Médecins de la Grande Guerre

L’hôpital militaire d’Hoogstade fut créé grâce aux médecins et infirmières anglais !

point  Accueil   -   point  Intro   -   point  Conférences   -   point  Articles

point  Photos   -   point  M'écrire   -   point  Livre d'Or   -   point  Liens   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques


L’hôpital militaire d’Hoogstade fut créé grâce aux médecins et infirmières anglais !

L’infirmière Cora Mayne à Furnes au Belgian Field Hospital. (Impérial War Museum London Q 113389)

Mairi sur sa moto. (IWM Q 105931)

L’équipe des infirmières du Belgian Field Hospital à Furnes. L'infirmière chef est L.E. Davies. (Henry Souttar)

Soupe dans les Dunes pour les soldats. (Siegfried Debaeke)

Mairi et Elsi donnant des soins à un blessé dans leur poste de secours. (IWM Q 105940)

Mairi et Elsi devant leur troisième poste de secours. (IWM Q 105980)

Elsi et le capitaine Gilson. (IWM Q 105861)

Mairi et le soldat belge Jean-Baptiste qui était en Afrique son ordonnance. (IWM Q 105882)

Mairi et Elsi au milieu de soldats, brancardiers et entourées par un médecin et un aumônier. (IWM Q 2970)

L’hôpital militaire d’Hoogstade fut créé grâce aux médecins et infirmières anglais !

 

 

Avertissement

 

Cet article a été rédigé avec comme source principale l’admirable livre « Op naar de Grote Oorlog » écrit par Patrick Vanleene. L’auteur a fait un travail  de recherche tout à fait  remarquable. Ce livre, agrémenté d’une iconographie de grande qualité, est  rédigé en néerlandais et est paru aux éditions De Klaproos à Koksijde (info@klaproos.be) en 2001.  

 

 

 

A Anvers, en septembre 1914, La St John Ambulance Association et la British Field Hospital for Belgium  portèrent apaisement secours aux soldats belges

Les infirmières britanniques[1] se portèrent avec un courage exemplaire au secours des soldats belges et français dés le début de la grande Guerre. La St John Ambulance Association (Une des branches de la Croix-rouge anglaise) envoya à Anvers un corps médical exclusivement féminin (médecins et infirmières) qui créa un hôpital de campagne britannique. A sa tête se trouvait Mabel Annie St Clair Stobart. Parmi les ambulancières se trouvait   Sarah Macnaughtan, bien connue comme auteur de romans, dont nous  suivrons plus loin les aventures. Quand Anvers fut évacué La St John Ambulance et ses blessés rejoignirent Ostende puis l’Angleterre mais Mrs St Clair Stobart continua son bénévolat au profil de la Croix-Rouge française à Cherbourg  avant de faire partie du personnel d’une deuxième ambulance anglaise qui se porta au secours des Serbes.

A côte de l’hôpital de la St John Association se trouvait à Anvers un deuxième hôpital anglais, la Bristish Field Hospital for Belgium du docteur Hartnelle Beavis. Cet hôpital établi au numéro 99 de l’avenue Léopold, comptait 8 médecins britanniques, 19 infirmières et 15 aides-soignants.  

Le docteur Munro crée son Ambulance volante avec des femmes remarquables

A côté des initiatives dépendant de la Croix-Rouge anglaise, de nombreuses initiatives entièrement privées firent le jour en Angleterre pour se porter au secours de la Belgique. Parmi celles-ci, l’ambulance de docteur Munro  qui allait  constituer  un maillon essentiel dans la chaîne de soins apportés aux soldats Belges pendant la bataille de l’Yser !  Le docteur Munro était un psychiatre écossais qui travaillait dans la Medico-Psychological Clinic de Londres. Il fut l’un des premiers médecins à employer la thérapie freudienne. En une semaine, Munro réalisa les plans pour l’envoi d’une ambulance sur le front belge. Il recruta  cinq femmes et  cinq hommes volontaires pour son entreprise aventureuse.

