Médecins de la Grande Guerre
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Simonne
Legrand, la fée du château de Chenonceau au service des Poilus pendant quatre
ans. Simonne Legrand , juste avant la déclaration de la guerre. Le château de Chenonceau enjambe le Cher. Les soldats en convalescence péchaient, dit-on, à partir des fenêtres de leurs galeries Simonne Legrand, épouse Georges Legrand parmi les blessés du château. Le célèbre château de
Chenonceau qui surplombe le Cher affluent de la Loire possède l’apparence d’un
château féérique. Diane de Poitiers,
célèbre par sa beauté, maîtresse de Henri II y vécut de longues années. Mais, durant la Grande guerre, ce fut une autre
beauté, Simonne Legrand (Remarque : Vous avez bien lu Simonne
avec deux n, tel fut le prénom inscrit sur sa déclaration de naissance),
qui donna une âme à ce merveilleux château. Simonne avait marié Georges Menier,
le fils de Gaston. Ce dernier était devenu propriétaire du château en 1913, au
décès de son frère Henri. L’année suivante, la famille Menier avait décidé de
consacrer deux galeries du château aux blessés de la Grande Guerre. 120 soldats
« poilus » purent ainsi trouver des soins de qualité dans cet
hôpital. Vivres et matériel médical moderne étaient offerts par la maison
tandis que Simonne, Madame Georges Menier, dirigeait elle-même l’équipe
soignante, son mari, Georges, tenant l’administration. Georges Menier , au travail. Il était sergent, infirmier major. Georges était pendant ses loisirs compositeur de musique et grand collectionneur d’œuvres d’art. Au total, 2.254 Poilus
menèrent « une vie de château » durant la Grande Guerre. Il est
vraiment dommage que Madame Menier n’ait pas laissé un « journal »
pour nous raconter sa vie d’infirmière-chef dans le château familial. Durant les commémorations du
centenaire (2014-2018) une reconstitution d’une partie de l’hôpital fut
effectuée dans la galerie des dômes grâce au matériel original qui avait été
conservé dans les greniers du château !
Reconstitution d’une partie de l’hôpital dans la galerie des dômes. Gaston Menier possédait le château depuis 1913. La famille Menier disposait
d’une fortune provenant du succès de l’entreprise familiale, la chocolaterie
Menier établie à Noisiel. Celle-ci fut fondée en 1825
par Antoine Brutus Menier (1795-1853), un pharmacien parisien spécialisé dans
les poudres qui, implanta une usine près d’un ancien moulin à eau à Noisiel
dans le département de la Seine-et-Marne. L’entreprise devint florissante et à
la fin du 19e siècle, pas moins de 2 200 ouvriers s’affairaient à
produire 70 tonnes de chocolat par jour ! Ayant la fibre sociale, la
famille Menier eut l’idée de construire une cité ouvrière avec petits jardins
pour que chacun puisse cultiver son potager. L’usine elle-même est un véritable
joyau. En 1869, l’architecte Jules
Saulnier est chargé de reconstruire le moulin pour pouvoir répondre à la
demande croissante en tablettes de chocolat. Ce sera l’un des premiers
bâtiments industriels au monde avec une charpente métallique apparente. Ses briques
rouges ou blanches forment des motifs orientaux alors en vogue à cette époque.
Il est vraisemblable que les
soldats hospitalisés au château pouvaient disposer en abondance du chocolat Menier.
La convalescence ne devait-elle pas être facilitée par ce riche
nutriment ? Il est certain que Madame Georges Menier privilégiait pour les
soldats hospitalisés le chocolat contenu dans des emballages patriotiques tels
que ceux-ci : Boite de boutons en chocolat Menier à l’effigie du Général Marchand. Boite de boutons de chocolat Menier à l’effigie du Général De Castelneau. Le chocolat Menier aujourd’hui a été repris par le groupe Nestlé. Mais le travail de Simonne,
notre infirmière-chef, se cumulait avec un job de maman. Elle élevait une
famille de quatre garçons dont le cadet étai seulement âgé d’un an quand la
guerre éclata ! Simonne et ses enfants. Simonne avec une partie de ses enfants, un blessé et peut-être son mari en uniforme. Simonne en salle d’opération au château. Simonne Camille Marie
Legrand était née le 28 octobre 1881, dans le 9ème arrondissement de
Paris. Elle se maria avec Georges Menier, le 11 décembre 1903. Le banquet
organisé la veille réunira plus de 2.500 convives de la haute société !
