Médecins de la Grande Guerre
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Les religieuses de Maredret résistèrent en créant un véritable chef-d’œuvre ! Pour la Noel 1914, le cardinal Mercier rédigea une lettre pastorale « Patriotisme et endurance » dans laquelle il s’éleva contre l’occupation de la Belgique. Ce message courageux lui vaudra la colère des autorités allemandes mais aussi des remontrances du Vatican qui voulait ménager les deux camps des belligérants. Un peu plus tard, le 29 septembre 1915, le cardinal Mercier dans une nouvelle lettre pastoral « Appel à la prière » récidive en comparant la guerre à la lutte de saint Michel contre Lucifer… Le cardinal après ces deux lettres pastorales est sommé de venir à Rome s’expliquer. De retour de la ville sainte, il continuera des prêches enflammés à défaut de pouvoir encore écrire comme il l’entend. Tous ces actes de résistance firent du cardinal Mercier un véritable héros admiré par tous les Belges écrasé par le joug de l’occupant. Parmi ces admirateurs se trouvaient les religieuses bénédictines du couvent de Maredret (près de Dinant). Mais comment des moniales bénédictines retranchées dans leur couvent et ne subsistant que par leur atelier d’enluminures pouvaient-elles soutenir leur cardinal ? Elles eurent l’idée géniale de transcrire la célèbre lettre du cardinal « Patriotisme et endurance », dans un somptueux ouvrage calligraphié et décoré dans un style néo-gothique digne des plus grands enlumineurs du Moyen-âge et de la Renaissance. Après la guerre la publication en facsimilé de cet ouvrage eut un retentissement mondial. L’ouvrage calligraphié possédait comme ornements de nombreuses scènes illustrant les crimes de guerre commis dans la province de Luxembourg. Les religieuses mirent deux ans pour réaliser cette œuvre qu’elles purent enfin présenter au cardinal Mercier le 15 août 1916. Le cardinal fut touché par cet acte de courage. Les religieuses avaient pris un grand risque en réalisant ce travail qui s’il avait été découvert par l’ennemi les auraient conduits directement dans un camp en Allemagne. Le risque était cependant bien calculé : les soldats allemands sur les dessins étaient représentés avec des uniformes médiévaux dont seulement un détail indiquait avec certitude la provenance : les casques étaient munis de la pointe allemande caractéristique. Néanmoins, pour ne pas être découverte, les religieuses rusèrent le mieux possible pour cacher l’œuvre réalisée. En cas d’alerte, elle fut cachée dans le faux fond pratiqué dans la caisse destinée à la pesée des cochons de la ferme de l’abbaye. Ce fut sans doute le cas, le 23 juin 1916 quand l’empereur Guillaume II vint en personne rendre visite à l’abbesse de Maredret. (voir le compte rendu de cette visite) La qualité exceptionnelle de cette œuvre d’art provient essentiellement des talents de deux religieuses : Mère Agnès Desclée, fille des donateurs du terrain où fut construite l’abbaye et Mère Marie-Madeleine Kerger. Agnès Desclée avait un immense talent pour composer les scènes tandis que sa consœur Kerger savait habilement les orner des fioritures médiévales. Ces deux artistes en travaillant ensemble atteignirent une véritable perfection. Aujourd’hui l’œuvre est toujours conservée à l’abbaye de Maredret. Le lecteur trouvera ci-dessous quelques scènes illustrant le talent des deux moniales. Ces scènes nous rappellent encore une fois l’horreur vécue par les civils de la province de Luxembourg en août 14. Cette scène illustre la victoire des Belges sur l’Yser : l’ennemi est repoussé grâce à l’inondation. Cette scène représente de gauche à droite le sac de l’église d’Ethe, le pillage et la prise de civils en otages. Remarquez les casques à pointe. On aperçoit dans cette scène de pillage, un soldat entravant un prêtre revêtu de son aube rouge. Il s’agit du curé de Jamoigne. Accusés d’avoir arboré un drapeau belge à son église, le prêtre et quatre autres ecclésiastiques seront entravés et conduits à pieds à Arlon le 17 août 14 avant d’être finalement libérés. Cette scène représente à droite l’assassinat de Dom Bernard Gillet, moine de Maredsous le 22 août à Anloy. A cette époque le moine séjournait chez sa sœur et remplaçait le curé de la paroisse retenu par les Allemands à Bastogne. Il fut saisi par deux soldats sous prétexte de devoir aller soigner des blessés mais à peine sorti de la maison de sa sœur, il fut exécuté. Dans ce même village, une cinquantaine de civils furent massacrés. Accusant les civils de Tintigny d’abriter des francs-tireurs, les Allemands y massacrèrent une cinquantaine d’hommes (dont le bourgmestre, le notaire, l’instituteur, le prêtre) qui furent fusillés dans une prairie. Ici, c’est le curé d’Etalle qui est représenté tout en haut de la page. Le curé d’Etalle possédait des vieilles pétoires, accessoires servant aux acteurs du Patronage lorsqu’ils jouaient dans certaines pièces de théâtre. Accusé de posséder des armes, il fut exécuté sans jugement. Les demoiselles Renauld affirmèrent catégoriquement avoir aperçu le corps du curé pendu au poteau téléphonique près du jardin Canon. Ce magnifique dessin rend hommage aux brancardiers et infirmières de la grande Guerre (sur ce dessin il s’agit de brancardiers des armées alliées car ils ne possèdent pas de casques à pointe). Le soldat au pied de l’arbre est François de Briez, héros du 1er régiment de Grenadiers et qui blessé demande que l’on s’occupe plutôt des autres car pour lui il n’y a plus rien à faire. François de Briez survécut cependant quelques semaines. Blessé et fait prisonnier, il fut transporté en Allemagne au lazaret d’Aix-la-Chapelle où il décéda le 20 novembre 1914 âgé de 18 ans. Il était le neveu du Gouverneur de la Province de Luxembourg. Dr Loodts P. Bibliographie : – « 1914-1918, Le Dieu de la Guerre. Religion et patriotisme en Luxembourg belge. » Edité par le Musée en Piconrue, 2013, Bastogne. Dans ce volume, Jean-Marie Doucet a écrit un chapitre très complet sur les enluminures luxembourgeoises du manuscrit de Maredret. |