Médecins de la Grande Guerre
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350 000 réfugiés belges en France
pendant la Grande Guerre[1] Le contexte. Le Roi des Belges Albert 1er et son gouvernement ayant rejeté son ultimatum le 2 août, l'Empire allemand déclare la guerre à la Belgique et pénètre le 4 août dans la Province de Liège. La résistance de la ville et de ses forts entraine un retard dans le planning d'invasion et déclenche une violence aveugle des troupes allemandes envers les civils, brutalité accrue par la peur mythique de francs tireurs. C'est cette brutalité qui engendra l'exode de nombreux habitants au cours de la Batailles des Frontières après l'arrivée tardive de troupes françaises et britanniques. Alors que le 20 août en effet, les Allemands pénétraient dans Bruxelles, ville ouverte, les Français étaient défaits à Charleroi, Namur et Dinant et dans la Province du Luxembourg et les Anglais à Mons. Le 22 août fut même la journée où l'armée française perdit le plus grand nombre de ses soldats de tout le conflit. Les armées belge, française et anglaise se mobilisèrent presque simultanément mais les armées alliées se portèrent tardivement au secours de la Belgique envahie. Le Roi des Belges, son gouvernement et le peuple leur en voulurent profondément, d'autant plus qu'ils avaient informés par eux des projets d'invasion allemands. Les combats et l'exode Lors de ces combats le long de la frontière – d'où le nom de Bataille des Frontières – des civils belges furent massacrés et des villes et des villages détruits. Ces atrocités envers les civils et la violence des combats entraînèrent une fuite éperdue de la population. Les gens quittaient leurs domiciles sans but précis sinon qu'échapper à la furie de la guerre. La carte de l'exode de la population se calque en fait sur la progression des troupes allemandes Avec cette Bataille des Frontières, ce furent principalement les Wallons, qui, poursuivis par l'ennemi, arrivèrent les premiers en France. Anvers résistait encore quand la Bataille de la Marne arrêta. et refoula en partie les armées d'invasion allemandes. Les troupes impériales s'en emparèrent le 10 octobre entrainant la fuite de la population flamande vers les Pays-Bas neutres où elle y retrouva des Wallons de la Province de Liège arrivé fin août. Lorsque les Allemands tentèrent de s'emparer de Dunkerque et Calais pour couper l'approvisionnement de l'armée britannique dans une bataille que l'on qualifia de Course à la Mer, nombreux furent les Flamands qui trouvèrent refuge en France. L'accueil des premiers
réfugiés belges en France En août comme en octobre 1914, les réfugiés belges furent rapidement transportés en trains et en bateau vers l'intérieur du pays pour dégager de leur présence les zones de combat. Les autorités françaises, complètement démunies devant cette arrivée brutale de réfugiés belges, se limita à les assimiler à leurs propres réfugiés. Le nombre de ses derniers s'éleva par la suite à environ 2 000000 provenant des dix départements, totalement ou partiellement envahis. Cet accueil se plaça sous le signe de l'improvisation. C'est au niveau local que l'Administration sut faire face, aidée par la Croix Rouge, les Eglises, les Consuls et les nombreuses associations caritatives qui fleurirent dans tout le pays pour accueillir les réfugiés belges. L'image peu brillante de la Belgique en France à la veille du conflit – on la voyait très germanophile, surtout à Anvers – fut complètement transformée par son refus de l'ultimatum allemand, la résistance de sa modeste armée et les atrocités subies par sa population. C'est donc véritablement en temps que « martyrs et héros » que furent accueillis ces premiers réfugiés belges en France entre août et novembre 1914. Les autres réfugiés