La célèbre écrivaine  May Sinclair, auteur des premiers romans dans lesquels la psychologie tenait une grande part, fut au nombre de ces volontaires. A l’âge de 51 ans et désignée secrétaire de l’expédition, elle eut à jouer un rôle important pour faire connaître l’œuvre du docteur Munro et ainsi faire rentrer les fonds nécessaires à l’expédition. Le Munro’s Flying Ambulance Corps comportait initialement trois médecins (un quatrième médecin anglais s’ajouta à l’expédition en Belgique), trois brancardiers, une véritable Lady, Dorothie Feilding, l’américaine Helen Gleason, une infirmière chevronnée Elsie Knocker et une toute jeune femme à peine sortie de l’adolescence et adepte de la moto, Mairi Chisholm. Les deux véhicules ambulances Daaimler furent fournis par la Croix-rouge anglaise qui détacha aussi deux chauffeurs, Tom Woffington et un certain Bert. L’ambulance du docteur Munro arriva à Ostende le 25 septembre 1914 puis essaya de rejoindre le front. A Gand l’expédition stationna au Flandria Palace Hotel.

May Sinclair, en contact avec les réfugiés belges qui avaient fui l’avance ennemie, prenait note de tous les récits de guerre qui lui étaient racontés. Elle fut bientôt horrifiée de tout ce qu’avait vécu les réfugiés et saisie d’une insurmontable angoisse qui empêcha le moindre sommeil ! Epuisée elle fut finalement considérée comme un poids pour la bonne marche de l’expédition  et finalement  mise dans un bateau à destination de l’Angleterre. May Sinclair publia ses notes de guerre dans une revue puis dans un livre « Journal of Impressions in Belgium » dans lequel elle s’épanche avec admiration sur le courage des Belges devant les épreuves de la guerre. Elle offrit les bénéfices de son livre au Belgian Relief Committee qui essayait de fournir une aide alimentaire à la Belgique occupée.  

Helen Hayes, professeur de musique et épouse du journaliste américain Artur Gleason qui couvrait la guerre pour plusieurs journaux américains, resta plus longtemps au service du docteur Munro que May Sinclair. Les premiers  contacts avec les soldats souffrants à Furnes lui  fit perdre connaissance deux fois et l’obligea à s’endurcir ! Elle conta son expérience dans un récit assez romancé « With the First War  Ambulance in Belgium ».  En mars 1915 elle reçut du roi Albert la décoration de chevalier de l’ordre de Léopold II. Elle devint ainsi la première américaine à gagner cette décoration. Helen quitta définitivement la Belgique durant l’été 1915 après 12 mois de front. 

L’ambulance du docteur Munro séjournait à Gand lorsque l’Armée belge et les soldats anglais d’Anvers quittèrent Anvers à la fin de la première semaine d’octobre pour se réfugier derrière l’Yser. Munro et son équipe  n’eut pas d’autre opportunité que d’accompagner les soldats en retraite et  à son grand regret dût s’éloigner du front jusque Malo-les-Bains.

Anvers abandonné, les deux installations médicales britanniques qui s’y trouvaient se replièrent. La Sint Johns Ambulance rejoignit  l’Angleterre mais une de ses volontaires ambulancières, l’écrivaine Sarah Macnaughtan âgée de 50 ans, refusa de fuir le continent et s’engagea comme volontaire  dans l’ambulance du docteur Munro.

Quant au British Field hospital, il  put s’embarquer à Ostende  avec ses  112 blessés au terme de trois nuits et trois jours sans repos ni sommeil. Après à peine cinq jours de repos dans leur pays, la grande partie du personnel de l’hôpital se réembarqua cependant  pour Dunkerke !

Le British Field Hospital et la Munro’s flyng Ambulance fusionnèrent alors pour créer un Belgian Field Hospital qui arriva juste à temps à Furnes pour connaître l’enfer !

