Le soldat qui voulut à lui-seul défendre toute une ville... Léon Schreurs
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Léon Schreurs
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Léon Schreurs et son monument.
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Coupure d’un journal de la région
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Endroit où fut tué Léon
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Etrange ! Le nom de Léon Schreurs ne figure plus sur le monument. (Photo F. De Look)
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Léon a sa rue à Louvain. (Photo F. De Look)
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La rue et la porte de Tirlemont où se trouvait la borne postale derrière laquelle se masquait Léon Schreurs
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Cadre se trouvant au café « le Pigeon d’Or » à Louvain. (Photo F. De Look)
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Introduction par le Dr P. Loodts
Curieuse histoire que celle du soldat Schreurs qui décida
de défendre à lui tout seul pas moins que la ville de Louvain ! Hier on en fit
un héros ; aujourd'hui on tenterait certainement d'expliquer son geste par la
psychiatrie. Léon ne souffrait-il pas d'une tendance suicidaire ?
Finalement fut-il un héros avide de se sacrifier pour la patrie ou
simplement un soldat malade ? Cette question est sans doute inutile
car, à la réflexion, il peut exister d'autres explications à l' acte
désespéré de Léon, des explications beaucoup plus simples ! J'imagine
Léon épuisé par la marche incessante des derniers jours, il marche en queue
de sa compagnie, boitant, souffrant d'un genou ou d'une entorse... Il n'en peut
plus et demande à ses chefs de pouvoir s'arrêter et de pouvoir attendre un
véhicule militaire. On peut imaginer la réponse de son chef positive mais j'ai
plutôt tendance à penser que ce ne fut pas le cas ! Léon fut alors
contraint de désobéir à cause de ses pauvres jambes qui le lâchaient !
J'imagine la souffrance morale de Léon en entendant ses compagnons d'armes
s'éloigner de lui et surtout son chef lui crier des phrases dans lesquels
se trouvaient les mots "désertion, rebellion et Conseil de
Guerre".. Des mots qui lui firent mal, très mal et qui l'obligèrent à vouloir rétablir son honneur. Léon ; ton jeune coeur de 25
ans, pétri d'idéalisme n'a pas pu supporter l'idée qu'il se trouve des
frères d'armes doutant de ton courage... Il fallait que tu leur prouves que tu
t'étais arrêté non par lâcheté mais simplement parce que tu ne pouvais plus
marcher... Alors, au lieu de te cacher dans une maison, tu t'es couché pour
attendre l'ennemi... De lâche aux yeux de certains, tu es alors devenu un
héros... un héros malgré toi car s'il n'y avait pas eu ces regards si lourds
de dédain qui se portèrent sur toi, tu te serais simplement
reposer quelques jours au fond d'une cave avant de te mettre en route pour
rejoindre ton armée.
Après toutes ces explications, Léon tu restes finalement
un héros, non pas pour d'être fait tuer dans un combat perdu d'avance, mais
tout simplement parce que tu ne voulus point qu'il y ait le moindre doute sur ta
droiture !
Dr Loodts P.
Léon Schreurs
L'exploit de Léon Schreurs raconté
par A. Fuglister
(Extrait de Louvain ville martyre, par A.
Fuglister, pp.25-29, Edit. Deflandre, Paris et Londres 1916.
A une heure après midi les artilleurs postés avec
leurs deux canons au Pont de Tivoli (1) voient enfin l’ennemi s’avancer.
Calmement, le capitaine donne ses ordres ; les
dernières dispositions sont prises et lorsque l’ultime instant arrive, les
deux pièces qui attendaient là depuis le matin déchaînèrent l’ouragan de
mort. Puis les avant-trains furent amenés, et tout s’opéra comme à la manœuvre.
Les canons accrochés, chacun sauta à sa place, et les attelages en tourbillon
filèrent, ventre à terre, vers la ville, et disparurent au coin de la rue
prochaine….
Un brusque silence avait suivi les deux coups de canon
auxquels l’ennemi ne répondit pas. Ces deux détonations firent croire aux
habitants cachés dans leurs maisons que les Belges, avant de quitter ce dernier
point de défense avaient fait sauter le pont.
Il n’en était rien cependant.
