Médecins de la Grande Guerre
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L’infirmière
improvisée mais héroïque d’Armancourt ! Buste de Charles Péguy à Orléans (Œuvre du sculpteur Niclausse). Au cours des bombardements d’Orléans par l’aviation allemande en juin 1940, un éclat de bombe est venu frapper le buste de Péguy, au front, à l’endroit même où une balle l’avait mortellement atteint le 5 septembre 1914 à Villeroy. Armancourt
est situé près de Compiègne sur l’Oise. Nous sommes le 30 août 1914. Ce jour là
la retraite sera ordonnée à toutes les
unités qui se sont portées vers le nord. Le régiment, le 256ème dans
lequel sert le célèbre écrivain Péguy vient d’arriver devant Armancourt. Une compagnie, celle où Péguy
est chef de peloton est désignée pour la défense du village. Un soldat de Péguy,
Victor Boudon, raconte dans son livre[1] une
histoire, un fait de guerre exceptionnel : Couverture du livre de Victor Boudon. Il est maintenant dix heures du matin.
Le commandant Bonnet qui, avec l’Etat-Major
régimentaire, suit l’action d’une hauteur près du village d’Armancourt,
arrive à bride abattue devant les trois compagnies en ordre d’attaque :
« Le général demande une compagnie pour défendre le village ! »
crie-t-il. Voilà mon commandant, lui répond Guérin, prenez la 19ème ! » Et nous partons sous les rafales
d’obus pour prendre position dans et en avant d’Armancourt
en cette belle et chaude journée dominicale, le soleil darde de brûlants
rayons, et nombreux sont ceux qui, blessés ou terrassés par l’insolation,
doivent être évacués de la ligne de feu ; il en est qui, faute de soins
immédiats s’affaissent pour ne plus se relever. Aidé d’un camarade, je
m’efforce en vain à secourir un de ces malheureux qui, tombé blessé au milieu
de la route, hurle à pleins poumons dans on agonie : « Vive la
France !… » Dans une petite maison, à côté d’un
calvaire qu’un obus vient de décapiter, une femme héroïque dans son obscur
dévouement, soigne des malades et des blessés réfugiés au milieu de la cour,
allant de l’un à l’autre, insouciant des projectiles qui giclent de tous côtés
et du danger qu’elle court. Elle a enfermé ses trois jeunes enfants
dans la cave pour essayer de les préserver, et tout en leur parlant par un
soupirail, elle continue de charrier des seaux d’eau qu’elle emplit à la pompe
et de s’acquitter ainsi de sa courageuse et bénévole mission, refusant de se
mettre à l’abri. Mais nous ne tardons pas à être dans une
situation intenable. Les marmites rasent nos têtes avec un ronronnement
sinistre et vont éclater à quelques mètres, projetant leurs éclats et la terre
en tout sens. (…) C’est un baptême de feu dont nous garderons le
souvenir ! (…) Notre mission est alors terminée
et nous recevons l’ordre de nous replier sur Fescamps. La journée du 30 août est le premier jour de la retraite vers la Marne.
Le matin même les soldats espéraient encore aller de l’avant. Quelques jours
après, le 4 septembre, cette fois le
premier jour de la bataille de la Marne, à Villeroy,
situé à seulement 50 kilomètres de Paris, Péguy est tué à la tête de ses hommes…On lui
élèvera un monument orné de son buste à l’endroit même où il tomba.
Curieusement, au cours des bombardements d’Orléans en juin 40, un éclat de
bombe est venu frapper son buste à l’endroit même (au dessus de l’œil gauche)
où la balle l’avait mortellement atteint 26 ans auparavant. Mais la mort de Péguy est une autre histoire…
Revenons à celle qui nous intéresse ici et que nous livre le témoignage de Victor
Boudon. Nous voyons agir devant nous une véritable héroïne restée anonyme. Il
s’agit d’une jeune femme, mère de trois jeunes enfants qui risque sa vie pour
les soldats blessés ou malades et cela sous un bombardement intense ! Pour
pouvoir avoir les mains libres, elle a placé ses trois enfants dans la cave. On
imagine la scène : les enfants pleurent de peur mais aussi de crainte pour
la vie de leur mère. La mère les rassure en criant à travers le soupirail.
« Je suis près de vous, n’ayez pas peur, restez couchés, j’arrive
bientôt » Quelle courage extraordinaire, quelle présence
d’esprit ! Dommage que nous ne savons pas son nom… Pas de mari chez
elle ! J’imagine qu’il est lui-même mobilisé, quelque part dans cette
grande armée en retraite. Cela expliquerait le comportement de cette
femme : elle a l’impression de rendre un devoir à son homme en soignant
les pauvres pantalons rouges couchés sur les pavés de sa cour de fermette. Nous
ne saurons sans doute jamais si cette femme exceptionnelle a retrouvé son mari
vivant. Elle le mériterait pourtant mille fois ayant exposé sa vie pour ses
frères d’armes ! En 2013, je m’interroge ! Le nom de cette
femme qui habitait près du Calvaire d’Armancourt ne
peut-il être retrouvé ? Cette femme
héroïque mériterait un monument. Je le vois représentant une jeune femme pompant
de l’eau de toutes ses forces avec, à ses pieds, un soldat blessé ! Dr Loodts P. |