a peint ce magnifique portrait du Dr De Beir.

L’infirmière Jeanne de Launoy accompagnera deux ou trois   milliers de soldats blessés qui évacués d’abord à  Dunkerke  sont embarqués à destination de Calais  dans  l’ « Indore » énorme bateau qui venait de débarquer plus de 1.500 soldats anglais et de 900 chevaux !  Les soldats belges blessés gisent sur le foin ou à même le sol. On imagine la surinfection des plaies et le risque de tétanos  dans de telles conditions !   L’accueil des anglais fait à  nos blessés est extraordinaire. Mais à l’accueil des soldas blessés s’ajoutent l’accueil des civils belges ayant atteints  par de multiples rafiots dont  la flottille de pêche la côte anglaise. A Folkestone, les Belges ont la chance d’être accueilli par  le pasteur belge Peterson, parfait bilingue  et organisateur hors-pair. Rapidement, cet homme va   réussir  à   ce que le  débarquement de milliers de  Belges (entre octobre et décembre 14, la moyenne quotidienne des réfugiés débarquant à Folkestone se chiffrait à 2.500)  nécessiteux se passe dans les meilleures conditions. Transferts dans les hôpitaux anglais, recrutement de familles anglaises hôtes, récolte de fonds, alimentation : tout doit être prévu et organisé en quelques heures ! En France la ville de Calais accueille des milliers de nos soldats blessés et écoles, couvents, temples évangélistes, et même une loge maçonnique sont transformées en ambulances : il y en aura plus de quarante ! Des médecins belges civils et militaires font ce qu’ils peuvent pour transformer des classes en salle de soins tandis que les Calaisiennes offrent leurs services et s’improvisent infirmières !


Le pasteur Adolphe Frédéric Péterson en uniforme de Vice-consul de Belgique. (Photographie prise par H. Wheeler de Folkestone, collection de la famille Edwards-Péterson)

Cet afflux de blessés qui arrive chez nos alliés français et anglais ne va pas se tarir de sitôt car l’armée allemande lance le 18 octobre l’assaut contre les positions belges soit seulement quatre jours après  l’arrivée des derniers soldats belges derrière l’Yser.  La fameuse bataille de l’Yser durera jusqu’au 30 octobre.  Les Français  aidèrent l’armée belge épuisée à tenir sa ligne de front.  Les fusiliers marins  de l’amiral Ronarch nous aidèrent à tenir Dixmude, les goumiers  de la division Grossetti nous aidèrent à tenir Nieuport. Les troupes belges résisteront de justesse. Les Allemands arriveront même à traverser l’Yser dans la boucle de Tervate le 22 octobre  et à mettre en pièces les troupes du major d’Outremont envoyées en contre-attaque…..

Le colonel Clément Lefébure du premier régiment de grenadiers avait émit publiquement des doutes sur le courage du major  Henri d’Outremont. Celui-ci blessé dans son honneur, attaqua continuellement jusqu’au moment où avec quelques centaines de ses soldats il tomba au champ d’honneur. Aujourd’hui un monument sur les rives de l’Yser rappelle ce sacrifice !

La route semble libre pour l’ennemi  qui ayant traversé l’Yser prit  possession du village de Ramskapelle.  Les Belges abandonnent les rives de l’Yser pour se replier derrière le « Grote Beverdijkvaart » (grand canal de le digue de Bever) et derrière la ligne de chemin de fer Nieuport-Dixmude. Dans un furieux corps à corps, maison après maison ils peuvent cependant reprendre  le village de Ramskapelle avec l’aide des soldats Français. Une deuxième  tentative des Allemand failli réussir à Dixmude.  Durant la nuit, le 14 octobre, une compagnie ennemie parvint à traverser le pont de l’Yser. L’alerte fut donnée suffisamment tôt pour empêcher une pénétration dans nos lignes de troupes plus nombreuses. Le lendemain Belges et Français parvinrent à neutraliser la centaine de soldats ennemis qui tentèrent vainement de rejoindre les leurs. Le médecin militaire  van der Ghinst fut un témoin privilégié de  cet événement.

La bataille de l’Yser se terminera pour les troupes épuisées avec l’inondation salvatrice de la plaine se trouvant entre l’Yser et le chemin de fer Nieuport-Dixmude. Grâce à l’éclusier Geeraerts, en une nuit l’inondation est telle que le commandement allemand est forcé de se replier  et au-delà de l’Yser (les Allemands conservèrent cependant quelques tranchées à l’ouest de l’Yser, notamment au nord de Dixmude en face du boyau de la mort !)

 

On peut toujours aujourd’hui visiter le boyau de la mort sur la rive ouest de l’Yser. Ces tranchées belges étaient connues pour leur grande dangerosité car l’ennemi se trouvait en face, de l’autre côté de l’Yser dans des tranchées mais aussi dans la minoterie de Dixmude du haut de laquelle  ils avaient une vue plongeante sur nos lignes)  mais aussi à l’extrémité nord du boyau dans des tranchées conservée sur la rive ouest. Les soldats belges du boyau de la mort étaient donc souvent soumis à un tir en enfilade. De plus, les extrémités des tranchées belges et allemandes sur la rive ouest n’était séparée que d’une trentaine  de mètres. Pour empêcher les assauts allemands, on fit exploser une mine entre les deux extrémités   


Madame Tack, la « Maman des soldats » (peinture Allard L’Olivier – 1917) (Photographiée par F. De Look)

Le 30 octobre, l’afflux de blessés se termine enfin. Un premier bilan peut être fait sur une période de deux semaines, c’est plus de vingt mille blessés et malades qui furent évacués. Un exploit sans aucun doute ! Il s’agit maintenant de conforter les positions militaires et de les rendre viables pour nos soldats. En attendant, la vie restera encore très dure dans les tranchées durant l’hiver 1914. Parfois quelques civils extraordinaires essaieront d’adoucir les conditions de vie de nos « jass » comme madame Tack et la vieille Joconde.  