Sur la chaussée de Tirlemont, soudain abandonnée et
maintenant déserte à ce qu’il semble, quelques éclaireurs allemands
avancent, le fusil en arrêt, s’abritant dans les encoignures des portes
closes. Des civils effarés s’enfuient subitement de leurs maisons ; éperdus,
ne sachant plus quel parti prendre ils quittent leur s habitations au moment précis
où pour eux il y a le plus de danger de se trouver dans la rue. Quelques coups
de fusils saluent leur fuite, car dès qu’ils remarquent quelque chose
d’insolite, les éclaireurs tirent et se jettent à plat ventre. La couleur
grise de leurs uniformes les fait presque se confondre avec le sol.
Maintenant toutes les rues sont vides, semblent mortes.
Rien ne bouge, pas un souffle dans l’air surchauffé. L’angoisse est
horrible.
Tout à coup la fusillade éclate, rageuse, nourrie. Les
balles sifflent et vont cribler les façades des maisons de la Porte de
Tirlemont.
Il est alors deux heures après-midi.
Un petit soldat belge – le dernier – un humble petit
lignard du 6e est resté tout seul à la Porte de Tirlemont. Non pas
que ses compagnons l’aient abandonné ; mais entêté, n’écoutant pas
les bourgeois eux-mêmes, qui une demi-heure auparavant l’exhortaient à
s’en aller pendant qu’il en était temps encore, il est demeuré.
Qui dira jamais ce qui se passa dans l’âme de cet
obscur héros ?
Si une hésitation fut jamais permise à un homme, ce
fut sûrement lorsque ce modeste lignard vit s’éloigner ses derniers
compagnons. Mais voilà : il est resté, simplement parce qu’il estimait
que c’était son devoir de rester.
Seul, sur cette grande chaussée, il n’a désormais à
compter que sur lui-même. Le vide s’est fait autour de lui, et à 200 mètres
surgissent déjà les premiers Allemands.
Embusqué derrière une borne postale plantée au coin
de la Porte de Tirlemont, le brave Belge tire ses dernières cartouches. Il lui
en reste encore huit, et à ceux qui tout à l’heure le suppliaient de partir,
il a juré que huit Allemands tomberaient…… La fusillade crépite et résonne
dans les rues désertes. Soigneusement il vise et, à chaque coup un ennemi
roule à terre. D’autres Prussiens surgissent, se couchent à terre, et tirent
comme des enragés ; furieux d’être arrêtés, des officiers injurient
leurs soldats.
Mais le petit lignard ne se laisse pas troubler par leur
nombre ; il tire toujours sans fièvre. Sachant bien qu’il n’y a plu de
salut pour lui, que c’en est fait, il n’est pas pressé de mourir, et tient
ses ennemis au bout de son fusil.
Autour de lui les balles pleuvent, sifflent, ricochent,
s’abattent serrées.
Cela dure peut-être un quart d’heure……
Frappé de plusieurs balles, le petit soldat, déjà
blessé, s’effondre enfin, face à l’ennemi n’ayant pu remplir sa promesse
car il n’a tué que cinq Allemands. Il lui restait encore trois cartouches,
lorsque la mort le coucha au poste qu’il n’avait pas voulu abandonner…
Héroïque petit Belge, tu es tombé pour ta Patrie. De
toutes, tes faibles forces, tu as voulu faire ton devoir jusqu’au bout. Tu
t’es obstiné à lutter seul contre cette horde jusqu’au dernier souffle.
Ton cœur de vrai patriote se soulevait de désespoir en voyant l’ennemi
envahir ta Patrie, et tu n’as pas voulu survivre à cette iniquité.
Héros de Liège et de Tirlemont, tu es venu mourir à
Louvain, ne pouvant supporter plus longtemps d’être chassé plus loin dans
ton pays, toujours plus loin…
De cette suprême défense d’un petit soldat de 25
ans, il ne subsiste pas, comme on le penserait d’abord, seulement la folie héroïque
de l’avoir tentée ; cet acte reste un de ces exemples de courage et
d’abnégation, qui, dès les premiers jours de l’envahissement, révélèrent
au monde entier comme la quintessence même de l’âme de l’armée belge,
rassemblée d’un seul élan autour de son Roi, pour sauvegarder l’indépendance
du territoire.
Et je forme le vœu que, pour ne pas laisser se perdre
les fruits de tels exemples, pour en conserver un souvenir que les générations
futures entretiendront pieusement parmi les monuments qui seront élevés, il en
soit dressé un, dont la place est à la chaussée de Tirlemont. Il devra être
dédié à la mémoire des héros belges tombés devant Louvain.
(1)
Sur la chaussée de Tirlemont, à
quelques centaines de mètres de la Porte de Tirlemont.
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