Médecins de la Grande Guerre

Paula Mabilde, la dernière résistante de 14-18, décéda centenaire en 2001

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Paula Mabilde, la dernière résistante de 14-18,
décéda centenaire en 2001



Paula à deux époques de la vie

Paula Mabilde et son père Stanislas dans le réseau Hernalsteens[1]

       Son père Stanislas était horticulteur à Zelzate. La commune se trouvant à proximité de la Hollande, elle était un endroit idéal pour passer la frontière avec des fugitifs ou avec des renseignements collectés par les services d’espionnage travaillant pour les alliés.



       Rapidement, au début des hostilités, un Belge originaire de Boitsfort, créa un réseau de renseignements au service des Français. Cet homme s’appelait Oscar Hernalsteens.



Oscar Hernalsteens

       C’est lui qui recruta Stanislas Mabilde qui reçut rapidement des pigeons pour transmettre des messages à l’agent français Moutier à Flessingue. Le chef de réseau était une fameuse personnalité qui avait une réputation assez sulfureuse avant-guerre. Comptable à la Caisse générale des reports et dépôts, il avait été renvoyé en 1907 pour spéculation. Un peu plus tard, il passait au tribunal pour détournement de fonds et fut, en 1908, condamné à 8 ans de prison. En 1911, il obtient une libération conditionnelle mais en 1912, on l’accuse d’avoir envoyé un colis piégé au juge qui le condamna. Il obtient cependant un acquittement pour cette nouvelle affaire mais il gardera en Belgique la réputation peu flatteuse d’anarchiste. Oscar s’en va alors chercher fortune en France, à Amiens, et c’est là que la guerre le surprend. Marié avec une famille composée d’une fille et de jumeaux, il perd son épouse au début de la guerre. Les enfants sont placés en France. Quadrilingue et débrouillard, il se fait remarquer par les services de renseignements français qui trouvent en lui la personne idéale pour remplir des missions en Belgique et en France occupée. Au début, il effectue quelques missions qui donnent entière satisfaction à ses commanditaires. L’une d’entre elles consista à établir une ligne téléphonique entre Lille occupé et la ligne de front à La Chapelle d’Armentière ! Hernalsteens fut sans aucun doute un aventurier de haut vol. Au total, l’intéressé comptera à son actif plus de cinquante traversées de la frontière belgo-hollandaise ! Après ses premières missions réussies, on lui confie la création d’un réseau dont le succès s’avère vite exceptionnel… Oscar arrive à couvrir la région de Gand, Bruges, Lille, Valencienne, Cambrai etc... En aout 1915, c’est sans doute le réseau le plus complet et le plus étendu dans la Belgique et la France occupée : 141 agents, 14 points d’observation ferroviaire, 12 postes d’observation territorial ! Malheureusement, l’organisation, à son apogée, finit par être infiltrée par un certain Wiart Jules à la solde de la police allemande. Le secteur français est démantelé et le 22 octobre 1915, le conseil de guerre à Maubeuge condamne 12 de ses membres à la déportation en Allemagne tandis que deux autres sont condamnés à mort (Dhalluin et Pauvredame).

       Dans la foulée, Hernalsteens et sa maîtresse et complice, Léonie Hallet sont arrêtés en Belgique. Au total 26 membres du réseau sont finalement inculpés à Bruxelles. Le premier jour d’audience est le 11 avril 1916 et se passe dans l’hémicycle du sénat belge. Le juge qui mène le réquisitoire est Edouard Staber. Il possède déjà une triste réputation pour avoir fait condamné à mort Gabrielle Petit en octobre 1915 et Louise de Bettignies en mars 1916 (la peine de cette dernière sera commuée en condamnation à perpétuité). Le 14 avril, les peines sont prononcées : neuf personnes bénéficient d’un non lieu. Oscar Hernalsteens, François Van Aerde (un jeune homme qui effectue les missions d’un courrier), Jules Mohr, Emile Grenier sont quant à eux condamnés à mort. François Van Aerde est gracié, sans doute grâce à son jeune âge. Le 19 avril 1916, les trois hommes sont fusillés au Tir National. Hernalsteens quelques jours avant d’être fusillé a obtenu la faveur de pouvoir se marier avec sa maîtresse, Léonie Hallet !