Mi-octobre 1914 se retrouvait donc dans le Pas-De-Calais en attente de nouvelles missions, le British Field Hospital for Belgium (54 personnes dont 25 infirmières)  et l’ambulance du docteur Munro. Les deux organisations décidèrent alors de fusionner et mirent en commun leurs moyens pour créer un Belgian Field Hospital derrière l’Yser. Cet hôpital était attendu avec  la plus grand impatience car   les soldats Belges qui résistaient derrière l’Yser n’avaient aucune structure médicale à leur disposition (l’hôpital l’Océan  à La Panne, n’ouvrit ses portes qu’en janvier 1915)  et devaient évacuer tous leurs blessés vers la France, ce qui condamnait à la mort une partie de ceux-ci trop affaiblis pour supporter les fatigues d’une longue évacuation !

Le Belgian Field Hospital parvint à Furnes le 21 octobre au soir et s’établit dans les murs du Collège de la ville. Les médecins et infirmières anglaises arrivaient juste à temps  pour apporter  leurs soins aux soldats belges  qui étaient engagés  au plus fort des combats de la bataille de l’Yser.  Tout l’espace disponible du collège fut utilisé pour recevoir immédiatement les centaines de soldats blessés  lors de percée allemande dans  la boucle de l’Yser à Tervaete. La salle d’étude  servit d’abri pour cent blessés  tandis que la salle à manger en abrita 50. Les classes furent  transformées en salle de soins ou d’opération. Les blessés reposaient  sur des brancards ou sur de la paille. Il y avait seulement 12 lits pliants et ils servaient à accueillir les blessés graves devant être opérés. Une morgue fut  établie dans une classe et ce sont deux jeunes gens de 14 ans qui transportèrent les corps dans une charrette vers le cimetière. Les ambulancières Elisabeth Knocker et Sarah Macnaughtan écriront plus tard combien elles furent  choquées  par le sort affreux des jeunes blessés  dans l’hôpital !

Le premier jour à Furnes fut un véritable jour d’enfer pour les médecins et infirmières car l’afflux incessant  des blessés surprit un  l’hôpital qui n’était qu’en formation et quasi inexpérimenté ! Partout fusaient les interpellations angoissées des soignants qui restaient sans réponse : Où sont les brancards ? Où se trouve le chloroforme ? Que devons nous faire avec les morts ?

De surcroît, l’hôpital  n’avait qu’un matériel rudimentaire car la plupart des caisses avaient été perdues ou volées lors de la retraite d’Anvers. Il n’y avait qu’une seule scie disponible pour les amputations  et les  trois tables d’opération se partageaient deux scalpels, 6 pinces hémostatiques et six pinces hémostatiques ! Miracle ou plutôt exploit, ces trois tables fonctionneront pourtant  –sans interruption -pendant 4 jours et quatre nuits !  Encore heureux que l’hôpital disposait d’assez de chloroforme et de morphine ! Dans les salles, la gangrène était partout présente et il régnait  une odeur fétide qui donnait la nausée même aux plus endurcis ! L’obscurité tombée, l’infirmière apportait les soins dans la grande salle d’études avec une  bougie ou une lanterne à paraffine. Cela rappelait à Elsie Knocker les peintures qu’elles avaient vues dans son enfance et qui  représentait Florence Nightingale, la créatrice du métier d’infirmière oeuvrant dans la misère la plus totale de son hôpital de Scutari.

D’après le commandant du Belgian Field Hospital, le docteur Perrin, près de un blessé sur dix succombera (9,3%). Ce ne fut pas le cas pour le soldat belge Maurice qui fut emmené à l’hôpital une balle dans la gorge. Sa convalescence fut longue et pénible mais il survécut. Quand on apprit qu’il avait été chef coq à l’hôtel Métropole à Bruxelles, les Anglais décidèrent de le nommer responsable de la cuisine de l’hôpital ! Il devint très précieux et fut aidé dans sa tâche par 9 femmes dont 5 religieuses qui avaient fui Louvain. Maurice savait cuisiner avec peu de choses des plats exquis ! Quand il ne possédait plus d’huile, il se ravitaillait en huile de ricin chez les médecins pour confectionner une succulente  salade anglaise !

