Médecins de la Grande Guerre
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Maud McCarthy à la tête
d’une armée d’infirmières ! Dans l’histoire du nursing, il ne se trouva jamais une femme plus puissante que Maud McCarthy. Cette « matron » commanda en effet toutes les infirmières du corps expéditionnaire britannique se trouvant en France et dans les Flandres. On estime que son armée d’infirmières comptait au plus fort de la guerre pas moins de six mille soignantes. C’est Maud McCarthy qui les répartissait dans les hôpitaux, les mutait si nécessaire, les encourageait et parfois les punissait. Pour gérer un tel personnel, Maud ne comptait qu’une seule secrétaire. Son travail administratif était donc considérable et nécessitait de grands talents d’organisatrice combiné avec une force de travail peu commune. Maud McCarthy était aussi une véritable chef, une meneuse pour ses infirmières. Elle se rendait dans tous les hôpitaux où travaillaient ses nurses non seulement pour inspecter la manière dont elles travaillaient mais aussi pour les soutenir moralement et veiller à ce qu’elles bénéficient de bonnes conditions de travail et de repos. Un exemple de son activité : dans le seul mois de juin 1916, elle visita 18 hôpitaux. Il lui arrivait de revenir au cours du mois plusieurs fois dans le même hôpital pour y constater le progrès des améliorations qu’elle avait exigées pour ses infirmières. L’historien qui voudrait suivre aujourd’hui toutes ses pérégrinations en a aujourd’hui la possibilité car le diary de Maud McCarthy qui compte pas moins de 3.400 pages est entièrement disponible sur internet : Maud McCarthy en 1917 (peinture de Francis Owen © National Portrait Gallery, London) Bien évidemment Dame Maud McCarthy fut une des infirmières les plus décorées de la première guerre mondiale. Elle était née en 1859 à Sidney et vers l’âge de trente ans entreprit des études d’infirmière au « London Hospital » à Whiteschapel. En 1894, nommée Sister (infirmière-chef d’une salle), elle est choisie pour servir l’armée anglaise en Afrique du sud dans le « Princess Alexandra’s Military Nursing Contingent ». C’est dans cette Guerre des Boers que les Anglais, pour la première fois, expérimentèrent une « guerre moderne » avec son lot de blessés nombreux souffrant de lésions traumatiques étendues et compliquées. Il fallut, pour y faire face, entamer une profonde réforme de la médecine militaire. Celle-ci impliquait un personnel de nursing compétant, des médicaments adéquats pour lutter contre la douleur et l’usage de l’anesthésie en salle d’opération. En outre il fallait veiller à la meilleure évacuation possible des blessés. C’est avec cette expérience considérable de la « guerre moderne » que Maud McCarthy revint en Angleterre récompensée d’ailleurs par les plus hautes distinctions. Elle servit alors dans différents hôpitaux militaires jusqu’au moment où, en 1902, le Corps d’infirmières militaires fut considérablement augmenté sous le patronage de la Reine Alexandra et du roi Edward VII et prit le nom de « Queen Alexandra’s Imperial Military Nursing Service (QAIMNS) ». Les infirmières y travaillaient sous deux statuts : elles étaient soit dans le cadre, soit dans la réserve. La sélection des candidates était très sévère : il fallait avoir de l’expérience, de bonnes références écrites par les supérieures, être en outre célibataire et avoir entre 25 et 35 ans. En 1903, Maud McCarthy devint leur « matron ». En 1912, le Corps du QAIMNS comptait dans ses rangs 300 infirmières militaires servant en Angleterre ou en Inde. Quand la Première Guerre mondiale éclata Maud fut promue chef des infirmières du corps expéditionnaire. Elle avait alors sous ses ordres, en France et dans les Flandres, les infirmières du QAIMNS mais aussi toutes les volontaires féminines (Voluntary aid detachment en abrégé VAD), les infirmières de la Croix-Rouge et tous les détachements d’infirmières provenant de tout le Commonwealth. Au début de la guerre on comptait 2.223 infirmières dans le corps de réserve du QAIMNS. A la fin de la guerre, il y en avait 10.404 dont une partie importante travaillait en France ! On estime que Maud McCarthy commanda sur le continent à plus de six mille femmes, sans doute un record de responsabilités inégalé encore à ce jour pour une infirmière. Maud tenait son Etat-Major à Abbeville. Outre les tonnes de fiches et de rapports qu’elle rédigea, elle tint, on l’a signalé plus haut, un journal où l’on découvre combien elle se préoccupait de ses