Médecins de la Grande Guerre
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MONS 1918 Avec les Canadiens
dans la liesse de l’armistice Marie-Thérèse Warny-Loodts. Georges Loodts et Gabrielle Gervais,
grands-parents paternels de Patrick, le rédacteur de ce site, ont laissé
quelques souvenirs de ces jours mémorables quand l’armée canadienne délivra
Mons des Allemands et que retentirent les clairons annonçant l’armistice. Georges et
Gabrielle ne se connaissaient pas encore. Lui habitait Mons, en plein centre
ville, elle résidait à Nimy, localité située à peu de distance de Mons. Ils avaient
passé les quatre années de guerre dans les privations et la menace des dangers
inhérents à ces pénibles circonstances. Ainsi, lors de la bataille des 22 et 23
août 1914, Nimy eut particulièrement à souffrir : les Allemands mirent le
feu à huit maisons situées entre la gare et la place, ils massacrèrent des
habitants et en emmenèrent plus de 400 comme otages, les contraignant à marcher
en tête de la colonne qui s’avançait sur Mons ; on ne comptait plus les
nuits sans sommeil ; les alertes, le bruit menaçant des canonnades,
l’afflux des réfugiés français pour qui l’on devait trouver gîte et réconfort,
les blessés qu’il fallait soigner avant de pouvoir les transporter dans quelque
poste de secours. Il y eut aussi chez les Gervais la déportation de l’ainé des
garçons, Achille, dans un camp de travail situé dans la forêt de Loquignol. Gabrielle (3ème à g.) parmi les bénévoles du Secours Populaire Aux prises avec de tels événements, Georges et
Gabrielle apportèrent leur contribution à l’effort de tous ceux qui se
dévouaient pour soulager leurs compatriotes des maux qu’ils enduraient. Georges
s’engagea comme brancardier. Son travail consistait à transporter les blessés
jusqu’à l’hôpital militaire de Mons sis rue André Masquelier. Du fait de ses
contacts avec les troupes engagées dans les opérations militaires aux portes de
Mons, Georges se fit des amis parmi les soldats canadiens qui se battaient pour
la défense de la ville. De son côté, Gabrielle apporta son aide à une
organisation caritative qui distribuait quotidiennement de la soupe aux
réfugiés et aux nécessiteux. Témoins de ces activités, les photos présentées
ci-dessous : on voit, d’une part, Georges avec son brassard de brancardier
et la salle de l’hôpital militaire où étaient acheminés les blessés ;
d’autre part, on distingue Gabrielle en tablier blanc dans le groupe des
bénévoles du Secours Populaire de Nimy. 1915 – Georges s’engage comme brancardier. C’est précisément dans les quelques jours qui précédèrent l’armistice que Mons, comme Nimy et d’autres villages voisins, furent particulièrement ébranlés par la bataille décisive qui se déroulait dans le secteur. C’est en effet l’armée canadienne qui donna le coup de grâce à l’envahisseur lors des 9 et 10 novembre 1918. On trouvera ci-après un récit de ces deux journées mémorables dû à la plume d’Emile Hublard, auquel est joint le témoignage tiré d’une chronique d’un couvent montois. C’est à Mons que fut tué deux minutes avant que ne retentisse le clairon de l’armistice le soldat canadien G.L. Price dont la tombe se trouve au cimetière militaire de Saint-Symphorien et dont le parcours est évoqué dans ce site.. Parmi les amis canadiens que se fit
Georges, il en est un, John Ritchie, dont l’image nous a été conservée grâce à
deux photos prises trois jours après l’armistice : sur l’une ce soldat
figure en compagnie d’un autre Canadien avec Georges et deux amis, sur l’autre,
Georges et John ont échangé leur costume, Georges arborant fièrement la tenue
de son ami. Au revers de cette photo on peut lire, écrit de la main de
Georges : « En l’honneur de nos glorieux libérateurs, les
Canadiens ». Suivent les signatures des deux amis et la date du 15