Le ravitaillement de l’hôpital se faisait par un camion qui quittait Furnes pour Dunkerke chaque matin avec du courrier pour l’Angleterre et qui revenait le soir avec ce que l’on avait pu trouver!

Sarah Macnaughtan se dévoue avec sa cuisine volante à la gare de Furnes puis à, la gare d’Adinkerke

Les blessés du Belgian Field Hospital étaient conditionnés par les médecins pour devenir transportables  puis  évacués en train pour un voyage de 14 heures  qui devait les amener dans le Pas-de-Calais. Après quelques jours passés dans l’hôpital, l’ambulancière Sarah Macnaughtan se trouva plus utile à l’extérieur de l’hôpital qu’à l’intérieur ! Elle réalisa en effet qu’il fallait soutenir les blessés[2] qui, dans le froid, attendaient parfois de nombreuses heures, en gare de Furnes  le départ de leur train sanitaire. Sarah installa donc à la gare de Furnes, le 21 novembre une cuisine volante et avec  l’aide de trois religieuses, distribua café et soupe à des centaines de soldats blessés. Ce  service durait jusque tard dans la nuit et Sarah ne pouvait regagner son logement que vers 1 heure du matin. En janvier 1915, suite à l’ouverture de l’hôpital l’Océan à la Panne, la gare toute proche d’Adinkerke surpassa en importance  la gare de Furnes comme centre d’évacuation des soldats blessés. Sarah y   transporta donc sa cuisine volante et tout son dévouement. Son dur labeur se termina durant l’été 1915, quand la chaleur aidant, soupe et le café se firent moins nécessaire. Elle rentra alors en Angleterre et poursuivit son bénévolat en allant témoigner du front devant de nombreuses assemblées. Très moderne, Sarah utilisait pour ses conférences une sorte de montage de photos qui était projeté pour illustrer ses « Stories of the War ». Un an après son retour le 24 juillet 1916, elle décéda  peut-être épuisée des suites de son séjour en Belgique! Le roi Albert lui attribua la croix de chevalier de l’ordre de Léopold II pour tous les services qu’elle rendit à nos petits soldats.  

Quand deux héroïnes anglaises quittent le Belgian field hospital pour tenir à elles seules un  poste de secours sur la ligne de front à Pervijze 

L’infirmière Elsie Knocker avança l’idée qu’un poste de secours muni d’un véhicule tout près du front serait  un grand avantage pour les soldats blessés en leur permettant d’avoir des premiers soins de qualité avant d’être transbahutés jusqu’à l’hôpital. Le 5 novembre 14, elle expliqua son idée au docteur Munro qui ne se montra pas très enthousiaste ! Malgré les oppositions, Elsie Knocker et Mairi Chisholm quittèrent le Belgian Field Hospital pour créer  un poste de secours avancé. Elles furent aidées dans leur entreprise par le docteur van Der Ghinst qui était le  médecin de bataillon du 9ème de Ligne stationné à Pervijze. Fin novembre, les deux femmes s’installèrent dans une villa abandonnée, une des rares maisons non en ruine, juste derrière la gare de Pervijze. Chaque jour une ambulance de Furnes venait charger les blessés soignés dans leur poste de secours appelé « cellar-house » (maison-cave)  mais cette collaboration avec le Belgian Field Hospital cessa  le 25 janvier 1915 avec le transfert de l’hôpital de Furnes à Hoogstade et avec  l’incorporation du docteur Munro dans le service de santé de l’armée anglaise. Les deux anglaises durent alors se débrouiller pour obtenir les moyens matériels nécessaires à leur poste de secours. Elles créèrent un « cellar-House Found »  et purent grâce au major Gordon qui était l’attaché militaire anglais auprès de la maison royale belge, publier à Londres un livre reprenant des extraits de leur journal   qui était dédié aux « magnifiques soldats belges ». Cet ouvrage connut un grand succès puisqu’il fut édité deux fois et fut distribué jusqu’aux Indes et aux Etats-Unis. Grâce aux bénéfices de la vente de ce livre, la trésorerie  fut alimentée. Les conférences qu’Elsie et Mairi donnèrent une ou deux fois par an en Angleterre, en Ecosse et en Irlande permettaient  aussi de trouver des ressources pécunières. En février 18, Elsie participa à un grand gala à l’Alhambra à Londres qui rapporta 1.400 livres. Lors de ces galas et conférences, l’on vendait aussi des souvenirs du front rapportés par les deux héroïnes : shrapnels et douilles mais aussi sabres allemands, et même  les aiguilles de l’horloge du clocher de l’église de Pervijze ! Les souvenirs à vendre ne manquaient pas car les soldats belges avaient pris l’habitude de donner aux deux Anglaises leurs trouvailles ou leur artisanat de tranchée en échange de chocolat ou de cigarettes. Un moyen très amusant de collecter de l’argent fut la vente aux enchères  du « poulet de Pervijze » lors d’une matinée à l’Alhambra. Ce poulet sorti de l’œuf à proximité du poste de secours  avait survécu à une attaque de gaz et avait été nourri par les deux héroïnes avant d’accompagner l’une d’elle à Londres. Outre les conférences et galas, de multiples appels à la générosité anglaise paraissaient régulièrement dans les journaux.     