Simonne avait suivi une formation de soignante auprès du Dr Paul Barbarin au
dispensaire pédiatrique « Marie-Hélène » à Puteaux. Le Dr Barbarin
était très proche de la famille Menier. Il exerçait comme chirurgien
et on lui doit un traité de chirurgie de guerre en 1916. Simonne fut donc
formée à la bonne école pour tenir son rôle d’infirmière-chef dans l’hôpital du
château de Chenonceau. Pointe-sèche de Paul-César Helleu (1913) Simonne était une femme très active. Elle
fut donc l'une des premières femmes à adopter la nouvelle mode garçonne aux
cheveux courts, lancée par Coco Chanel. Cette mode suivait l’aspiration des
femmes françaises au sortir de la Première Guerre Mondiale. Elles veulent
s’émanciper. Beaucoup d’ailleurs sont obligées de travailler et veulent être à
l’aise dans leurs vêtements. Et quand, elles ne travaillent pas, elles
recherchent des tenues plus pratiques pour leurs loisirs. Simonne avait aussi une fibre
artistique. Elle était férue de théâtre et s’essaiera aussi à la sculpture. Fréquentant
avec son mari les milieux artistiques, elle sera souvent demandée pour servir
de modèle. Sportive, Simonne suit les
chasses à courre de l'équipage Menier dans la forêt de Retz. Voyageuse, elle se
rend à l'Île d'Anticosti, propriété de la famille Menier, avec son village,
Port-Menier. L’histoire de ce village
mérite d’être racontée brièvement. En 1895, Henri Menier, frère de son
beau-père Gaston, achète, pour 125 000 $, l'Île d'Anticosti dans le golfe du
Saint-Laurent au Canada pour en faire une réserve de chasse et de pêche
personnelle. Il fondera un village, Port-Menier et essaya d’y attirer une
population sédentaire en établissant fermes, école et clinique. Il fera aussi
commercialiser le homard de l’île mis en boites de conserve. En 1900, il fit construire
une villa dessinée par l'architecte Stephen Sauvestre appelée par les habitants
« Château Menier ». Henri Menier est aussi connu pour avoir importé
dans l’ile, pour sa chasse, de nombreux animaux sauvages natifs du Canada,
incluant des renards, des poissons, des caribous, des bisons et des orignaux.
Parmi ces animaux, une harde de 220 cerfs de Virginie qui, sans prédateur naturel,
se sont fortement multipliés. Avec ses 24 rivières peuplées de saumons et de
truites, l’île qui appartient aujourd’hui au gouvernement du Québec, est devenu
un paradis pour les amoureux de la nature. Henri Menier mourut en 1913, et ses
possessions parmi lesquels le château de Chenonceau et l’île d’Anticosti
passèrent donc dans les mains de son frère Gaston, beau-père de Simonne Legrand. Le village de Port Menier créé par Henri Menier dans l’ile d’Anticosti. La prise de vue est de 1922. Dans la villa Menier,
appelée aussi « château Menier » sur l’ile d’Anticosti séjourna notre
héroïne, Simonne Legrand. Malheureusement cette magnifique construction fut
abandonnée quand Gaston Menier vendit
l'île en 1926. C’était pourtant l’œuvre très réussie du célèbre architecte
Français, Stephen Sauvestre qui avait travaillé sur le projet de la tour Eiffel
avec Gustave Eiffel. Il s’était inspiré des constructions nordiques, laissant
le rôle prédominant au bois. La villa, délaissée puis
abandonnée depuis la vente du domaine
d’Anticosti se dégrada au fil des ans. Finalement, elle fut détruite volontairement
par le feu le 3 octobre 1953 par la compagnie « Consolidated Pulp &
Paper », le nouveau propriétaire de l'île. Chronique
fantômatique: Le château Ménier, rêve d'Anticosti (etats de splendeur.com) Mais revenons à notre
Intrépide infirmière-chef. Simonne Legrand entreprendra aussi un mémorable
voyage vers le Brésil en 1930 à bord d'un dirigeable, sans doute le Graf
Zeppelin. Simonne décéda le 18 avril
1972 à Paris. Son souvenir sera toujours lié à celui des soldats blessés hospitalisés dans le château familial
durant quatre longues années. Dr Loodts Patrick |