Médecins de la Grande Guerre

Centenaire de l'installation du CISLA dans le château de Gaillon

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1914-1918 :

Gaillon et sa région aux côtés de la Belgique

Jean Baboux
Jean-Louis Breton
Patrick Loodts
Isabelle Masson-Loodts
France Poulain
Bernard Le Dilavrec

Centenaire de l'installation du CISLA dans le château de Gaillon

                                                                                             Gaillon – Dimanche 26 avril 2015
                                                                                               Discours de Bernard Le Dilavrec,
                                                                                                            maire de Gaillon.

       « Le 24 décembre 1914, le capitaine-commandant Neuray, officier belge aux brillants états de service, arrive à Gaillon. Pas grand monde pour l'accueillir en cette veille de Noël car le maire de l'époque, Camille Rouen, était mobilisé.



Venant du monument aux morts, le cortège arrive au château.

       Le premier adjoint ne rencontrera le nouvel arrivant que quelques jours plus tard ! Le capitainecommandant s'installe dans le château dont une grande partie est mise par la France à la disposition - de l'armée belge. Il a pour mission de créer et de diriger dans ces lieux un centre d'instruction des sous-lieutenants auxiliaires d'infanterie (CISLA) car après les terribles combats de l'été et de l'automne 1914 l'armée belge manque cruellement d'officiers.



L'arrivée des personnalités.

Il ne perd pas de temps: les cours de la première promotion débutent le 15janvier 1915 ; la dernière promotion sortira le 31 janvier 1919. Au total, plus de 3 500 officiers seront formés à Gaillon.

       Dès les premières semaines et jusqu'aux derniers jours, le comportement de ces militaires belges va être particulièrement apprécié des Gaillonnais et les échanges avec la population seront nombreux et chaleureux. Pour preuve cette lettre, envoyée au journal local par un groupe d'élèves-officiers, le 26 janvier 1915. On peut y lire le passage suivant : « Nous tenons à exprimer toute notre gratitude pour l'aimable accueil qui nous est réservé par les si avenants Gaillonnais et les si gracieuses Gaillonnaises ». Elles devaient être bien gracieuses en effet les Gaillonnaises puisque je ne peux pas m'empêcher d'évoquer Valère Muyssen[1], jeune et séduisant officier belge, qui tomba sous le charme de l'une d'entre elles; il l'épousa après la guerre et vécut plusieurs années à Gaillon où il est d'ailleurs enterré. Voilà un bien bel exemple de l'entente franco-belge. Avançons un peu dans le temps. Nous voilà le 18 septembre 1927. Ce jour là Gaillon est pavoisé aux couleurs belges et la population s'est massée, nombreuse, dans la rue principale. La Municipalité, les autorités civiles et militaires du département accueillent une délégation belge conduite par le lieutenant-général Louis Bernheim, un héros de la guerre, ancien inspecteur général de l'infanterie. Ce 18 septembre 1927, à cet endroit précis, il remettait à la ville la plaque en bronze qui vient d'être nettoyée et que nous allons dévoiler dans quelques instants; bientôt elle sera refixée dans un endroit bien visible. Quatre-vingt-huit années de silence succédèrent à ces faits et petit à petit l'oubli fit son œuvre. Je mesure tout l'honneur qui m'échoit d'être, en 2015, le premier maire de Gaillon à raviver les liens qui ont uni la ville à la Belgique. Ce fut d'abord le 7 mars dernier quand, avec



Dans la cour pavoisée aux couleurs de la Belgique, tout est en place. La cérémonie peut commencer.

une délégation gaillonnaise, nous sommes allés nous recueillir, dans le nord de la Belgique, sur le monument élevé en l'honneur des 380 officiers formés au CISLA de Gaillon et morts au combat. Ce fut ensuite quand, le lendemain, nous avons rendu hommage, à Walcourt, dont



La plaque vient d'être dévoilée. À gauche se tiennent le président de l'ARC et, près de la plaque, le ministre de la Défense belge. Le maire de, Gaillon est entouré des deux neveux de René Glatigny, élève au CISLA en 1918. A droite, la députéebourgmestre de Walcourt représentant le village où ce dernier était né.