L’hiver 1914-1915 fut très froid. La présence des  deux femmes constitua un grand réconfort pour les soldats qui surent apprécier leur courage et leur débrouillardise pour soigner leurs blessés. Tout en inspirant le respect, elles représentaient une note d’espoir et de douceur dans un paysage de ruines et de désolation. Après quelques semaines, le poste de secours à cause des bombardements trop intenses dut être transféré dans la Veurnestraat. Ce deuxième abri,  fut appelé « The sick and Sorry house » par l’écrivaine américaine Mary Roberts Rinehart qui y passa, tant la maison était délabrée et meublée pauvrement de choses misérables. En janvier 1915, il fallut encore déménager dans une « villa espagnole » mais la première nuit fut une nuit d’horreur qui convainquit les deux femmes que les lieux étaient hantés et porteraient malheur. On leur donna alors des baraquements en bois qui provenaient de l’ancien  poste de secours créé devant la gare d’Adinkerke par Lady Bagot. Remontés à l’arrière du village, ces baraques qui ne possédaient pas de cave se révélèrent bien  trop dangereuses pendant les bombardements. De plus les blessés provenant des  tranchées ne pouvaient  y parvenir que par un véhicule. Finalement le poste de secours retourna plus près des tranchées dans la Veurnestraat dans l’avant dernière maison du village qui fut consolidée avec du béton et  munie d’une porte en acier. Des sacs de sable furent aussi amassés le long de la façade pour la protéger. Pervijze réserva de multiples surprises aux deux Anglaises. Une de celles-ci fut la découverte d’un bébé âgé de seulement quelques jours et qui était le seul  survivant d’un bombardement d’une maison de Pervijze  dans laquelle s’était malencontreusement réfugiée une mère originaire de Keiem dont le mari était parti travailler en France comme saisonnier juste avant le début de la guerre ! L’enfant surnommé Albert par les soldats qui le découvrirent fut transporté à l’hôpital de l’Océan. Il grandit ensuite pendant  trois ans dans une clinique pédiatrique de Neuilly avant d’être considéré comme orphelin et adopté par un invalide de guerre qui se trouvait à l’hôpital l’Océan lorsque le nouveau-né y avait été évacué. Cet homme qui était fortuné, Léopold Harte de Gilly, décéda malheureusement après la guerre dans un accident de voiture. Albert découvrit alors par l’acte notarial de succession qu’il avait été adopté et il se mit à rechercher son père naturel qu’il retrouva finalement !     