Une héroïne belge très populaire sur les bords de l’Yser : la « Joconde ». (Tiré de « Le Miroir » du dimanche 11 avril 1915)

Quant aux civils qui s’exilèrent en France et en Angleterre pour les quatre ans de guerre, ils furent plus d’un demi-million ! La vie n’était pas facile pour eux mais ils reçurent  généralement un bon accueil de leurs alliés français et anglais. L’abbaye de Briquebec en Normandie se souvient encore aujourd’hui des   familles qu’elle accueillit. Après la guerre l’abbé fut décoré du Roi Albert pour les services qu’il avait rendu aux réfugiés belges. Ces moines cisterciens n’avaient pas froid  aux yeux et outre l’accueil des réfugiés, ils acceptèrent  aussi de se transformer en infirmiers dans leur abbaye devenue par leur volonté hôpital militaire français ! Les réfugiés belges ne restèrent pas inactifs dans leurs pays d’accueil. Ils reconstituèrent même de  véritables cités belges comme   à Richmond sur la Tamise ou comme à Bonnières non loin de la Senne. Dans ces cités, ils parvinrent  avec l’aide de leurs  ingénieurs à reproduire les usines métallurgiques  qu’ils avaient dû abandonner en Belgique.  


Des réfugiés belges. (Collection Abbaye de Bricquebec).

La bataille de l’Yser terminée grâce aux inondations, l’armée belge put s’installer pour une guerre de positions qui allait durer quatre longues années. Elle put même  renflouer ses effectifs grâce à l’afflux  des jeunes gens belges qui au péril de leur vie passèrent de la Belgique occupée  à l’Yser via la Hollande.  Beaucoup y laissèrent la vie dans les fils électriques qui séparaient la Hollande de la Belgique ou dans les eaux glacées de la Meuse. Certains rejoignirent la Hollande  sur les remorqueurs « Anna » et « Atlas » à partir de Liège au cours de raids tout à fait  épiques et sous la conduite de véritables héros : l’alsacien Zilliox et le liégeois Hentjens


Joseph Zilliox, soldat allemand (photo du livre)

Dans la nuit du 4 février 1918 à 21 heures, quatre jeunes Visétois à Lanaye se jettent dans l’eau glacée de la Meuse pour la traverser à la nage. Trois d’entre eux atteignirent la rive hollandaise : Bourguignon Alphonse né le 4 février 1902 fêtait ses 16 ans, Joseph Cardois né le 17/1/01, Robert Hofmans né le 15 septembre 1899. Quant à Léon Delcourt il est emporté par les eaux et son corps est retrouvé en Hollande quatre semaines après.


Le vaillant capitaine

Le six février toujours pendant la nuit, deux autres jeunes gens tentent à nouveau le passage à la nage : Julien Devos et Léon  Léon. Ce dernier meurt noyé. Vers la même époque, Marcel Quaden et Pierron de Florenne, tous deux de Visé meurent électrocuté en passant la clôture. Hellin Modeste est lui abattu par une sentinelle alors qu’il franchissait la dernière rangée de fils. (source : L’odyssée du remorqueur Atlas, Edourd Dehareng, 1976)

A noter que des mères de soldats  accomplirent parfois le même trajet pour revoir un fils soldat derrière l’Yser (du moins avant la mise en place de barrière électrifiée à la frontière belgo-hollandaise).

Comme il regagne son poste, une femme se présente à lui, une mère anxieuse de voir son fils, venu pour cela de la patrie de la Belgique occupée par l’ennemi. A pied, en carriole, elle a gagné la frontière, le cordon des sentinelles allemandes qui la gardent,, et déchiré sa robe dans les fils barbelés destinés à barrer le passage. Parvenue à Flesingues, elle s’est embarquée pour Folkestone, de là pour Calais d’où elle s’est rendue à Dunkerque, et enfin à furnes. Combien d’autres ont accompli le douloureux trajet ! Je n’oublierai pas celle que je vis au Duinhoeck plusieurs jours avant l’épisode que je conte : harassée après une dernière marche d’une trentaine de kilomètres, dans la boue, la pluie et le vent, elle ne découvrit qu’à la fin de la journée le cantonnement de son enfant. Elle partagea le repas du soir des soldats, tomba de fatigue aussitôt après. Je me rappelle ses traits tirés, ses yeux caves, son regard perdu, fixe comme l’idée qui l’avait guidée. Le lendemain matin, à la première heure, elle se remit en route pour parcourir en sens inverse le long et pénible calvaire. En partant, elle me dit : je n’avais pas reçu de nouvelles de lui depuis trois mois. Je suis heureuse…Je l’ai embrassé…Cela me suffit !

(Henri Malo « Le drame des Flandres, un an de guerre », Paris 1916, Editions Perrin)

De Nieuport à la frontière française, le front était cependant  encore trop long pour les six divisions belges. Notre petite armée se contenta donc de tenir  l’Yser de  Nieuport à Steenstraat. Au-delà, nous avions les  Français jusqu’au Saillant d’Ypres  tenu par les Anglais.

