Médecins de la Grande Guerre

Georges Hubin, pionnier du mouvement ouvrier et grand patriote

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Georges Hubin, pionnier du mouvement ouvrier et grand patriote 



Un élève doué devenu carrier et sculpteur de granit

       Né le 3 mars 1863 à, Bouvignes. Toute sa famille partit bien vite habiter Moha où ce fils de maçon, curieux de tout, devint le meilleur élève de sa « division » dans l’école tenue par un instituteur modèle nommé Pierre Jacques[1]. Ce maître d’école comptait dans sa classe 80 galopins ! Georges, toute sa vie, rendit hommage à son vieux maître : « Il fut le forgeron de mon esprit. C’est lui qui m’a appris, le premier, à aimer mon pays et à en comprendre la grandeur ». Chaque année, un concours à l’école désignait les meilleurs élèves sélectionnés pour participer au concours cantonal et, en cas de réussite au concours provincial. On a beau être un instituteur modèle, il arrive que l’on fasse des erreurs… ainsi le maître aimé ne tint pas compte de la première place qu’avait emportée Georges en désignant trois autres élèves pour passer l’examen cantonal. En réalité, l’instituteur voulait encore conserver l’élève brillant qu’était Georges dans sa classe durant une année supplémentaire afin de le rendre encore plus performant et d’en faire le meilleur élève de tout le canton. Mal lui en prit, Georges, ulcéré par cette injustice, déclara que l’école ne le verrait plus !  C’est ainsi qu’on le vit commencer à l’âge de 11 ans une carrière de tailleur de pierre aux fours à chaux de Moha où il resta jusqu’à l’âge de 16 ans. Il fut ensuite engagé sur d’autres chantiers comme à Ouffet et à Comblain-au-Pont avant d’être appelé au 3ème régiment des grenadiers pour remplir ses obligations militaires. Jeune homme plein d’allant et d’énergie, il manœuvra si bien qu’Il obtint de son colonel la sortie en soirée jusqu’à 23 heures. Cette grande faveur lui permit de suivre les cours du soir de l’école des arts appliqués de Molenbeek. A la fin de sa deuxième année, il obtint le premier prix de modelage et une médaille d’argent que lui remit, en main propre, le gouverneur de province. Georges devint alors la fierté de sa hiérarchie militaire qui le nomma sergent, promotion extrêmement rare pour un simple milicien. Ce fut donc comme sous-officier qu’il quitta son bataillon pour rejoindre Moha où il exploita avec son père et ses deux frères, une petite carrière à Vierset. Cette entreprise ne dura que deux ans, après quoi, il travailla comme sculpteur à la carrière « Joie » située près du village de Tinlot. C’est à cette époque qu’on le chargea aussi de sculpter tous les ornements du château que la famille Vierset faisait alors ériger à Huy.

       Toujours à cette même époque, vers 1885, un personnage étrange apparut dans la vallée de l’Ourthe, un dénommé Pahaut. Le 10 avril 1886, cet homme suscita une grève générale des ouvriers des carrières. Emprisonné puis relâché, il devint une véritable icône. Sorti de prison, il fut couvert de fleurs, hissé sur un cheval blanc et fut promené triomphalement dans la région de Sprimont. Surnommé bien vite « le roi Pahaut », il pénétra dans la ville de Liège sur un destrier blanc, tenant à la main un lourd maillet d’épinceur. Le gouverneur, Monsieur Pety de Thozée le reçut et lui promit son soutien. « Nous sommes faits pour nous entendre, vous êtes Pety et moi Pahaut » lui rétorqua, avec humour, notre chevalier. La grève n’en dura pas moins deux longs mois. Un beau jour, Cet étrange « roi » se rendit à Vierset et réclama aux ouvriers un versement mensuel de 25 centimes en échange de son action pour obtenir un salaire de 5 francs à la place de 3,5 francs que gagnaient à ce moment les épinceurs (les rocteurs détachaient le granit de la paroi tandis que les épinceurs découpaient le granit avec une sorte de marteau appelé épinçoir).