novembre 1918. Georges et son ami canadien John Ritchie Notons que ces photographies ne sont pas des photos
d’amateurs, mais que Georges a emmené John et ses amis chez un photographe
réputé de la rue de la Chaussée, voulant garder de cet événement et de son amitié
pour le Canadien un souvenir valable que le temps ne puisse effacer... Après
l’armistice les Canadiens ne furent pas rapatriés immédiatement et connurent
chez nous quelques semaines de détente qu’ils purent consacrer à nouer des
relations de sympathie avec les Belges reconnaissants. Rentré dans sa patrie
John donna pendant un certain temps de ses nouvelles et envoya quelques photos
reproduites dans ce document : on voit tout d’abord des wagons de chemin
de fer destinés au rapatriement des soldats ; sur ces wagons où figure le
nom de la ville de Minneapolis, située à la frontière entre les Etats-Unis et
le Canada, de grandes inscriptions faites à la peinture blanche rappelle à tous
ceux qui voient défiler ces wagons les victoires des Canadiens, Ypres, la
Somme, Vimy, Passchendaele (exactement les noms qui figurent sur le drapeau
offert par les Canadiens à la ville de Mons en février 1919). Toujours sur ces
photos on reconnaît John ayant retrouvé sa maison de bois, ses forêts, ses
parents, silhouettes noires sur un fond de neige. Mais avec le temps les
échanges épistolaires cessèrent et Georges ne revit plus jamais son ami. Retour au Canada dans des wagons marqués des lieux de bataille. De son côté, la famille Gervais de Nimy
hébergea à la fin de la guerre cinq soldats Canadiens, suivant une décision de
l’armée qui réquisitionnait les maisons spacieuses pour l’hébergement de
certains effectifs qui ne trouvaient pas place dans les casernes. Pierre
Gervais, le petit frère de Gabrielle, âgé de 6 ans lors de l’armistice, a
laissé à ce sujet, dans ses « Souvenirs » quelques lignes que je
transcris ici : « Il y eut le jour de l’armistice, on remonta les
paillasses de la cave, tout le monde riait, dansait, chantait « La
Madelon ». Il y avait des drapeaux à toutes les fenêtres. Dans cette
euphorie collective arrivèrent chez nous des soldats canadiens. Je fus nourri
de biscuits militaires et de lait condensé ; mes aînés fumèrent en
cachette des cigarettes « Flag » dont les paquets portaient un
drapeau anglais ; je dépistais facilement leur coin de fumerie, grâce à
l’odeur de miel brûlé et à leur toux ; mes poches se gonflaient de
caramels à la menthe et de plaquettes de chocolat. J’étais très fier de ma
veste militaire que ma mère avait confectionnée dans des couvertures militaires
fournies par nos hôtes. Ma sœur Gabrielle était devenue une belle jeune fille,
il y avait un Canadien particulièrement assidu auprès d’elle, il se prénommait
« Jimmy », il me fit cadeau d’un petit chien ratier que j’appelai
« Jimmy » du nom de son donateur et qui vécut fort longtemps après la
guerre ». La famille Gervais et les 5 Canadiens qu’elle hébergeait à Nimy en novembre 1918 Ces soldats
paraissaient bien éduqués et Gabrielle ne fut certes pas insensible tant à leur
allure martiale qu’à leur caractère affable et leurs prévenances, mais point de
romance, Arthur le père de Gabrielle, veillait au grain ; ces jeunes gens
n’aient d’ailleurs qu’un souhait, celui de rentrer au plus vite au pays où les
attendaient sans doute une promise. Toutefois, avant ce départ la famille
Gervais tint à ce faire photographier aves ses hôtes. On distingue à côté des
Canadiens les deux fils d’Arthur, Paul et Pierre avec leur veste militaire mais
coiffés du képi des Canadiens, et au premier rang, Arthur, son épouse Sophie,
Blanche, l’aidante et Gabrielle. Arthur tient sur ses genoux le petit chien
« Jimmy » offert par l’un des Canadiens. Avant de regagner leur lointaine patrie, ces soldats
ont laissé à Gabrielle un souvenir de leur passage : trois d’entre eux ont