Parlons un peu de ce fameux saillant d’Ypres. Après la bataille de l’Yser, les Allemands cherchèrent un autre endroit pour mener l’assaut sur l’Yser et ils consacrèrent leurs efforts sur Ypres. Cette bataille, la « première bataille d’Ypres » débuta le 21 octobre par l’assaut des lignes anglaises par le 26ème corps et de la 51ème division allemande. Ces unités étaient essentiellement constituées de très jeunes étudiants allemands qui n’avaient quasi pas été entraînés. Les formations  des étudiants furent décimées impitoyablement par les mitrailleuses des soldats de métier anglais.

Aujourd’hui ces étudiants reposent dans  le Deutscher Soldatenfriedhof de Langemark. Ce cimetière présente un aspect sombre par rapport aux cimetières anglais.  Pas de pierre de Portland mais du grès rose de la région de la Weser. Il faut dire que la couleur blanche a été interdite aux vaincus ce qui explique que tut paraît sombre ! La porte monumentale mène directement le visiteur à une fosse commune où sont enterrés 24.917 soldats dont 7.977 sont inconnus. Sous les chênes, 10.143 soldats dont 400 inconnus sont inhumés dans des tombes individuelles. Dans la partie élevée, on voit encore les vestiges de trois bunkers allemands et. Ici reposent 9000 soldats dont 3000 étudiants. Des panneaux de chêne, à droite près de l’entrée de la petite salle mentionnent leurs noms. Le cimetière comprend en tout 44.061 morts. Il y a encore trois autres cimetières allemands en Flandre Occidentale. Celui de Vladslo (25.638), Menin (48.049) et Hooglede (8.247).  


Charles Camiel Delaere et Sœur Marguerite d'Ypres

Les combats de la première bataille d’Ypres, sans résultats concrets pour les Allemands, se terminèrent fin novembre par le bombardement de Ypres. La halle aux draps  fut la proie des flammes. Les troupes anglaises de métier  avaient tenu bon au prix de 58.000 soldats. Plus de la moitié de l’armée anglaise débarquée en août sur le continent sous la direction de French étaient hors de combat. Les survivants furent renvoyés en Angleterre où ils formèrent le noyau d’une nouvelle armée de volontaires. Ypres durant l’hiver fut confié aux Français. Les habitants d’Ypres malgré la violence des combats ne voulurent pas quitter leurs maisons et il fallut les secourir en eau  nourriture et soins !  Une épidémie de typhus éclata en janvier 1915. C’est une infirmière belge remarquable la comtesse van den Steen de Jehay qui organisa les secours aux civils d’Ypres avec l’aide du curé Delaere et de sœur Marguerite. Ils furent aidés dans leur tâche par une ambulance civile  Quaker sous la direction de Geoffrey Winthrop qui avec ses chauffeurs, médecins, infirmiers se dévoua jours et nuits. Au printemps 1915, les habitants d’Ypres furent forcés par les autorités militaires anglaises d’abandonner la ville devenue trop dangereuse et réduite à l’état de ruines ! La comtesse van den Steen n’abandonna cependant pas le saillant d’Ypres et continua à œuvrer dans l’hôpital qu’elle créa à Poperinghe au profil de la population civile mais aussi au profil d’une unité d’artillerie belge isolée au milieu des « tommies » et qui était  chargée de soutenir les Anglais dans le saillant d’Ypres.


Geoffrey Wintrop Young en 1952

Des milliers de Tommies se rendirent au front par Poperinghe. Certains y revinrent pour des brefs repos.

A Poperinghe et Ypres les souvenirs de la  Grande Guerre sont extrêmement nombreux et sont là pour nous rappeler de l’absurdité de la haine. Poperinghe New Military Cemetery a le triste privilège de compter le plus grand nombre de soldats fusillés de tous les cimetières du Commonwealth. C’étaient des « exécutés à l’aube ». Les jeunes gens fusillés  souvent atteints d’un stress post-traumatique étaient fusillés après une parodie de procès. Joseph Stedman est l’un d’entre eux, le 1er Mai 1915, ne pouvant plus supporter les bombardements, il s’enfuit d’une tranchée qui venait d’être conquise à l’ennemi près de Sint-Juliaan. En septembre, il fut exécuté après un bref procès. Sa tombe se trouve dans le rang f, près de la Stone of remembrance. C’était la cour intérieure de l’hôtel de ville de Poperinghe qui servait le plus fréquemment d’endroit pour exécuter la peine !  Le lieu exact de l’exécution est rappelé aujourd’hui encore dans cette cour par un poteau d’exécution. Dans l’hôtel de ville même, un  ancien cachot a été remis dans l’état où il se trouvait pendant la guerre. En grattant la peinture  du mur sont apparus des centaines de graffitis des soldats anglais qui y ont séjournés !  17 exécutés sont inhumés dans la section II du cimetière.   Pour les combattants Pop était cependant  un oasis où ils pouvaient oublier pendant quelques heures la guerre, notamment en allant boire un verre dans leur « Talbot House » que l’on  peut toujours aujourd’hui visiter. Cette maison avait été ouverte par un aumônier anglais Philip Clayton en souvenir de son frère mort au front. Les soldats de passage à Pop pouvaient y trouver un grand jardin fleuri, une bibliothèque, une cantine, un piano et…dans le grenier une chapelle.