       C’est lors de cette visite que Georges fit sans doute son premier discours… Sautant sur un tonneau, il apostropha le roi Pahaut et mit en garde ses compagnons contre ce qu’il considérait comme une supercherie.

       « Le seul moyen, leur dit-il d’obtenir une juste amélioration, vous le trouverez dans la puissance de l’union, dans une solidarité étroite. Il faut vous grouper en syndicat ».  

       Cette première intervention ne fut pas un succès car Georges fut hué.

       En 1892, Georges arrive à fonder le premier syndicat des carriers. L’année suivante le 1er  mai 1893, 800 carriers défilèrent à Huy, peu après la grève nationale pour le suffrage universel. Tous les bourgeois apeurés firent défiler les hommes de la pierre. On imagine le bruit des sabots de ces hommes rudes sur les pavés de la ville dont les maisons étaient toutes volets fermés… La même année, à Modave, Georges Hrubin et ses amis fondent une coopérative L’alliance des carriers de Vierset, pour exploiter une carrière au lieu-dit « Là-bas »[2]. La coopérative en deviendra propriétaire en 1903 et Georges la dirigea toute sa vie, heureux de rester ainsi entouré par les rudes carriers dont il se sentait très proche pour avoir été un des leurs dans sa jeunesse.

A la fin du 19ème siècle, il y avait 620 ouvriers employés aux carrières de la vallée du Hoyoux.



Visite de la carrière de Là-Bas par le Comité d’éducation ouvrière de Saint-Gilles le 18 mai 1924. On reconnait à l’extrême droite Georges Hubin, qui était l’administrateur-délégué de la carrière à côté de son épouse.


Georges Hubin administrateur-délégué de la carrière « Là-bas », société coopérative « L’alliance des carriers de Vierset ».

       Le 12 octobre 1895, Georges se marie. Il aura cinq enfants : Lucie, Ferdinand, Georges, Julia Maria et Simone Georgette. Ferdinand a 17 ans quand la guerre de 1914 éclate. Il mourra dans un camp en Allemagne à l’âge de 21 ans. Georges lui aussi fut captif en Allemagne durant la Première guerre mondiale. Il en revint très malade et sa vie ne sera qu’errance de sanatorium en sanatorium jusqu’à son décès le 14 mars 1944.

Georges Hubin, premier mandataire socialiste de l’arrondissement Huy-Waremme

       L’année suivante en 1894, Georges est élu comme conseiller provincial, ce fut le premier mandataire socialiste de l’arrondissement. Le 11 novembre de cette année-là ne foule en liesse accueillit à la gare de Barse le nouveau conseiller. On le conduisit en cortège, accompagné par la fanfare, au local du syndicat où des discours furent prononcés. Georges fit aussi le sien qui se terminait de cette façon :

       " Camarades, le succès de ce jour n'est rien auprès de ceux qui nous attendons de l'avenir. Si, comme aujourd’hui, vous continuez à faire votre devoir, dans quatre ans, ce ne seront plus des conseillers provinciaux que vous élirez, mais des hommes qui iront à la grande fabrique nationale qui confectionne les lois et qui s'appelle Chambre des Représentants, laquelle seule peut vous donner les lois économiques que vous ne cessez de réclamer, ct par conséquent, plus de bien-être et de considération. Encore une fois, tous au poste, tous sur la brèche et dans un temps très rapproché, ta victoire couronnera ces efforts ".

       Rappelons que Georges fut élu grâce à la liste libérale qui accepta les candidats du parti ouvrier qui, dans un système de vote plural[3], pour la première fois mis en œuvre, n’avaient aucune chance d’être élu sur une éventuelle liste socialiste.