Elsie et Mairi rendirent d’innombrables services aux soldats belges et devinrent de véritables vedettes  à telle point que   toutes  les personnalités civiles ou militaires qui  se rendait  dans cette partie du front  se devait d’aller rendre visite aux  « miss » de Pervijze » ! Elles furent sans doute les femmes les plus photographiées du front belge.  Parmi les visiteurs illustres qu’elles accueillirent dans leur abri, il faut mentionner Marie Curie, le bourgmestre de Paris, l’actrice américaine Maxine Elliott, l’écrivaine américaine Mary Roberts Rinehart, le ministre Vandervelde, le Général-médecin Mélis, chef du service de santé belge, le général Drubbel, Sir Bertrand Dawson, chef du service médical britannique, le colonel Maitland du Royal Flying Corps, Harry Delacombe, chef du Royal Naval Air Service, le major Gordon, aide de camp du roi Albert, le prince Alexander van Teck, frère de la Reine Mairy et même le général Rawlinson qui commandait  la 4ème Armée britannique !

Coqueluches des officiers, les deux femmes connurent donc de multiples prétendants. Elsie céda à l’un deux, le baron Harold de T’serclaes de Rattendael qui était un pimpant officier du régiment des Guides. Pour Elsie, la petite orpheline, Harold représentait le véritable prince charmant  qui allait lui permettre de sortir de son humble condition sociale. Le mariage fut célébra à La Panne le 19 janvier 1916. Le beau conte de fée hélas ne se prolongea pas très longtemps, les conjoints se séparèrent peu après la fin de la guerre sans pour autant divorcer ce qui permit à Elsie de continuer à se faire appeler Baronne de T’ Serclaes.         

Le dimanche 17 mars 1918, durant l’offensive de printemps lancée par les Allemands, la cellar-house fut bombardée par des grenades à gaz. Elsie et Mairy furent intoxiquées et transportées à l’hôpital l’Océan. Elsie fut évacuée par après vers Boulogne et puis vers l’Angleterre tandis que Mairi moins atteinte put retourner à Pervijze. Un mois plus tard, une deuxième attaque aux gaz obligea Mairi  à déclarer forfait à son tour et les autorités belges décidèrent de fermer le poste de secours définitivement. C’en était fini de l’histoire au front des petites Anglaises ! Elles laissèrent dans le cœur des soldats de nombreux souvenirs qui furent souvent l’objet de récits divers et de poèmes comme celui paru dans « Là-bas, en 1914-18. Chansons et déclamation » par Jean Petit Mineur 

 

Pervise

 

Peut-être qu’un beau jour-je le crois, je l’espère-

Environnés de gloire et de soleil, nos gars

Rentreront de gloire et de soleil, nos gars

Vaillants et fiers, entre eux, de nos combats devisent ;

Ils iront confiants vers l’avenir prospère

Songeant qu’ils sont tombés, un soir, blessé et las,

Et se sont réveillés, chez les « miss » à Pervise.

 

Qui étaient vraiment les héroïnes de Pervijze et que devinrent-elles après la guerre ?

Elsie Knocker, née en 1884 Elisabeth Mary Shapter fut orpheline très tôt et  adoptée par un couple sans enfants de Folkestone. Elle suivit des cours d’infirmière à Sevenoaks. Toute sa vie elle resta marquée par son enfance très peu heureuse. Mariée en 1906 avec Leslie Knocker qui l’emmena à Singapour. Après  avoir donné naissance à un fils Kenneth, elle se sépara de son mari qui décéda quelques temps après en 1908. Elle fut ensuite engagée par son frère malade comme infirmière. Passionnée de moto, elle s’acheta une Chater Lea et se fit membre du Gypsy motorclub. Qui éleva Kenneth pendant la guerre alors que sa maman se trouvait au front ? Vraisemblablement il fut placé en pension. Elsie se maria en 1915 avec un officier belge le baron T’Serclaes mais le couple se sépara vers 1919. La baronne de T’Serclaes écrivit ses mémoires en 1964.       

Mairi Chisholm est née en 1897 à Wimborne en Ecosse. Issue d’un milieu très aisé, elle fut élevée assez librement par un père passionné avant tout par ses deux  autos et, par une mère  très occupée par sa vie mondaine. Sans autre formation que de savoir conduire une moto, cette jeune fille sportive, avec l’encouragement de son père, s’élança à 17 ans sur les routes anglaises pour s’engager dans l’équipe du docteur Munro. Arrivée à Londres, elle vendit sa moto pour payer son équipement personnel nécessaire pour faire partie de l’expédition. Ayant des nerfs d’acier elle ne connaissait pas la peur et pouvait s’endormir si on en lui donnait l’ordre ! Après la guerre elle se fiança le 11 septembre 18 avec le capitaine W.T Hall de la Royal Air Force et se décida pour une vie tranquille à Barcaldine en Ecosse.      

