Médecins de la Grande Guerre

La leçon des « Grimsby Chums »

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La leçon des « Grimsby Chums »

Rien n’est plus émouvant que la tombe commune appartenant au 10ème bataillon du Lincolnshire surnommé aussi les « Grimsby Chums ». Dans la langue de Shakespeare, chum signifie, copains ou mieux encore « potes ». Tous les gars du bataillon provenaient de la petite ville de Grimsby, petit port de pêche du nord de L’Angleterre. Ils avaient tous grandi ensemble dans les mêmes écoles. L’adolescence est le moment des grandes amitiés. Tous ces jeunes gars étaient attachés l’un à l’autre par l’amitié, la camaraderie, les liens de famille. On imagine sans peine que ces liens très forts étaient encore décuplés face au danger permanent et face à la souffrance et à la mort. Le 9 avril 1917, près d’Arras à quelques mètres de la route nationale 50, le bataillon dut supporter un bombardement d’enfer pendant l’offensive de diversion que menaient les Anglais au profit des « poilus » qui devaient se lancer à l’assaut du chemin des Dames. Il y a de nombreux blessés et tués. Les « potes » du bataillon en première ligne ont vraisemblablement décidés dans un moment d’accalmie de ne pas se séparer de leurs camarades morts. Ils creusèrent une fosse de peu profonde mais longue de 15 mètres et placèrent leurs camarades décédés l’un à côté de l’autre et comme pour marquer l’immense amitié qui les unissaient, ils les firent reposer bras dessus, bras dessous. Ainsi les « Chums » décédés formaient encore une chaîne humaine, un mur d’amitié indestructible face à l’ennemi ! L’examen des squelettes montre que trois d’entre eux possédaient une caractéristique commune sous forme de « suture métopique ». Ils appartenaient sans doute à la même famille.



Tombe Grimsby Chums à Arras - © collection A. Jacques

La guerre se termina et la tombe fut oubliée jusqu’à sa redécouverte récente en 2001. Elle  provoqua de suite une émotion intense des archéologues et puis de tous ceux qui regardèrent les photos de la tombe vues de haut. Cette tombe est le symbole de l’amitié. Quand on réfléchit sur les motivations des jeunes soldats à rester au combat malgré les souffrances incommensurables, il apparaît que la camaraderie est la première motivation, bien avant l’envie de la victoire ou la discipline implacable du temps de guerre. Ne pas laisser son camarade seul face aux dangers mais les affronter ensemble, assumer ensemble « un destin de masse »  auquel on ne peut échapper furent les réactions instinctives de la grande majorité des jeunes gens jetés dans la mêlée fratricide. La Grande Guerre, cette barbarie immonde fut cependant le terreau d’un héroïsme de tous les jours soutenu quasiment par la seule camaraderie d’où était issu, devant le danger, un devoir naturel, irréfléchi, instinctif de rester unis. Comme on voudrait que ce devoir envers l’autre soit aussi intense en temps de paix ! Malheureusement, il faut le plus souvent des évènements traumatisants pour nous rappeler notre commune fragilité et notre finitude certaine et tragique. Dans l’adversité, nous revenons aux questions essentielles concernant le but de notre existence et la réponse est à chaque fois tragédie retrouvée : nous vivons grâce aux « autres » et pour les « autres ». Finalement, redécouvrir cette simple vérité nous replace dans le starting-block pour un nouveau départ, muni de nouvelles forces engendrées par et pour la solidarité… Puissions-nous cependant n’avoir plus besoin de trop de ces rappels tragiques pour garder en toutes circonstances cette vérité comme moteur de nos actions !



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