       En 1895, Georges est élu au conseil communal de Vierset et est nommé premier échevin. Dès lors il entrera souvent en confit avec son bourgmestre qui interprétait la loi communale à sa façon autoritaire notamment en ne faisant pas lecture des documents reçus de la députation permanente comme le rapporte cette discussion :

       Georges Hubin : Puisque le bourgmestre prétend qu’il ne peut de dessaisir des pièces administratives que quand bon lui semble, nous adressons une protestation à Monsieur le gouverneur et nous lui feront connaître les agissements du bourgmestre. Et comme il y a urgence, je demande qu’on vote de suite ma proposition.

Le bourgmestre : - Vous êtes un imbécile !
G. H. : - Et vous un grossier personnage ! C’est vous qui êtes un imbécile !
B : Vous êtes un paysan
G. H. : Vous êtes un fou
B  : je vous rappelle à l’ordre
G.H.  : Je me moque de votre rappel à l’ordre : rappelez-vous-y d’abord
B : Taisses-tu, grand sot ! fou ! bête que tu es !

       En 1895, Georges à la tête de l’échevinat de l’instruction modifia la structure des écoles et fit distribuer cabans, et souliers aux enfants les plus démunis. Il créa une bibliothèque et remit au goût du jour les fêtes scolaires tout en rédigeant un règlement à l’intention des instituteurs.

       En 1896, Georges est à nouveau candidat aux élections provinciales cette fois sur une liste des radicaux-socialistes. Il est à nouveau élu et est ainsi récompensé de son inlassable activité de conférenciers dans toutes les entités de la région hutoise. Ses sujets de conférence sont variés et prouve une grande érudition acquise en autodidacte : « coopératives alimentaire », « Histoire de la civilisation », « Les partis politiques en Belgique, leurs programmes, leurs tendances…  ».

       Le 22 mai 1898, Georges est élu au parlement sur une liste progressive-socialiste. Il restera député de très longues années jusqu’en 1946. Après la première guerre mondiale, aura lieu le 16 novembre 1919 le premier vote au suffrage universel pur et simple. Le parti ouvrier obtiendra plus de 5% des voix et trois élus. Le parti ouvrier est alors appelé au gouvernement et c’est le député de Waremme Joseph Wauters qui devint ministre du travail. Les socialistes devront cependant attendre 1921 pour fêter leur premier bourgmestre. Ce sera Crespin à Vierset.

       En 1900, on inaugure à Vierset la Maison du Peuple. Georges Hubin, au nom du conseil communal, adressa quelques paroles aux invités à la maison communale puis tous se remirent ensuite en marche pour arriver quelques minutes plus tard, à « La Maison du Peuple », l’objet de la manifestation. Le local était coquettement garni ; aux fenêtres, sur toute la façade étaient suspendues des lampes vénitiennes, des guirlandes, des fleurs coupées dans les bois où dans les champs de Vierset. En un instant, les différentes places furent prises d'assaut par la foule. Un groupe de Hutois se mit à chanter « Honneur et Gloire », « A l’Commune de Vierse », « Qui rote d’accoërt », « Divin l’voïe dè progrès » puis différents orateurs prirent la parole.



Vierset : Maison du Peuple

       En 1902, le parti ouvrier tende de mettre fin au vote plural. Des grèves éclatent partout, notamment dans les carrières et en particulier à la carrière « Regissa » où Georges était présent. Deux gendarmes furent blessés et Georges Hubin fut poursuivi en justice avec plus d’une dizaine de comparses. Il fut condamné à un mois de prison ferme et à 4 mois de prison avec sursis. En appel sa peine fut transformée en 5 mois de prison !



La maison que Georges construisit en 1904 de ses mains, 19, rue vallée de Hoyoux entre Modave et Vierset-Barse à proximité de la carrière du syndicat « Là-bas ».


Sur le linteau de la porte de sa maison, Georges avait sculpté un visage, celui de sa femme

       Georges eut le malheur de perdre son épouse le 5 février 1906 lors de la naissance de sa petite fille Simone.