Poperinghe possède aussi une tombe militaire particulière : sur la stèle funéraire militaire est gravé le nom en  caractère chinois  de Wang Jungzhi. Ce Chinois fut la dernière personne exécutée par les autorités militaires anglaises à Poperinghe. Cela se passa le 19 avril 1919, soit après l’armistice ! Wang Jungzhi appartenait au Chinese Labour Corps. Le 30 décembre 1916, le premier ministre britannique Lloyd-George et le président de la république chinoise Sun Yat Sen, signaient un accord par lequel la nouvelle Chine, s’engageant civilement » auprès des Alliés, autorisait l’envoi de travailleurs sur le sol français. 140.000 Chinois furent recrutés par les Anglais  pour servir sur le continent. Ils se retrouvèrent derrière les lignes anglaises  dans des conditions de vie qu’ils n’avaient certainement pas imaginés ! Logés dans des camps dont ils ne pouvaient sortir, soumis à la discipline militaire, ils durent effectuer  le dur  travail  de terrassement que nécessitait l’entretien d’un immense réseau de tranchées.

Les coolies dans leurs contrats avaient acceptés de travailler trois ans,  dix heures par jour et sept jours sur sept !  Après la guerre, ce sont eux qui aménagèrent les cimetières militaires et nettoyèrent les champs de bataille du saillant d’Ypres et de la Somme.

A l’occasion du 70ème anniversaire de l’armistice, la société archéologique de Péronne présenta une douille d’obus avec des dessins et inscriptions chinoises. Le dessin représentait le narcisse, symbole de rêverie  pour les Chinois tandis que les idéogrammes composaient un poème dont voici la traduction

 

 J’ai eu le cœur fendu en quittant un jour le foyer

Voilà que cette séparation dure depuis l’an passé

Bien que la France soit si belle et son climat si doux

LA nostalgie envahit mon âme malgré tout.

 Deux mille coolies perdirent la vie en Europe dont beaucoup pendant l’épidémie de grippe espagnole. 17 cimetières chinois parsèment la France.  Le cimetière chinois à Noyelles-sur –Merest le plus grand d’entre eux et  renferme 838 tombes.  Ces cimetières  rappellent les souffrances de  ces hommes mêlés à un conflit qui ne les concernait pas. Wang Jungzhei fut condamné à mort parce qu’il avait tué au cours d’une rixe un de ces compatriotes dans le camp chinois « in de Kleite ». Il repose sans que l’on ne sache très bien pourquoi au milieu d’officiers anglais tombés au printemps 1915 ! Les travailleurs chinois ne furent rapatriés qu’en février 1920. Certains s’établirent en France.           


La porte de Menin à Ypres. (photo F. De Look)

Les Anglais souffrirent beaucoup dans le saillant d’Ypres. Le Tine Cot British Cemetery est le plus grand cimetière militaire du commonwealth. Il comprend 11.956 tombes. En outre les noms de 34.957 noms de soldats disparus depuis le 16 août 1917 ont été gravés sur le Missing Memorial au fond du cimetière. La monumentale porte de Menin à Ypres porte le nom de 54.896 soldats disparus avant le 16 août. Elle fut inaugurée le 24 juillet 1917 par le Maréchal Plumer en présence du Roi Albert 1er.  Depuis le 1er mai 1928, les pompiers d’Ypres jouent le Last Post chaque soir à 20heures. Cette courte cérémonie journalière constitue   un hommage  à tous les morts de la première guerre mondiale. 


Comme chaque soir, ce 15 mai 2006,les pompiers volontaires d’Ypres vont jouer le Last Post. (photo F. De Look)

Les soldats anglais avaient en Belgique leur propre Service de Santé. Quand après des premiers soins ils étaient évacués dans un hôpital de l’arrière c’est principalement vers celui d’Etaples-sur-Mer près de Bologne qu’ils étaient dirigés. L’histoire de la petite ville portuaire d’Etaples a été marquée par la présence des militaires Anglais exactement comme le fut Poperinghe.  Etaples a la particularité d’avoir hébergé la plus grande infrastructure médicale de tous les temps. Son immense cimetière militaire prouve hélas que les soldats furent nombreux, malgré les soins prodigués, à succomber à leurs blessures. Dans ce cimetière une stèle avec trois couleurs dénote par rapport aux autres, c’est c’elle d’un soldat belge, François de Gendt qui succomba à la maladie loin des siens parmi ses alliés anglais.


Quelques tombes. (Photo Dr Loodts)

Revenons au front de l’Yser tenu par les Belges. La bataille de l’Yser terminée fin octobre, la plupart des blessés évacués en France et en Angleterre, on fit le bilan des infrastructures médicales que l’on pouvait disposer derrière nos lignes. A part une petite ambulance anglaise « le Belgian Field Hospital » à Furnes, il n’y avait absolument rien. Le Roi avisa  le docteur Depage, célèbre chirurgien Bruxellois  et président du comité Médical de la Croix-Rouge  créé le 4 août. Ce comité avait été créé  pour essayer de combler tant bien que mal  les   manquements de la  Croix-Rouge  à ces engagements envers le Service de santé de l’Armée.