écrit un poème dans le carnet de poésies de Gabrielle ; on peut les lire
sur la photocopie présentée ci-après, ces poèmes ont été soigneusement
conservés et leur page marquée par une fleur séchée. Avant leur retour au pays les Canadiens ont écrit quelques lignes dans le carnet de poésies de Gabrielle Le 11
novembre 1998, on célébra avec faste à Mons le quatre-vingtième anniversaire de
l’armistice. A cette occasion, 17 Vétérans Canadiens, âgés de 99 à 102 ans,
n’hésitèrent pas à franchir l’Atlantique pour se retrouver sur la terre qu’ils
avaient libérée de l’oppresseur lors des combats des 9 et 10 novembre 1918. Au
cours de ce combat, 280 soldats Canadiens perdirent la vie ; ils reposent
désormais au cimetière de Saint-Symphorien. C’est à ces compagnons morts pour
notre délivrance que ces vétérans et la ville de Mons ont voulu rendre un
hommage solennel lors d’une cérémonie pleine d’émotion. Une page du document
montre deux photos distantes de 80 ans ; sur la première il s’agit du
défilé de la victoire sur la place de Mons le 11 novembre 1918, sur l’autre
photo on voit deux vétérans de retour à Mons le 11 novembre 1998 pour la
commémoration des 80 ans de l’armistice. 11 novembre 1918 – Revue des troupes canadiennes à Mons Si vous
passez par Mons, arrêtez-vous sous le porche de l’hôtel de ville ; vous
verrez à l’entrée deux plaques commémoratives rappelant le courage de l’armée
canadienne qui vint à bout de la résistance allemande. Sur l’une on peut
lire : Ce régiment (3ème
division canadienne) prit part au combat près de Mons à la Retraite du mois d’août
1914 et à la Rentrée Victorieuse le jour de l’Armistice, 11 novembre 1918. Sur
l’autre monument commémoratif est inscrit ce texte : Reprise par l’armée canadienne le 11-11-1918, la ville de Mons recouvra
sa liberté après 50 mois d’occupation allemande. A Mons fut tiré le dernier
coup de canon de la Grande Guerre. 80 ans séparent cette photo de la précédente – 11 novembre 1998, les Vétérans Canadiens de retour à Mons. On peut
voir aussi au musée de l’Armée de Mons le drapeau que la 3ème
division canadienne a offert à la ville de Mons en février 1919 en souvenir de
la contribution des Canadiens à la libération de Mons et du pays. Sur ce
drapeau sont énumérées les grandes victoires auxquelles prirent part les
troupes canadiennes : Ypres, la Somme, Vimy, Passchendaele, Amiens, Arras,
Cambrai, Mons. Avant de
refermer ce document, portons un dernier regard sur la tombe de G.L. Price,
Canadien tombé au champ d’honneur sur le sol belge le 11 novembre 1918 à 10
heures 58 (deux minutes avant que ne retentissent les clairons sonnant
l’armistice). Il est enterré avec de nombreux compagnons d’armes au cimetière
de Saint-Symphorien. ************ La bataille des 9-11
novembre 1918.[1] La délivrance de Mons par
les troupes britanniques. L’amour-propre anglais voyait dans la reprise de Mons
par les armes la revanche de la journée du 23 août 1914. Importante par son
effet moral, la seconde bataille le fut cependant beaucoup moins que la
première au point de vue militaire. Tandis que l’une, celle du 23 août, mettait
en présence des effectifs nombreux et donnait lieu à des opérations tactiques
de grande envergure auxquelles participaient les trois armes : infanterie,
cavalerie, artillerie ; l’autre consistait surtout en un duel d’artillerie
et en combats d’avions, en une suite d’escarmouches d’arrière et
d’avant-gardes. Elle n’avait pour les Allemands d’autre intérêt que de couvrir
leur mouvement de retraite sur la ligne Escaut-Dendre, canal de Charleroi à
Bruxelles et la Sambre, et retarder la marche progressive des Alliés. A la
veille d’une capitulation qu’on savait inévitable, la résistance faiblissait et
ce fut principalement par la destruction des ponts, des routes et des voies