belges accueillis Tout au long du conflit des réfugiés belges continuèrent à arriver en France : – les « bouches à nourrir » des régions occupées dont l'Autorité allemande se débarrassa sur la France jusqu'à la fin de la guerre via la Suisse ou les Pays-Bas. On les dénomma ces réfugiés belges par extension du terme les rapatriés. – les habitants de la petite Belgique libre, déplacés de force par les autorités belges car vivant trop près du front. Ce fut le cas en particulier des Enfants de l'Yser. – des réfugiés belges en France à proximité des nouvelles zones des combats lors des offensives allemandes de mars à juillet 1918 et déplacés d'office avec les populations françaises les hébergeant. Même situation pour des réfugiés belges qui fuyaient des villes bombardées où ils s'étaient réfugiés, dont Paris. – des réfugiés belges en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas, rejoignant la France pour des raisons de famille, de travail ou simplement pour pouvoir parler leur langue maternelle. Ces réfugiés ne furent pas aussi bien accueillis que les premiers même si les moyens et les procédures d'accueil avaient été améliorés entre temps. La vie des réfugiés belges en exil en France 1 500 000 Belges fuirent la Belgique en 1914, soit 20% de la population : 1 000000 aux Pays-Bas, 300 000 en France et 200 000 en Grande Bretagne. Après une campagne d'intimidation des autorités allemandes et hollandaise, ils ne furent plus que 150 000 aux Pays-Bas dès mars 1915, plus 35 000 soldats belges détenus dans des camps pour toute la durée de la guerre. La Hollande souhaitait en effet garder des rapports harmonieux avec son puissant voisin germanique. Ces réfugiés belges en France étaient un microcosme de la population belge d'avant guerre avec des Flamands et des Wallons, des riches et des pauvres, des femmes, des enfants, des vieillards et plus d'hommes en moyenne qu'en France car la mobilisation n'avait pas touché autant de classes d'âges. Ils se retrouvèrent répartis en nombre dans la France entière et même en Algérie. Assignés à leurs nouveaux domiciles, ils s'efforcèrent de rejoindre des régions où des emplois qui leur étaient proposés correspondaient mieux à leurs capacités, des lieux où ils retrouvaient des proches ou des amis de leur provinces, ou simplement de se rapprocher de la frontière pour retourner plus vite chez eux à la fin de la guerre, disaient-ils ! Ils reçurent une allocation correspondant à l'aide accordée aux familles des citoyens français mobilisés. Les autorités locales et les associations caritatives, qu'on appelait les œuvres de guerre, françaises ou belges, s'efforcèrent de les assister dans leur exil. L'histoire de ses œuvres de guerre est une particularité intéressante de la créativité des populations à cette époque pour accueillir des personnes qui arrivaient brutalement, dépourvues de tout. On célébra la Belgique en France et ces Belges « du dehors » en exil. Ce fut en particulier le cas à l'occasion du 15 novembre, fête du Roi des Belges et lors de la vente des Petits Drapeaux Belges au profit des réfugiés à Noël 1914. On changea les noms de plusieurs avenues et rues, dans plusieurs villes françaises, pour honorer la Belgique, le Peuple Belge, son Roi, des villes martyres comme Liège et quelques notabilités comme le cardinal Mercier ou le Maire de Bruxelles, Adolphe Max. Il y eut aussi de nombreuses manifestations tant à Paris qu'en province auxquelles participèrent des membres du gouvernement belge en exil. Albert 1er et son gouvernement Le gouvernement belge s'était en effet réfugié à Sainte-Adresse près du Havre où il avait bénéficié d'un statut d'exterritorialité. Albert 1er n'y vint jamais et demeura pendant toute la durée du conflit en Belgique dans le « lambeau de pays », comme disait Verhaeren, au milieu de ses soldats. C'était le Roi Chevalier. Le premier ministre et ministre de la Guerre, Charles de Broqueville, fit alors la navette entre Sainte-Adresse et La Panne où résidait le couple royal. Cette attitude et le fait de refuser de mettre ses troupes à la disposition du commandement unique allié s'expliquent par sa volonté de se présenter comme un neutre que les signataires des traités fondateurs avaient trahi ou tardé à soutenir. Il avait vu se développer la stratégie des états-majors franco-britanniques et constater les résultats obtenus. Il ne souhaitait pas voir son pays libéré de la façon dont les villes et les villages du Nord l'avaient été, tout au moins jusqu'à l'offensive finale de libération du pays où, dans une guerre de mouvement, ses soldats se joignirent aux forces alliées. L'administration des réfugiés Les autorités belges et françaises désiraient connaître ces réfugiés et les contrôler pour des raisons parfois différentes. On leur fournit des papiers d'identité pour suivre leurs déplacements. La Seine Maritime actuelle bénéficia d'un régime de faveur et bien sûr le territoire de Sainte-Adresse. Le gouvernement belge voulait également reconstituer son armée profondément meurtrie au cours des campagnes