Au cours de cet entretien, Depage proposa au roi la création d’un hôpital de la Croix-Rouge qui deviendrait un modèle pour le Service de Santé. Pourquoi un hôpital de la Croix-Rouge et non un hôpital militaire ? Parce que Depage expliquera son fils Henri  ne voulait pas « se soumettre aux exigences tatillonnes et stérilisantes de la bureaucratie militaire ». Le Roi marqua son accord avec la proposition du docteur Depage qui fut cependant militarisé avec le grade de Médecin Principal de Deuxième classe (Lieutenant colonel).  Depage,  médecin militaire deviendrait ainsi directeur d’un hôpital de la Croix-Rouge ! Il fut aidé dans sa tâche par la Reine Elisabeth  et par sa remarquable épouse Marie Depage  qui connut hélas une fin tragique sur le Lusitania alors q’elle revenait des Etats-Unis ayant récolté  grâce à la générosité américaine 100.000$ !


Le transatlantique " Lusitania " coulé le 7 mai 1915. (côte d'Irlande) Marie Depage était à bord.

 L’hôpital modèle du docteur Depage fut installé dans un hôtel de la côte  à La Panne.  Cet hôtel de l’Océan était une construction de quatre étages qui avait l’avantage d’être construit  face à la mer mais  devant de vastes dunes  qui pouvaient offrir  le terrain nécessaire à la construction de nombreux baraquements. Le 21 décembre l’hôpital l’Océan accueillait ses premiers blessés. D’extension en extension, l’hôpital après quelques mois présenta une infrastructure complète qui  permit l’accueil de toutes les spécialités médicales.


Dernière photo du Grand Hôtel l’Océan avant sa transformation en Ambulance l’Océan. (collection P. Falkenback)

Sa capacité sera de 1.200 lits.  En  ce qu concerne les bâtiments s’’ajouteront au bâtiment de l’hôtel le pavillon « British » de 100 lits nommé  en souvenir des nombreux donateurs britanniques, le pavillon Everyman de 240 lits d’après la fondation Everyman à Edinburgh qui offrit 4000 $ , un pavillon Albert-Elisabeth de 300 lits, un pavillon de réception, un pavillon américain de 60 lits, une salle Emile Verhaeren pour le loisir des blessés, et l’institut Marie Depage regroupant différents laboratoires pour la recherche scientifique…

                              

Les infirmières étaient en majorité recrutées en Angleterre mais il y avait aussi des infirmières belges remarquables comme Jeanne de Launoy  qui nous laissa le récit détaillé de la vie à l’hôpital l’Océan au jour le jour ou  comme Suzanne Lippens-Orban qui connut la tragédie de voir  arriver un jour un soldat  mortellement blessé qui n’était autre que son propre mari ! En  raison, de toute sa carrière d’infirmière  remarquable, Suzanne Lippens Orban reçut la plus haute distinction de la Croix-Rouge , la médaille « Florence Nigtingale ». Les infirmières belges eurent du mal à se plier à l’intransigeance des chefs infirmières anglaises que l’on appelait les matrones. Au début de son fonctionnement l’hôpital ne comptait quasi que des infirmières anglaises. Au fil du temps, des infirmières belges formées au King Albert’s Hospital de Londres vinrent compléter les effectifs. L’hôpital fonctionna à son apogée avec plus de 160 infirmières et 280 brancardiers  


Portrait de Florence Nightingale en 1856.

Le docteur Depage sut réunir une équipe de médecins de très haut niveau autour de lui comme les docteurs  Debaisieux, Janssen, Vandevelde ou Neuman. Sous sa direction  se développa un esprit d’émulation entre médecins et bientôt l’hôpital de l’Océan se trouva à l’avant-garde de la recherche médicale.  C’est dans l’hôpital l’Océan que le célèbre médecin français le docteur Carrel développa la technique du nettoyage des plaies avec un désinfectant de sa composition qui présentait pour la première fois des qualités désinfectantes sans posséder d’effets caustiques sur les tissus. Beaucoup de nos alliés envoyèrent des missions médicales d’étude à l’Océan dont certaines séjournèrent plusieurs mois à La Panne. Justin Godart,  Sous-Secrétaire d’Etat à la santé militaire de France désirait  que la plupart des médecins-directeurs d’une ambulance chirurgicale française puisse venir faire un stage à l’Océan. L’histoire du docteur Depage pourrait aisément faire l’objet d’un merveilleux film : indépendant d’esprit, colérique, volontaire, en conflit permanent  avec l’autorité militaire représentée par le général médecin Mélis et … parlant le patois bruxellois, il sut réaliser, en dépit notamment des drames qu’il vécut durant l’année 1915, l’hôpital modèle dont il avait  rêvé d’offrir aux soldats.


Le docteur Georges Debaisieux

Le Dr Depage était aussi un amateur d’art et il encourageait les loisirs des hospitalisés. A l’hôpital de l’Océan, on organisait très régulièrement des concerts, des pièces de théâtre et des conférences. Il y aura même un orchestre sous la direction de Camille de Thoran, plus tard directeur du théâtre de la Monnaie. Des peintres tels que Alfred Bastien, Emile Claus, James Thiriar et Maurice Wagemans  furent  invités à décorer la salle de fête. Souvent aussi, l’hôpital mit ses murs à la disposition d’exposition d’art. le docteur Depage  bien que non-croyant fit le   maximum pour sauver les objets d’art religieux qui parsemaient les ruines des églises bombardées par l’ennemi. Il  les rassembla dans la chapelle de l’Océan qui fut inaugurée en grande pompe par l’aumônier  Hénusse au cours d’une cérémonie très émouvante.