ferrées qu’elle se manifesta pendant les dernières journées. Quelle que
soit la place que tient la bataille des 9-11 novembre dans l’ensemble des
opérations exécutées par les Alliés conformément au plan du maréchal Foch et de
son éminent collaborateur sir Douglas Haig, elle apparaît comme le signal de la
délivrance de la Wallonie et la consécration de la victoire. On sait, en effet,
que l’une des quatre grandes offensives entreprises aves succès fut confiée aux
armées britanniques sur le front Saint-Quentin-Cambrai-Valenciennes et qu’elle
avait pour objectif principal Maubeuge et Mons. Après la
prise de Cambrai et Le Cateau, le 9 octobre, la marche des troupes britanniques
ne cessa d’être victorieuse : le 12, la 1ère division occupe
Harleux et les villages voisins, tandis que la 5ème brigade de la 2ème
division s’établit à Hordain ; dans la nuit du 19 au 20 la progression
s’accentue, et, après un violent combat, la 10ème brigade de la 4ème
division s’empare de Denain ; enfin le 1er novembre, les 3èmè
et 4ème divisions attaquent Valenciennes, et le lendemain les 11ème
et 12ème brigades y pénètrent et célèbrent leur victoire sur la
place d’Armes appelée depuis place du Canada. De Valenciennes, les troupes se
dirigent vers Mons, sans rencontrer une grande résistance, la 4ème
division opérant au sud et la 3ème au nord de la route, le 7
novembre elles atteignent la frontière belge. Après la prise de Maubeuge dans
la nuit du 9 au 10, la 2ème division qui avait remplacé la 4ème,
prenait position avec la 3ème division, devant la ville de Mons dans
la journée du 9 novembre. A Mons, dès
le début d’octobre, la retraite des Allemands n’était plus un secret pour
personne. Pendant des
semaines, ce fut un défilé ininterrompu d’infanterie, de cavalerie et
d’artillerie. Quel contraste entre ces militaires que nous avions vus quatre
ans auparavant, sous le brillant soleil d’août, traverser notre pays en
triomphateurs allant à la conquête de Paris et de l’Europe, et ces bandes
d’hommes mornes et découragés, pataugeant dans la boue sous les averses
d’automne, regagnant péniblement leurs foyers. Les routes étaient
encombrées : voitures et fourgons automobiles chargés de matériel de
guerre et du produit des pillages, chariots remplis de fourrage et de vivres,
et parfois accroché à l’arrière un panier contenant des poules ou des lapins
rapinés le long du chemin ; ambulances de la Croix-Rouge, cuisine de
campagne, troupeaux de bétail formaient un long cortège digne du crayon de
Gallot. Ce spectacle bien fait pour nous plaire et nous réjouir était néanmoins
attristé par la vue de malheureux prisonniers de guerre français et anglais
qui, faute de chevaux, traînaient des charrettes sous la surveillance de leurs
gardiens. Dans cette détresse, ces hommes conservaient leur dignité de
soldat ; dans leurs yeux brillait la fierté de leur race. Malheur à qui
leur portait secours ; la commune de Jemappes fut frappée d’une amende de
25.000 mark par le général von Below parce que des habitants avaient, par
charité, porté des aliments à un convoi de prisonniers. Plus navrant
encore l’exode des populations françaises du Nord qui, obligées de fuir,
venaient chercher un refuge en Belgique. La plume
est impuissante à décrire la misère de ces malheureux sur qui s’appesantissait
le fléau de la guerre avec toutes ses horreurs. Si vives étaient notre pitié et
notre commisération pour tant de souffrances, profonds aussi étaient notre
respect et notre admiration pour la grandeur d’âme que nos frères de France
montaient dans le malheur. C’est avec une sorte d’orgueil qu’ils supportaient
leurs misères et leurs maux, soutenus par l’espérance d’une victoire d’où leur
Patrie sortirait plus grande et plus belle. Le même sort ne nous est-il pas
réservé ? Nous aussi n’étions-nous pas à la veille d’abandonner nos