       Il sublima son chagrin en sculptant l’image de sa chère épouse chassée de sa couche par la souffrance, appuyée au montant de son lit. Le socle porte l’inscription : En souvenir de ma femme bien-aimée née Arnold et le 13 juin 1875 - 23 février 1906 et notre chère petite Simone Georgette qui n’a vécu que cinq jours.

       En 1909, il se remarie avec Léonie Mathot. De cette union naquit Anna puis Fernand qui, adulte, se prit aussi de politique à l’image de son paternel. Léonie se dévoua sans compter pour son mari et tous les enfants. 

Lors de la Première Guerre mondiale : Georges Hubin, patriote rejoint son régiment à 51 ans

       Le 2 août 1914, à l’âge de 51 ans, Georges décide de reprendre du service. Il rejoint à Anvers, son régiment. On le loge dans une salle de danse.  On lui offre en considération avec son âge, un lit et il refuse. Il veut dormir comme les jeunes sur la paille. Vaincu par la fatigue, il finit par sommeiller quand, tout à coup, il sent un chatouillement sur ses pieds. Il s’éveille et voit la propriétaire des lieux, une bonne vieille, occupée à le couvrir d’une couverture…

       Sa présence au front fut interrompue par son envoi à l’arrière, en France où on plaça notre député à la présidence de la Commission de recrutement de Versailles, puis de Chartres jusqu’en 1916 où il est nommé membre du tribunal des sursis à Paris. Jusqu’à la fin des hostilités il déploya aussi son talent de conférencier et sillonna de nombreux départements tout en faisant connaissance du milieu artistique français. Il devint ainsi un admirateur du sculpteur Bourdelle, du dessinateur Steinlein, du graveur Jou et du chanteur Charloun Rieu chantre provençal !

L’entre-deux guerre

       Rien ne vaut la description de Georges que celle faite par le Pourquoi pas le 20 aout 1920 :

       «  Fortement charpenté, une main large faite pour saisir les plus lourds fardeaux, la voix s’enflant brusquement comme une crue d’orage, l’air jovial et batailleur, sûr de lui, prompt aux colères, aux rires et à l’attendrissement, des yeux bleus tour à tour impérieux et naïfs » sous la broussaille des sourcils, tel apparaît le condrusien Hubin, fils d’une race laborieuse, finaude, équilibrée, volontaire et qui n’a pas attendu l’entrée dans ta langue française du mot  « struggle for life » pour défendre son droit à une vie moralement et physiquement meilleure. Il semble que quand il débarque au parlement, venant de son village, il apporte à ses souliers la glaise des bords du Hoyoux, coulant entre les carrières où il s’occupe, et que ses habits aient la bonne odeur de l’herbe, des arbres et des eaux du ruisseau aiguisées par le cresson des prochaines fontaines. Il y a autour de Hubin comme une atmosphère de loyauté et d’honnêteté fruste, quelque chose de sain, venu du peuple qui travaille au grand air, et vigoureux comme lui ». 

       Le 17 juillet 1921 fut inauguré le monument aux morts de Vierset. Il était dû à l’initiative de Georges, fait en « petit granit » provenant de la carrière du syndicat et représentait une femme offrant une palme à un soldat. La sculpture est sans doute son œuvre.




77 jeunes gens partirent combattre, 8 ne revinrent pas. Six réfugiés français reposent au cimetière communal.

       Le 5 octobre 1931, on fêta à Vierset ses quarante ans de vie politique. Dans la Maison du Peuple. Voici un extrait du discours de Louis De Brouckèrel :

       « Depuis 33 ans, qu’il siège à la chambre, il a su conquérir une place prépondérante et a rendu des services par ses interventions énergiques, mais utiles. Hubin est dans cette situation enviable qui le fait craindre par beaucoup et estimer par tous. Je voudrais parler davantage du penseur, du bon solidaire de Modave qui, en sabots et la pipe au bec, lit les nombreux bouquins de sa bibliothèque. L’ouvrier Hubin est un de ceux qui ont le plus dévoré de livres, et chaque fois qu’il a lu un livre, il ne se met à rejeter la pensée de son auteur, mais ce qu’il pense à propos de ce livre.