Bien entendu, il fallut, derrière l’Yser, d’autres infrastructures que l’hôpital l’Océan.   Le Général médecin  Mélis,  chef du Service de Santé veilla à la  construction des hôpitaux militaires d’Hoogstade, Vinckem, Beveren, Adinkerke (Cabour). L’hôpital de Beveren fut entièrement conçu par médecin chirurgien, le docteur Derache. Cet hôpital était vraiment à la pointe du progrès. L’hôpital de Vinckem fut  aussi très original. Il fut construit pour remplacer l’hôpital l’Océan  car on parlait au printemps de 1917 de remettre La Panne aux Anglais. Finalement, La Panne resta aux mains des Belges et l’on ne parla plus d’abandonner l’hôpital l’Océan mais nous avions un nouvel hôpital en plus à Vinckem grâce au soutien de la Croix-Rouge américaine qui mit 500.000 BEF pour ce projet. Cet hôpital, conçu par le docteur Depage, était gigantesque  et son aménagement très particulier pour absorber un afflux de blessés graves  comme lors d’une bataille. En mars 1918, suite à l’offensive que les Allemands avait déclenchée, on envisagea un repli de l’armée et on demanda au docteur Depage de diminuer le nombre de lits à Vinckem et à La Panne. Le docteur contesta l’ordre et rusa pour ne pas obéir en démantelant quelques bâtiments administratifs ou techniques.  Lors de l’offensive finale des alliés en septembre 1918, le refus de Depage se verra justifié : plus de 4.300 blessés purent être soignés à Vinckem et à La Panne. Même après l’armistice, ces deux hôpitaux serviront encore et ne cesseront leurs activités que le 15 octobre 1919. 19.375 belges furent soignés à La Panne pour 9.440 à Vinckem. Si l’on compte aussi  les soldats alliés qui y furent soignés, on arrive à 36.000 soldats qui furent soignés dans ces deux hôpitaux durant la première guerre mondiale !       


Le Lieutenant Général Médecin Derache (photo de Patrick Bossaert Derache, colorisée par Francis De Look)

En France, les Belges créèrent peu à peu différents hôpitaux de l’arrière pour rassembler les soldats Belges qui avaient été accueillis dans les établissements français !  Ces hôpitaux étaient souvent crées à partir des propriétés mis à la disposition des Belges par les autorités françaises ou par des généreux mécènes. Il serait fastidieux de les citer tous mais voici les principaux.

Au Havre où s’était réfugié notre gouvernement, les Belges disposèrent d’un hôpital créé dans le lycée de la rue d’Ancelot. Il disposait de 600 lits et d’éminents spécialistes comme le chirurgien Walter van Havré et …le vénérologue Benoit Dujardin, futur professeur à l’université de Bruxelles et qui employa à grande échelle le Néosalvarsan et le permanganate !


Madame de Hollogne devant un type de matériel bien familier dans les hôpitaux du front. (photo extraite de la revue « Souviens-toi » 1991)

 

 L’hôpital de Bonsecours (Rouen) créé de toutes pièces par les Belges acquit une grande réputation  notamment en matière de rééducation. Son service de physiothérapie avait engagé douze médecins gymnastes diplômés de l’Institut Central et Royal de Stockholm sous les directions successives de Miss Loveday et de Miss Alund.  Aujourd’hui cet hôpital fondé par les Belges  et repris par nos confrères français est toujours en activité. Autour de Calais furent fondés les hôpitaux  de Virval-lez-Calais, de Petit Fort Philippe  et celui de la Porte de  Gravelines. Dans l’hôpital de Petit Fort Philippe travailla une infirmière belge, Olga de Hollogne, à la personnalité fort attachante et qui soigna le militaire que l’on considéra comme le plus grand invalide belge, le lieutenant Heusschen (amputé des deux jambes et d’une main ainsi qu’aveugle).  Port-Villez accueillera un institut créé de toutes pièces pour la rééducation de nos invalides de guerre. L’institut était tout proche du village de Bonnières dans lequel les ouvriers métallurgistes belges de Thy-le-Château sous la direction de leur patron, monsieur Piret, s’étaient établis pour continuer à travailler. Bonnières eut même son journal Belge !  Cet institut peut justement se vanter d’être un modèle du genre. L’abbaye de Valloires porte toujours des traces émouvantes du séjour des Belges.  Sur les murs de l’abbatiale se trouvent gravé les signatures de plusieurs soldats en convalescence dont celui du sergent De Vrin dont nous raconterons l’histoire.


Le sergent De Vrin

Les tuberculeux, les soldats  qui avaient été gazés étaient soignés au  Saint-Jean-Cap Ferrat dans les propriétés royales qui avaient appartenus au Roi Léopold II et qu’il avait utilisées pour recevoir en toute  discrétion sa maîtresse. Il y avait aussi des  sanatoriums  à Montpellier (Hérault), Chambery (Savoie), Favergues (Haute Savoie).  Dans ces deux  dernières localités, il y a toujours un « Carré des Belges »  dans lequel reposent les soldats n’ayant pas survécu à la terrible maladie. A Chanay aujourd’hui encore, on garde un émouvant souvenir des Belges qui créèrent un sanatorium destiné et non plus aux militaires mais aux civils. Ce sana fut cependant  commandé par un médecin militaire.


Le « Carré des Belges » est fleuri.