foyers ? Dans cette conjoncture angoissante, nous puisons dans l’exemple
des vertus civiques que nous offraient nos amis les Français le courage
d’affronter le malheur qui nous menaçait. Pendant les
dernières semaines, les reconnaissances d’avions se multiplièrent ; rares
étaient les jours et les nuits où la cloche ne sonnait l’alarme. Ce n’étaient
point les seuls signes de la marche victorieuse des Alliés. Les
fonctionnaires des administrations allemandes civiles et militaires montraient
une agitation, une nervosité qui révélaient leurs inquiétudes ; les actes
d’indiscipline étaient fréquents chez les soldats, nous vîmes passer devant nos
fenêtres un peloton de militaires allemands en service chantant la Marseillaise ; même les journaux à
la solde de l’ennemi, laissaient entrevoir la vérité soigneusement dissimulée
jusqu’alors. La Belgique écrivait à
la date du 7 novembre : « Entre l’Escaut et l’Oise, de même qu’entre
l’Oise et l’Aisne, les Allemands exécutent un vaste mouvement de
retraite. » La lecture des billets jetés par milliers par les aéroplanes
nous fortifiait dans notre confiance, et des déportés revenus de France nous
tenaient au courant des progrès de nos amis ; un jour on apprenait la
prise de Cambrai ; un autre celle de Douai puis de Valenciennes ; un
troisième que des patrouilles anglaises ou françaises avaient été vues dans la
forêt de Mormal. Enfin, le 6 novembre on sut que le comte von Bernstorff,
commandant de l’Etape, quittait la ville, et avec lui tous les services
auxiliaires, et qu’il était remplacé par un simple Hauptmann, le capitaine
Wittmer. Ce départ nous confirmait dans la croyance que le dénouement était
proche. Le vendredi 8, de fréquentes reconnaissances d’avions ne nous
laissèrent plus de doute, surtout lorsque nous apprîmes que des éclaireurs
s’étaient avancés jusque Jemappes dans la matinée. Ce jour-là ce fut un passage
continuel de troupes qui après avoir évacué la région comprise entre
Valenciennes et Mons se dirigeaient vers le Roeulx et Houdeng, refoulées par la
première armée britannique sous le commandement du général Horne. Elles avaient
abandonné sans combattre Wasmes, Dour, Pommerœul, Boussu, Hainin, Quaregnon,
Pâturages, Frameries, Jemappes, Bougnies, Asquillies, Noirchain. Dans la nuit
du 8 au 9, Sars-la-Bruyère fut évacué à son tour, et le 10, Mesvins, Nouvelles
ainsi que Spiennes qui resta aux mains du 2ème
Royal Irish Regiment. A Mons la
défense s’organisait. Le 9, les Allemands avaient établi leur front principal
le long de la rivière La Trouille qui coule parallèlement aux boulevards Sainctelette
et Dolez[2].
Un bataillon d’infanterie, quatorze batteries et quatre compagnies de
mitrailleurs prirent position en différents points du territoire commandant les
passages de la rivière, après avoir fait sauter les ponts au nombre de six. Les
mitrailleuses étaient postées de place en place depuis l’avenue de Jemappes
(route d’Eugies) jusqu’à la rue du Joncquois. Les batteries étaient réparties
entre le rond-Point de Bavière aujourd’hui Place
des Alliés, place d’Avesnes, avenue de Bertaimont[3],
rue de l’Epargne, chemin des Brasseurs, château Hardenpont, Ermitage, route de
Beaumont, chaussée du Rœulx, près du bois d’Havré, près du cimetière de Mons et
du Tir communal, derrière la brasserie Ségard. Hyon était particulièrement
défendu, outre des canons et des mitrailleuses, des tranchées avaient été
creusées entre la poudrière et le cimetière, et vers Mesvin. Dans la suite quelques
nids de mitrailleuses furent disséminés à l’intérieur de la ville et deux
canons braqués, Grand’ Place, vers la rue de la Chaussée. Dès le
matin, une affiche de la « Kommandantur » apprenait, entre autres
choses, aux Montois que la ville se trouvait dans le territoire des opérations