infirmières pour lesquelles elle consacrait toute son énergie. Emouvantes sont ses notes qui détaillent le nom des infirmières blessées ou tuées lorsqu’un bombardement a touché un hôpital. Maud McCarthy les évoque avec leurs noms et leurs grades comme si elle les avait toujours connues. Combien d’infirmières a-t-elle rencontrées personnellement sur ses quatre années de guerre. Ce nombre fut certainement impressionnant ! Nul doute qu’elle gardait en mémoire les visages et les noms d’un nombre incroyable de ces jeunes femmes. Peut-être en est-il ainsi pour Miss Edith Ingram, VAD, mentionnée dans son carnet comme ayant péri sous les bombes le 13 août 18, à Boulogne, au « 55 General Hospital ». Maud McCarthy s’efforçait de comprendre les conditions de travail de ses infirmières. Elle déclara à juste titre que les moments les plus pénibles de leur métier se vivaient la nuit, lorsqu’épuisées par une journée de travail, elles voyaient leur repos brutalement interrompu par un bombardement de deux à quatre heures entraînant un stress considérable. Maud McCarthy était aussi consciente d’un autre prix à payer par les infirmières. Non seulement les infirmières étaient confrontées à l’affreux spectacle des blessures causées par l’artillerie, mais elles devaient aussi faire face aux nombreux cas de typhus, tétanos (surtout durant les premiers mois de la guerre), méningite, diphtérie, tuberculose. Certaines d’entre elles moururent infectées par leurs patients. Maud McCarthy nous rappelle leurs noms dans son diary. Elle cite notamment, Miss Wilson atteinte de tétanos et Miss Cole atteinte de méningite. Après la guerre, Maud McCarthy essaya d’aider ses infirmières de guerre le mieux qu’elle put. Les volontaire VAD, n’avaient pas accompli d’études d’infirmières mais avaient travaillé dur en hôpital sous la conduite des infirmières diplômées et cela parfois pendant plusieurs années. Les infirmières diplômées s’opposèrent vivement à ce que les VAD puissent être récompensées de leurs dévouements, en étant reconnues après l’armistice comme des infirmières à part entière. Les auxiliaires VAD qui tenaient à continuer un job d’infirmière la paix revenue durent donc s’inscrire aux cours d’une école d’infirmières pour acquérir le diplôme officiel. Maud McCarthy milita en de nombreuses occasions pour que les VAD, candidates infirmières, puissent bénéficier de stages pratiques raccourcis. (photo from the army Military History Museum, Adlerhot, UK) On doit aussi à Maud McCarthy d’avoir entrevu une des premières, la nécessité de créer des formations complémentaires pour les infirmières. Ainsi, durant la Grande Guerre, elle organisa des stages de trois mois en anesthésie pour des infirmières qui, par manque de médecins, étaient souvent chargées d’endormir le blessé en salle d’opération. Pour ce qui est des unités spécialisées dans le traitement des Shell Shock (choc post-traumatique), Maud McCarthy avait compris une chose essentielle : le boulot d’infirmière en ces endroits n’était pas plus facile que dans les hôpitaux classiques. Au contraire, il fallait que l’on dispose en ces lieux d’infirmières particulièrement expérimentées et ayant acquis de très bonnes notions sur les maladies mentales. Il en était de même pour les baraques où étaient soignés les soldats qui s’étaient eux-mêmes infligés leurs blessures : Maud y exigeait des infirmières formées spécialement pour cette fonction. Par son expérience, Maud McCarthy influença probablement le devenir du métier d’infirmière après la guerre. Elle peut certainement être considérée comme une des pionnières d’un nursing moderne s’appuyant sur l’enseignement continu et les spécialisations nécessaires. Maud McCarthy quitta la France le 5 août 1919. Le général Douglas Haig et une représentation du gouvernement français lui firent un adieu émouvant. Elle est titulaire d’un grand nombre de décorations prestigieuses dont la « Royal Red Cross », la médaille Florence Nightingale, la Légion d’Honneur, la GBE (Knight Grand Cross in The Most Excellent Order of the British empire). Après la guerre, Maud McCarthy devint l’infirmière en chef du service de nursing de l’armée territoriale. Après quelques années dans cette fonction, elle se retira de la vie professionnelle. Elle décéda à Londres en 1949. Dr Loodts P. Référence : Rosemary
Shields and Linda Shields, « Dame Maud McCarthy (1849-1949) :
Matron-in-chief, British expeditionary Forces France and Flanders, First World
War », journal of medical Biography, february
19, 2015. |