Les « convulsifs »  sont rassemblés à l’hôpital de Soligny-la-Trappe tandis que les « névrosés » le sont dans l’hôpital de Juaye-Mondaye. Enfin les « vénériens » sont dirigés sur les Hôpitaux belges du Havre et d’Orival ! Les statistiques d’Orival (seine inf) sont parlantes. Du 20 mars 17 au 31 octobre 17, l’hôpital a admis 941 malades. De ceux-ci l’on sait que 460 ont été contaminés à Paris, 112 à Rouen, 145 à d’autres endroits de France, 83 dans la zone du front et 22 en Angleterre ! Les « mentaux » eux sont traités à l’hôpital de Châteaugiron et les albuminuriques à Ligugé ! Il y avait aussi un hôpital militaire belge à Cannes dans les villas Saint-Jean, Saint-Charles et Anastasie grâce à la générosité de la duchesse de Vendôme, belle-sœur du Roi Albert.


Le sanatorium
de Chanay
en 1916.

Le  centre de convalescence du camp du Ruchard  fut vraisemblablement un endroit assez sinistre si l’on s’en tient aux témoignages des soldats qui y ont séjourné. On y enterrait un soldat belge « convalescent » toutes les deux semaines  comme le rappelle aujourd’hui le Carré des Belges !  Le brancardier  Arthur Perbal nous a laissé la relation de son passage au camp du Ruchard qui par ailleurs hébergea aussi le célèbre compositeur liégeois George Antoine.  


En 1914, Arthur avec son brassard de brancardier. (document Jean Perbal)

Comme on le voit, des hôpitaux Belges furent disséminés dans toute la France. Beaucoup de ceux-ci  ont  laissé  dans leur sillage des tombes belges, exactement au nombre de  3.724  en France !

Enfin on ne peut pas terminer cette énumération sans parler  de l’Angleterre. Au début janvier 1915, on comptait 25 mille militaires belges répartis dans les hôpitaux anglais ! Pour alléger les efforts de nos alliés, les médecins militaires belges fondèrent en décembre1914, janvier et février 1915 trois hôpitaux militaires d’environ 350 lits chacun : les King Albert’s Hospitals. Les numéros 2 et 3 devinrent vite de simples hôpitaux pour convalescents mais le King Albert’s Hospital n°1 installé définitivement à Gower Street devint un remarquable hôpital général doublé d’une école d’infirmières fondée par le docteur Jacob.


Hôpital du Roi Albert à Londres

  En avril 1915, la guerre de position fut interrompue par la deuxième bataille d’Ypres. Les Allemands pour la première fois employèrent des gaz de combat (180.000 kg de chlore) à Steenstraete juste à la jonction des lignes belges et françaises.  Cette première attaque, le 22 avril, fut fort meurtrière.

A Zuidschote, la façade du n°15, général Lotzstraat (commandant le régiment des grenadiers en avril 15) est pourvue d’une plaque de bronze commémorant les morts du régiment de carabiniers belges pendant l’attaque au gaz du 22.  Après le pont de Steenstrate, un monument est dédié cette fois au 3ème régiment de ligne belge qui subit également de lourdes pertes le 22. Cent mètres  plus loin se trouve une croix de paix d’aluminium de 15 mètres de haut. Cette croix, réalisée d’après un projet des architectes Paul Tournon et Pierre Devillers d’après un dessin d’Emmanuel Lancrenon, chanoine titulaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris commémore les morts du 418ème régiment français d’infanterie. Elle fut inaugurée en 1961 en remplacement d’un monument impressionnant dynamité par la compagnie allemande des trophées en 1942 !

Le pharmacien Lajeot de Calais entreprit avec le Duc de Vendôme, beau-frère du roi Albert de la Croix-Rouge française de faire une enquête chez des prisonniers allemands qui révélèrent que l’on fabriquait du gaz à Roulers et que l’on y préparait aussi des masques d’étoupes imbibées d’hyposulfite de soude pour protéger les soldats .En 48 heures, on fabriqua à Calais cent mille masques de ce type colorés au brou de noix. Plus tard le professeur Nolf, célèbre professeur de médecine interne à l’université de Liège  fut membre d’une commission interalliée des gaz toxiques. Les gazés belges furent soignés dans son hôpital de Cabour où il installa une  remarquable distribution d’oxygène pour ses malades. 


Le Docteur Nolf qui dirigea Cabour à partir du 12 mars 1917

Après la guerre le professeur Nolf devint le médecin traitant de la famille royale. C’est lui qui fut appelé pour reconnaître le corps du Roi décédé tragiquement dans les rochers de  Marche les Dames.

L’attaque au gaz créa une brèche de 8 kilomètres dans le front mais les allemands ne s’y engouffrèrent pas parce qu’ils manquaient de troupes de réserve. Par ailleurs une contre-attaque effectuée par les Canadiens autour de Saint-Julien rétablit la situation. Divers autres attaques au gaz suivirent le 24 avril, le premier, 5, 8 et 24 mai. Au total la deuxième bataille d’Ypres coûta  près de 59.000 soldats (tués, blessés, disparus) aux Britanniques et Canadiens !