Que devint Le Belgian Field Hospital dont nous avons suivi les traces jusqu’à Hoogstade ?

En janvier 1915, l’équipe anglaise du Belgian Field Hospital fut forcée à cause de la menace d’une percée allemande de quitter Furnes pour s’installer plus en arrière des lignes à Hoogstade. Les infirmières et chirurgiens anglais furent  alors remplacés progressivement  par des Belges qui reprirent à leur entière charge l’hôpital le 15 mai 1916. Seules quelques nurses anglaises restèrent après cette date à Hoogstade à leur propre demande. C’est le chirurgien  militaire belge Willems[3] qui reprit la direction de l’hôpital.   Une infirmière anglaise anonyme a écrit un très beau récit de ce que fut la vie du Belgian Fied hospital d’Anvers à Hoogstade.  Il s’agit du livre « A War Nurse’s diary » paru aux Etats-Unis en 1918 aux éditions « The Macmillan Compagny  ». Pourquoi cette infirmière anglaise garda t’elle l’anonymat ? Le mystère est entier et je fais appel au lecteur providentiel qui pourrait  m’éclairer ! Dans les photos qui illustrent ce livre, une infirmière y apparaît souvent et je crois y reconnaître Cora Mayne. Le livre a donc peut-être écrit par cette dame qui curieusement porte le nom d’une écrivaine contemporaine ! Quoiqu’il en soit l’auteur de ce livre nous livre un  témoignage de grande valeur sur la médecine de la Grande Guerre en nous parlant des quatre soldats « miraculés » qu’elle a soignés !

L’histoire incroyable des soldats belges miraculés du Belgian Field Hospital d’Hoogstade !

Le premier de ces miraculés est mentionné comme étant Joseph qui appartenait au Premier Guide. Il arriva à l’hôpital d’Hoogstade avec une large plaie dans sa jambe. Son mollet était percé de part en part. La gangrène s’installait et le chirurgien conseilla une amputation rapide ! L’infirmière, l’auteur du livre, demanda au chirurgien d’accorder à Joseph un dernier sursis avant l’intervention, ce qui lui fut accordé. Elle nettoya alors la plaie toutes les demi-heure avec une solution désinfectante au moyen d’une d’une seringue tandis qu’ elle mit Joseph sur un lit à l’extérieur en veillant à  exposer sa plaie au plein vent et cela  malgré l’hiver. La thérapeutique agressive connut le succès et la gangrène disparut mais un jour qu’il était dehors on vint prévenir l’infirmière que Joseph était en train de perdre tout son sang tant la plaie saignait. Tant bien que mal l’hémorragie disparut avec un garrot et le chirurgien voulut alors procéder à l’amputation arguant que l’artère principale avait été thrombosée  et que le membre allait se retrouver sans plus aucune circulation sanguine ! Cora (c’est ainsi que nous l’appellerons désormais l’infirmière anonyme) demanda encore une fois un sursis. Et un nouveau miracle apparut : les artères collatérales augmentèrent leur débit et suppléèrent à l’artère principale bouchée. Grâce à sa constitution et à la volonté de cora, Joseph put finalement garder sa jambe. Il fut envoyé suivre un long traitement de physiothérapie à Paris puis retrouva du travail dans un dépôt de véhicules militaires comme mécanicien.