       Mais je voudrais surtout, vous dire un mot d’un Hubin dont on parle moins, mais qui cependant pour moi est le plus important. Je suis sûr que cela fera surtout plaisir à mon vieil anti lorsque je lui dirai que, s’il est un bon socialiste, il est et reste un bon ouvrier. J’ai toujours pensé qu’au jour où le socialisme aurait émancipé le prolétariat, l’ouvrier serait tel que Georges Hubin le préfigure. Connaissant ses droits, il a compris aussi la dignité morale et l’excellence du travail manuel. Tailleur de pierres, il sait aussi travailler le bois et le métal. Il a su comprendre que l’usine de l’avenir ne sera plus un bagne, mais un endroit où travaillant librement de ses mains, il montrera la noblesse du travail manuel. J’éprouve pour Hubin une sympathie, une affection et une admiration particulières.

       Au nom du conseil général, De Brouckère remit à Hubin un magnifique tableau de Koening et, ce qui dut lui faire plus de plaisir encore, l’insigne de l’Ordre du Travail.

En mars 32, Georges va bientôt atteindre sa 69ème année et le personnel de « sa » carrière de granit « là-bas » lui offre un fauteuil. Dans le bureau de Georges, administrateur délégué, on demande à Fifi Dubois, un des derniers survivants des fondateurs de cette coopérative d’accueillir le fêté. Fifi commence son discours par « Djor !...nom di djo !.... Puis, termina ces mots par un sanglot, trop ému pour continuer. Georges mit fin à la gêne de Fifi et de l’assemblée : « A-ha ! Dj’î so, on m’apwète on fôteûy po m’fé compridre qui dji n’so pus bon qu’à m’ripwèzer » (Ahaa j’y suis, on m’apporte un fauteuil pour me faire comprendre que je ne suis plus bon qu’à me reposer).

       Alors Fifi retrouva ses esprits et dit à son vieux camarade

« Nonna sés-se Djor ! nom di djo, c’est po cwant’ti sères vî » (Mais non sais-tu ! nom de Dieu, c’est pour quand tu seras vieux)

       Nul hommage ne pouvait aller plus droit au cœur de Georges qui répétait souvent : « Est vî qui vout » (Est vieux qui le veut)

Au début de la drôle de guerre, à 76 ans il veut s’engager à la Légion Etrangère ! Puis il bouscule Degrelle au parlement !

       Le 5 septembre 1939, il quitte la Belgique avec fracas pour s’enrôler dans la légion étrangère. Il avait alors 76 ans… Naturellement refusé en raison de son âge.  Quelques mois plus tard, Hubin s’illustre en plein Parlement en crachant à la face de Degrelle qui avait mis en cause son honneur de militant politique. C’était le 5 mars 1940. Degrelle prononçait une longue diatribe contre les socialistes. Il fut interrompu par Georges qui se sentant visé s’exclama : Pourquoi me regardez-vous en disant cela ?

       Degrelle voulut continuer son discours mais Georges se lança vers la tribune et parvient à bousculer le rexiste juste avant l’intervention des huissiers. La séance est interrompue et à sa reprise, le président de la chambre explique qu’il est obligé d’exclure le député Hubin selon les prescriptions réglementaires. Emu, Hubin prit alors la parole :

        «  Non seulement, dit-il, je ne m’insurge pas contre la mesure annoncée par monsieur le Président, mais l’étais décidé, avant qu’elle ne fut prise, à vous demander contre moi cette sanction. Mais je vois encore, à cette tribune ce pauvre Bodart[4], pleurant devant les infamies répandues contre lui. Outre mon tempérament bien connu, il y a n’en 1914, alors que rien ne m’y obligeait, J’ai repris le service dans l’armée, que mon fils aîné est mort en Allemagne, que mon second fils est revenu de la guerre invalide à cent pour cent, que mon troisième fils est maintenant mobilisé, prêt à faire son devoir avec le même cœur que ses aînés. Si je rappelle cela, ce n’est pas pour en tirer vanité, c’est pour expliquer ce qui, dans la circonstance présente, m’a poussé à certains emportements que parlementairement, je suis le premier à regretter. Je tiens aussi à souligner que le discours de l’honorable pré-opinant n’a été applaudi que par les communistes et les nationalistes flamands. Là, monsieur le Président, est ma vengeance ».