de guerre ; qu’il y avait lieu de se munir de vivres pour huit à quatorze
jours, d’habiter les caves et de ne plus quitter sa demeure. Pendant
toute la journée les avions montrèrent une grande activité ; le matin, à 7
heures, on en vit un, aux couleurs françaises, survoler la ville à une faible
hauteur, à peine 150 mètres. Les Allemands leur faisaient la chasse, mais sans
succès, et leur artillerie ne cessait pas de tonner tandis que l’artillerie
anglaise restait muette. Dans
l’après-midi, des éclaireurs de l’infanterie légère « Princesse
Patricia » s’avancèrent jusqu’à l’avenue du Commerce et le Trieu de
Bertaimont ; vers le soir, une compagnie (capitaine Burness) occupait la
chaussée de Guesmes à Mons et ses abords, ainsi que le haut de l’avenue de
Bertaimont, aujourd’hui Avenue de France. La nuit,
loin de mettre fin au combat, favorisa l’audace des fantassins qui attaquèrent
les postes ennemis à la baïonnette. A Nouvelles, Mesvin et Hyon il y eut d’importants
engagements tout à l’avantage des troupes britanniques qui continuèrent, le
dimanche, à progresser lentement mais surement, sans avoir recours à
l’artillerie. Au lever du
soleil, trois Canadiens, guidés par un Montois, s’avancèrent en se dissimulant
à proximité du viaduc de la porte du Parc, actuellement Avenue des Canadiens, tuèrent les sentinelles qui le gardaient et
parvinrent à couper les fils reliant les commutateurs électriques aux mines au
nombre de soixante, disposées sous les piles du pont. Peu après, un peloton
vint prendre position avec une mitrailleuse pour la défense du pont que les
Allemands ne tentèrent pas de reprendre. Au
bombardement qui aurait permis une victoire facile et rapide, l’état-major
britannique, mû par un sentiment d’humanité des plus louables, préférait l’attaque
par l’infanterie, afin d’épargner autant que possible le ville et ses
habitants. Ce ne fut que vers 10 heures que la tactique changea et qu’on se
décida à une action plus énergique. Il fallait en finir, et l’offensive finale
fut appuyée par le canon. Au bombardement des Allemands les Canadiens
répondirent avec succès. Les batteries du Chemin des Brasseurs, du Mont
Panisel, de l’Ermitage, de la route de Beaumont, du Tir communal, des Wartons,
etc..., furent peu à peu réduites au silence, et il en fut de même des postes
de mitrailleuses échelonnés le long de la rivière. La défense
de l’avenue de Jemappes (route de Valenciennes) avait été soigneusement
organisée par les Allemands qui considéraient ce point comme ayant une
importance capitale. Le dimanche
matin, à 11 heures, la compagnie D du 42ème bataillon appartenant au
5ème Royal écossais canadien, commandée par le capitaine Grafftey,
cantonnée à Jemappes, reçut l’ordre de marcher sur Mons et d’appuyer une
compagnie « Princess Patricias » au coin de l’avenue de Jemappes et
de la route d’Eugies, fort éprouvée par le feu des mitrailleuses établies place
de Bavière, actuellement Place des Alliés,
et avenue de Cuesmes. Entretemps, la compagnie du régiment « Princess
Patricias » ne restait pas inactive ; après trois jours de combat
elle continuait, renforcée par d’autres unités du corps canadien, à faire le
coup de feu sur les collines de l’Eribus. L’attaque
fut déclenchée à la soirée. A 10 heures, les voies du chemin de fer furent
franchies et le boulevard Gendebien occupé. La clef de Mons était alors entre
nos mains, écrit le capitaine Grafftey. Au milieu de la nuit, un premier
détachement gagnait la place Léopold, tandis qu’un deuxième se rendait place d’Avesnes
par la rue Lamir, coupant ainsi la retraite aux Allemands qui se trouvaient
encore place de Bavière, actuellement Place
des alliés ; et qu’un troisième détachement, chassant l’ennemi devant
lui, arrivait à la place de Flandre en passant par les boulevards de la Prison,
aujourd’hui Boulevard des Etats-Unis.