Le deuxième miraculé s’appelait Eugène. Il était âgé de 32 ans, marié et était père de deux enfants. Quand il arriva à l’hôpital, il était entièrement couvert de boue et de sang  et il présentait un énorme trou à l’arrière du crâne par lequel  ses méninges y faisaient hernie. Il était paralysé de tout le côté droit et de plus  souffrait d’une fracture compliquée (en plusieurs morceaux) de son bras gauche. Tout son corps était  pénétré par des dizaines de petits shrapnels. Eugène fut trépané, le bras gauche mis dans une attelle et jour après jour on retira de son corps  shrapnel après shrapnel. Eugène contre toute attente alla mieux de jour en jour. Il récupéra complètement l’usage de sa jambe droite  et partiellement  l’usage de son bras  droit par un traitement de physiothérapie tandis que la fracture du bras gauche se consolida sans déformation.

Le troisième miraculé s’appelait Ernst Handschutter Il avait reçu une pièce métallique dans la paroi de son cœur. Les chirurgiens parvinrent à exposer le cœur après avoir coupé une côte et à retirer le shrapnel mais après quelques jours Ernst  devient tout bleu et  froid. On le réopéra et le chirurgien  constata que le péricarde s’était autour du cœur épaissi au point d’empêcher le cœur de battre normalement. Il incisa  le péricarde  cicatriciel et Ernst se rétablit cette fois  parfaitement !

Le quatrième miraculé  se nommait Jean Lassoux et ce Liégeois avait 37 ans. Une balle avait traversé l’oeil gauche et endommagé le cerveau .Le chirurgien ne savait rien faire et seul le repos avait été donné comme traitement ! Il était inconscient et respirait par saccade. Un colonel vint le décorer sur son lit de l’ordre de Léopold car il  avait sauvé deux personnes dans une habitation en feu et ultérieurement  ramené en rampant un camarade blessé en le tirant par sa ceinture ! C’est lors de ce dernier sauvetage qu’il fut blessé. Quand Cora fut appelée  à son chevet il venait de recevoir de la morphine qui rendait sa respiration encore plus déficiente ! Cora le voyant mourir car il ne respirait plus que trois fois par minute, lui fit la respiration artificielle puis on lui appliqua sur la poitrine pendant toute la journée des draps mouillés alternativement par de l’eau glacée et de l’eau très chaude ! Le soir à 8 heures, quand Cora termina son service, elle eut la terrible surprise de voir Jean se lever tout un coup en voulant rejoindre les tranchées ! Il était sauvé mais présenta des troubles commotionnels pendant plusieurs semaines et il fallut le lier dans son lit. Quand il fut suffisamment rétabli, le Roi lui accorda la permission de rester dans les forces combattantes malgré le fait qu’il soit devenu borgne. Jean Lassoux  avait demandé auparavant  aux autorités médicales de pouvoir garder son aptitude évoquant  avec un certain humour que  de toute façon pour tirer on fermait  un œil ! De retour dans les tranchées il entretint une correspondance soutenue  avec son infirmière qui nous témoigne  dans son livre que Jean était un poète exquis et qu’il racontait merveilleusement de la vie de ses camarades soldats ! Dommage que nous n’avons plus de traces de ses lettres mais qui sait si les descendants de Jean n’en possèdent pas encore quelques unes !            

      

 

Dr Loodts. P

Août 2008

                  

 

 

 

 

 

 

 



[1] Parmi les infirmières anglaises qui se trouvaient à Anvers, on ne peut passer sous silence Violetta Thurstan qui faite prisonnière par les allemands dut travailler dans un hôpital allemand. Libérée, elle s’empressa d’aller porter secours aux soldats russes et termina sa carrière comme « matron » de l’hôpital l’Ocean.

La London Red Cross envoya quant à elle une femme exceptionnelle Miss Dormer Maundner  pour secourir les blessés belges évacués en France. Cette infirmière  fut  à l’origine de  la création de l’hôpital Anglo-Belge de revalidation à Rouen.

 

[2]  Au total ce fut plus de18.000 blessés qui furent au cours de la guerre évacués par  train à partir de Furnes.

[3] Le docteur Willems était avant la guerre chirurgien en chef de l’hôpital de Byloke à Gand. Au moment de la guerre des Balkans, il organisa une équipe chirurgicale qui fonctionna en Turquie.    

 



© P.Loodts Medecins de la grande guerre. 2000-2020. Tout droit réservé. ©