deux élus sont aujourd'hui présents, à deux officiers du CISLA de Gaillon et que nous avons remis la médaille de la ville à deux de leurs descendants ; l'un d'entre eux, Constant Sournois, est aussi présent parmi nous. Comment exprimer ce que je ressens en cet instant précis,



Le 8 mars 2015 à Tarcienne (Belgique). Remise de la médaille d'or de la ville de Gaillon à M André Mechelynck, fils de Jacques Mechelynck-Masson, élève au CISLA en 1915.

quand, à mes côtés, se tiennent monsieur le ministre de la Défense belge, monsieur l'ambassadeur de  Belgique en France et madame la députée-bourgmestre de Walcourt ? C'est avec une profonde et sincère émotion que je les remercie, ainsi que toutes les personnes présentes, d'être là aujourd'hui pour cette touchante cérémonie du souvenir, qui va, sans conteste, relancer les relations belgogaillonnaises...

 

Vive l'indéfectible amitié franco-belge dans une Europe pacifiée ! »



Cent ans après, de jeunes soldats belges en formation ont foulé le sol de la cour du château pour rendre hommage à leurs aînés du CISLA et montrer que « l'indéfectible amitié franco-belge » évoquée par la maire de Gaillon est toujours une réalité.

 

 

 

 

Happy-end

 

Marguerite et Valère, une Gaillonnaise aux côtés d'un Belge...

                                                                                                                     Jean-Louis Breton

 

Quelques jours avant la tenue du colloque 1914-1918 : Gaillon et sa région aux côtés de la Belgique, l'ARC recevait un coup de téléphone de Régine Levaigneur. Cette habitante d'Ailly nous apprit qu'un belge, ayant suivi les cours du CISLA en 1915, avait épousé une Gaillonnaise après la guerre et qu'il reposait dans le cimetière de Gaillon ! Il était trop tard pour développer l'information lors des journées des 25 et 26 avril 2005. Dans les mois qui ont suivi, une rencontre et de nombreux échanges avec Annick Guilloux et Jacques Dévergée, petits-enfants de ce Belge inconnu des Gaillonnais d'aujourd'hui, ont permis de reconstituer l'histoire de cette idylle franco-belge.

       Valère Muyssen, fils d'instituteur, est né en Belgique le 14 avril 1894, à Proven, village de la province de Flandre occidentale, proche de la frontière française.



Cette photo figure dans l'album familial. Valère est-il parmi ces hommes du CISLA qui défilent dans la rue principale de Gaillon ?

       En août 1914 quand éclate la guerre, il vient juste d'avoir 20 ans ! Il est mobilisé en catastrophe ! Avec 40 000 autres recrues non équipées, il doit fuir devant l'avance allemande. Il est évacué en bateau vers Cherbourg puis vers Saint-Lo. Pendant quatre mois, il vit avec ses camarades dans une aile de la caserne, sans confort et sans cuisine. Dans les premiers temps, ils sont obligés d'aller mendier des restes de repas auprès des soldats français ; ils sont équipés avec des reliquats des grands magasins parisiens.



Sur le front.

       En janvier 1915, il est sélectionné pour aller suivre les cours du centre de formation des sous-lieutenants auxiliaires (CISLA) tout juste installé dans le château de Gaillon. C'est là qu'il rencontre Marguerite Bourgeois, fille unique de Gustave, mobilisé, patron d'une scierie à Sainte-Barbe-sur-Gaillon ! Affecté en mars 1915 au 3e régiment de ligne en tant que sous-lieutenant, il repart sur le front où il connaît les dures conditions de tous les soldats belges : humidité, boue, bombardements, violentes attaques allemandes. C'est un officier apprécié pour son courage, son sang-froid, son dévouement pour ses hommes : ainsi n'hésite-t-il pas à se jeter à l'eau pour sauver un soldat en train de se noyer.



Le 15 mars 1916, Marguerite envoie cette carte à Valère qui est hospitalisé. Cela prouve que depuis un an ils correspondent. Elle le vouvoie, lui adresse « ses amitiés sincères », mais termine par « Votre petite amie » !