d'été 14. Elle procéda à une levée de volontaire en novembre 1914 et créa de toutes pièces, en un temps record, en dépit des difficultés rencontrées, un complexe militaro-industriel près du Havre. A cet égard, il rechercha parmi ses propres réfugiés, même en Grande Bretagne, les spécialistes de Herstal et de l'Arsenal de Malines et des métallurgistes divers pour réaliser cet ensemble industriel. Des accords furent également passés entre les deux gouvernements pour la protection des réfugiés et de leurs salaires dans les différents domaines d'activité. Ce furent les employés, les commerçants et les professions libérales qui eurent le plus de mal à trouver une occupation mais ce furent les néerlandophones ou les personnes âgées qui furent les plus marqués par leur exil en France. Avec le temps Les réfugiés accueillis en 1914 sur les quais des gares ou des ports avec de grandes démonstrations d'amitiés devinrent peu à peu une charge pour la population. On supporta mal leur nombre, leur mode de vie différent et leur communautarisme. Les Flamands, par leur langage, furent souvent traités de boches. On taxa.les réfugiés belges de fainéants d'assistés, voire de parasites, à l'origine de l'augmentation du coût de la vie et de la cherté des loyers. Tous les Belges en état de porter les armes n'étaient pas mobilisés. Quand chaque dimanche, on lisait dans les églises la liste des Français tombés au combat – liste qui s'allongeait régulièrement – on regardait avec agressivité « ces planqués de Belges » ! Et puis le temps, toujours le temps qui fait son travail ! Les échecs militaires cassèrent chez les réfugiés l'espoir d'un rapide retour au pays. Il fallut attendre l'automne 1918 pour qu'il renaisse enfin. Le retour au pays Après l'armistice, il fallut attendre encore. Quatre années de guerre avaient détruit toute communication avec la Belgique et celle-ci n'était pas matériellement en état d'accueillir ses réfugiés aussi vite qu'elle les avait vus partir. C'est entre mars et juin 1919 que les trains purent finalement les ramener tous chez eux. Durant le conflit, les échanges étaient coupés entre la Belgique « du dedans » et celle « du dehors » mais on savait que l'occupation avait été terrible et que les Belges qui avaient vécu sous la botte allemande pendant quatre années en voulaient beaucoup à ceux que l'on jugeait les avoir abandonnés et qui avaient vécu assistés en exil. On les appelait les Froussards de la Mort par allusion aux Hussards de la Mort allemands, unités de reconnaissance qui avaient contribué à leur fuite en 1914. Ils découvrirent en arrivant un pays ravagé, leur exploitation et leur maison parfois détruites ou squattées pendant le conflit par des Allemands, des libérateurs ou des autochtones. La machine économique était à relancer et les emplois rares. Certains revinrent en France et d’autres y furent invités par des entreprises françaises qui les avaient appréciés au cours de l'exil ou encore sur demande spécifique des autorités françaises comme les fermiers ou métayers pour reprendre des exploitations dont les responsables étaient morts à la guerre. Des paysans flamands du Westhoek vinrent reprendre ces fermes désormais abandonnées principalement dans l'Oise et en Normandie, de sorte que le dimanche, à la sortie de la messe, l'on parlait « belge », disaient les journaux locaux ! Postface Il est intéressant de comparer la vie des réfugiés belges durant la Grande Guerre avec celle de leurs frères en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas ou encore les deux exodes belges de 1914 et de 1940 dans notre pays, et même les vies comparées des réfugiés et des immigrés belges en France. Rappeler l'exode et la vie de réfugiés belges dans un pays ami durant la Grande Guerre était un devoir de mémoire envers les civils, parents pauvres en général de l'Histoire de ce conflit. Deviner dans leur histoire, le sort d'un plus grand nombre encore de réfugiés et autres personnes déplacées lors de la Seconde Guerre mondiale. Affirmer aujourd'hui. que l'importance des réfugiés dans. le. monde, en progression exponentielle sera l'un des grands problèmes planétaires de notre siècle avec les guerres perpétuelles et les conséquences des graves problèmes climatiques qui nous attendent. C'était l'objet de ce moment de réflexion que nous souhaitions vous proposer en écrivant ce livre[2] et en le résumant sur ce site de mémoire. |