A 3 heures du matin, la compagnie C du 42ème bataillon gardait le boulevard Dolez,
actuellement Boulevard du Roi Albert et
de la Reine Elisabeth, et ses avenues. La bataille
de Mons était terminée, elle avait duré trente heures. Le lundi 11 novembre à 3
heures 10, la première patrouille traversa le Grand’ Place, à 4 heures, toutes
la ville était au pouvoir du 42ème bataillon Montreal Kil ies, du 49ème bataillon de la 7ème
brigade, des Pricess Patricia’s Connaught
light Infantry et Royal Canadian
Regiment on Rifles. Avant midi, les Britanniques avaient leurs postes
avancés à 5 kilomètres à l’est de Mons, de sorte qu’en 9 jours ils avaient
franchi 48 kilomètres. A 10 heures ½, le général Clarke, commandant la 7ème
brigade d’infanterie canadienne (appartenant à la 3ème division sous
les ordres du général F.-O.-W. Loomis) remettait solennellement la cité aux
autorités communales. La ville
était dans l’allégresse, le bonheur et la fierté rayonnaient sur toutes les
figures, aux fenêtres flottaient les drapeaux anglais, belges, français, la
grosse cloche du beffroi et les cloches des églises sonnaient à toute volée,
tandis que la carillon égrenait joyeusement au loin les notes de la Brabançonne, du God save the King, de la Marseillaise,
du Sweet Home, et de l’air populaire
cher aux cœurs des Montois, le Doudou,
que les enfants de Mons chantèrent à Liège et à l’Yser, et que nos ancêtres
avaient entendu résonner en Egypte, au pied des Pyramides, et à Berlin le 27
octobre 1806, lorsque Napoléon 1er y fit son entrée triomphale. A 3 heures,
l’état-major de toutes les unités de la 3ème division canadienne (1ère
armée britannique), ayant à sa tête le général Currie, fit son entrée triomphale
aux acclamations enthousiastes de la population qui s’était portée en foule sur
le passage des troupes victorieuses libératrices de la ville. Ce n’est pas sans
une émotion profonde qu’on vit défiler un détachement du 5ème
régiment de lanciers qui avait participé à la bataille du 23 août 1914. A leur
vue, nous nous rappelâmes que, peu après cette première bataille, le bruit se
répandit en Angleterre qu’au moment le plus tragique de la journée, des anges
apparurent dans le ciel. Vérité ou fiction, cette croyance illumine l’histoire
de ces événements d’une auréole poétique. Et il ne nous déplait pas de penser
que, quatre ans plus tard, lorsque ces mêmes cavaliers, la lance au poing, tel Saint-Georges
venant de terrasser le dragon, traversèrent en vainqueurs la ville reconquise,
ils aperçurent de nouveau les « Anges de Mons » qui, dans l’éclat de
leur radieuse beauté, leur tendaient des couronnes de lauriers. Mons durant la Grande
Guerre.[4] Le 11 novembre 1918, le
collège des bourgmestre et échevins fait afficher sur les murs de la Ville cet
avis à la population : « Après
51 mois de souffrances causées par l’occupation inique, impitoyable et insolente
de l’armée allemande, la Ville de Mons est enfin délivrée par l’héroïsme de l’armée
britannique, qui, à l’heure de l’armistice, termine la série de ses victoires
dans les lieux mêmes où, le 23 août 1914, elle entra en contact avec l’ennemi. La 3éme
division canadienne, au prix de lourds sacrifices, a pénétré dans la ville à 3
heures du matin, vengeant ainsi, par un éclatant succès, la retraite de 1914.
Gloire et reconnaissance à elle ! L’armistice est signé. L’armée allemande
a capitulé ; la force brutale est anéantie ; la justice et le droit
triomphent. Le Belgique sort grandie et fortifiée de la terrible épreuve qu’elle
a traversée ». Ce 11
novembre 1918, en effet, à 5 heures du matin, les premiers officiers du corps
canadien de l’armée britannique sont reçus à l’hôtel de ville de Mons par
Victor Maistriau, échevin de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et ses
collègues. C’est le Lieutenant Martin King, du Royal Canadian Regiment qui est le premier à signer le livre d’or
de la ville. L’échevin Victor Maistriau, futur bourgmestre de Mons de 1926 à
1953, était déjà à l’Hôtel de Ville, à l’arrivée des Allemands, le 24 août 1914
et dès la première nuit, il fit partie des otages désignés pour garantir de
leur vie l’ordre dans la ville. Ses deux fils, Jean et Albéric âgés de 17 et 16
ans, « passent le fil en 1916 » et s’engageront en qualité de
volontaires de guerre dans l’artillerie. Suite au départ de ses fils en août
1916, il est emprisonné pendant plusieurs semaines par les Allemands.
[1] Coup d‘œil sur la ville & l’histoire de Mons, par Emile Hublard – Docteur en Sciences, Conservateur de la Bibliothèque publique de Mons, 2ème édition revue et corrigée – Librairie Camille Leich, éditeur, Mons-18, rue Rogier [2]
Aujourd’hui Boulevard Elisabeth. [3]
Aujourd’hui Avenue de France. [4] Le témoignage de la chronique de la congrégation des Filles du Sacré-Cœur de Jésus. |