       Sur les bancs libéraux, socialistes et catholiques Hubin est alors longuement applaudi lorsque le puni Hubin traversa la salle pour sortir.

La Deuxième Guerre mondiale : Georges Hubin, 77 ans rejoint l’armée !

       Douze jours plus tard, Georges Hubin, rejoignit comme soldat à Maldegem la batterie d’artillerie où servait son fils Fernand. Bousculé de cantonnement en cantonnement, cet artilleur de 77 ans inspira de l’admiration à tous ses compagnons. Cependant le destin le sépara de son fils quand il reçut l’ordre de gagner la France à pied. Arrivé à Dunkerque, il voulut s’embarquer pour l’Angleterre, erra un bon moment avant d’être arrêté par un officier français qui s’inquiétait de l’équipement militaire que le vieillard portait. Finalement libéré, il parvint à s’embarquer et arriva à Bournemouth. Il y resta huit jours avant de repartir pour la France où, finalement, il rejoignit Saint-Jean-de-Luz où s’était réfugiée sa famille. Il s’occupa là en aidant les transfuges à traverser les Pyrénées et en se passionnant pour les carrières d’un village proche appelé curieusement Verdun-les-Cabannes et dans lesquelles il découvrit des marbres superbes qu’il rêvait d’exploiter !



       Georges Hubin se jura de ne rentrer en Belgique qu’avec les Anglais. C’est ce qu’il fit. Le 22 octobre 1944, on fêta à la Maison du Peuple de Vierset son retour ! A travers sa joie, on reconnaissait cependant un homme fort éprouvé par la mort de son fils Georges, invalide de la Première Guerre mondiale,  en 1943.



Léonie et Georges

       Nommé ministre d’État le 3 septembre 1945, membre du Congrès national wallon, Hubin éprouva encore la douleur de perdre son épouse Léonie et sa fille Lucie. Il voulait, comme pour sa première épouse, sculpter son monument funéraire pour Léonie. Il avait dans ce but transporté chez lui un bloc de granit mais affaibli, il n’eut plus la force de le travailler. Lui-même s’éteignit à Modave le 29 juillet 1947. Le 2 août, on le conduisit en grandes pompes à sa dernière demeure.



Gendarmes et trois escadrons du 1er Lancier formèrent l’escorte d’honneur

       Le 1er octobre 1950, on inaugura son monument devant la maison communale.





       En 1994, Robert Collignon, ministre président de la région wallonne prononça un discours devant ce monument à la mémoire du pionnier que fut Georges Hubin. Sa conclusion pertinente s’adresse encore à nous, 31 ans plus tard, en 2025 :

       « Le socialisme n’est pas une lutte démodée. Le socialisme ne sera jamais une traite tirée sur le passé. Le socialisme, c’est toujours demain ! A l’aube du troisième millénaire et devant le retour des thèses d’extrême droite, réductrices, simplistes et xénophobes, forts du combat et de la réflexion des anciens, à l’instar de ceux menés par Georges Hubin, nous avons le devoir moral de nous dresser contre les vieux démons qui refont surface. Je voudrais vous exhorter toutes et tous à demeurer vigilants à l’effet que notre démocratie, reconquise de haute lutte par nos aînés il y a cinquante ans, ne soit pas mise à mal par quelques démagogues sans scrupules. Nous avons le devoir de faire barrage à l’extrême droite. Je suis sûr que vous saurez, toutes et tous, vous mobiliser. »

 


Modave en juillet 2025 par le Dr Loodts

point  [article]
Le Monument aux Morts qui jouxte la Maison communale aurait été sculpté par Georges Hubin