       Les funérailles d’Oscar, après exhumation, seront célébrées le 6 juillet 1919. Quelques mois auparavant, un sénateur belge, de Vrière, força la serrure de son pupitre dont la clé manquait et trouva un mot du héros. Il est vraisemblable qu’Oscar, jugé à cette place et, ayant écrit un message pour la postérité, fit disparaître la clé pour être certain que son appel à la postérité soit conservé intact jusqu’aux temps de la libération. Ce geste montre une nouvelle fois le talent d’Oscar véritable Arsène Lupin ! Le sénateur de Vrière interpella alors tous ses confrères :



       Suite à cet émouvant message, le sénat belge se préoccupa du sort de ses trois enfants, Irène, René et Blanche. Cri du cœur d'un condamné à mort.

       Le nom d’Oscar figure sur la plaque commémorative du sénat sur laquelle figurent les noms des résistants condamnés à mort par l’occupant dans l’hémicycle. La France lui accordera la Légion d’Honneur en 1920. Malgré ces honneurs, le souvenir d’Oscar, terni sans doute par son renom d’avant-guerre, s’effacera vite et cela malgré une vie digne d’un roman d’aventures.

       Mais revenons à notre héroïne, Paula Mabilde. Son père, soupçonné par les Allemands au moment de l’arrestation d’Oscar Hernalsteens, se fit discret et c’est sa fille Paula, âgée d’à peine 14 ans, qui reprit pendant un certain temps la collecte des renseignements. Vingt ans plus tard, elle allait reprendre du service lors de la Deuxième Guerre mondiale cette fois dans le réseau de la « Witte Brigade ».



Les terrains d’horticulture de la famille Mabilde

Paula Mabilde résistante dans la Witte Brigade.

       La Brigade Blanche était surtout implantée à Anvers mais avait des ramifications partout dans le pays. Ce mouvement de résistance fit de la propagande anti-allemande, organisa des manifestations patriotiques lors des fêtes nationales et des 11 novembre. Son journal clandestin « Steeds verenigd – Unis Toujours » parut environ 80 fois ».



       La brigade eut un rôle très important à jouer en recueillant des renseignements militaires sur le port d'Anvers, ce qui permit d’être pris intact par les alliés. Elle s’informa aussi sur les plans allemands d'une éventuelle invasion de l'Angleterre (Opération Seelöwe) et s’occupa du rapatriement de pilotes alliés vers l'Angleterre. Beaucoup de ses membres appartenaient à la police. Une liste des membres trouvée chez un leader du mouvement conduisit en 1943 à l’arrestation de 58 personnes qui furent déportées en Allemagne. En 1944, 62 autres membres furent arrêtés et déportés. Le 9 mai de la même année, ce fut le tour du chef de réseau, Marcel Louette), connu sous le nom de guerre de Fidelio, d’être appréhendé. Torturé à Breendonk, il est quasi paralysé des deux jambes lorsqu’il est envoyé au camp de concentration d'Oranienburg. Soigné par ses codétenus, son handicap s’atténua et lui donna la « chance » de ne pouvoir participer à la marcher de la mort. Il est libéré par les Soviétiques le 22 avril 1945. Après avoir travaillé brièvement comme infirmier dans le camp de transit à Berlin, Louette rentre à Anvers le 20 juillet 1945. Au total, la Brigade Blanche perdit 400 membres sur les 3 750 reconnus.



Marcel Louette, instituteur fit la campagne des 18 jours comme lieutenant de réserve au 36ème régiment de ligne

       Paula Mabilde, membre de la Brigade Blanche, dut aussi entrer dans la clandestinité car repérée par l’occupant comme élément subversif. Cela ne l’empêcha pas de participer à la libération en guidant très efficacement les soldats canadiens vers Zelzate, Assenede et Vertvelde en septembre 44. Paula fit ainsi une entrée à Zelzate remarquable, juchée sur un tank canadien.



       Quelques jours avant la libération de Zelzate, ces trois hommes dont un père et son fils, furent fusillés par les Allemands dans les dunes de Valkennisse. Ils avaient cachés des aviateurs alliés. Yvan est le plus jeune des fusillés belges d’origine flamande.

Après la Deuxième Guerre mondiale

       Paula reprit une existence calme et sereine. Avec sa sœur, elle éleva deux jeunes orphelines. Elle ne chercha jamais les honneurs et c’est un peu contrariée qu’elle apprit lors de son centième anniversaire, qu’elle allait recevoir une distinction du deuxième régiment des Guides… Un peu plus tard, elle décédait.




Panorama de Selzaete

Ecrit en ce mois de mai 2022 par le Dr Loodts Patrick

 

 

 

 



[1] Voir à ce sujet le beau travail effectué par Emmanuel Debruyne



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