Au cœur de cette bataille, le 3 mai 1915 se trouvait un peu de Steenstraete un médecin canadien en charge d’un poste de secours à Essex Farm le long du canal à Ypres. Le docteur Mc Crae devint célèbre dans le monde entier grâce au poème  « In Flanders Fields » qu’il écrivit ce jour là en mémoire de son ami qui venait de succomber ! «  In Flanders Fields » deviendra le texte fétiche de tous les anciens combattants du Commonwealth  Le docteur Mc Crae ne profita pas longtemps de sa gloire d’écrivain combattant. Atteint par les gaz, il développa des problèmes pulmonaires qui l’obligèrent à quitter le front pour un hôpital de l’arrière à Wimereux e France. Le docteur ne  s’y rétablit  hélas pas et succomba. Il repose dans cette petite ville de la côte d’Opale dans un  cimetière militaire face à la mer caractérisé  par les stèles inhabituellement  couchées à cause de l’instabilité du  terrain sableux.


Le docteur Mc Crae

Depuis  1995, exactement 80 ans après la rédaction du poème le public peut visiter le site entièrement rénové. Les bunkers de béton où se trouvaient le poste de secours sont situés à côté de l’Essex Farm Cementery. Dans ce cimetière repose les soldats que le docteur Mc Crae n’a pu sauver !

 

Dans le saillant d’Ypres  un autre médecin du Commonwealth, cette fois britannique,  allait devenir le symbole du courage et du dévouement : il s’agit du docteur Chavasse. Dans la bataille d’Hooge, le 15 juin 1915 (cette bataille se déroula sur ce qui est maintenant le parc d’attraction de Bellewaerde), ce jeune médecin acquis une renommée de héros qui  se confirma dans la suite. Le docteur Chavasse fut un des rares militaires à recevoir la double Victoria Cross. Il décéda de ses blessures et repose au Brandhoeck Cemetery situé entre Ypres et Poperinghe. Sa tombe est fleurie encore abondamment par des coquelicots en tissus offerts par le Service de Santé de l’armé britannique.

 Le saillant d’Ypres connut une troisième période meurtrière avec la troisième bataille d’Ypres quand les Anglais voulurent prendre possession de Passendaele au printemps de l’année 1917  Le Service Médical anglais reçut un renfort  bienvenu dans ces circonstances tragiques : 63 infirmières américaines volontaires ! Parmi ces courageuses jeunes femmes se trouvait Miss Helen Fairschild. Cette infirmière décédera sur le sol belge. Cette troisième bataille du 6 juin  au 10 novembre, soit 5 mois  pour une avancée du front de 10 km  occassionna 245.000 tués, disparus, blessés. Les soldats décédés, principalement Anglais et Canadiens furent  au nombre de  60.000.  Par comparaison, la bataille de Verdun sur une période de dix mois a fait perdre aux Français 380.000 hommes parmi lesquels 160.000 morts ou disparus. C’est lors de cette troisième bataille d’Ypres que le docteur Chavasse obtint sa deuxième Victoria Cross.

Au total, pour toute la guerre 14-18, les soldats du Commonwealth perdirent 204.770 hommes derrière l’Yser. Plus de cinquante mille d’entre eux gisent toujours sans sépulture dans la boue des Flandres !


Le portrait du Dr Chavasse. (photo F. De Look)

Les soldats belges furent épargnés des assauts inutiles auxquels avaient été astreints soldats français et britanniques. Ils ne furent cependant pas épargnés de l’assaut final de l’offensive libératrice. Le 28 septembre nos soldats s’élançaient hors de leurs tranchées. René Glatigny, l’ancien brancardier devenu officier s’écroula  un des premiers. Cela se passait devant Passendael.  Il décéda quelques heures plus tard à l’hôpital militaire d’Hoogstade. Le docteur Goemans, médecin qui avait déjà connu de nombreux périls auparavant, perdit la vie le 1er octobre à proximité de son poste de secours. Sur l’Escaut dans le village d’Eecke, les Allemands résistent avec acharnement aux Belges en ce 10 novembre 1918, veille de l’armistice. Les soldats du 1er Grenadiers vont subir là le plus grand bombardement de toute la guerre : vingt heures sans interruption. Les obus toxiques sont déversés par centaine et on ne compte plus les soldats qui tombent. Ce ne sera que le 11 novembre à 6 heures du matin, le dernier obus tua encore le 1er sergent-Major De Naeyer et le soldat Brancard de la 9ème compagnie. A 11 heures, les fusées annonçaient l’armistice. La campagne était terminée. Beaucoup de Belges qui avaient connu le froid, l’humidité, la promiscuité pendant quatre années périrent au moment même où ils avaient le plus grand espoir de retrouver bientôt leur famille et leur village. Le prix payé par les Belges lors de l’offensive finale fut élevé : il y eut  26.000 blessés,   253 officiers, 3.O83 sous-officiers et soldats y laissèrent la vie. Avec la grippe espagnole, il n’y avait pas d’armistice et le personnel médical devait encore rester au front pour lutter contre cet ultime ennemi. Le docteur Nolf ouvrit à Brugge un hôpital pour les soldats grippés. Il ne put fermer son établissement qu’en janvier 1919. En dehors des cas soignés dans les infirmeries on compta plus de 12.000 soldats ayant dû être hospitalisés pour lutter contre  le fléau.




Bilan meurtrier de la Grande Guerre pour la Belgique.

      

 

 26.338 morts au combat ou d’accident

14. 029 soldats décédés de maladie

1990 prisonniers ou internés décédés dans les camps

1.136 résistants tués ou exécutés

358 marins

23.000 civils tués (bombardements, massacres, déportations)

1895 soldats congolais et 7.124 porteurs congolais

150 brancardiers tués ou disparus

98 décédés des blessures encourues

54 médecins tués ou décédés de leurs blessures

18 infirmières décédées

 

 



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