Georges a sa « Place » à Modave

Devant la Maison Communale, Georges observe « sa Place »

Sur cette plaque commémorative figure le nom de Fernand Hubin, fils de Georges

Etat actuel du monument sculpté par Georges Hubin à la mémoire de sa première épouse ! A quand sa restauration ? (photo datant de Juillet 2025)

Sous la sculpture, la dédicace en mémoire de son épouse décédée des suites de son accouchement et de sa fille Simone Georgette qui ne vécut que cinq jours

En ce mois de juillet 2025, la maison de Georges Hubin semble tristement laissée à l’abandon ! Qui la sauvera de l’oubli ?

La porte par où passa tant de fois le courageux Georges Hubin !

Le linteau sculpté par le Ministre d’Etat Georges Hubin !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Pierre Jacques, né à Viemme le 1er mai 1842 et décédé à Moha en 1921. Le conseil communal lui rendit hommage en appelant la rue des écoles, « rue Pierre Jacques »

[2] Cette carrière appartient aux zones naturelles protégées Natura 2000.  "Cette carrière de petit granit, ouverte dans le versant droit de la vallée du Hoyoux au nord de Pont de Bonne, comprend une excavation allongée, limitée vers le nord par une remarquable paroi rocheuse en dalle d'une hauteur maximale de 70 m; les deux autres flancs sont plus irréguliers et davantage colonisés par la végétation chasmophytique (e.a. Melica ciliata, Sesleria caerulea). Les abords supérieurs sont boisés et inclus dans le site Natura 2000 des vallées du Hoyoux et du Triffoy; un minuscule replat occupé par un lambeau de pelouse domine une partie du flanc ouest. Le fond de la carrière a été aménagé en pâture à chevaux 

[3] Vote plural :

En 1893, le suffrage censitaire pour les hommes est remplacé par un système de suffrage universel plural pour les hommes. Cette mesure a pour effet de modifier la base même du système électoral. Sous le régime censitaire, seuls les hommes payant un cens suffisant avaient la qualité d'électeur. On supposait en effet qu'ils attachaient de l'importance au maintien de l'ordre et des institutions. L'instauration du suffrage universel plural pour les hommes ouvre la voie à une meilleure représentation de l'opinion publique au sein des institutions. Tous les hommes peuvent voter, néanmoins certains ont plus de voix que d’autres selon l’état de leur fortune.

[4] Le député Jean Bodart fut une figure de pointe dans le mouvement ouvrier chrétien. Il lutta au parlement constamment contre les rexistes.

Le 15 mars 1936, Jean Bodart dénonce le rexisme dans La Vie nouvelle. Sa position est reprise dans une brochure intitulée, Rex, la folle et criminelle aventure. Léon Degrelle réagit aussitôt en déterrant l’affaire de la Banque du Nord, créée en 1926 pour encourager et faciliter l’épargne ouvrière. Bodart était commissaire de cette banque dont le directeur est, à la suite de certaines opérations financières, condamné en justice. Degrelle forge son argumentation à partir des articles publiés en novembre 1930 par J. Valschaerts, directeur du quotidien conservateur de Charleroi, Le Rappel lequel insinuait que Jean Bodart avait été « spécialement rémunéré ». Bodart intente un procès à Degrelle qui est condamné le 17 juin 1936 par le tribunal de Charleroi pour articles « injurieux et mensongers », publiés dans l’hebdomadaire Rex.

- une voix supplémentaire pour les chefs de famille occupant une habitation représentant 5 francs d'impôt personnel au moins

- un vote supplémentaire pour les hommes qui sont propriétaires d'un immeuble d'une valeur d'au moins 2.000 francs ou qui perçoivent une rente ou des intérêts d'au moins 100 francs par an

Avec l'instauration du suffrage universel plural pour les hommes, le nombre d'électeurs fait un bond spectaculaire : représentant quelque 2 % de la population, il passe à plus de 21 % de la population.

 



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