Médecins de la Grande Guerre
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Enfants jouant aux soldats. (exposition Goya) Quand
les enfants Belges manifestèrent place Dailly à
Bruxelles En 1915, le lendemain du jour où les
aviateurs alliés vinrent si heureusement démolir le hangar d’Evere avec le
zeppelin qui s’y trouvait, une bande de deux cents gamins, des ketjes, des vrais ! rangés en
bataille et marchant au pas de parade avec accompagnement de fifres et de
tambours – comme les soldats teutons – s’avançaient bravement, place Dailly, à Bruxelles, en chantant à tue-tête : Belgenland is veel
te klein Belgenland moet grooter zijn ; Belgenland is veel
te klein En moet zijn van aan
de zee tot aan’n Rhijn ! La
Belgique est beaucoup trop petite, La
Belgique doit être plus grande ; La
Belgique est beaucoup trop petite, Et
doit aller de la mer jusqu’au Rhin ! Quand le sous-officier du poste allemand
de la place vit ce spectacle « horrible » qu’une foule nombreuse et à
chaque instant grossissante suivait avec un plaisir extrême, son sang ne fit
qu’un tour. Il se précipita au corps de garde pour faire son rapport et aussitôt
après une douzaine de landsturms, baïonnette au canon, s’avancèrent pour
disperser les gosses. La zwanze devenait du coup fort intéressante. Il fut bientôt évident pour les spectateurs,
innombrables à présent, qu’on allait rire ! En voyant la menace qui s’approchait, le
capitaine des ketjes, avec un sang-froid
imperturbable, commanda : « Au pas gymnastique... En avant...
Arche ! » Et la bande d’un seul mouvement, prit le pas de course,
tandis que la foule s’esclaffait. Le feldwebel des landsturms – le
vrai ! – en bon Allemand qu’il était, donna dans le panneau : il
commanda la poursuite ! Mais les landsturms étaient vieux et dodus ;
de plus, il faisait une chaleur tropicale ! On vit donc les pauvres se
mettre au trot comme des gros chevaux poussifs, tandis que les gosses, vifs et
alertes, prenaient le large avec aisance. Alors ce fut inénarrable. Quand les gosses
avaient une avance suffisante, leur capitaine commandait : « Bas de barade ! » Et toute la bande se raidissant,
lançait à hauteur de la ceinture pied, jambe et cuisse, avec des contorsions
désopilantes. Mais les landsturms revenant à quelque cent mètres, il
réordonnait le pas de gymnastique. Et les Prussiens chargeaient toujours
baïonnette au canon, cette troupe fuyante et bruyante, par le boulevard Lambermont et le boulevard militaire. De guerre lasse enfin,
voyant bien qu’ils n’auraient pas le dernier mot, les Allemands abandonnèrent
la partie et revinrent dépités, furieux et couverts de sueur, vers leur
caserne. La foule, jamais, n’aurait osé manifester
sa joie. Mais tandis que les soldats passaient, on vit les spectateurs se
mettre à éponger le front avec des airs piteux de commisération à mourir de
rire. M.
Des Ombiaux. |