       En janvier 1916, à 4 heures du matin, il est gravement blessé au crâne lors d'une attaque ennemie. Il est transporté à l'hôpital d'Hoogstade et reste dans le coma pendant huit jours : il doit être trépané. Par miracle il survit et part en convalescence dans sa famille à Proven. Un arrêté royal du 15 février 1916 le nomme chevalier dans l'ordre de la Couronne et lui attribue la croix de guerre. Six mois après sa blessure, il est rappelé par l'armée puis réformé.



Valère à l'hôpital avec une infirmière.

       Il est cependant désigné pour un service auxiliaire et envoyé à Gainneville, près du Havre, dans des ateliers de fabrication de munitions pour l'armée belge. Il est encore très faible. Il entre ensuite comme employé au service « Réponses aux lettres de demandes de secours du ministère de l'Armée » à Sainte-Adresse.



Portrait de Valère après sa convalescence. Sur sa poitrine sont accrochées la croix de guerre et la médaille de l'ordre de la Couronne.

       Après la guerre, il repart à Bruxelles, est libéré de ses obligations militaires à Pâques 1919, reprend ses études à l'université de Louvain et... épouse Marguerite Bourgeois à Gaillon le 22 septembre 1919 ! Ne cherchons pas à savoir comment Valère et Marguerite ont pu préserver et développer leur relation amoureuse dans de telles circonstances. Respectons l'intimité de leur histoire.



Valère et Marguerite avec Gilberte, leur première fille.

       De cette union naissent trois filles : Gilberte (née en 1920), Huguette (née en 1926) et Nicole (née et décédée en 1936). Jusqu'en 1923, Valère Muyssen occupe divers emplois administratifs dans des ministères au Luxembourg, à Anvers et à Paris. À la mort du père de Marguerite, le couple décide de s'installer à Gaillon et, en plus d'une petite activité agricole, ouvre un hôtel-restaurantpension de famille au 11, route de Paris. En 1939, Valère et Marguerite quittent Gaillon : ils achètent une propriété près de Dieppe, à Pourville, face à la mer. Quelques mois plus tard, la Seconde Guerre mondiale bouleverse une nouvelle fois leur vie et les empêche de réaliser leurs projets. Après 1945 ils remettent les bâtiments en état, assurent une petite activité agricole et dirigent une pension de famille – location de logements – camping. En 1958, pour leur retraite, ils s'installent en centre-ville à Dieppe.



L’hôtel-restaurant-pension de famille du 11, route de Paris à Gaillon.


Difficile d'installer une terrasse en 2016 !

       Marguerite décède le 7 avril 1979 et Valère le 19 juin 1989, à l'âge de 95 ans. Ils sont enterrés tous les deux à Gaillon.

       Aujourd'hui, la branche française des descendants de Valère Muyssen conserve de nombreux contacts avec les descendants des frères et sœurs de ce dernier restés en Belgique.



Le couple Muyssen repose au cimetière de Gaillon, dans la tombe au premier plan. Tout près, le carré militaire où se trouve la tombe de Joseph Van Peteghem, mort au CISLA en 1918. Les drapeaux français et belge continuent à veiller sur Marguerite et Valère.

       Voilà un bien bel exemple des liens qui ont uni et qui continuent d'unir Gaillon et sa région à la Belgique. Est-il unique ou existe-t-il d'autres Valère et Marguerite ? Les recherches menées pour le colloque continuent.

 

 

L'article qui précède reprend très largement deux documents :

·         un texte écrit par Valère Muyssen lui-même peu avant son décès à la demande de sa fille Huguette et trouvé par celle-ci... après sa mort ;

·         un texte écrit en 2016 par Annick Guilloux et Jacques Dévergée, petits-enfants de Valère et Marguerite.

 

 

L'ARC tient à remercier chaleureusement Annick Guilloux et Jacques Dévergée pour lui avoir communiqué ces précieuses informations ainsi que de rares documents de famille. Nos remerciements aussi à Régine Levaigneur : sans elle, l'histoire de Valère et Marguerite aurait peu à peu disparu des mémoires gaillonnaises

 

 

 



[1] Voir l’article suivant  «  Marguerite et Valère, une Gaillonnaise aux côtés d'un Belge... »



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